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L'histoire du rock à Nantes Nantes, la "belle endormie", s'est réveillée au fil de ces dernières décennies au son de la scène locale.

Premiers riffs. Les salons Mauduit, le 29 avril 1962. Pour la première fois, lors du traditionnel concours d’accordéon organisé par le magasin d’instruments Simon Musique, de jeunes gens montent sur la scène pour jouer avec des guitares électriques. Six groupes régionaux : Les Rockers, les Atomic Boys, les Rapaces, les Pagdells, les Djets et Willy Spring Day, tous influencés par les Chaussettes noires ou les Shadows, bousculent l’atmosphère feutrée des salons Mauduit. Ainsi nait le rock à Nantes.

Les Rapaces, à g. / Les Sunsets, au centre / The Devils, à d. (Copyright : DR)

Premier 45 tours vinyl. Il est enregistré à Nantes dès 1961 par les Rapaces. Á quoi ressemblent les compositions jouées par ces pionniers ? “Ce sont des reprises entendues notamment à "Salut les copains !" sur les ondes d’Europe 1. Mais il y a cette envie de s’inscrire dans une aventure artistique et humaine”, souligne Laurent Charliot, commissaire de l'exposition "Rock ! Une histoire nantaise", visible au Château du 24 février 2018 au 10 novembre 2019. Petit à petit, le rock prend ses quartiers dans différents lieux de la ville, des Salons Mauduit à certains cinémas comme au Vox et au Moderne à Chantenay, ou des clubs comme la Chalet suisse, place Zola. Le rock investit également les kermesses et les bals. Là naît une génération de musiciens qui ne va pas tarder à connaître la consécration…

Gilles Servat, à g. / Dan Ar Braz à d.

Les rois du bal. Plus accomplis dans leur formation qui reste académique, ces musiciens qui écument les bals à Nantes et dans sa région, commencent à l’aube de la décennie des années 1970, à se produire un peu partout en France. Grâce à cette réputation, la scène nantaise devient rapidement une pépinière de musiciens dans laquelle certains artistes de renommée nationale et internationale vont faire appel pour les enregistrements d’albums et les tournées. “De Vilard à Voulzy, en passant par Goldman et Souchon, Higelin, Thiéfaine, Johnny Halliday, mais également les Bretons Dan Ar Braz, Gilles Servat ou Alan Stivell, tous sont accompagnés de musiciens élevés à l’école du bal nantais”, précise Laurent Charliot.

Les trois Jean. C’est au début des années 1970 que débute également l’épopée de Tri Yann. La carrière des "Trois Jean de Nantes" connaît un départ fulgurant, porté par la vague folk et le renouveau culturel breton. Plus de quarante ans après leur formation, les Tri Yan peuvent se targuer d’être le groupe nantais qui aura vendu le plus de disques - plus de trois millions d’exemplaires, et plus de deux mille concerts à travers le monde. C’est aussi un des groupes français affichant la plus grande longévité.

Téquila, sur scène à la fin des années 1970. (photo : JM Crémet). Emmené par Philippe Ménard, guitariste gaucher et talentueux, le trio nantais enregistre un premier album en 1979 pour la major WEA. Le groupe se séparera en 1983.

Nouveaux horizons. Zig Zag, à partir de 1970, ouvre de nouveaux horizons au rock nantais en le mâtinant de psychédélisme. C'est Boris Bergman, futur parolier de Christophe et Bashung, qui signe les textes du premier et unique 45 tours du groupe ! Quelques années plus tard, Téquila et son leader Philippe Ménard, imposent leur rock social. “L’impact des Téquila sur le devenir de la scène nantaise est immense. De nombreux musiciens avouent que c’est grâce à eux, et particulièrement à Philippe Ménard, véritable pilier de l’histoire du rock à Nantes, qu’ils se sont mis à jouer d’un instrument et rêver, eux aussi, de former un groupe de rock.”

Ticket (Copyright : DR)

De Ticket à... IAM. Mais un autre groupe va marquer encore plus durablement le paysage rock nantais et bien au-delà : Ticket. Il a, à lui seul, porté la genèse d’Elmer Food Beat – Kelu en sera le guitariste, accueilli à la batterie Yves Le Rolland - ex producteur des Guignols de Canal+ - et Pipo, premier guitariste de Ticket, qui parti à Marseille pour occuper un poste d’instituteur deviendra… l’un des membres d’IAM sous le nom d’Imhotep, l’architecte sonore du groupe de rap marseillais !

C’est en 1979 que Ticket (en référence au "Ticket to ride" des Fab Four de Liverpool) commence à tracer son sillon, avec Jean-Michel Daniau à la guitare et au chant. Influencé notamment par la scène new-wave anglaise, dans la veine de Starshooter ou Bijou, Ticket acquiert une reconnaissance artistique et médiatique nationale, avec un passage remarqué aux Transmusicales de Rennes en 1980. Mais en 1986, devant la confidentialité de leur carrière, les membres de Ticket font leurs adieux lors d’un dernier concert à Rezé.

EV, emmené par Jari, invente le rock celtico-finnois (copyright : DR)

Au ralenti. Les années 80 sont étroitement associées à Rennes qui révèle une scène capable de rivaliser avec la capitale avec Marquis de Sade puis Etienne Daho. Nantes ? Une impression de tourner au ralenti. Même si des groupes comme EV et Cauda Draconis tentent de sortir la ville de sa léthargie. Et que des bars rock proposent des concerts : Le Zéphir, en face de Marcel-Saupin, Le Michelet, à Saint-Félix, Le Violon Dingue, près de la rue du Maréchal-Joffre ou Le Maltais, rue Grande-Biesse. C’est là que la future scène nantaise qui fera l’actualité musicale nationale à partir des années 1990, y révèle de vrais talents.

Dominique A se révèle au début des années 1990. Un article dans "Libération", une chronique dans "Les Inrockuptibles", un passage chez Bernard Lenoir sur les ondes de France inter : en quelques jours de cette année 1991, la carrière de Dominique A est lancée. (Photo : Phil Journé).

La nouvelle vague. Il y a donc eu John Merrick, découvert un soir pluvieux de Fête de la musique en 1986 et ce chanteur dont l’intensité cloue le public présent : Dominique Ané. Soit… Dominique A. Il y a Picasso y los Simios, dont l’influence fut cruciale à la fin des années 80. Philippe Katerine, Dominique A ou les Little Rabbits diront combien ce groupe et son leader, Éric Deleporte (il est aujourd'hui l'âme de Pério), seront décisifs dans la genèse de la nouvelle scène nantaise. Mais nés trop tôt, Picasso y los Simios, dont le spectre musical allait de Gainsbourg à Joy Division et Kraftwerk, se séparent en 1990. Loin de sonner comme le glas du rock à Nantes, c’est au contraire à l’émergence de nouveaux talents que toute une ville assiste. Le centre de gravité des musiques actuelles se déplace alors de Rennes à Nantes.

En haut à g., Philippe Katerine (photo : Phil Journé) / en haut à d., Françoiz Breut (DR) & Les Little Rabbits (photos : Phil Journé)

Nouvelle chanson française. Figure de proue de ce que l’on va rapidement nommer la nouvelle chanson française, Dominique A et son premier album "La fossette" entraînent dans son sillage toute une scène – Philippe Katerine, Françoiz Breut, Les Little Rabbits en tête – qui assume un double héritage culturel – Brel, Gainsbourg et Barbara pour le verbe et la langue - la pop et le rock indé britannique et américain pour les architectures musicales et sonores.

Manou, "frontman" délirant des Elmer Food Beat (Photo : Phil Journé).

Elmer Food Beat et son humour potache défraient l’actualité rock en 1990. Du "Plastique, c’est fantastique" à "Daniella", Manou, son slip kangourou XXL et sa bande, dynamitent les scènes et le Top 50 : 500 000 exemplaires vendus pour leur premier album, groupe de l’année aux Victoires de la musique en 1991 : du jamais vu pour un groupe de rock nantais !

à g., Dolly (DR) / au c. Hocup Pocus (DR) & Smooth (DR)

Diversité. Au tournant des années 2000, le succès rencontré par Dolly et sa power-pop, puis ceux d’Hocus Pocus (hip hop/soul) ou Smooth (electro-soul) attestent de la diversité de la scène nantaise. Chanson, pop, rock, électro, soul, hip hop… l’effervescence est là.

à g. Minitel Rose (copyright : FVTVR) / au c., Pony Pony Run Run & à d. David Grellier aka College (feat. Sexy Sushi).

Electro pop club de Nantes. A la fin des années 2000, une scène électro-pop émerge avec le label Futur de Raphaël d'Hervez, membre de Minitel Rose puis en solo avec son projet dream pop, Pegase. Avec son tube planétaire "Hey you !", les Pony Pony Run Run sont consacrés par la presse anglo-saxonne qui voit en eux les dignes héritiers de la scène synth-pop des années 80. Avec le single "A Real Hero", David Grellier, aka College, du collectif Valérie, décroche en 2011 un hit mondial, grâce à sa présence dans la B.O du film "Drive".

Orange Blossom (DR)

Du hip hop à l’electro, la scène nantaise explore les possibles. Cela fait longtemps que le format classique du rock "guitare/basse/batterie" a laissé le champ à d’autres variations et (r)évolutions, aux influences diverses. Orange Blossom crée ainsi depuis plus de 20 ans une grammaire musicale nourrie par l’Orient et l’Occident. Hocus Pocus est devenu dans les années 2000 une référence en hip hop puis en "djing" avec C2C, couronnés aux Victoires de la musique en 2013. Tout comme Christine and The Queens, qui mixe chanson, électro et r’n’b.

"Longtemps Nantes a offert une image très pop, une image qui s'estompe depuis quelques années tant la scène nantaise est aujourd'hui plurielle, faisant cohabiter de nombreuses esthétiques." Laurent Charliot.

La reine Christine. De son vrai nom Héloïse Letissier, la Nantaise marque les esprits avec son premier album "Chaleur humaine", paru en 2014. Vendu à près d'un million d'exemplaires dans le monde, il mixe chanson, électro et R'n'b. Elle remporte 2 Victoires de la musique en 2015 puis deux autres l'année suivante. Elle est consacrée à la Une du Time magazine en 2016.

Une du Time Magazine / octobre 2016

Ici, c'est Nantes ! Nantes est aujourd'hui sans conteste l'une des places fortes des musiques actuelles en France et en Europe. Et la scène locale continue de se réinventer à la croisée du rock, de la pop, de l'électro et de la chanson : de Pégase à Von Pariahs, de Ko Ko Mo à Lenparrot et du label Futur au collectif Force Béton.

En haut à g. Pégase (photo : Régis Routier) / à d. Von Pariahs & Lenparrot (photos : Gregg Bréhin)

"Rock ! Une histoire nantaise". Le Château accueille une exposition consacrée à 60 années de rock à Nantes, du 24 février 2018 au 10 novembre 2019. Laurent Charliot, ancien chanteur de Iena Vox, groupe cold wave des années 1980, en est donc le commissaire. Il est par ailleurs l'auteur de plusieurs ouvrages sur le rock nantais. Dernière parution en date : ""Rock ! Une histoire nantaise" (Iéna éditions) en miroir de l'expo du Château, sélectionnée par le ministère de la Culture parmi une liste de vingt expositions pour recevoir le label Exposition d'intérêt national en 2018.

"Rock ! Une histoire nantaise" : la playlist par Stereolux. A écouter sans modération !

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Ville de Nantes .
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