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Avec les veilleurs du Phare de Planier une mission des agents des phares et balises de marseille

LA MARSEILLAISE A ACCOMPAGNÉ UNE ÉQUIPE D'INTERVENTION DES PHARES & BALISES DE MARSEILLE. CES GARDIENS VIGILANTS DE LA SIGNALISATION MARITIME INSPECTENT ET ENTRETIENNENT 330 BALISES, BOUÉES ET PHARES. UNE MISSION EXCEPTIONNELLE AU PLUS HAUT DU PLUS MYTHIQUE DES PHARES DE MÉDITERRANÉE, LE PLANIER, SUR LEQUEL VEILLENT AVEC DÉVOTION CES CHEVALIERS DU FEU SACRÉ.

Bienvenue à bord de la pilotine Arnette des Phares et Balises, qui s'est réveillée couverte de givre ce matin. Le capitaine, Jean-Robert Odore et le chef-mécanicien, Laurent Santimone, bichonnent son moteur Baudouin de 340 CV qui déploie la puissance idéale pour des interventions rapides par tous temps.

Eric Béroule est le chef du centre opérationnel de balisage de Marseille, basée sur la digue du large, une subdivision des Phares et Balises de la Direction interrégionale de la mer Méditerranée. Lui et ses 32 agents dont 13 marins s'occupent du bon fonctionnement de 330 établissements de signalisation maritime (ESM). Cela va de la simple bouée flottante aux sept phares de leur secteur qui va de La Ciotat aux Saintes-Maries de la Mer : Planier, Saint-Gervais à Fos, la Couronne à Carrot, Faraman, Beauduc et La Gacholle en Camargue.

L'équipage fait un arrêt devant le petit phare de la Désirade près du Pharo, le symétrique du feu de Sainte-Marie sur la digue du Large.

Le service des Phares et Balises a été institué par Napoléon Ier. C'est un brillant physicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, Augustin Fresnel (1788-1827) qui a donné les bases de cette belle administration. Les agents dévoués et experts de ce service public méconnu et pourtant si nécessaire ont en charge le fonctionnement de nos 148 phares automatisés du littoral français.

Le Canoubier et Sourdaras, deux tourelles jaunes et noires qui ouvrent l'accès au port de Marseille. Surmontées de deux cardinales Ouest, elles signalent surtout la présence de récifs à éviter.

La belle tourelle conique de Canoubier date de 1833. C'est d'ailleurs la première balise française fondée sur un socle bâti sur un écueil sous-marin. Elle a été rénovée au printemps dernier. Elle est dite passive car sans feux, contrairement à Sourdaras.

L'Arnette dépose deux techniciens sur Sourdaras. La tourelle est connue des navigateurs pour scintiller de neuf feux à éclats blancs toutes les 15 secondes.

Une opération de rénovation est prévue. Un technicien étudie la pose d'un échafaudage spécial qui doit résister aux paquets de mer en vue de travaux programmés pour le printemps prochain. Le maître d'équipage Brice Spatafora sonde les fonds. De 4 à 6 mètres par endroits.

Dix heures du matin dans la rade. Une nappe basse, cotonneuse et jaunâtre voile tout Marseille. Pollution urbaine mêlée de brume matinale livre cette vision guère rassurante des conditions de vie des terriens.

L'Arnette prend le cap sud-ouest pendant 8 Milles (14,8km). La silhouette de Planier posé sur son plateau rocheux est aussi identifiable que la découpe de la Bonne Mère sur la colline de la Garde. La tour de 1959 est le cinquième phare de l'île. Elle épouse le style des colonnes doriques. Sa ligne élégante se dresse sur 66,37 mètres de hauteur exactement jusqu'au plateau carré de la lanterne. Mais la hauteur qui compte pour les marins, c'est 67,74 mètres, celle du foyer lumineux.

Le concierge de ce petit Gibraltar en miniature est fier de vous montrer la tour située au Sud et de laquelle on découvre jusqu'à sept lieux en mer. Les yeux font mal à voir cette immense nappe d'eau verdâtre.

Eugène Louis Guérin. 1834.

Et en face moi, la double sphère du ciel et de la mer avec, au centre, le phare de Planier.

Blaise Cendrars, L'Homme foudroyé. 1945.

Deux perfides récifs sont signalés sur les cartes depuis le XVIe siècle, en particulier le Souquet à 250 mètres à l'ouest et la Pierre à la Bague à 490 mètres à l'est qui affleurent à 1,3 mètre sous le niveau de la mer. Pour preuve, la présence d'une vingtaine d'épaves depuis les premiers grecs jusqu'au cargo marocain Chaouen qui a sombré en 1970.

Voici la lanterne rouge de Planier avec ses 74 panneaux photovoltaïques que le soleil nourrit et qui restituent ce faisceau à éclats blancs qui depuis le 25 août 1959 crie sur un rayon de 23 milles nautiques (42,5km) aux marins de tous les pays de s'éloigner de lui.

Le maître d'équipage, Brice Spatafora, a la charge des amarres. L'accostage se fait avec prudence. La mer y est rarement commode. "L'Arnette est très stable. Mais quand t'as une grosse mer avec des creux de deux mètres dans l'habitacle étanche, tu la ramènes pas trop" confie Laurent Santimone, le chef mécanicien.

Bienvenue sur le premier phare à feu tournant français électrifié en 1881.

L'architecture si soignée de Planier lui confère une force, une dignité monumentale colossale.

C'est le phare de Planier, avec sa tour étroite et son feu qui tourne, afin qu'on ne le prenne pas pour une étoile

Marseille, Album des étrangers et visiteurs, 1833

Ce phare est beau. Construit en 1959 par des Compagnons du Devoir sur les fonds des dommages de guerre, il est l'oeuvre des architectes et décorateurs André Arbus et André Crillon. Il est classé aux monuments historiques depuis 2002. C'est le cinquième phare depuis la tour à feu de René d'Anjou de 1320. Les Allemands avaient décapité le précédent phare et celui de Faraman et d'If dans la nuit du 16 au 17 août 1944. Ses lentilles de Fresnel ont été sauvées parce qu'un officier et ingénieur allemand, conscient de son immense valeur, avait pris soin de les déposer en 1942 pour les mettre à l'abri dans une grange à Cucuron dans le Luberon. A la Libération, il est remplacé par un pylône provisoire.

Il est un phare à deux milles de la côte. Tous les soirs, on le voit qui balaye de sa lumière et le large et la rive. Ce phare est illustre dans le monde ; il s’appelle le Planier. Quelle que soit l’heure où vous le regardiez, dîtes-vous qu’à cet instant on parle de lui sur toutes les mers et sous toutes les constellations. Quand on n’en parle pas, on y pense. Mais si le Planier ramène au pays, il préside aussi au départ. Faites le voyage de Marseille, jeunes gens de France ; vous irez voir le phare. Il vous montrera un grand chemin que sans doute, vous ne soupçonnez pas, et peut-être alors comprendrez-vous.

Albert Londres. Marseille, porte du Sud. 1927

C'est Denis de Fazio, l'électro-mécanicien qui a la clef. 362 marches à gravir d'un magnifique escalier à jour décoré d'un garde corps de style Art Déco.

Il n'y a que le capitaine de l'Arnette pour monter au petit trot.

Tous les autres montent à pas comptés !

C'est la première chose qui s'impose pour quiconque parvient au sommet du phare de Planier : contempler Marseille dans un silence total.

Je guettais les voiles des navires et la fumée des vapeurs montant au large, au-delà du haut et mince phare de Planier, qui, comme un trait blanc perpendiculaire, couplait la ligne de l'horizon balayée par le vent.

Joseph Conrad, Mon apprentissage avec les pilotes. 1912.

Dans cette ambiance douce, silencieuse, intemporelle, la vue de la lanterne rouge du plus mythique des phares de Méditerranée a des airs de lampe mystérieuse d'Aladin. Jean-Robert le capitaine de l'Arnette semble lui sortir d'une capsule Soyouz.

Admirez le phare et ses quatre optiques de Fresnel posée sur ce grand tambour vertical qui reporte le faisceau lumineux concentré sur douze anneaux circulaires catadioptriques taillés dans le cristal. Le faisceau réfracté par les anneaux concentriques se propage le long d'un axe unique, supprimant toute aberration sphérique. avec un gain de puissance 4,5 millions de fois supérieur.

L'électromécanicien ouvre délicatement les panneaux qui portent les optiques de Fresnel inventées en 1819. Le tambour tourne lentement, sans friction, entraîné par un petit moteur, produisant un feu à éclats blanc toutes les cinq secondes.

Avant l'automatisation en 1992 et l'alimentation solaire du phare, un contrepoids de 150 kilos descendait dans la cheminée centrale à la vitesse de 90 centimètres à l'heure. Chaque matin, le gardien devait remonter le contrepoids.

L'électromécanicien fait les derniers réglages du feu de secours à l'aplomb de la lanterne.

Et voici au bout des doigts le feu de Planier : une simple ampoule de 150 Watts à 20 euros. Mais les optiques de Fresnel lui donnent une puissance équivalente à 1,6 million de bougies !

Ils baissaient la tête. Ils ne s'intéressaient plus qu'à l'étoile solitaire du phare de Planier, dont la lueur dansante les attendrissait.

Emile Zola, Dans toute la largeur de la terre. 1884.

En ce moment, il vit briller comme une étoile le phare de Planier

Alexandre Dumas, Le comte de Monte-Cristo. 1845.

Quand le silence n'est traversé que du clapotis d'une rame, de l'aboi lointain d'un chien de bord, au large, tout au large, le phare de Planier projette en tournant une longue flamme rouge ou blanche qui déchire l'ombre, montre en un clignotement d'éclair des silhouettes d'îles, de forts, de roches. Son regard lumineux guidant des milliers de vie à l'horizon, c'est encore le voyage, qui l'invite et lui fait signe, l'appelle dans la voix du vent, les houles de la pleine mer, et la rauque clameur d'un steamboat qui râle et souffle toujours à quelque point de la rade.

Alphonse Daudet, Sapho. 1895.

C'est toujours une joie et c'est particulier de venir travailler pour ce phare de légende et le soir, de retour à terre, de le voir briller au loin de tous ses éclats comme s'il nous disait "tout va bien".

Denis de Fazio, électromécanicien

Ce phare est solaire depuis 1991. Pas moins de 74 panneaux photovoltaïques alimentent ces deux parcs de batterie de 24 volts d'une puissance de 2600 ampères, contrôlés par des chargeurs intelligents.

Les navires qui n'ont pas écouté sa voix lumineuse à cinq éclats scintillants par minute l'ont payé cher. Une vingtaine d'épaves jonchent le pourtour de l'île. Dernier en date, un cargo marocain, le Chaouen, qui s'est littéralement encastré dans les récifs dans la nuit de 21 février 1970.

Sous la lanterne du phare, trois bras insolites. c'est une corne de brume. Elle fonctionnait avec un système à vapeur quand la brume tombait pour hurler aux navires de s'éloigner.

L'ancienne corne à brume est constituée de trois pavillons qui poussaient deux beuglements à air comprimé par minute.

La vue par une des fenêtres de l'escalier du phare

Mission accomplie pour les veilleurs du phare.

Les anciens appartements des deux gardiens de phare.

Le fût conique, sans base, est cerclé d’une simple apophyge, il se conclut par une échine portant le tailloir, balcon de veille sur lequel est posé l’optique dans sa cage vitrée et sous un dôme de métal rouge. Foré dans la tour, un escalier monte ses 362 marches bordées d'un solide garde corps à doubles spires.

Thierry Durousseau, fiche patrimoniale du CAUE 13

Brève inspection autour des annexes laissées à l'abandon depuis le départ des derniers gardiens début 1992.

Un ballon abandonné sur l'île fait la joie du capitaine.

La colonne repose sur une plateforme circulaire, posée sur une des pointes de l’îlot et engagée dans l'esplanade quadrangulaire un peu à la manière d’une redoute.

Thierry Durousseau, fiche patrimoniale du CAUE 13

Par le Sud, où l'accostage n'est pas sans risque, le phare est mis en scène par ses montées divergentes, escalier et rampe dégageant la courbure de la plateforme de la tour. Depuis la mer, les ombres portées sont douces et savantes comme un traité de coniques.

Thierry Durousseau, fiche patrimoniale du CAUE 13

Les blocs en pierre de Cassis à l'abandon témoignent que le projet d'André Arbus est resté inachevé. Ces vestiges traduisent aussi cette idée que le phare de Planier comme d'autres "n'annonce plus la terre aux marins, il annonce la mer aux gens des villes" écrit Vincent Guigueno, le spécialiste des phares, cité par l'architecte Thierry Durousseau dans la superbe fiche rédigé pour le CAUE13 sur ce monument solitaire dont l'aura dépasse Marseille.

Inspection visuelle, le maître d'équipage fait le tour de l'île pour vérifier que la mer n'a rien rejeté d'anormal.

L'île et la tour de Planier se trouvent placées en avant des nombreux îlots qu'on rencontre dans les parages de l'antique Phénicie... Ses canons de bronze et sa vigilante garnison commandée par un capitaine semblent veiller à la sûreté de Marseille. Sentinelle avancée, sa situation lui permet d'apercevoir au loin les bâtiments qui se dirigent vers la côte.

Eugène Louis Guérin, 1834

Ces anciens locaux techniques avec des cuves d'hydrocarbure ont fait l'objet d'une dépollution complète cet été.

L'Arnette se prépare à appareiller.

Marseille au fond du golfe était caché par une brume ; à gauche seul le phare tournant de Planier revenait toutes les minutes, trouant les ténèbres d'un rayon jaune, qui s'éteignait brusquement ; et rien n'était plus doux ni plus tendre, que cette lumière sans cesse perdue à l'horizon, et sans cesse retrouvée

Emile Zola, Naïs Micoulin. 1884

L'équipe d'intervention sur l'Arnette : le maître d’équipage Brice Spatafora, le capitaine de la pilotine Jean-Robert Odore, l’électromécanicien Denis de Fazio, le chef-mécanicien Laurent Santimone et le chef du centre opérationnel de balisage des Phares et Balises de Marseille Eric Béroule que nous remercions chaleureusement pour ce moment exceptionnel passé avec eux.

Texte et photos : David Coquille, Journal La Marseillaise

Created By
David Coquille
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Credits:

David Coquille, La Marseillaise

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