Sex and the City : et le monde découvre le Rabbit
A la fin des années 90, HBO lance une série centrée sur 4 New-Yorkaises célibataires. Pendant 6 saisons Carrie, Charlotte, Miranda et Samantha accompagneront les spectateurs et leur feront découvrir un aspect encore méconnu du grand public : la sexualité féminine solitaire. Avec 20 ans d’avance, (peut-être plus ?) Sex and the City se pose ainsi en pionnier pour évoquer le plaisir sexuel féminin. Nous sommes à l’épisode 9 de la saison 1 et lors d’un brunch entre les 4 amies, Carrie expose sa dernière trouvaille. « Je pense que je suis amoureuse » réplique-t-elle. Des doutes s’installent alors autour de la table mais la réponse est cinglante : « Tu n’as pas encore découvert LE Rabbit. » Visionnaire. Charlotte se laisse enfin tenter par ce vibro, dont elle est persuadée qu’il ne remplacera jamais un homme. Elle en tombe à son tour amoureuse. Un beau jour d’août 1998, un objet de 22 centimètres, rose fuschia qui vibre et tournoie s’apprête à changer la vie d’un nombre incalculable de femme. Exagération ? A peine. Depuis la diffusion de l’épisode « Le lièvre et la tortue », les ventes du petit lapin bondissent de 700%.
La genèse du Rabbit se situe au pays du Soleil-Levant, où, pour contourner une loi visant à interdire la production de sextoys réalistes, le patron de Vibratex, Shay Martin, désign, en bon roublard, des vibromasseurs à tête d’animaux. En 1984, année de l’œuvre qui dépeint une société dystopique, Shay Martin apporte au monde, l’utopie d’une sexualité féminine décomplexée. Dix-huit ans plus tard, le Rabbit se trouve au chevet des téléspectatrices de Sex and the City qui se précipite dans les boutiques pour en faire l’acquisition. Les femmes étaient donc prêtes à investir dans un objet de qualité, beau et qui répondait à leurs besoins. Tout ce qui leur manquait était un déclic. Merci Carrie.
Le lapin ne cesse alors d’évoluer. Désormais eco-friendly, le Rabbit connaît une transformation physique en utilisant des matériaux sans danger pour le corps. C’est aujourd’hui un véritable bijou de technologie qui est proposé à la vente et dont les coûts de recherche et développement sont aussi élevés que celui du dernier iPhone. Après une perte de vitesse au milieu des années 2000 due à la démocratisation du tierce objet pour renouveler sa sexualité, le Rabbit connait une seconde jeunesse à l’orée des années 2010 avec l’entrée, sur le marché des accessoires du sexe, des produits hauts de gamme. La recherche du Rabbit idoine pour accompagner votre sexualité prend un peu plus de temps au vu du nombre de déclinaison qu’il existe du petit lapin. Le plaisir ultime se loge dans les détails et il faut toute l’expertise d’un conseiller spécialisé pour acheter juste. Et ça, les Français commencent à le comprendre. Selon un sondage Ifop de 2017, 27% des français se rendent dans un magasins spécialisé pour faire leurs achats.
Il ne manque alors au Rabbit qu'à trouver son terrier.
Ce matin, un Rabbit
Une petite ruelle du secteur gare, une vitrine fumée, mais que cache cette discrète devanture dont on ne peut distinguer l'intérieur ? Seuls quelques mots sur la façade confirment que le commerce est ouvert, pousser cette porte est comme entrer dans l’inconnu. Ouvrir la porte, c’est plonger dans l’inconnu, version hard . Si c’est votre première fois, le choc sera imminent dès que vous aurez entrevu les premiers produits présentés. Un merchandising unique en son genre, une lumière artificielle dans un espace de 25m2, un comptoir, des vitrines, et un petit couloir sombre et intrigant en fond de boutique. Nous voici dans l'antre de Système X, le dernier sex-shop d’Angers.
Sur la gauche, dès l’entrée, un pan de mur tout entier dédié aux DVD, qui sont classés par catégories. Les différents accessoires consacrés aux plaisirs sexuels sont exposés dans les vitrines. Des menottes aux martinets en passant par les plugs, ces éléments viennent tapisser le fond de la boutique. Proche du comptoir, les derniers bijoux de la marque Lelo côtoient les Magic Wand. Dans l'îlot central, le Rabbit tente tant bien que mal de se faire une place. Au bout d’un couloir, on découvre un nouvel univers. Des néons rouges, une ambiance encore plus assombrie que dans la partie boutique et neuf portes qui mènent aux cabines, le saint des saints et l’essence même et la particularité des sex-shops. Dans chaque cabine un siège, un écran, des mouchoirs, une poubelle. Pour des plaisirs à plusieurs, un espace partagé, garni de fauteuils en cuir, de glory-holes (nldr : orifice destiné à des pratiques sexuelles) et de cabines communicantes finissent d’agencer un espace intime. La place en cabine est à 11 euros, pour une durée illimitée et un panel de 32 films qui défilent en boucle et sont renouvelés toutes les deux semaines. Les sextoys trouvent leur place dans la boutique mais comme l’explique Vincent, employé de Système X depuis 4ans, « les produits et jouets sont un peu Old-School, dans la lignée du sex-shop conventionnel, mais on essaie de pousser vers des produits nouveaux et new-tech ». Une clientèle à 60% masculine, homosexuelle compris dans une tranche d’âge entre 35 et 70 ans.
A l’heure ou la sexualité se renouvelle en permanence et se démocratise, les sex-shop comme celui-ci sont-ils appropriés à toutes les populations et à l'émancipation du plaisir sexuel ? Leur pérennité est-elle mise en danger ?
Le Rabbit rentre, enfin, dans son terrier
Une nouvelle mise en avant est enfin arrivée pour le Rabbit et les accessoires du sexe, depuis le début des années 2010. Une mode venue des pays scandinaves, qui s’est peu à peu étendue et est devenue l’emblème de tous les fantasmes : les love-stores. De grandes enseignes s’installent peu à peu et émergent en France pour combler tous les désirs. Des décorations soignées, de grands espaces, une immense gamme de produits à la vente, et le Rabbit, exposé sous son plus beau jour, en déclinaisons toutes plus high-tech et colorées les unes que les autres… le tout sublimé par une ambiance chaleureuse. Bienvenue dans le love store, le supermarché de tous les désirs.
Plus que jamais mis à l’honneur, le Rabbit est plongé dans un univers très féminin et glamour, avec plusieurs espaces distincts et catégorisés. Deux magasins se posent en référence du genre : Dorcel Store et Oh Darling!. Plus d’espace et donc une multitude d’articles mis en vente, et pour ces deux magasins, hormis la décoration propre à chacun, une ambition similaire : il y en a pour tout le monde et pour tous les goûts. “Des nouveautés il y en a tout le temps, c’est fou. Des nouveautés technologiques, des nouveautés de formes, de textures, et à chaque fois ce sont des choses extraordinaires", analyse Gaël Vérité, responsable du dernier magasin que la franchise Dorcel a ouvert à Angers. Au sein de ces deux boutiques, on retrouve quelques similitudes, mais surtout des différences par rapport au sex-shop traditionnel. La première est la diversité des produits ainsi que leur présentation. Des étagères au design épurées viennent mettre en lumière les produits. Les sextoys ainsi que d’autres jouets et “gadget plaisir'' sont à la pointe de la technologie, produits par une grande diversité de marques. Des espaces lingeries de qualité, des livres/BD, des gammes de produits « bien-être », et surtout un marketing “sensuel” viennent compléter le tableau.. Marc Liopé, directeur d’Oh Darling!, décrit son magasin comme « chaleureux, et agréable avec une décoration fournie et recherchée ». Le responsable du Dorcel Store parle lui d’une volonté « d’instaurer la confiance dans une ambiance où nous restons présents pour accompagner le client. »
Une clientèle timide, peu habituée à ce genre de magasin et pour qui le climat de confiance peut s’avérer très important. “On ne confie pas sa sexualité dans un environnement peu inspirant”, assure Marc Liopé.
Depuis sa création et sa présentation au grand public, le Rabbit n'a jamais cessé de voyager, de changer d’environnement et d’évoluer. Carrie pourra alors présenter les lapereaux à une nouvelle génération de femme à l’heure où Sex and the City revient sur les écrans comme l’a annoncé HBO Max le 10 janvier 2021.
Du lapin sauvage au lapin crétin, les femmes ont enfin réussi à l'apprivoiser et faire de lui un lapin domestique.
Concocté avec soin par Chloé Valeix et Thomas Tabareau
Merci à toutes les personnes qui nous ont aidés à réaliser cet article.
- Vincent et François du Système X d'Angers
- Gaël Vérité et Aurélia du Dorcel Store d'Angers
- Marc Liopé et l'équipe d'Oh Darling d'Angers
- Coralie Noblet