Qu’est-ce qu’une maraude ? La maraude consiste à aller vers les personnes qui vivent à la rue. Tout au long de l’année, les équipes composées de professionnel.le.s et de bénévoles des associations jouent un rôle primordial en allant à la rencontre des personnes à la rue pour leur apporter une écoute, une aide de premier secours et amorcer un parcours d’insertion. La persistance et la diversification des phénomènes de pauvreté ont rendu indispensable cet "aller vers" qui constitue l’essence des maraudes notamment pour les personnes les plus désocialisées et ne sollicitant plus le droit commun.

L’association Foyer International d’Accueil et de Culture (FIAC), avec qui nous avons effectué la maraude, a été créée en 1952 et a développé au fil des années des dispositifs chargés de l’accueil, de l’accompagnement et de l’hébergement des personnes sans-abri, mal logées et en situation de précarité. Ses missions sont réparties en 5 pôles (Insertion, veille sociale, étranger, logement et adaptation à la vie active). Celui qui nous intéresse aujourd’hui est le Pôle Veille Sociale, qui comprend un Service Intégré d'Accueil et d'Orientation (SIAO), le numéro d’appel d’urgence 115, un accueil de jour, une équipe de rue et… P.A.M.E.L.A en milieu rural.

P.A.M.E.L.A c’est quoi ? C'est le Point Accueil Mobile Écoute Liaison Accompagnement. Un camping-car qui va à la rencontre des personnes en difficulté dans les zones rurales. En effet, après avoir observé et constaté un nombre important de personnes précaires vivant en milieu rural (situation administrative compliquée, sans domicile fixe, en logement insalubre, en squat, hébergé chez un tiers....) et de fait éloignées de nombreux lieux d’accueil, le dispositif P.A.M.E.L.A a vu le jour pour aller vers ces personnes.

Le camping car c’est : une équipe avec trois intervenantes sociales (Morgane, Joëlle et Lisa) ; des permanences du lundi au vendredi ; sept villes concernées et des déplacements directement chez les personnes qui ne peuvent pas se déplacer ; un lieu d'accueil pour une écoute attentive, un moment d’échange convivial, une douche, une collation, un café, une soupe, des actions collectives, des jeux de société ; une orientation vers les partenaires et les dispositifs les mieux adaptés aux personnes ; un accompagnement tourné vers le numérique ! Un dispositif indispensable donc, dans une région marquée par la pauvreté.

EN ROUTE !!!

Objectif : rendre visibles les personnes dites "invisibles"

10h – Montée dans le camping-car

En milieu rural, les personnes touchées par la précarité sont moins visibles que dans les grandes villes, et sont donc parfois d’autant plus isolées. Peu ou pas de transports, éloignement des administrations de proximité, vivant parfois en zone grise ou blanche, sans smartphone, sans ordinateur, sans internet : c’est la réalité à laquelle font face les personnes précaires en milieu rural. L’objectif est donc d’aller directement à la rencontre des personnes dites invisibles, de leur permettre de trouver un relai pour les accompagner.

10h30 - Rencontre avec Philippe

Philippe vient toutes les semaines dire bonjour. Il s’installe sous le auvent du camping car avec nous, nous buvons un café. Bien que relogé depuis quelques années grâce au travail effectué avec les intervenantes sociales, P.A.M.E.L.A reste important dans sa vie : c’est l’occasion d’échanger, de faire le point, garder un lien.

Aujourd’hui, il nous explique qu’il a un problème : son forfait de téléphone a changé depuis le mois d'août et depuis, impossible de renouveler son crédit, donc impossible de communiquer. Il nous raconte "Je suis coupé du monde, je peux appeler personne, ni mon entourage ni aucune administration, aucun service, aucun médecin... tout ce dont on a besoin dans la vie quoi !". Il ajoute "J’avais fait une rencontre dans une annonce parue dans la Voix du Nord et puis finalement on avait parlé pendant un moment et là depuis septembre plus rien, plus rien parce que pas de téléphone."

Morgane : "C’est un monsieur qui avait une connexion avant, il faisait beaucoup de choses sur Internet. On l’informait de nos venues dans sa petite ville par mail, on lui communiquait tout ça mais depuis le déménagement, plus de connexion Internet, le téléphone c’est compliqué, l’ordinateur il n’en a plus… et il n’a pas d’abonnement Internet parce qu’il n’en n’a pas les moyens."

Elle nous explique que les personnes sont isolées géographiquement, qu’il n’y a pas de réseau partout, que les lieux ressources sont souvent très éloignés. Non véhiculé et avec un réseau de transport en commun peu développé, Philippe marche beaucoup. Là où il vivait avant, il n’y avait pas de service public, pour aller à la Poste il devait marcher 40km.

Morgane nous précise que les demandes les plus fréquentes sont liées à la sécurité sociale, au RSA, aux retraites… Concernant les personnes les plus jeunes, il s’agit surtout d’accès à la formation, de recherche d’emploi…

Site internet des administrations, rendez-vous chez un médecin, sites de rencontres, réseaux sociaux, horaires de cinéma, culture générale, divertissement... si aujourd’hui nous sommes tou.te.s obligé.e.s de passer par internet, encore faut-il y avoir accès !

Un meilleur équipement pour un meilleur accompagnement

11h30 - Rencontre avec Francis

Nous assistons à un entretien. Francis vient pour ouvrir ses droits à un minima social et doit renvoyer ses fiches de paie sur 20 ans dans un délai restreint. S’il ne le fait pas, il devra retourner à la case départ et refaire un dossier. Pendant que Joëlle prend le dossier papier de Francis, Morgane fait du reporting sur l’ordinateur professionnel. Morgane nous explique que l’ordinateur, elles l’utilisent tout le temps pour leur activité professionnelle, mais aussi pour les démarches des personnes. Mais, problème : lorsque l’une d’entre elles a besoin de l’ordinateur pour une personne, l’autre ne peut pas faire le reporting. Il y a donc une perte de temps dans leur activité.

Morgane : "C’est notre ordinateur, avec nos informations professionnelles, les dossiers confidentiels des usagers... donc on peut pas se permettre de le prêter. Alors en attendant, nous restons à côté des personnes pendant qu'elles font leurs démarches, ou pire, nous faisons à leur place. C'est gênant parce qu'il est essentiel que les personnes aillent vers l'autonomie, c'est un des buts du travail social. Avoir des ordinateurs séparés serait un premier pas vers cette autonomie, cette indépendance."

En bref, être équipé de manière adéquate permet de rendre autonomes les personnes face à leurs démarches, de leur apprendre les bases du numérique et de permettre de dissocier matériel professionnel et matériel à destination des personnes.

12h30 – P.A.M.E.L.A repart sur la route

Nous montons dans le camping-car avec Morgane. Nous discutons de l’enjeu d’intervenir en ruralité. L’arrondissement montreuillois est découpé en deux : côté urbain il y a des possibilités de trouver des lieux comme des médiathèques etc., mais "en ruralité il n'y a rien : deux, trois CIAS [centres intercommunaux d’action sociale] mais pas d’accès au numérique et les bornes CAF souvent ne fonctionnent pas."

L’équipe est en train de faire un travail de recensement des lieux ressources, pour orienter les personnes afin qu’elles n’attendent pas la prochaine permanence de P.A.M.E.L.A pour faire leurs démarches. En plus de ce recensement, le travail de l’équipe passe aussi par la prise de contact avec les mairies et un repérage en journée des habitats insalubres, des maisons abandonnées qui pourraient être des squats où vivent des personnes pouvant avoir besoin de P.A.M.E.L.A. "En ruralité, il faut rendre visibles les personnes invisibles en allant les chercher là où elles pourraient. Ça demande un gros travail de communication, avec les maires notamment, qui ont connaissance des difficultés que peuvent rencontrer les habitants de leur commune."

PAMELA : un relai indispensable

La précarité en milieu rural, qu’elle soit liée au manque de mobilité, au non accès au numérique... accroît les risques de non-recours aux droits des personnes et d’isolement social. Le passage de P.A.M.E.L.A dans différentes villes permet aux personnes d’avoir une solution pour ouvrir, maintenir leurs droits et créer, renforcer le lien social.

Morgane nous parle de l’exemple de deux femmes qui venaient voir P.A.M.E.L.A pour leur actualisation de droits car elles n’avaient pas accès à Internet dans leur logement. Comment les personnes feraient sans P.A.M.E.L.A ? Morgane : "Elles ne feraient… pas. P.A.M.E.L.A c’est important dans la vie des personnes. Par exemple, pour faire un CV, les personnes elles sont à trois quart d’heure de Pôle Emploi, donc elles préfèrent le faire avec nous, et puis l'accompagnement est plus rapproché, nous pouvons parler des autres sujets aussi. Et le Covid a empiré les choses : tout est de plus en plus dématérialisé, les rendez-vous en présentiel dans les administrations se font très rares : tout passe par Internet."

Demain PAMELA c’est quoi ?

C’est la possibilité d’offrir aux personnes l’accès au numérique : aussi bien sur le dispositif P.A.M.E.L.A que le 115. En offrant cet accès, les personnes pourront se saisir de l’outil numérique pour créer/maintenir le lien avec leurs proches, s’informer, se divertir, faire leurs démarches en ligne.

Sabine, responsable des pôles logement, veille sociale et insertion conclut : "C’est permettre de rendre la personne autonome. P.A.M.E.L.A, on y va pas toute la vie, c’est un passage à un moment donné permettant à une personne d’être accueillie et accompagnée. On dira, vous avez à disposition une tablette, un ordinateur, on peut vous montrer comment l’utiliser. L’information va circuler, les personnes vont se passer le mot, en plus d’être un lieu d’accueil, P.A.M.E.L.A permet de créer des liens, une ouverture sur le numérique, et donc sur ses droits !".

Demain, P.A.M.E.L.A s'écrira P.A.M.E.L.@