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Ganaye, le sacrifié Le roman de la vente de l'OGC Nice, épisode 4

Textes William Humberset (avec Vincent Menichini)

Baladé par ses patrons, Gauthier Ganaye, le jeune dirigeant, n’aura été président de l’OGC Nice que sept mois

Il avait signé pour trois ans. Gauthier Ganaye ne sera resté au final que sept mois à la tête de l’OGC Nice. Robert Cassone n’avait guère duré plus longtemps en 2002... Le trentenaire débarqué de Barnsley en février n’a jamais été maître de son destin. Pendu aux décisions de ses patrons sino-américains, Ganaye a été embarqué, malgré lui, dans le tourbillon d’un rachat indécis. Lucide, il déclarera être "surpris si une offre de Ratcliffe n’arrive pas" dès la fin du championnat.

Considéré comme "un pion" par les supporters, prenant fait et cause des desiderata de Patrick Vieira, il a été bousculé, dénigré mais jure n’avoir aucun regret, si ce n’est celui de n’avoir pas été assez écouté par ceux qui l’avaient nommé.

Le dérapage lillois

Le “Chti” nourrissait de grosses ambitions pour sa première expérience de président en France après avoir été juriste au RC Lens, son club de cœur, qu’il encouragera sur Twitter lors du barrage d’accession. Mais son aventure dans le Sud n’a jamais été un long fleuve tranquille. Même son intronisation s’était faite dans le brouhaha et la précipitation.

Chien Lee et ses acolytes sont en effet pris de court quand Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier claquent la porte mi-janvier. Lui planche alors sur le mercato d’hiver de Barnsley, qui joue la remontée en Championship (D2 anglaise).

Son arrivée sur la Côte d’Azur était certes planifiée depuis novembre 2018 mais elle était programmée pour la fin de saison.

Le 1er février devient alors une journée marathon. Une voiture vient le chercher à deux heures du matin à son domicile anglais, dans le Yorkshire. Direction l’aéroport de Londres. Le temps de prendre une douche au centre d’entraînement du Gym et le juriste de formation est officiellement présenté à la presse en tant que président. Quelques heures après, un second avion de ligne le mène à Lille pour son premier match dans ses nouvelles fonctions. Quatre buts encaissés plus tard (0-4), Ganaye évacue sa frustration face aux micros et caméras. "Aucun joueur n’a été à la hauteur ce soir. On aurait pu joueur un deuxième match, on n’aurait pas été plus dangereux. On savait déjà que l’effectif avait des manques, ça confirme ce qu’on pensait."

Au soutien de Vieira

A l’issue d’un mercato hivernal traversé sans la moindre recrue, bien qu’il ait tenté de faire signer Steve Mounié sur la fin, la déclaration passe mal en interne. Face à l’emballement médiatique, Ganaye, resté dans le Nord pour profiter du dimanche en famille, appelle Patrick Vieira pour faire son mea-culpa. Une relation de confiance prend forme entre les deux hommes, renforcée par l’arrivée de Gilles Grimandi. Un mode de fonctionnement s’installe : Vieira gère le sportif, Grimandi et Louis-Jean le recrutement, Ganaye prend en charge les négociations.

Gauthier Ganaye et Gilles Grimandi - Photo OGC Nice Médias

Allan Saint-Maximin, qui a jugé plus important de soigner ses bobos que de se déplacer à Angers, est sanctionné financièrement par un président absent du voyage à cause du mariage de son meilleur ami. En Anjou, les dirigeants du SCO ne comprennent pas qu’un club comme Nice se déplace sans aucun représentant en tribune officielle. Sur le terrain, le Gym fait pitié. Vieira se sent abandonné mais commence à apprécier "le président Gauthier", comme il le présente.

Ce dernier n’est pas en position de force face à Vieira et accède à toutes les requêtes d’un coach qui est resté, malgré le contexte. Et puisque Chien Lee se déclare non vendeur après la visite de Bob Ratcliffe au centre d’entraînement, les nouveaux décideurs niçois se projettent sur l’intersaison à venir, dès début mars.

Il a vu Dolberg

Patrick Vieira a besoin d’un attaquant. Grimandi coche le nom de Kasper Dolberg en tête de liste. Ganaye participe à un rendez-vous avec l’agent du Danois, qui s’est déplacé sur Nice, et souhaite investir tout le cash à disposition pour boucler un transfert. Quitte à ne faire que des prêts sur les autres recrues éventuelles. A moins que l’actionnariat sino-américain accepte de réinvestir dix millions dans les caisses du club. C’est le message que Ganaye essaie de leur faire passer, histoire qu’ils fassent quelque peu "oublier" leur prêt de 22 millions contracté au Luxembourg pour se rembourser leurs premiers investissements.

La requête reste vaine. Ganaye sent le vent tourner lors de sa rencontre avec Bob Ratcliffe à Londres, en compagnie d’Alex Zheng. Pour lui, le rachat ne fait plus de doute, d’autant que ses patrons l’invitent à mesurer sa communication malgré la colère populaire qui monte. Ganaye donne le change avec les médias, milite pour les supporters au sujet des interdictions de déplacement et de la bière dans les stades et multiplie les rencontres avec les Ultras en privé. Les discussions sont animées, voire houleuses. Le natif de Saint-Omer comprend au bout de deux mois que ses meilleurs moments à la tête du Gym sont déjà derrière lui.

Bon vivant

Il trouve ça d’autant plus regrettable qu’il commence à prendre ses marques dans la région. Sa femme l’a rejoint dans la maison du Mont-Boron et l’encourage à faire fi des critiques, jugeant l’expérience positive pour son avenir. Cette dernière n’a pas froid aux yeux. C’est elle, la première, qui ira saluer Jean-Pierre Rivère lors de la première de son mari dans le costume de président du Gym à l’Allianz, contre Lyon le 10 février. “JPR” n’appréciera guère.

La famille, qui a le goût de l’aventure et du voyage, se plaît sous le soleil de la Côte d’Azur.

Gauthier emmène son fils à la crèche le matin, découvre les belles adresses pour les déjeuners du midi, le "Comptoir de Nicole" reste parmi ses favorites. Toujours partant pour partager une “mousse” avec les supporters, ce qu’il faisait déjà en Angleterre, le Nordiste est aperçu dans quelques établissements denuit. Au "Son des guitares", il pose fièrement avec les gérants. Ses détracteurs le décrivent comme "un jeune qui n’a pas les épaules pour être président d’un club comme l’OGC Nice".

Gauthier Ganaye lors d'un déjeuner avec les partenaires du club - Photo OGC Nice Médias

Dans les bureaux de la Plaine du Var, les divisions entre salariés pro et anti Rivère-Fournier engendrent méfiance et paranoïa. Ganaye, qui découvre le caractère versatile et peu crédible de ses patrons, estime que protéger Vieira est la meilleure manière de défendre les intérêts du club. Il accepte d’apposer une clause de départ au contrat du coach en cas de retours de Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier, tout en jouant les intermédiaires avec INEOS.

Persuadé que la vente serait actée fin juin au plus tard, il communique une liste de joueurs à vendre et à acheter et se plie aux exigences du clan britannique. Mais Chien Lee appuie des deux pieds sur le frein quand il s’agit de recruter, bien décidé à ne pas faciliter la vie des nouveaux acquéreurs. Pour certains, Ganaye subit. Pour d’autres il collabore à la stratégie néfaste des Chinois en laissant "pourrir" quelques dossiers, dont ceux de Walter Benitez et Malang Sarr, deux joueurs en fin de contrat en juin 2020.

Un chèque de 900.000 euros en poche

Alors qu’il s’estime "au chômage technique" depuis quelques semaines, Ganaye pose finalement sa démission lors du conseil de surveillance du 30 août. Il quitte le centre d’entraînement, la tête basse, pendu à son téléphone.

"Sur la fin, j’avais l’impression que j’étais en phase terminale d’un cancer à force d’entendre les gens me demander comment j’allais" lâche-t-il avec du recul.

Son contrat de mandataire social oblige le club à lui solder la fin de son bail. Le chèque d’un peu plus de 900.000 euros d’indemnités fait encore jaser aujourd’hui. Le jour de son retour au club, Jean-Pierre Rivère a été invité par le directeur financier du Gym à signer cet avenant. Il le fera, écœuré.

Gauthier Ganaye - Photo Nice-Matin

"Comme les Chinois, Ganaye s’est gavé sur le dos du club. C’est du pillage !" regrette-t-on encore dans les couloirs de la Plaine du Var. On pourrait lui reprocher aussi les ventes de Boscagli et Perraud à des sommes minimalistes - "les soldes d’été", pestent certaines voix - mais Ganaye préfère mettre en lumière le bénéfice de 20 % dans le secteur commercial grâce à Louison Auger, le directeur dont il a initié la venue et avec qui il partageait les matchs au stade, ainsi que la partie de foot à cinq du temps de leurs études communes à Lille.

L’ex-président devra digérer sa mise à l’écart avant de pouvoir revenir à l’Allianz. Resté dans la région, il a préféré ne pas venir contre l’OM, premier match de l’ère INEOS. La plaie était encore ouverte... Mais dans un futur proche, il retournera sans doute au stade, où il espère y voir briller Benitez, Dolberg mais aussi Patrick Vieira. "Persuadé" en mai que le coach quitterait le navire avec JPR et Fournier à la barre, Ganaye n’est pas encore certain que “PV” aille au bout de son contrat qui s’étire jusqu’en juin 2021.

Des touches à l'étranger

En attendant une nouvelle opportunité, le Nordiste a envie de découvrir les parcours de golf dans le sud. Les marques d’intérêt existent, déjà, à l’étranger, mais Ganaye attend un projet établi sur plusieurs années. Reconnaissant de l’opportunité offerte par les actionnaires sino-américains, il souhaite néanmoins rebondir avec d’autres hommes, sur du long terme, après onze mois à Barnsley et donc seulement sept à l’OGC Nice. Des investisseurs qui lui permettront d’être enfin jugé sur pièces, loin de toutes les chinoiseries qui ont gâché son mandat niçois.