Des chiens et des hommes

Le chien, meilleur ami de l'homme. Les représentants de la médiation animale n'en doutent pas ! Éprouvée outre-Atlantique, cette méthode se développe depuis une quinzaine d'années en France. Rencontres avec des membres d'associations et des professionnels de santé qui défendent cette interaction bénéfique de l'homme avec son compagnon à quatre pattes.

Médiation animale, quèsaco ?

La médiation animale fait intervenir un animal auprès d’une personne pour son mieux-être. Il existe deux pratiques : l’une thérapeutique (thérapie assistée par l’animal, TAA), l’autre « récréative » (activité ou animation assistée par l’animal, AAA).

Thérapie assistée par l’animal : la TAA est pratiquée par des professionnels du monde médical ou paramédical, ayant reçu une formation en intervention animale. L’animal, médiateur entre le patient et le thérapeute, devient soignant. En complément des thérapies conventionnelles, cette méthode fait l'objet d'une évaluation.

On parle aussi de zoothérapie, d’intervention professionnelle en médiation animale, ou de thérapie facilitée par l’animal (TFA).

Activité ou animation assistée par l’animal : l’AAA permet d’améliorer la qualité de vie de personnes âgées, malades ou handicapées. Les activités sont organisées autour de l'animal. À son contact, la personne peut davantage s’exprimer, se libérer de ses angoisses, rompre son isolement. Ce type de médiation animale est notamment pratiqué auprès des malades d’Alzheimer. Les animateurs sont des professionnels ou des bénévoles formés.

« Le chien crée du lien. Il permet un toucher-plaisir pour des personnes âgées isolées, pour lesquelles le contact est difficile », raconte Claire Louison, responsable des animations à l’hôpital Broca (Paris 13e), spécialisé dans les soins gériatriques de longue durée. « Pour ces personnes, le toucher est avant tout assimilé à des manipulations quotidiennes peu plaisantes. Le chien rend le contact physique de nouveau agréable, sans enjeu. »

Un chien à l'hôpital

En 2002, la médiation animale fait son entrée à Broca. Le directeur de l’hôpital a déjà pour projet d’avoir un chien à demeure, explique Claire Louison, mais le dossier reste en suspens, compte tenu des nombreuses contraintes : « Il faut un référent pour le chien, puis un second quand le premier part en vacances, et un troisième au cas où ! C’est très compliqué à mettre en place. »

La rencontre avec Isabelle de Tournemire, fondatrice de l’association Parole de chien, leur apporte la solution. Pour Claire Louison, « c’est une formule clés en main : les bénévoles se portent garants de l’hygiène du chien, les comportementalistes, de sa sociabilité. En choisissant de travailler avec une association, et des bénévoles qui viennent avec leur propre chien, on gagnait en tranquillité. On évitait aussi le risque qu’un sentiment de propriété se développe chez les soignants et les patients à l’égard du chien. »

Quid de l’hygiène ? « On utilise du gel hydro-alcoolique pour les bénévoles et les patients, et on place une couverture sur le lit pour le chien. Il n’y a pas vraiment de contraintes hygiéniques pour les services gériatriques, contrairement aux zones d’isolement et aux zones aseptiques qui entourent les blocs opératoires. »

Quelques dates…

Créer du lien

Avant de fonder Parole de chien en 2002, Isabelle de Tournemire suit une formation en médiation animale au Canada : « Ses bienfaits sont davantage reconnus en Amérique du Nord qu’en France. » Elle organise aujourd’hui des visites auprès des personnes âgées à l’hôpital La Rochefoucauld (Paris 14e), et anime également des ateliers pour des adolescents atteints du cancer avec Djazie, sa chienne de 9 ans. C’est ce que l’on appelle des activités ou animations assistées par l’animal (AAA) : « Il faut un profil de résidents bien particulier. Ils doivent pouvoir interagir avec le chien, lui lancer un objet, lui donner un ordre, le brosser. L’animation crée du lien avec l’animal, mais aussi entre les personnes âgées qui sortent ainsi de leur bulle. »

Isabelle et Djazie, sa chienne de 9 ans

Des chiens triés sur le volet

Les bénévoles s’occupent des visites individuelles : « Il faut des chiens d’au moins 2 ans, pour qu’ils soient matures et ne risquent pas de blesser les résidents en voulant jouer. On sélectionne des chiens sociables, propres et bien éduqués. Le binôme chien-bénévole rencontre cinq ou six personnes une fois toutes les deux semaines. Chaque visite individuelle dure dix minutes, et il y a une pause après trois visites. On a constaté qu'au-delà les chiens sont fatigués. Ce n’est pas anodin pour eux d’aller dans de tels lieux, il faut penser à la chaleur, aux bruits, aux odeurs et aux contacts. »

Avis d'experte

L’association travaille avec Laure Lemaire, comportementaliste et intervenante en médiation par l'animal : « J’interviens lors du processus de recrutement des nouveaux chiens et lors des formations. L’association a besoin de l’avis d’un expert pour déterminer si le chien est capable de visiter un public de personnes âgées. Il ne faut pas qu’il devienne agressif sous le coup du stress, pour les patients mais aussi pour lui. Il est hors de question que le chien vive mal l’expérience. »

Priorité au chien

Les bénévoles doivent donc apprendre à repérer les signes de fatigue et de stress de leur animal, et le gratifier afin qu’il ne se démotive pas. Le bien-être du chien est primordial, au détriment parfois de celui du maître, fait remarquer Isabelle de Tournemire. « À la fin de chaque visite, les bénévoles doivent remplir des grilles détaillant les réactions des patients et du chien. Ils les envoient ensuite au référent de l’établissement, animateur ou psychologue, et à moi-même. Depuis peu, nous avons rajouté une ligne afin qu’ils puissent eux aussi exprimer leur ressenti. »

À l'hôpital Broca, Claire Louison le confirme : « La priorité est donnée au chien. Le bénévole doit s’effacer lors de ces rencontres, même s’il a aussi son rôle à jouer. Il doit être attentif à l’état d’esprit des résidents rencontrés. Les personnes en soins de longue durée peuvent avoir des changements d’humeur liés à leur pathologie. Leur état peut se dégrader rapidement et leur caractère s’en ressentir. Il faut accepter les refus et ne pas insister. »

Samba, chien visiteur depuis six ans

Duo gagnant

Bénévole depuis 2010, Nicole se rend deux fois par mois dans un Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) du 14e arrondissement de Paris en binôme avec Samba, son épagneul nain continental. Aujourd’hui âgé de 11 ans, Samba accompagne Nicole dès le début de ses visites. Il raffole toujours autant des attentions prodiguées par les personnes qu’il rencontre.

Faire évoluer les mentalités

En Seine-et-Marne, Marie-Ange Perulli est directrice adjointe de l’hôpital de Meaux. Elle dirige également le centre hospitalier de Jouarre. Cet établissement gériatrique prend en charge des patients d’USLD (unité de soins de longue durée) et d’Ehpad. En 2011, elle organise en partenariat avec la Fondation Adrienne et Pierre Sommer un colloque sur la médiation canine, qui réunit 300 personnes. Aujourd’hui, elle souhaite mettre en place à Jouarre un nouveau projet de soins : la thérapie assistée par l’animal (TAA). D’ici un an et demi, elle espère avoir à résidence un chien-soignant et travailler avec Handi’chiens. Cette association dresse des chiens à devenir des assistants de vie auprès des personnes atteintes d’un handicap moteur. Pour Marie-Ange Perulli, « c’est une question de sécurité. Je veux être sûre du chien, ce qui n’est pas forcément le cas avec ceux des bénévoles. En cas de morsure ou de problème, je suis pénalement responsable. »

Marie-Ange Perulli espère changer les mentalités en faisant venir Haribo, chien-soignant dans un Ehpad des Ardennes, au centre hospitalier de Jouarre à la fin du trimestre.

Pour en savoir plus

ASSOCIATIONS

Association française de thérapie assistée par l’animal (AFTAA) : association à but non lucratif, créée en 2006, qui offre une méthode thérapeutique basée sur la relation homme/animal.

Handi’chiens : association de loi 1901, créée en 1989 et reconnue d’utilité publique par décret du 7 mars 2012. Handi’chiens a pour mission d’éduquer et de remettre gratuitement des chiens d’assistance à des personnes atteintes d’un handicap moteur.

RECHERCHE ET FORMATIONS

L'École franco-canadienne de médiation par l’animal (EFCMA) délivre une formation à la pratique de la médiation par l'animal. La formation intègre différents partenaires animaliers mais le partenaire canin est mis en avant.

Diplôme universitaire (DU) de l’université Paris 13 : Relations homme/animal – Médiation, thérapie, et bien-être animal.

Fondation Adrienne et Pierre Sommer : organisation à but non lucratif, privée et indépendante, soutenant le développement de pratiques fondées sur les interactions positives entre l’humain et l’animal.

Institut français de zoothérapie : organisme de recherche et de formation sur les thérapies par médiation animale, créé en 2003.

BIBLIOGRAPHIE

Des animaux et des hommes, la zoothérapie : bibliographie sélective de la BNF.

Et également…

Chien visiteur : site consacré à l’activité « chien visiteur ». Il dispose notamment d’un annuaire, par départements et régions, permettant d'entrer en contact avec les intervenants.

Rédaction et photos : Anaïs Sybellas

Réalisation et montage vidéo : Guillaume Czyz

Secrétariat de rédaction et infographies : Sabine Harreau, Pauline Masure, Sandrine Piquel, Hiary Rakotoson

Remerciements à Claire Louison, Isabelle de Tournemire et Djazie, Laure Lemaire, Nicole et Samba, Marie-Ange Perulli

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