1 - Biographie :
Un élève de l'école des mines ...
Né à Saint-Etienne (Loire-France), le 25 novembre 1839, sur ce qui était à l'époque la Commune de Montaud.
Sur son acte de naissance (Archives municipales de Saint-Etienne) il est prénommé Jacques. Son père, Jean-Baptiste est boulanger (âgé de 42 ans) rue de Roanne, son épouse est Marie Javelle. Les témoins sont probablement des frères de la maman, Martin Javelle (38 ans), également boulanger rue Saint-Roch et Jacques Javelle (25 ans) Béraudier, rue des Gauds.
Elève à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, promotion de 1860 (*).
Géologue et chimiste, industriel, Jules Garnier se révèlera également être un historien et un ethnologue de talent.
(*) L’école des Mineurs de Saint-Etienne est créée en 1816, suite au transfert de l’école des Mineurs de Pesey-Nacroix en Savoie. Dirigée au début par Beaunier, elle fournira dans la première moitié du XIXe siècle, un nombre important de grands industriels et/ou chercheurs. Beaunier sera par exemple à l’origine de la construction de la première ligne de chemin de fer de France entre Saint-Etienne et Andrézieux.
Un voyageur ... ingénieur / inventeur ... écrivain ...
A sa sortie de l'Ecole de Mines de Saint-Etienne, il travaille deux ans aux Aciéries de la Marine et des Chemins de Fer, puis réalise une brève étude géologique en Sardaigne en 1862.
Il est envoyé à Nouméa comme chef du service des mines de Nouvelle Calédonie en 1863. Jusqu'en 1866 il va parcourir l'île, et y découvrir le nickel. Il effectuera également des missions au Canada ... Son travail est largement reconnu, et il reçoit, à l'âge de 28 ans, la légion d'honneur (dossier Cote L1077027 / sous son prénom de naissance : Jacques).
Source : Dossier Légion d'honneur (Base Léonore)
Voila comment Louis Aguillon, inspecteur général des mines, décrit la mission de Jules Garnier sur le Caillou :
" Quelques années auparavant, la Nouvelle-Calédonie [Charles-Emile Heurteau arrive en Nouvelle-Calédonie en 1872] [...] avait été l'objet d'une étude géologique et minéralogique de la part d'un jeune et brillant élève de l'École des Mines de Saint-Étienne, Jules Garnier, qui, de 1863 à 1866, y avait rempli les fonctions de chef du service des mines.
Garnier s'était principalement attaché par des observations géologiques et par des travaux de recherche à l'étude des gisements de combustibles de la côte Sud-Ouest, auxquels la marine attachait une importance spéciale pour les besoins de ses bateaux. Voyant qu'il n'y avait pas possibilité d'en tirer quelque avantage pratique, Garnier s'était mis à l'étude de la géologie générale de l'île et des gîtes métallurgiques qu'elle pouvait contenir.
Ce ne pouvait être qu'un " essai ", suivant le titre qu'il donna lui-même à son travail, tant étaient grandes les difficultés de circulation ne permettant guère de s'éloigner du littoral, et si rares avaient été les recherches des prospecteurs. Jules Garnier avait néanmoins eu le mérite et l'honneur de découvrir ce beau minerai de nickel qui devait être une source de fortune pour la colonie et auquel la science et l'industrie reconnaissantes ont donné le nom de garniérite."
(Source : Biographie de Charles-Emile Heurteau (1848-1927), publié dans Annales des Mines, 12e série, vol. 12, 1927)
En 1876, Jules Garnier dépose un brevet pour l'exploitation industriel du nickel calédonien et participe à la création d'une société (la future Société Le Nickel - la SLN), en faisant construire la première usine de nickel à Pointe-Chaleix à Nouméa.
Entre temps, il participera de manière active, comme militaire, à la guerre de 1870 et tentera de résister à l'invasion prussienne dans l'est de la France.
Il mènera quelques reflexions sur les transports urbains dans la capitale, proposant la réalisation d'un métro aérien. Enfin, il effectuera quelques recherches dans le domaine à la fois des explosifs (expérimenté pendant le conflit de 1871) et d'une meilleure utilisation de la vapeur.
Enfin, associé avec son fils Pascal (décédé prématurément à l'age de 26 ans, en 1898) il reprendra ses expéditions lointaines.
Ingénieur-inventeur de talent, Jules Garnier est également connu pour l'importance et la diversité de ses écrits. Bien au delà de la "simple" publication de résultats de recherches et/ou projets divers, Jules Garnier est un écrivain complet. Il publiera un nombre très importants d'articles dans les domaines des sciences et des techniques, mais aussi dans des revues de géographie.
Sa bibliographie est impressionnante, avec plus de 30 références, dont ses récits de voyages, son livre référence "Le Fer", et plusieurs inventions dans divers domaines. Après 1870, il deviendra même secrétaire de la Société de Géographie de Paris.
>>> Bibliographie de Jules Garnier
Jules garnier sera marié à Jeanne SANLAVILLE. Père de Alain GARNIER (avocat à Paris, mort en 1914), Pascal GARNIER (1872-1898, ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale), et Eugène François Gilbert (E.F.G.) GARNIER (1874-1964, X 1892, officier d'artillerie devenu général de brigade). Un arrière-petit-fils de E.F.G. GARNIER a fait polytechnique : Arnaud Luc Yann SAINT-SAUVEUR (né en 1974 ; X 1995).
Source : Annales des mines : www.annales.org/archives/
Jules Garnier, de retour d'un voyage à Rome, décède à Gorbio, à coté de Menton (Alpes-Maritimes-France), le 8 mars 1904. Il est enterré au cimetière du Crêt de Roch à Saint-Etienne (Loire-France).
>>> Pour mieux connaitre les multiples facettes de Jules Garnier : www.jules-garnier.com
Aujourd'hui encore, la présence de Jules Garnier est manifeste, particulièrement en Nouvelle Calédonie. Jules Garnier reste encore pour la Nouvelle-Calédonie, le personnage à l'origine du développement industrielle ...
Pour preuve, un reportage sur Jules Garnier et Saint-Etienne publié sur le site Internet de la télévision calédonienne par Alain Jeannin venu en repérage à Saint-Etienne en mars 2018.
2 - Les expéditions
Le voyage vers la Calédonie - 1863
Jules Garnier est chargé par le Marquis de Chasseloup-Laubat, ministre de la marine et des colonies, d'une étude géologique en Nouvelle-Calédonie, en tant que chef du service des Mines de l'île.
A priori, on y avait découvert du charbon, et Garnier est chargé d'en vérifier la qualité.
En effet, le capitaine de vaisseau Tardy de Montravel écrivait en 1854 : "Les versants des montagnes de la baie de Moraré, large golf au fond de la grande baie de Boulari, sont couverts de belles forêts ; mais ce ne sont pas les plus précieuses richesses de cette baie : elle possède, en effet, de nombreux gisements houillers. Les principaux reconnus par nous ont fourni un charbon dont le commandant du Prony a fait faire un essai des plus satisfaisants. Le rapport de cet officier, jugé très compétent, accorde à ce charbon, pris dans de très mauvaises conditions, des qualités supérieures qui deviendront plus saillantes encore lorsqu'il aura été extrait dans de bonnes conditions" (1).
(1) Cité in "Voyage à pied en Nouvelle-Calédonie ..." par Ch. Lemire, Paris, Challamel, 1884, p.65.
Débute alors le lointain voyage ... Garnier ne sera de retour en France qu'en 1866.
Départ de Marseille, le 28 septembre 1863 sur un bateau anglais. Arrivée à Alexandrie le 4 octobre, et après 5 jours passés au Caire, direction Aden, Ceylan puis l'Australie à bord de " La Nubia " de la compagnie " Peninsular and Oriental ". Il arrive à Sydney le 16 novembre 1863.
>>> Pour plus de détail sur le voyage aller : www.jules-garnier.com
>>> Cartographie du voyage avec des extraits du journal de voyage de Jules Garnier géolocalisés sur Maps google
Il embarque le 27 novembre à bord du courrier postal " La Calédonienne " et arrive à Nouméa (environ 1.000 habitants) le 11 décembre 1863 ... Jules Garnier a alors 24 ans.
" C'est ainsi que le 11 décembre 1863, je débarquai dans le port de la capitale de l'île, Nouméa, heureux d'être au terme d'un aussi long voyage, mais imprégné d'une vague anxiété. (...)(...) Les Français s'installèrent d'abord à Balade, où l'amiral Despointes fit construire un poste militaire : en 1855 arrivèrent en Nouvelle-Calédonie les premières troupes d'infanterie de marine ; déjà, un poste destiné à devenir le centre le plus important, sous le nom de Port-de-France, venait d'être créé à l'extrémité de la presqu'île de Nouméa, sous les auspices de M. le capitaine de vaisseau Tardy de Montravel. (...) Telle était la situation de la Nouvelle Calédonie en 1863, au moment où j'y arrivai, chargé par le ministère de la Marine et des Colonies d'une mission d'exploration géologique et de recherche de mines."
Jules Garnier décrit alors la région de Port-de-France (devenu Nouméa seulement en 1866).
" La chaîne de montagnes qui termine ici la presqu'île est d'une assez grande altitude et se termine par une échancrure à pentes escarpées, de laquelle se détachent divers contreforts étroits et accidentés ; c'est sur ces derniers et sur les parois à pentes roides que la ville a dû s'étager et, pour comble de malheur, par je ne sais quelle cause erronée, à la surface de cet emplacement si accidenté, on a tracé les rues de la ville en ligne droite et perpendiculaires les unes aux autres, de sorte que leur exécution nécessite des travaux de tranchées très longs et très dispendieux qui laissent sur les bords des rues des talus formant des murailles de plusieurs mètres de hauteur ; les maisons sont alors juchées sur ces buttes, dont les niveaux sont très variables, ce qui fait que les habitations offrent l'aspect le plus irrégulier et le moins symétrique qu'on puisse imaginer ; il semblerait que les rues ont été tracées sur un plan du terrain, sans tenir compte des courbes de niveau ; combien de travaux l'on eût évités cependant en faisant suivre aux rues les courbes de niveau et des lignes transversales inclinées suivant des pentes convenables, et combien à cela la ville eût gagné en beauté et eût économisé de temps, c'est-à-dire de l'argent ! "
extrait de "Voyage à la Nouvelle Calédonie ...", par Jules Garnier
La Calédonie en 1863
Le 17 mars 1862, Napoléon III avait nommé le premier gouverneur de l'île : Charles Guillain, qui arrive sur Grande Terre en juin 1862.
Avant son arrivée, quelques troubles avaient déjà perturbé la tranquillité de l'île : une attaque d'un courrier et surtout une guerre entres les tribus de Touho et de Houagap.
Mais ce climat tendu qui durera jusqu'en 1868 ne gênera guère les visites de Jules Garnier qui, avec sa largesse d'esprit et sa curiosité sera bien accueilli par les Kanaks.
Pour en savoir plus sur la Nouvelle-Calédonie, le site de Georges Coquilhat, (auteur d'une thèse sur la Presse en Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle) :
Les expéditions de Jules Garnier
Il va faire deux randonnées à pied : une aux alentours de Nouméa, la Dumbéa et Koe ; la seconde est une transversale Païta et Canala (fin mars 1865). Il fera également deux grandes explorations : sur la côte est (de janvier à mai 1864) et sur la côte Ouest (Koné - Voh) (d'août à octobre 1965).
A la découverte des environs de Nouméa. Le 12 septembre 1864, notre Jules Garnier part cette fois en expédition à l'intérieur des terres. Il randonne dans les Monts Koghis, dans le secteur de la Dumbéa ... et y découvre encore une fois cette roche verte ... Il rédige en 1865, son premier rapport sur ses découvertes de minerais ... Dans ce rapport (Note sur la Nouvelle Calédonie), Jules Garnier signale qu'il a trouvé du fer, du chrome, du nickel, et que " tout ferait présumer qu'un jour on découvrira de riches gisements ". Par contre, pas de houille de manière significative.
La traversée de Grande Terre ... Le 24 mars 1865, il décide de réaliser une transversale de l'île. Il part de Païta (nord de Nouméa), rejoint les bords de la Tontouta, puis Bouloupari puis prend la direction de Kanala, soit une expédition aller d'environ 140 kilomètres. Le retour par une légère variante lui prendra 4 jours et demi. Le récit de cette expéditions sera publié sous le titre De Port-de-France à Kanala, dans Le Moniteur de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, n. 289, 9 avril 1865. Jules Garnier publiera également, suite à cette expédition, Coup d'oeil sur la géologie de la Nouvelle-Calédonie, dans la traversée de Port-de-France (cote ouest) à Kanala (cote est), dans Les Nouvelles annales des voyages, ..., année 1865 (décembre), tome 4, pp. 352-373. Il s'agit du rapport adressé à M. la capitaine de vaisseau Guillain, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, le 5 mai 1865.
La découverte de la côte est ...
En Janvier 1864, Jules Garnier embarque à nouveau sur " La Calédonienne ", et va ainsi circuler le long de la côte, entre la terre et la barrière de corail (la plus grande du monde après celle de l'Australie). Il prend la direction du Sud, la Baie de Prony, puis celle de Goro. Il explore le sommet de la cascade, puis reprend la mer pour l'embouchure de la Yaté.
" De retour à Port-de-France, je reçus l'ordre de me tenir prêt à partir pour le Nord afin d'y reconnaître des terrains où l'on avait trouvé quelques parcelles d'or. J'abandonnai donc l'exploration des environs de Nouméa et m'occupai exclusivement de mes préparatifs de voyage.
Je devais être débarqué à Poëbo, à l'autre extrémité de l'île. On a établi en cet endroit, depuis la découverte de l'or, un poste composé d'un brigadier et de deux gendarmes, mais malgré la présence de ces représentants de l'ordre civilisateur, Poëbo est en plein pays sauvage.
J’allais donc me trouver au milieu des anthropophages, parcourant leurs territoires, leurs montagnes, obligé de me tenir constamment sur le qui-vive, dans des parages où notre autorité était à peu près inconnue, et sur lesquels bien souvent des récits peu encourageants d’actes de cannibalisme circulaient dans Nouméa, parmi les caboteurs.
Mais j’en avais pris franchement mon parti, et je ne comptais pas me laisser dévorer sans protestations ni résistance. (...)
D'ailleurs sept soldats d'infanterie de marine, hommes d'élite, devaient m'accompagner avec la double mission de veiller sur tous mes pas et d'aider à tous mes travaux. En conséquence, au commencement de janvier 1864, je m'embarquai sur une goélette de la station navale, la Calédonienne ; nous devions, comme d'habitude, naviguer entre la ligne de récifs et la terre. De cette façon, tous les soirs, d'assez bonne heure, nous pouvions aborder à une baie pour y passer la nuit. Ordinairement nous avions aussi le temps d'aller à terre et de voir un peu de pays.
Pour nous rendre à Poëbo, il nous fallut d'abord courir dans le Sud pour doubler la pointe méridionale de l'île et remonter ensuite jusqu'à notre destination, en suivant la côte orientale. Nous longeâmes ainsi plus de la moitié du littoral de l'île ; peu de points importants de la côte m'échappèrent, et il me fut surtout permis de visiter les plus intéressants. (...)
Le soir même de notre départ, nous atteignîmes d’assez bonne heure Goro : la belle cascade de ce nom n’était pas loin de notre mouillage. Ses eaux descendent d’un seul bond le long d’une montagne presque verticale. Le bassin qu’elles ont creusé au pied du rocher invite le touriste à un bain délicieux." Extrait de "Voyage en Nouvelle-Calédonie ..."
Direction ensuite vers le nord, Kuané (Ouinné) puis Nakety, où Jules Garnier découvre du minerais de fer, sans grand intérêt pour l'instant si ce n'est sa teneur en chrome (environ 2 %).
" Nous avions sous les yeux une plaine fertile dont la longueur au bord de mer est de 27 kilomètres et la profondeur de 1.800 mètres ; elle a été formée exclusivement par les riches alluvions qu’un grand cours d’eau a superposé là depuis des siècles ; cette rivière à laquelle les Européens donnent le nom de la plaine, est une des plus grandes de l’île. (…)
En remontant d’une quinzaine de kilomètres le cours pittoresque de la rivière d’Yaté, j’ai visité un site que je recommande aux touristes en quête de belles scènes naturelles ; c’est la plaine des Lacs, formée, à quatre cent mètres environ d’altitude, par l’évasement en forme de cirque des montagnes qui encadrent le bassin de la rivière. (…)
Pendant la journée nous passâmes devant la belle baie de Nakéty, dont les bords sont entourés de forêts où l’on exploite des bois de construction de première qualité. Les terrains sont aussi très fertiles autour de cette baie, et se prolongent jusqu’à Napoléonville ou Kanala, où s’établit en ce moment une petite cité."
Extrait de "Voyage en Nouvelle-Calédonie ..."
Direction Houagap (vers la rivière Ti-Houaka) puis Hienghène, une des plus riches tribus de l'île avant.
" A partir de Nakety et de Kanala, l’île prend un aspect différent : aux montagnes ferrugineuses du Sud ont succédé des paysages plus moelleux, le sol est généralement plus fertile, la végétation plus puissante, plus riche ; le cocotier, ce présent fait au pauvre sauvage par Dieu même, se presse de toutes part élevant au ciel son tronc droit et flexible, chargé de ses précieuses noix. (…)
Le port de Hienghène est petit, mais sûr. Il est bordé d’un côté par des roches immenses qui surgissent du sein de la mer et ont été nommées Tours de Notre-Dame, à cause d’une vague ressemblance avec des tours de cathédrale. (…)
Une belle rivière arrose une vallée fertile, se jette dans le port, et le long du rivage s’étend une plaine spacieuse des plus verdoyantes, habitée par de nombreux indigènes."
Extrait de "Voyage en Nouvelle-Calédonie ..."
Garnier continue son exploration de la côte est, en direction de Pouebo et de Ballade, où il établit son campement.
Il fait plusieurs expéditions pédestres, particulièrement en direction du nord, et est de retour à Pouebo le 14 avril 1864. C'est au cours de ces différentes excursions qu'il découvre une roche verte ... variété de nickel ... dont il ramène des échantillons.
Pour retourner sur Nouméa, il le fera cette fois à pied, le long de la côte, en pasant par Panié, Houagap, la cascade de la Ti-Houaka, Houindou et Cap Bocage .... Il arrive enfin à Nouméa en mai 1864, ayant rembarqué sur " La Caléodonienne " à Napoléonville/Kanala. Au passage, Jules Garnier signale que les premières femmes européennes viennent d'arriver sur l'île, ainsi que les premiers prisonniers (au nombre de 250).
Découverte de la côte ouest ...
Au cours de l'année 1865, le lieutenant de vaisseau Banaré, commandant " la Fine ", est chargé d'explorer l'hydrographie de la côte ouest. Jules Garnier embarque le 7 août 1865 sur le brick-goëlette " La Gazelle " pour rejoindre et ravitailler " La Fire " au nord de l'île.
Il explore alors la Baie de Saint-Vincent au nord de Nouméa, puis au delà des récifs, rejoint la Baie de Chasseloup (Voh). Il réalise alors plusieurs expéditions terrestres pour découvrir les environs, et en particulier rejoindre les sources de la Ti-Ouaka (p.239).
Fin de voyage ...
Le 19 novembre 1865, Jules Garnier étudie pour la première fois les roches trouvées dans la commune actuelle de Boulari, au sud de Nouméa. Le 19 novembre 1865, Jules Garnier trouve à nouveau des roches vertes dans le secteur de Boulari (est de Nouméa), puis vers le col de Plum, dans le secteur du Mont Dore. C'est dans ce secteur du col de Plum et du Mont Dore que débutera d'ailleur l'exploitation du nickel dès 1874. La mission de Jules Garnier se termine ...
le 4 août 1866 il quitte Nouméa pour rejoindre la France. Il publiera son Voyage à la Nouvelle-Calédonie quelques années plus tard ...
son livre ... Voyage à la Nouvelle-Calédonie
Il publiera son Voyage à la Nouvelle-Calédonie quelques années plus tard ...
Le frontispice de l'ouvrage nous montre Jules Garnier au milieu de la brousse, entouré de Kanaks ...
Ce dessin (à gauche), intitulé "Halte dans la Brousse", est "gravé par L. Breton à partir d'une photographie".
Le cliché (ci-dessous) a été retrouvé aux Archives de la Nouvelle-Calédonie avec comme légende : "Poïndalou près Gatope", 1867. Si l'inversion de symétrie gauche-droite est parfaitement normale pour la gravure, par contre nous remarquons que le dessinateur a très nettement rajeuni Jules Garnier !
3 - Jules Garnier et le nickel
Du nickel ... à la "Garniérite"
De retour en métropole, Jules Garnier continue son travail de classement géologique de l'île, trouvant la richesse en minerais de nickel. Dès 1867, ses recherches sont connues dans le monde des savants, car il publie dans " Les Annales des mines " sa " géologie de la Nouvelle Calédonie " de même que dans le " Bulletin de l'industrie minérale " (Tome XV, p. 302). Il transmet également des échantillons du minerais de nickel découvert en Nouvelle-Calédonie à divers géologues, dont W.B. Clarke. Ce dernier en communiquera un exemplaire au Professeur Dana, éminent minéralogiste américain, qui publiera un ouvrage de référence à New-York en 1875. Dans cet ouvrage, le minerais de nickel trouvé par Jules Garnier en Calédonie est baptisé " Garniérite ". Le 19 juin 1876, l'Acédémie des Sciences nomme officiellement le nickel calédonien "garniérite".
Le nickel ... jusque vers 1876
Le nickel est découvert dès 1751 par une chimiste suédois : Cronstedt. Il ne sera véritablement étudier qu’à partir de 1800 grâce aux travaux de Richter qui arrivera à le purifier suffisamment pour en étudier les propriétés. Il était en effet difficile de l’isoler des autres métaux qui l’entoure : fer, cobalt, cuivre, … Le nickel est alors considéré comme un sous-produit. Vers 1875, le nickel n’est pas encore très demandé. La Belgique produit quelques pièces de monnaie, et provoque ainsi une hausse du prix de ce métal. La production augmente fortement, trop … et très vite l’Europe se retrouve avec des stocks importants de nickel, sans affectation ni utilisation.
Dès les années 1873, l'exploitation de mines de nickel démarre en Nouvelle-Calédonie, dans le secteur de Plum, vers le Mont Dore (colon Pierre Coste). Assez rapidement des concessions sont attribuées à Canala (Boa Kaine), Houaïlou (Bel Air), Nakéty (Bienvenue) etc….
On doit à Charles-Emile Heurteau, ingénieur des mines en mission en Nouvelle-Calédonie (1872-1874), l'organisation de l'exploitation des mines, en particulier par l'arrêté du 13 septembre 1873 (qui restera en vigueur pendant 10 ans). Ainsi, "Heurteau pouvait donc éprouver quelque satisfaction lorsqu'en publiant, en 1876, son rapport de mission, il y piquait en note infrapaginale qu'au 31 décembre 1875 il existait déjà en Nouvelle-Calédonie 85 concessions de nickel portant sur 4.662 hectares. Il aurait pu ajouter que, dans cette même année 1875, on avait fait une première exportation de 327 tonnes de minerai, l'extraction s'étant élevée par la suite à plus de 160.000 tonnes par an. Que plusieurs des concessions de 1875 fussent d'ordre purement spéculatif, c'est bien possible. Mieux vaut encore avoir quelques-unes de ces mines que de ne pas en avoir du tout sous un régime trop sévère." - (Source : Biographie de Charles-Emile Heurteau (1848-1927), par Louis Aguillon. publié dans Annales des Mines, 12e série, vol. 12, 1927).
En 1878, John Higginson exploite la mine "de Balade". L'administration pénitentiaire lui met à disposition, pour 20 ans, 300 condamnés (contrat dit "de Balade").
Recherches et brevets de J. Garnier (1876)
Garnier cherche en parallèle des applications industrielles à ses découvertes, et le 16 février 1876, il dépose un brevet pour le « traitement par voie sèche des minerais nickélifères calédoniens ». « Le nickel peut donner au fer de la dureté, le rend inoxydable et ne nuit pas à sa malléabilité »
>>> Extraits du "Bulletin de la Société de Géographie Commerciale de Paris", tome III, 1880/1881, pp. 27-28 : "La Nouvelle-Calédonie, ses richesses minérales et en particulier le nickel", par M. Garnier, ingénieur civil
>>> Extraits de "Encyclopédie chimique - Tome V - Nickel et Cobalt (Villon, A.M), Paris, 1891 pp.42-46 Traitement par la voie sèche - Brevet de Garnier du 15.02.1876.
Dans la foulée, il constitue une société « J. Garnier, H. Marbeau aîné et Cie » (qui deviendra la célèbre SLN - Société Le Nickel). Garnier dès le départ émet la thèse suivante : pour être utilisé pratiquement, le nickel doit être allié au fer. Et en 1878, la société expose entre autre, des fontes ferro-nickel à 70% produites dans le haut fourneau qu’il vient de construire à Pointe Chaleix, au sud de Nouméa.
>>> Exposition universelle de Paris, 1878, page concernant le nickel (source : Cnum-Cnam : Conservatoire numérique des arts et métiers)
L'usine de Pointe-Chaleix à Nouméa (1877)
Jules Garnier a piloté depuis la France, la construction de l’usine. « Cette usine, dis-je, partie de Bordeaux sur deux navires de commerces au commencement de l’année 1877, a commencé à fonctionner le 13 décembre de la même année, avec un plein succès ». Extrait de "la Nouvelle-Calédonie à l’exposition universelle de 1878"
– in Bulletin de la Société de Géographie – 1879) p.145
L’usine de Pointe Chaleix se compose de deux hauts fourneaux :
- un pouvant fondre huit cents tonnes de minerai de nickel par mois et fournir 120 tonnes de fonte d’une teneur variant de 65 à 70%.
- un plus spécialement affecté à la fabrication des fontes de cobalt.
Entre 1880-1884, la production sera de 3.583.199 kg de fonte de nickel (teneur de 15 à 20 %) et de 360.600 kg de fonte (35 % de nickel et 10 % de cobalt)
L’usine traite de manière grossière le minerais, puis le transfert à l’usine de Septèmes (au nord de Marseille, sur la route d’Aix-en-Provence). Pointe Chaleix fermera en 1885, puis transportée vers Thio en 1887.
Aujourd'hui, Pointe Chaleix abrite la base aéro-navale de Nouméa, et l'usine se trouvait à l'emplacement de l'actuel centre commercial de Plaisance, vers le cercle des nageurs calédoniens (8 rue Jules Garnier).
La Société Le Nickel (SLN) (1880 - ).
Le 10 mai 1880, Jules Garnier, John Higginson et Jean-Louis Hubert Hanckar fondent la Société Le Nickel. Ils obtiennent le soutien financier du baron de Rothschild.
>>> Un des plus grands voiliers du monde, le France II pour le transport du nickel entre 1911 et 1922, sur www.grand-voilier.com.
L'usine de Ouroué (Urué), vers Thio (1887).
En 1887, le matériel de l'usine de Pointe Chaleix est transporté à Ouroué, au nord de Thio, où la SLN construisit de nouveaux fourneaux. Monsieur Levat, directeur de la SLN créee l'usine d'Ouroué. Mais l’installation est mauvaise, et l’usine est abandonnée dès le 1er janvier 1891.
Il reste encore aujourd’hui quelques vestiges de cette seconde usine.
>>> Voir aussi : Etudes sur les mines de nickel de la Nouvelle Calédonie, Félix Benoit,- in Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 1892, p. 753.755)