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Vincent Pichette Être entraîneur au Japon à l’ère du COVID-19

Décidément, le volleyball n’a pas fini de faire voyager l’ancien attaquant-réceptionneur du Rouge et Or Vincent Pichette. Après un séjour en France en tant qu’entraîneur adjoint à l’équipe nationale, voilà qu’il occupe le même rôle, cette fois au sein des Panasonic Panthers de la V-League au Japon!

L’entraîneur-chef des Bleus, Laurent Tillie, a signé un contrat de quatre ans pour diriger la formation japonaise. Il a ensuite invité Pichette à le suivre dans l’aventure. « Ça fait environ un an que Laurent m’a appelé. L’entraîneur précédent, un Franco-Brésilien, avait déjà annoncé son départ à la fin de la campagne. Il retournait en France auprès de ses enfants. J’ai accepté le poste en novembre 2019 », explique celui qui a évolué de 1992 à 1996 avec le Rouge et Or.

Vincent Pichette (à gauche) est l'adjoint de l'entraîneur-chef Laurent Tillie. Crédit photos: ©︎PanasonicPANTHERS

Vincent Pichette a toutefois dû patienter beaucoup plus longtemps que prévu avant de pouvoir se rendre à Osaka afin d’amorcer son nouveau défi. La saison 2019-2020 de la V-League a pris fin le 29 février dernier. On connaît la suite. « C’est une île, et tout a été fermé. Au départ, même les ressortissants japonais ne pouvaient pas rentrer au pays! », lance Pichette. Le Japon connaît la recette pour passer au travers d’une crise semblable, après l’avoir vécu au début des années 2000 avec le SRAS.

« Ses habitants sont très, très respectueux du port du masque, et l’étaient avant même la pandémie. Puis, c’est culturel, ils ne se serrent pas la main et ne se font pas la bise. Résultat : dans le Grand Tokyo, dont la population est aussi nombreuse que le Canada au complet, il y a actuellement environ 200 cas de COVID-19 par jour. Ici, il n’y a pas de deuxième vague! »

Laurent Tillie et Vincent Pichette ont dû diriger les Panthers à distance pendant cinq mois. Chaque jour, ils avaient accès à du vidéo des entraînements et des exercices de musculation avec différents angles de caméra, en plus de statistiques. Ils sont demeurés à l’affût des annonces de déconfinement des autorités japonaises et quand leur tour est venu, les choses ont déboulé très rapidement. « Ça a pris trois jours! Quand j’ai pu faire les démarches pour obtenir mon visa, j’étais à Ottawa, à 10 minutes de l’ambassade japonaise. Je suis allé porter mon passeport, j’ai passé un test COVID qui devait être fait dans les 72 heures précédant mon arrivée. Quand j’ai reçu mon résultat négatif, j’étais à Dorval et j’embarquais dans l’avion une heure plus tard! »

Une fois à Osaka, il leur fallait toutefois être confinés en isolement pendant 14 jours. « C’est probablement ce que j’ai trouvé le plus dur! On nous prête un appartement et je vois quasiment le gym par la fenêtre. On a entraîné l’équipe à distance pendant cinq mois à des milliers de kilomètres, mais de le faire à nouveau alors qu’on est si proche… C’est comme si j’habitais sur la rue Myrand, mais que je ne pouvais pas aller au PEPS! »

Lorsque l’isolement de deux semaines fut complété, il n’y avait pas de temps à perdre; les Panasonic Panthers, l’une des deux meilleures équipes de la V-League ces cinq dernières années, jouaient leur premier match de la nouvelle saison une semaine plus tard.

« La routine s'est tellement installée rapidement que Laurent, qui a fini son confinement une journée avant moi, a oublié de faire les présentations. Quand je suis arrivé dans le gymnase le lendemain, les joueurs, qui sauf exception, ne parlent pas anglais, me pointaient du doigt en semblant dire à Laurent, ''on peut prendre une pause et se présenter officiellement?'' On a bien ri de cette situation, ça a permis de détendre l’atmosphère et de briser la glace! »

Trouver une façon de communiquer

La barrière de la langue est donc évidemment bien présente. Laurent Tillie et Vincent Pichette travaillent avec une interprète qui est pratiquement toujours présente auprès de l’équipe. « Notre traductrice attitrée est une ancienne joueuse de volleyball qui a évolué dans la NCAA aux États-Unis. Elle est américano-japonaise, donc parfaitement bilingue. Elle connaît la game, donc c’est elle qui traduit les instructions de Laurent durant les parties. C’est spécial, mais en même temps, c’est du volleyball, les athlètes savent quoi faire. Ça serait plaisant de pouvoir échanger plus, ça faciliterait nos rapports avec les joueurs, mais on trouve des façons. Et parfois, c’est le non-dit qui parle plus fort », explique Pichette.

Ce qui a surtout marqué Vincent Pichette à son arrivée à Osaka, c’est la mentalité de travail des Japonais. Très hiérarchique, remplie de règles non-écrites. « Par exemple, le staff ne peut pas quitter le gym tant que l’entraîneur-chef Laurent a quitté les lieux, ou leur a autorisé à le faire. Et si Laurent a quitté ou est absent, cette responsabilité me revient. Ils ne peuvent pas quitter si je n’ai pas quitté. Ça frappe, au début! »

Une sorte de retour aux sources

Ce n’est pas la première visite de Vincent Pichette au Japon. Il y est venu comme joueur, puis comme entraîneur lors de diverses compétitions.

« La semaine dernière, on s’entraînait dans le gym où j’ai moi-même joué il y a 25 ans. C’est vraiment spécial! »

Pichette faisait partie de l’équipe canadienne lors des Universiades d’été 1995 disputés à Fukuoka, au Japon. L’entraîneur adjoint de la formation unifoliée était nul autre que Pascal Clément, pilote du Rouge et Or de 1992 à 2020. « On s’était entraîné pendant deux semaines à Osaka, dans le gym des Sunbirds de Suntory, l’équipe pour laquelle jouait Gino Brousseau à l’époque. On était ensuite allé à Fukuoka pour disputer le tournoi. On était demeuré au Japon pendant cinq semaines et pour moi, ça a été une expérience absolument fantastique! J’ai changé ma game en observant les Japonais jouer. Des petits gars de 5 pieds 7 pouces qui frappent deux fois plus fort que notre plus gros gars, simplement par la vitesse de leur bras et du paquet de mouvements utilisés. »

L’inspiration japonaise vient aussi d’un entraîneur émérite qui a su faire sa place en notre pays. Ken Maeda était à la tête de la formation canadienne en 1984, lorsqu’elle s’est rendu jusqu’au match pour la médaille de bronze des Jeux olympiques de Los Angeles. Un revers qui leur conférait la quatrième place, mais qui demeure encore aujourd’hui le meilleur résultat canadien de l’histoire aux JO. « Le volleyball au Japon a un statut un peu mythique pour nous, à cause de Ken Maeda. Il a dirigé toute une génération, en passant par Paul Gratton, Terry Danyluk et Glenn Hoag. Ils ont été beaucoup influencés par Maeda et ses stratégies, et le Japon a toujours été bien spécial à leurs yeux. »

Du volleyball intelligent

Alors, la V-League japonaise, ça ressemble à quoi? « Les 10 équipes du championnat sont bonnes. C’est une ligue de vitesse, de finesse, d’agilité et de défensive. Ici, tu peux frapper aussi fort que tu veux, ça ne change rien. Eux autres, ils ramassent des cerises, ça a l’air facile! » raconte Pichette. « Il y a plus d’échanges, et ceux-ci sont plus longs. En Europe, c’est une game de service; soit tu fais le side-out, soit tu te fais exploser. Ici, il faut travailler l’aspect du jeu de transition, qui devient super important. »

Les parties, toutes télédiffusées, se jouent actuellement devant public, mais à la moitié de la capacité habituelle du Panasonic Arena qui peut normalement accueillir 3000 personnes. Toute l’équipe se fait tester pour la COVID-19 régulièrement. Depuis le début de la saison il y a un mois, aucune éclosion n’est survenue.

Les Panthers ont actuellement un bon mélange entre des vétérans qui ont une expérience de jeu internationale (Jeux olympiques, Coupe du monde) et de jeunes volleyeurs qui poussent pour faire leur place. « On se retrouve donc un peu à cheval sur une transition qui va se faire, mais en ce moment ça donne un bon résultat. On a comme mandat de continuer à développer les jeunes tout en demeurant performant. » Vincent Pichette a rapidement constaté la fantastique attitude des Japonais à l’entraînement. « Tu n’as jamais de discipline à faire. Les gars ont une éthique de travail absolument irréprochable. Et comme on a une équipe expérimentée qui a déjà gagné, ça rend bien des choses plus faciles. »

Deux ans, et puis on verra

Les étrangers qui s’installent au Japon doivent attendre un an avant de pouvoir obtenir leur permis de conduire, le temps de s’habituer à voir les voitures rouler à gauche. Vincent Pichette aura l’occasion de vivre cette transition, lui qui s’est entendu avec les Panasonic Panthers sur les termes d’un contrat de deux ans. De toute façon, les occasions de faire du tourisme ne sont pas nombreuses pour l’instant. « Si, sur une équipe nationale ou dans une équipe professionnelle, tu peux faire du volley 24 heures sur 24, ici, ça pourrait être 30 heures sur 24! Mais je m’y attendais, et puis, c’est notre métier. C’est un choix, on adore ce qu’on fait. » Pichette ajoute qu'il ne pouvait pas tomber dans une meilleure organisation pour vivre cette expérience dépaysante. « L'accueil du Club Panasonic a été impeccable jusqu'à maintenant. Ils sont extrêmement professionnels et ont le souci du détail. Quand je pense aux conditions dans lesquelles on évolue, je me trouve bien chanceux. »

Aimerait-il voir l’expérience japonaise se poursuivre au-delà de son contrat actuel? « On verra bien! Je suis arrivé ici sans prétention. On est au tout début de l’aventure, je ne peux pas dire que je connais encore ça énormément. Mais Laurent y est pour quatre ans, on verra s’ils veulent toujours de moi après deux! » À des milliers de kilomètres d’Osaka, on n’est pas trop inquiet.