Cela n’aura échappé à personne. La société Walt Disney a racheté le célèbre 21st Century Fox pour un montant de 52,4 milliards de dollars. Le premier est en passe de confirmer son statut de plus important studio de cinéma au monde. On attendra bien sûr la validation des autorités américaines de la concurrence, mais si cette transaction est validée, elle pourrait bouleverser bien des choses sur le marché des plateformes de streaming vidéo (SVOD).

Et pour cause, Disney pourrait lancer courant 2019 sa propre plateforme de streaming. Le rachat de la 21st Century Fox n’a donc clairement rien d’anodin. En s’accaparant bon nombre de licences (X-Men, Deadpool, 4 Fantastiques, Avatar, Alien, Family Guy, American Dad, Les Simpsons, etc.) et plus de 60% des parts de la plateforme de streaming Hulu, Disney fait d'une pierre deux coups : renforcer sa stratégie de contenus par l’acquisition de licences phares (qui lui seront à terme exclusives) et détenir l’outil qui lui permettra de les diffuser. L’arrivée prochaine de ce nouvel acteur sur le marché du streaming vidéo nous rappelle à quel point il est devenu crucial pour ces plateformes de proposer des contenus originaux exclusifs à forte valeur ajoutée.

Au même titre que pour les plateformes de streaming de musique, l’exclusivité des contenus est devenue un élément stratégique marketing incontournable. Dans un paysage audio-visuel largement impacté par la digitalisation (multiplicité des offres, des écrans, chronologie de médias, etc.) le consommateur devenu infidèle a accès à une multitude d’offres (plus ou moins légales) pour répondre à ses besoins. La rétention et la fidélisation des utilisateurs sont devenues plus que jamais un enjeu majeur pour ces plateformes de SVOD en recherche de succès commercial et de stabilité financière.

Pour y parvenir ces plateformes ont transformé leur business modèle en ajoutant une nouvelle corde à leur arc. En plus d'être des plateformes de vidéo à la demande elles sont devenues elles-mêmes des sociétés de production. De ce fait, Netflix renforce année après année sa production de contenus originaux avec des séries phares telles que "Stranger Things" ainsi que les non moins connus "Orange is the New Black" et "House of Cards" pour ne citer qu’eux. De son côté, Amazon a racheté récemment les droits du Seigneur des Anneaux pour un montant de 250 millions de dollars. Ce dernier ne compte pas se reposer sur ses lauriers avec cette franchise. En effet, il prévoit d’investir entre 100 et 150 millions de dollars par saison pour produire une fiction explorant l’univers de Tolkien.

Le moins que l’on puisse dire c’est que cette stratégie se ressent sur les montants investis dans la production. Alors que Apple en comparaison prévoit d’investir 1 milliards de dollars dans la production de contenus originaux en 2018, Netflix prévoit sur ce créneau un budget de 7 à 8 milliards de dollars qu’elle investirait dans près de 80 films. Une enveloppe en net augmentation année après année (5 milliards en 2016 et 6 milliards en 2017). Le concurrent Amazon Prime Video a établi un budget de création de contenu de 4,5 milliards de dollars cette année et de 2,5 milliards de dollars pour Hulu. Des budgets qui montrent l’ampleur de l’enjeu : acquérir des droits de diffusion de productions extérieures c’est bien mais pas suffisant, il faut aller plus loin et produire en interne pour créer sa propre valeur ajoutée.

Si la production de contenus originaux est une stratégie coûteuse, elle s'avère en tout cas être une stratégie payante. Selon l'agence Nielsen, 15,8 millions de téléspectateurs américains ont visionné sur Netflix le premier épisode de la saison 2 de Stranger Things. Cela dans les trois premiers jours de sa sortie. Du côté de la concurrence chez HBO, c'est 16,1 millions d'utilisateurs qui ont regardé le premier épisode de la saison 7 de Game of Thrones le jour de sa sortie.

L’arrivée de Disney sur le marché du streaming peut-elle enrayée la machine Netflix ?

Il est clair que la force du premier couplée à celle de la Century Fox risque de faire quelques vagues. Si l’on met en perspective les chiffres de Bloomberg sur la représentation du box-office américain on note qu’en 2016 Disney et Fox en représentent à eux seuls près de 40% !

Imaginons que les deux studios continuent sur cette lancée, il ne fera aucun doute qu’une importante quantité de contenus sera l’apanage exclusif du Mastodonte. C'est ce que laisse présager Bob Iger le CEO de Disney qui prévoit de garder le contenu possédé actuellement par sa firme et celui de Fox pour sa future plateforme de streaming. Netflix et la concurrence devront redoubler d’efforts et de moyens financiers pour amortir l’impact. Néanmoins, ne perdons pas de vue que ce dernier dispose d’une large base d’abonnés qui a dépassé les 100 millions d’utilisateurs en juin dernier et dont plus de la moitié se trouve à l’international. Cela représente un atout non négligeable le temps que Disney déploie son offre de streaming à l’international. Ce qui, à n’en pas douter, demandera du temps.

"TV series always come and go on Netflix," said a company spokesperson. "Some of the older Fox series are going."

Vous l’aurez compris, il ne s’agit plus de proposer le même contenu que les concurrents et de seulement payer des droits pour acquérir des licences, mais bien de se différentier par la création de contenus originaux et exclusifs. Un moyen permettant d’apposer l’image d'une plateforme de SVOD sur une série ou un film. Un fin vecteur marketing pour attirer et retenir le plus longtemps possible les utilisateurs dans son écosystème. Disney ou Netflix ? Une chose est sûre, rares seront ceux prêts à souscrire à deux plateformes à la fois. La guerre des étoiles (de notation) ne fait que commencer.

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