Textes William Humberset (avec Vincent Menichini)
Les supporters de l'OGC Nice ont joué un rôle important lors du rachat du club par INEOS et Jim Ratcliffe.
Joueurs, entraîneurs, présidents, actionnaires... A tous les postes, ça défile dans la vie d’un club. Les supporters, eux, restent. Ils supportent par définition, mais refusent de subir. C’est ce qu’ont montré les Ultras de la Populaire Sud au cours d’un rachat qui a été souvent indécis et parfois inquiétant pour les amoureux du Gym. Communiqués, banderoles, chants, boycott... Ils ont employé un maximum de moyens pour faire entendre leur voix, et parfois la manière forte. "Jamais pour soutenir telle ou telle personne. Toujours dans l’intérêt du club", précise l’un des six membres du “bureau”, la tête pensante de cette association de plus de 2.000 fidèles, capable d’entraîner dix fois plus de personnes dans son élan les soirs d’affluence à l’Allianz.
Le groupe de supporters le plus influent de la ville a soutenu Vieira fin janvier. S’est montré patient avec les Sino-américains par la suite. Et a pris fait et cause pour INEOS et les frères Ratcliffe à la fin. Deux camps se déchiraient, les Ultras sont, eux, restés toujours soudés. Autour du Gym, prêts à défendre le meilleur pour son avenir. Quitte à venir le faire face à la presse.
C’est ce qu’ils décident de faire le 24 janvier dernier, au cœur d’un mercato d’hiver traversé sans renfort. Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier sont partis, les supporters craignent que le coach les suive. A deux jours de la réception de Nîmes, trois personnes font irruption pendant la conférence de presse de Patrick Vieira."L’effectif a besoin d’être étoffé, il nous faut impérativement des joueurs à l’image de l’ambition de ce club, lit Grègory Massabo, le porte-parole du groupe. Nous attendons une réaction rapide et appropriée des actionnaires, quels qu’ils soient."
Sans nouvelles de Gauthier Ganaye, annoncé futur président, Vieira trouve du soutien dans cette opération de communication préparée. L’interview "Fake news" de Paul Conway, donnée quelques jours plus tard à Nice-Matin, n’apaise pas les tensions. Au contraire, l’Américain est exclu de la réunion suivante avec les supporters. Conway arrive en retard au centre d’entraînement, ouvre la porte en tirant sa valise et aperçoit déjà Chien Lee en discussions avec les membres les plus influents de la Populaire Sud.
"Toi, tu dégages ! On ne veut plus te parler, on ne veut plus entendre tes mensonges." Penaud, l’Américain repart comme il est arrivé, traînant sa valise derrière lui.
Toujours bien habillé, souriant, Chien Lee rassure davantage que Conway lors des réunions avec les Ultras. Mais ça ne suffit pas, les amoureux du club veulent du concret. En partance, Julien Fournier les reçoit une dernière fois pour leur demander de ne pas faire de vagues autour du club. Histoire de ne pas refroidir l’intérêt d’un éventuel futur actionnaire. Personne ne connaît encore le nom d’INEOS à ce moment-là. Certains membres du groupe pensent que Thierry Braillard servira d’intermédiaire pour un nouveau fonds d’investissement.
C’est le 4 avril, dans l’interview donnée par Bob Ratcliffe à Nice-Matin, que les supporters apprennent l’identité du milliardaire. Cela ne les convainc pas de se ranger immédiatement derrière ce projet. S’ensuit une période d’incertitude, de quête d’éléments probants. Le maire Christian Estrosi reçoit les supporters et les encourage à faire confiance à Jean-Pierre Rivère, qui n’a jamais coupé le lien avec eux. "Avec les supporters, on ne se doit rien, expliquera plus tard le président. Il n’y a aucune contrepartie entre nous. Je suis un homme libre. Ils ont cru à un moment donné que je leur mentais, peut-être parce qu’ils n’avaient pas tous les éléments. Et ils ont compris au fil des événements que ce n’était pas le cas."
Au gré des réunions, Gauthier Ganaye et Claude Li sont bousculés, Patrick Vieira est, lui, fragilisé. Sa prise de position est très mal vécue par ceux qui l’ont toujours soutenu. "Patrick, tu vas droit dans le mur. Tu le sais ça, n’est-ce pas ?" lui balance un membre important du groupe ultra. Des “anciens” sont encore plus virulents dans leurs propos, notamment avec Gilles Grimandi, dont l’attitude désinvolte envers des salariés n’est pas pardonnée. Réuni dans sa “villa”, le groupe prend une décision importante fin avril, qu’ils expriment à travers un communiqué ferme adressé aux actionnaires sino-américains:
"Vendez et cassez-vous"
S’en suit des banderoles virulentes contre Guingamp, un appel aux partenaires afin qu’ils ne renouvellent pas leurs contrats avec le club, le boycott des abonnements... La pression populaire ne retombera que le 21 août.
Ce jour-là, l’Autorité de la concurrence donne enfin son aval à INEOS. Bob Ratcliffe atterrit à Nice et rencontre les Ultras dans un café de l’aéroport. Sous le regard étonné des passants. "On a vu un homme simple, souriant. Qui nous a dit ce jour-là que son rêve était de voir Nice prendre 3 points en Angleterre lors d’un match de Ligue des champions."
Cette phrase marquait la fin du boycott des abonnements. Et le début d’une nouvelle ère grâce à cet inconditionnel soutien populaire, "toujours exercé dans l’intérêt de l’institution !"