Au READi Design Lab, l'âge moyen a quelque peu baissé, ce 18 mai. C'est une classe de CE1 de l'école Aimé Césaire voisine qui occupe les locaux. Ils y testent, pour la start-up nantaise Mobidys, un prototype de livre numérique accessible aux publics "dys" (pour dyslexiques, dysphasiques ou dyspraxiques). "Ce projet vise à produire des livres sur tablettes qui seront accessibles aux dyslexiques, explique Marion Berthaut, dirigeante associée de la start-up. La dyslexie, c'est un handicap, elle fait partie des troubles cognitifs. Les enfants qui en souffrent ont du mal à apprendre à lire, à automatiser leur lecture. Et donc nous allons les y aider avec le numérique. Nous proposons aux maisons d'édition de transformer leurs livres dans une version numérique accessible aux dyslexiques, la version FROG ("Free your cognition", soulagez l'effort cognitif)." Bayard a été séduit par le projet et 7 J'aime Lire sont aujourd'hui disponibles en version FROG.
Dans cette version améliorée, le texte est modulable. Les enfants peuvent agrandir la police, modifier l'écartement, mettre des syllabes en couleur pour bien les distinguer, voire écouter le mot qu'ils ne comprennent pas. Ces outils, inspirés des travaux des orthophonistes, donnent à chacun la possibilité d'adapter le texte à son niveau de lecture. "C'est vraiment un projet qui intéresse parce qu'il porte en lui l'idée de l'inclusion, souligne Marion Berthaut. Quand on a un livre à lire en classe, tout le monde doit pouvoir y avoir accès de la même façon. Même si on a un handicap, un trouble. C'est un réel besoin que le même livre soit étudié par tous, sans que cela ne perturbe la pédagogie du prof, mais toute de même de façon différenciée." Après un premier prototype, Mobidys travaille sur un second, non sans avoir recueilli les retours de parents d'enfants "dys" via l'Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh). Les enseignants consultés ont de leur côté souligné que l'outil était pertinent, y compris pour les enfants non "dys". Ce deuxième prototype est donc testé en parallèle par les deux publics.
"Les enfants sont pris un par un, dans un protocole de tests où ils vont avoir à lire quelques pages du J'aime Lire, soit dans la version FROG actuelle, soit dans une version prototype qui présente le menu et les pronoms, deux difficultés que l'on avait identifiées, de façon différente, reprend Marion Berthaut. Ils ont les deux livres, on compare ce qu'ils comprennent, le temps de réaction, la façon dont ils retrouvent telle ou telle option, pour se rendre compte si c'est intuitif ou pas." Une phase de test essentielle pour faire progresser le prototype. Noah et James, 7 ans chacun, ont déjà tenté l'expérience et sont unanimes "C'est plus facile de lire sur la tablette !" Pendant ce temps, le reste de la classe s'est vu proposer une initiation au numérique.
Créée fin 2015, Mobidys emploie désormais trois salariés et est incubée à Paris, à la Ruche. Mais pas question pour autant d'oublier ses racines nantaises. "Nous sommes basés à Nantes et c'est une grande chance, car ici l'écosystème de la création d'entreprise et de l'innovation technologique est formidable. On est soutenus par le dispositif French tech. Ils nous ont aidés financièrement pour l'étude de faisabilité. Sans eux, on n'aurait pas pu faire le premier prototype. Il y a vraiment beaucoup de dispositifs qui existent pour vous aider à entreprendre." Le succès rencontré auprès des enseignants a même donné envie à Marion Berthaut d'élargir encore son public potentiel : "La prochaine étape sera de tester dans les collèges, pas seulement au primaire. On cherche des collèges partenaires à la rentrée prochaine." Le message est passé.
Credits:
Stéphan Menhoret / Ville de Nantes