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L’histoire incroyable de Véronique et son faon, sauvage et domestique à la fois

Reportage : Cristel Joiris

RECUEILLI DÉBUT JUIN À L’ARTICLE DE LA MORT, BAMBI A TROUVÉ EN VÉRONIQUE UNE MÈRE DE SUBSTITUTION. DEPUIS, LA BRABANÇONNE VEILLE SUR CE JEUNE CHEVREUIL COMME SUR UN ENFANT. MALGRÉ SA SEULE VOLONTÉ DE LE VOIR RETROUVER UN JOUR LA LIBERTÉ, IL EST DEVENU UN MEMBRE DE LA FAMILLE…

Si le nom donné au faon qu’elle a recueilli il y a cinq mois n’a rien d’original, l’histoire de Bambi et Véronique, habitante de Piétrebais (Incourt dans le Brabant wallon), s’apparente à un joli de conte de fée.

Tout a débuté le 1er juin. « Nous étions sur notre terrasse et nous avons entendu des cris, explique Véronique Grandjean, 52 ans et maman de jumeaux de 14 ans : Max et Emma. Nous pensions d'abord que c’était des oiseaux. Nous sommes montés à l’arrière de notre jardin où se trouve un bosquet.»

«Là, mon mari et moi nous sommes retrouvés nez à nez avec deux faons qui venaient juste de naître. Nous ne les avons pas touchés en espérant que la maman vienne s’en occuper… »

Mais les cris persistent jusqu’au lendemain matin. « Le lendemain à 5 heures du matin, j’avais mal au cœur d’entendre cet animal continuer à pleurer. Je suis remontée voir dans le bosquet, l’un avait disparu, l’autre n’avait pas bougé d’un centimètre. Il avait encore le cordon ombilical accroché et du sang sur lui. Je me suis dit que s’il restait là, il n’allait pas survivre. »

«Alors, je l’ai ramené à la maison dans une couverture. J’ai essayé de lui faire boire du lait mais il n’en voulait pas.»

Véronique et son mari téléphonent à tous les vétérinaires du coin pour savoir ce qu’ils doivent faire. « Nous sommes tombés sur un super docteur d’Hamme-Mille, Sébastien Delgoffe, qui nous a conseillé de lui donner du lait de brebis. Par le plus grand des hasards, il avait lui aussi récemment recueilli un faon donc il savait ce qu’il fallait faire.»

«Le vétérinaire m’a dit que si petit, il doutait fort que ce faon puisse vivre plus longtemps que trois jours.»
Sur les conseils de son vétérinaire, Véronique donne du lait de brebis à Bambi, pendant ses premières semaines de vie. (Photo: Isabelle Charlier)

La famille Dereau se met alors à la recherche d’un refuge qui puisse l’accueillir et prendre soin de l'animal avant de pouvoir lui rendre sa liberté. « Nous avons téléphoné à tous les refuges du coin, à la SPA, à des centres vétérinaires, personne ne pouvait nous aider.»

« Où que nous appelions, “non, nous ne pouvons pas vous aider”, était la seule réponse que nous entendions... »
Bambi, âgé de trois semaines

Dépitée face à ces refus, Véronique continue alors à veiller sur l’animal qu’elle baptise Bambi. « J’en ai pris soin comme si c’était un enfant »…Le faon n’a jamais voulu quitter le périmètre de la maison de sa mère d’adoption. L’histoire dure depuis cinq mois et se révèle être assez incroyable.

3 à 4 heures d’attention par jour

Depuis qu’elle l’a recueilli, Véronique s’occupe de Bambi trois à quatre heures par jour, voire plus. « Je ne peux pas le laisser seul car il a encore besoin de moi pour s’alimenter la journée. Je ne travaille pas pour l’instant. Je ne quitte donc jamais la maison plus de quelques heures. » D’autant qu’elle est la seule personne avec qui l’animal accepte de s’alimenter.

« Il n'accepte pas de manger avec mon mari ni avec mes enfants. »

Dans les premières semaines de vie, Véronique le nourrit d’un biberon toutes les quatre heures. « Aujourd’hui il le prend encore le matin et le soir. Durant la journée, je lui cueille différentes sortes de feuilles : de l’aubépine, de l’érable… Je lui découpe aussi une pomme à quatre heures, il adore ça ! »

Véronique lui cueille des feuilles qu'il adore manger dans sa main... (Photo: Isabelle Charlier)

L’Incourtoise passe du temps à le promener également.

« Je vais marcher 20-25 minutes avec lui deux fois par jour. »

À quatre pattes pour jouer...

Depuis qu'il est né, Véronique et ses enfants jouent avec l'animal. « Nous nous mettons à quatre pattes et nous posons notre front contre le sien. Cela l’amuse beaucoup. Il adore jouer avec ma fille. Le vétérinaire nous a toutefois dit qu’il fallait arrêter car le jour où il aurait des bois, cela poserait un souci... »

Vient enfin le rituel du coucher. « Elle part avec lui 20 minutes dans le fond du jardin, elle lui parle, elle le caresse, explique son mari. Quand elle lui dit qu’il peut aller se coucher, il met son visage contre le sien, fait demi-tour et va se coucher dans les fourrés, c’est assez incroyable ! »

Bambi et Véronique

S’il vit aujourd’hui dans le vaste jardin, non clôturé, à l’arrière de la propriété, Bambi pointe fréquemment le bout de sa truffe à la porte de la véranda à la recherche de Véronique. « Il pousse un petit cri et cogne sa tête contre la vitre comme pour appeler. Parfois, il rentre dans la maison. »

(Photo: Isabelle Charlier)

Un membre de la famille à l'état sauvage

Au fil du temps, l'Incourtoise a également appris à l'animal à dormir dehors. « Durant les deux, trois premiers mois, je l’ai fait dormir sur une couverture, à l’intérieur de la maison, de peur qu’il ne prenne froid. »

« Aujourd’hui, il dort dans les fourrées. Ce qui est très étonnant, c'est qu'il ne bouge que quand je viens le chercher.»

Un jour, devant une barrière électrique, « j’ai été très surprise de le voir s’arrêter net quand je lui ai dit non, pas par là… »

Emma et Max, les jumeaux de 14 ans de la famille, ont évidemment, eux aussi, adopté l’animal. Ils jouent avec lui et lui donnent beaucoup d’affection. « Il est arrivé plusieurs fois que Bambi vienne à la porte d’entrée de la maison quand il partait à l’école, un peu comme pour leur dire au revoir », explique Véronique.

(Photos: Isabelle Charlier)

L’ombre de la maman de Véronique

Elle a mis un peu de temps à nous en parler mais avec beaucoup d’émotion dans la voix, Véronique a évoqué une anecdote étonnante par rapport à l’histoire qui lui arrive.

(Photo: Isabelle Charlier)
« Ma maman a été euthanasiée il y a un an et demi. La dernière fois qu’elle est venue à la maison, elle regardait par la fenêtre et a vu un chevreuil passer dans le jardin. Elle m’a dit : si un jour je dois me réincarner, j’aimerais que ce soit en cet animal… »

À une semaine près, un an jour pour jour après son décès, Véronique a trouvé Bambi au fond de son jardin… « Peu importe ce qu’en pensent les autres… Je ressens avec cet animal une relation très forte, une présence bouleversante. Peut-être est-ce pour cela que j’y suis tellement attachée ? C’est une relation unique que je ne vivrai pas deux fois dans ma vie… »

Au vu du temps qu’elle lui consacre, Véronique n’a plus vraiment de vie sociale. « Certains ont du mal à comprendre parce que j’ai refusé d’aller à des soirées et je ne suis pas partie en vacances cet été. Mon mari est parti en Italie, seul avec les enfants. Cela peut paraître bizarre mais c'est mon choix. Cela durera le temps que Bambi sera sevré. Après on verra ce qu'il se passera. Peut-être un jour reprendra-t-il sa liberté ? » C'est tout ce que le couple souhaite pour l'animal.

« Nous essayons de tout faire pour qu’il reste le plus sauvage possible. Nous refusons par exemple que des gens viennent à la maison pour le voir. Il faut qu’il reste craintif de l’homme. »

Quel avenir pour Bambi?

Si son mode de vie est aujourd’hui semi-sauvage, semi-domestique, nul ne peut prédire comment l'animal va évoluer une fois qu'il sera sevré. « Nous essayons de tout faire pour qu’il reste le plus sauvage possible. Nous refusons par exemple que des gens viennent à la maison pour le voir. Il faut qu’il reste craintif de l’homme. »

Photos à gauche et ci-dessus : Isabelle Charlier

« C’est vrai que nous craignons qu’il soit déjà trop habitué à l’humain. Un jour, nous avons vu une chevrette (femelle du chevreuil) courir dans le haut de notre jardin. Nous ne savons pas s’il s’agissait de sa mère mais elle le chassait comme pour dire : éloigne-toi, tu ne fais plus partie de notre clan… », se désole Véronique.

La Brabançonne est formelle : « On a recueilli cet animal parce qu’il ne bougeait plus et on avait le sentiment qu’il allait mourir mais si d’autres personnes sont confrontées à cette situation, il faut évidemment le laisser seul et laisser sa mère s’en occuper »

Journaliste: Cristel JOIRIS (Twitter: @Cristel_Joiris2)
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Cristel Joiris
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