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IMAGE DES QUARTIERS Médias : quelle influence sur l'image des quartiers populaires ?

L’IREV a inscrit à son programme stratégique 2020-2022 un cycle de rencontres dédié à la thématique de « l’image des quartiers » afin de : comprendre comment se forgent les représentations et l’image des territoires, faire connaître des démarches et des actions visant à agir sur l’image des quartiers et identifier les effets des actions, dispositifs, programmes qui visent directement ou indirectement à agir sur l’image des quartiers populaires. La 1ère rencontre sur ce thème a eu lieu le 29 septembre 2020 à l’École Supérieure de Journalisme de Lille et s’intitulait « Médias, quelle influence sur l’image des quartiers populaires ? ».

Pourquoi s’intéresser à cette question ? Le rapport publié par le CGET en 2019 est sans appel : les Français portent un regard sombre sur les quartiers « sensibles ». Il est vrai que les quartiers prioritaires de la Politique de la ville et leurs habitants peuvent connaître des difficultés multiples (cadre de vie parfois dégradé, précarité, délinquance). Pourtant, ils sont aussi le théâtre d’innovations, de solidarités et d’un dynamisme associatif reconnu. Ces représentations négatives peuvent être le résultat d’une image dégradée, parfois véhiculée par les médias, et qui ne reflète pas pleinement le quotidien des habitants. Face à ce constat, des acteurs développent d’autres moyens de communication qui donnent aux résidents des quartiers populaires la possibilité de s’exprimer. Des projets qui vont à la rencontre des habitants ou sont portés par les habitants eux-mêmes ou des associations locales.

  • Comment faire évoluer les représentations ?
  • Quel est le rôle du monde des médias ?
  • Quelles sont les marges de manœuvre des habitants, des associations et des administrations pour changer la donne ?

Retrouvez sur cette page web les enseignements tirés de ces travaux

Une synthèse rédigée viendra étayer les propos ci-dessous. Elle sera publiée sur le site de l'IREV.

Quartier Beauséjour, Noyon (Oise)

quels constats ?

Les habitant.e.s sont faiblement représenté.e.s dans les médias (notamment à la télévision).

Les représentations dans les médias nationaux et traditionnels sont peu nuancées et majoritairement stéréotypées. Les discours, les images et les sujets que l'on y trouve semblent réducteurs et centrés sur des évènements sortant de l'ordinaire (focalisation sur la délinquance au détriment des animations et de la vie de quartiers, peu d'images de quartiers rénovés, parole de l'habitant peu prise en compte...).

La presse locale semble refléter une image plus juste de la situation des quartiers de par sa proximité.

Quelles en sont les causes ?

Cette problématique est le résultat à la fois :

  • d'une méconnaissance du sujet (concernant notamment les préoccupations des habitants, les acteurs et les lieux moteurs de la vie de quartier...) ;
  • de contraintes liées à l’évolution du métier de journaliste (uniformisation des profils des journalistes, productivité et logique commerciale, contraintes de temps, peu de terrain...) ;
  • des formes d'exclusion des classes populaires de l'espace public (nécessité de maîtriser les codes de la prise de parole en public, difficultés d'accès à un réseau de journalistes et de défendre les sujets, défiance envers la profession...).

QUELLES conséquences potentielles ?

Les Quartiers prioritaires de la Ville (QPV) sont perçus négativement. Si les médias ne peuvent pas être les seuls mis en cause, le choix des sujets et les discours réducteurs diffusés à grande échelle sont susceptibles de renforcer et confirmer les préjugés, d'autant plus chez les personnes qui ne connaissent pas ou peu les QPV.

La mauvaise réputation engendre des effets pervers, elle atténue les efforts des politiques publiques et les réussites des acteurs locaux.

Exemples : spirale de relégation, stratégies d'évitements des quartiers et de leurs équipements (notamment scolaires), vacances des locaux commerciaux ...

La reproduction de stéréotypes dans l’espace public médiatique peut conduire à des comportements discriminatoires et des formes d'autocensure.

Exemples : stigmatisation des habitants (notamment les "jeunes" et les personnes perçues comme d'origine étrangère) ; difficulté à trouver un emploi ou un stage ; dévalorisation et manque de confiance en soi ; exclusion symbolique ; attitudes de rejet envers les journalistes...

Pistes de solutions

Si elles ne sont pas complétées par des politiques publiques ambitieuses pour lutter contre les discriminations, améliorer le cadre de vie et la situation socio-économique des QPV, les solutions proposées ci-dessous ne sauraient à elle seules changer l'image des quartiers populaires. Elles pourraient toutefois contribuer à déconstruire les représentations erronées attachées aux quartiers populaires et donner à voir la diversité des acteurs et des situations que l'on y trouve, sans toutefois nier leurs difficultés. Il s'agit ici de rétablir la nuance.

Concernant le monde des médias et de l'information

Les journalistes présents le 29 septembre ont évoqué la nécessité de faire évoluer les méthodes de travail vers davantage de proximité : encore plus de terrain, des reportages sur du temps long, diversifier les sources, adopter les conférences de rédactions participatives...

Participer à des actions d'éducation aux médias et à l'information et à des résidences de journaliste, afin de mieux connaître les publics, de partager son savoir-faire avec eux et produire ensemble des contenus multi-médias.

La formation des professionnels doit pouvoir aborder la question des discriminations et des enjeux sociétaux liés aux quartiers et plus largement aux minorités.

Diversifier les profils en proposant différents modes de recrutement et de formation.

Préconisations pour les pouvoirs publics et les acteurs des quartiers

L'engagement politique apparaît comme un élément essentiel pour une image plus juste des QPV, notamment en ce qui concerne les actions de communication et de relations presse :

  • relayer davantage les projets financés ;
  • adopter une communication positive et montrer les réussites des quartiers ;
  • montrer comment les acteurs essaient de surmonter les difficultés, les expliquer ;
  • donner la parole aux habitants des QPV dans sa communication.

Soutenir et développer des projets dans le cadre de la prévention et de la lutte contre les discriminations.

Soutenir et développer des projets culturels dans les quartiers et à propos des quartiers populaires :

  • soutenir la création artistique et multi-médias ;
  • réaliser des œuvres qui mettent en scène la réalité vécue par les habitants ;
  • soutenir la création et la pérennisation des médias de proximité ;
  • valoriser la mémoire des QPV.

Soutenir, créer et coordonner des projets d'éducation aux médias et à l’information.

  • organiser un repérage des acteurs du territoire (médias de proximité et acteurs de l'EMI) ;
  • organiser des résidences de journalisme, des ateliers EMI dans les QPV ;
  • Enfin, dans dans une logique citoyenne, afin de renforcer les capacités d'analyse de chacun et contrer les raccourcis menant à la stigmatisation de certains publics, il semble intéressant d'élargir les publics cibles de l'EMI.

Aller vers l'élaboration d'un programme ou d'une politique d'EMI (à l'échelle du contrat de ville ?) avec une stratégie et des moyens propres.

Outils et acteurs mobilisables :

L’éducation aux médias et A l'information (EMI)

La DRAC Hauts-de-France et le ministère de la Culture accompagnent les projets d'éducation aux médias et à l'information (EMI). Ces projets comprennent notamment les résidences de journalisme, en partenariat avec les territoires (communes et EPCI).

Le réseau EMI'Cycle, EMI’cycle est le réseau d’acteur·trice·s de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) de la région Hauts-de-France. C'est un réseau unique en France, qui s'est constitué sur la base du volontariat et dont l'association Carmen (Amiens) est pilote. Il est soutenu pour son caractère expérimental par la DRAC. Le réseau recense sur son site internet les différents appels à projets EMI en région, des ressources et propose une cartographie des acteurs de l'EMI de la région.

Les fonds de soutien à la création de médias et de productions audiovisuelles

Le fonds de création "Images de la diversité" du Centre national du Cinéma (CNC), a pour objectif de soutenir la création et la diffusion des œuvres cinématographiques, audiovisuelles, multimédia ou de jeux vidéo contribuant à donner une représentation plus fidèle de la réalité française et de ses composantes et à écrire une histoire commune de l'ensemble de la population française autour des valeurs de la République, et favorisant l'émergence de nouvelles formes d'écritures et de nouveaux talents, issus notamment des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité (FSMISP). Depuis 2016, le ministère de la Culture a décidé de créer un fonds de soutien pérenne dédié aux médias d'information sociale de proximité. Ces médias font l'objet d'une attention particulière car ils contribuent à la vigueur du débat démocratique local en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et sont un vecteur d'informations et un facteur de cohésion sociale. Ils contribuent à valoriser l'image des territoires et à la faire évoluer et permettent à un large public de se familiariser avec la pratique journalistique, participant ainsi de l'objectif d'éducation aux médias.

Les appels à projets Politique DE LA ville

L'Agence des quartiers

L’@gence² débute son activité et a pour objectif de transformer l'image des QPV en les valorisant médiatiquement, et ainsi, contribuer à les revitaliser. Pour ce faire, l’@gence² est à la fois agence d’informations (elle propose un fil d'informations, alimenté par les antennes régionales, valorisant des acteurs des QPV) et agence de formation (elle forme de jeunes journalistes issus de QPV en apprentissage). Depuis septembre 2019, une agence régionale est implantée à Roubaix.

L’ANNUAIRE VUE DES QUARTIERS

Pour diversifier les sources des journalistes, l’association d’élus Ville&Banlieue ainsi que BFMTV se sont associés pour créer un annuaire qui recense des acteurs des quartiers qui souhaitent se faire connaître des médias pour apporter un autre regard.

Cité du Pinson (Sabatier) - Raismes (Nord)

Exemples inspirants en région

La websérie documentaire "Mozart est à nous"

Ce projet audiovisuel raconte les mutations des quartiers Nord d’Amiens. Découvrez 15 portraits illustrés en vidéo, photos ou dessins d'habitants, médiateurs, bailleurs, ou architectes, réalisés par Flora Beillouin et Quentin Obarowski, avec l'association CARMEN à Amiens.

« Médias : les quartiers vous regardent »

Il s'agit d'un projet documentaire réalisé par un collectif de journalistes indépendant·e·s. Composé d’une web-série et d’un cycle d’éducation aux médias, il explore le traitement médiatique des quartiers populaires et le fossé qui s’est créé entre les « périphéries » et les journalistes. Cinq épisodes vidéo donnent la parole à des habitant·e·s de quartiers populaires dans toute la France, pour amorcer une réflexion collective sur les solutions à mettre en place pour améliorer nos pratiques journalistiques. Co-production La Friche / Collectif ŒIL, sur une idée originale de Lucas Roxo

L’École Supérieure de Journalisme de Lille et sa prépa égalité des chances.

Il est essentiel que les journalistes issus des écoles de journalismes soient représentatifs de la diversité de la société française. Les jeunes issus des milieux moins favorisés en sont souvent écartés en raison des modalités d'entrées sur concours : un mode de recrutement jugé élitiste. la prépa égalité des chances de l'ESJ Lille souhaite réunir les moyens pédagogiques et matériels pour permettre à ces jeunes de préparer et tenter les concours des écoles de journalisme avec les mêmes chances de réussite que les jeunes issus de milieux plus favorisés.

Radio Bois-Blancs

La webradio expérimentale et contributive des habitants du quartier Bois-Blancs à Lille, classé en géographie prioritaire. Cette radio invite les habitants à partager leurs découvertes culturelles (musique,cinéma..), à raconter leur quotidien ou encore à interviewer un voisin, un commerçant, une association...

Les habitants du quartier du Pile s'affichent sur les façades des immeubles à réhabiliter

Soutenue par le programme « Rêve et réalise » de l’association Unis-Cité , l'exposition photo "Regarde Roubaix" a été réalisée par la photographe Anouk Desury. Pendent 6 mois elle a photographié les habitants chez eux, pour casser les représentations qui leurs sont associées. Les photographies ont été placardées sur les façades des maisons du quartier, à l'occasion du festival "Pile au Rendez-vous" organisé par l'établissement culturel du quartier La Condition Publique.

Photo : Anouk Desury
Les Aviateurs - Bois-Blancs, Lille (Nord)

Découvrez encore plus d'expériences et de propositions issues des travaux d'autres centres de ressources Politique de la ville :

Credits:

Inclut des images créées par 46173 - "reporter journalist film team" • Shutterbug75 - "camera aperture digital camera" • congerdesign - "newspapers paper stack press"