Armistice. 11 novembre 1918, 5 h 40 du matin : l’armistice est signé entre les belligérants. À 11 h, les clairons sonnent le cessez-le-feu sur le front. La guerre s’achève sur un bilan humain et matériel effroyable. En France, 1,4 million de soldats sont morts, soit 1 soldat sur 5 engagés aux combats. On compte également 4 millions de blessés, essentiellement des hommes jeunes, dont 1 million sont désormais invalides.
"La Tranchée", un tableau de Jules-François Ponceau (Musée d'Histoire de Nantes)
On distingue deux cadavres parmi les décombres, dans un paysage désolé. Ce tableau représente une tranchée durant la Première Guerre mondiale. L'auteur, mobilisé sur le front, réalisera de nombreux dessins regroupés en un album.
5 837 noms. La société française sort donc profondément marquée par la guerre. Dans le département de la Loire-Inférieure, 20 % des hommes entre 19 et 27 ans sont morts. Sur la seule ville de Nantes, 5 837 noms s'inscrivent sur le monument aux morts érigé quai Ceineray en 1927 par la municipalité Bellamy.
Nantes, ville du front de l’arrière. « Le 11 novembre 1918 met fin aux combats mais ne solde pas quatre années de feu, de sang et d’expériences partagées », souligne l’historien Didier Guyvarc’h*. Il y a les soldats partis au combat : 40 000 Nantais, âgés de 19 à 47 ans, ont été mobilisés entre 1914 et 1918. Mais Nantes, ville du front de l’arrière, a aussi été pleinement intégrée à l’effort national de guerre. Port d’importance, centre industriel, ville de garnison pour les troupes anglaises et américaines, elle doit surmonter cette période hors du commun qu’a constitué le premier conflit mondial. L’ensemble de l’activité économique doit se réadapter au retour de la paix.
« Nantes doit passer d’un état de ville en guerre à celui de ville en paix. Mais cela prend du temps. Les réfugiés, les prisonniers de guerre allemands et les blessés sont encore présents en nombre à Nantes.» Xavier Trochu, historien de la Grande Guerre.
De la Guerre vers la paix. Dans ce contexte d’après-guerre, une partie de la population reste dépendante de l’aide alimentaire mise en place par la municipalité. La vie chère et l’inflation touchent la population. Les cartes de rationnement font leur apparition pour éviter les pénuries.
Hommage aux Poilus. La guerre est aussi présente en permanence dans les esprits du fait de la multiplication des hommages aux Poilus. « On dénomme des rues, des plaques mémorielles sont posées dans divers lieux, le pont Saint-Mihiel doit son nom à la ville de la Meuse filleule de Nantes libérée le 13 septembre 1918. Il y a ce souci de se souvenir pour ne pas oublier et cicatriser ainsi collectivement la Guerre. Avec ce mot d’ordre : plus jamais ça !», décrit Xavier Trochu.
Après la Première Guerre, le rapatriement des corps. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, de nombreuses familles sollicitent l'administration pour obtenir le droit de récupérer le corps de leur défunt inhumé dans l'ancienne zone de front. Il faut attendre la loi de finances du 31 juillet 1920 pour que l'État précise les modalités de leur restitution. Pour la Loire-Inférieure, plus de 2 300 corps sont transférés vers les communes du département, dont Nantes. Gestion des demandes des familles, organisation des convois, financement du transfert… Le rapatriement des corps des soldats tombés au cours de la Grande Guerre est un vrai enjeu social et humain. Et la condition pour que le deuil des êtres perdus puisse s’opérer.
« Gueules cassées ». Les mutilés aux combats rappellent sans cesse à la population l’intensité des horreurs de la guerre. Pour ces nombreux blessés à l’intégrité physique perdue, la réinsertion sociale et professionnelle est difficile.
Une course de mutilés en 1920. Mais le conflit engendre des avancées majeures dans la médecine de guerre comme dans le matériel médical. Les fauteuils roulants acquièrent notamment une plus grande maniabilité et rendent peu à peu leur autonomie aux blessés grâce à l’autopropulsion. À Nantes, la société Aumont met ainsi au point un modèle actionnable par la force des bras, modèle victorieux lors de la course de mutilés organisée en 1920 à l’hippodrome de Longchamp.
« La Délivrance », monument aux morts controversé. « La Délivrance »... Cette sculpture audacieuse représentant une femme nue pour célébrer la fin de la guerre fait polémique dès son inauguration le 17 juillet 1927, face aux tables mémoriales. Jugée indécente par les Jeunesses patriotes, des association d’anciens combattants et la droite, elle fait l'objet d'actes de vandalisme, avant d'être renversée au cours de la nuit du 11 novembre 1927. Réinstallée dix ans plus tard dans l’actuel square Maquis-de-Saffré, elle est à nouveau retirée durant la Seconde Guerre mondiale, mais échappe à la refonte. Oubliée dans les ateliers municipaux, elle est réimplantée en 1987 près de l’Hôtel de région, à la pointe est de l’île de Nantes. Cette année, le 11 novembre 2018, La Délivrance retrouvera le square du Maquis-de-Saffré, à son emplacement de 1937, mais tournée vers les tables mémoriales.
D'une Guerre à l'autre. Mais dès mars 1922, un vote du Sénat autorise la reconstitution de la flotte de guerre. À Nantes et Saint-Nazaire, des contre-torpilleurs sont lancés en 1923 et 1925. Puis l’usine aéronautique de Bouguenais, près de Nantes, réalise le premier avion de chasse moderne de l’armée française, le modèle Morane-Saulnier 406.
Nobel de la paix. Même si le Nantais Aristide Briand défend inlassablement le rapprochement avec l’Allemagne et une culture pacifiste, et partage le prix Nobel de la paix en 1926 avec son homologue allemand aux Affaires étrangères, Gustav Streseman, la France entame rapidement son réarmement. L'expression « la der des ders » ne sera bientôt plus qu'un souvenir.
Sources : Archives de Nantes, le Musée d’Histoire de Nantes & Le Dictionnaire de Nantes (Presses universitaires de Rennes)*.