Le cashless, définition ?
Une idée neuve ?
Le cashless, littéralement le paiement sans espèces, n'est pas un concept des plus récents. En effet, dans les années 50, le complexe pour vacancièr-es Club Med a été le premier à initier le processus en proposant le "collier bar". Composé de boules de couleurs différentes (correspondant à différentes valeurs), ce collier permettait de payer dans les points de vente de ces villages vacances. L’objectif était de rendre plus facile et plus ludique le paiement, tout en réduisant la circulation des espèces.
Aujourd'hui, on retrouve les mêmes avantages sur nos festivals. Si les débuts étaient plutôt nébuleux et encore un peu archaïques, le concept s'est aujourd'hui démocratisé et a su conquérir le territoire français. Depuis 2011, la brèche a été ouverte par le Sziget Festival en Hongrie, qui fut le premier à utiliser un système de paiement dématérialisée.
Quels dispositifs pour quels usages ?
On observe 3 dispositifs qui se sont généralisés sur nos festivals et qui correspondent à l'usage dit cashless :
- Par l'utilisation des terminaux de paiement électroniques (TPE) qui permettent les règlements par carte bancaire traditionnelle et sans contact
- Par la mise en place d'une monnaie privative via des token et/ou tickets boissons, désormais un peu moins répandue
- Par la démocratisation de la monnaie privative via du paiement NFC et si relativement proche des token, elle apporte surtout la notion de dématérialisation de la monnaie interne et permet de multiples usages online (suivi des consommations en temps réel, rechargements en ligne).
Quelles sont les motivations pour passer au cashless ?
Désormais, au lieu de payer bières et saucisses frites en cash, il suffit d'activer à l’entrée du festival une carte ou un bracelet doté d’une puce sans contact, généralement facturée un euro, sur laquelle on crédite un montant par carte bancaire, liquide ou via un compte paypal. L'idée est plutôt un concept win-win pour chacun-e, autant du côté organisation que public.
Le gain est indéniable : hormis la rapidité du service augmenté de 15 à 20%, un bracelet ne peut pas être piraté et est quasiment impossible à subtiliser. Un festival n'a plus besoin de se soucier des caisses dans chaque point de vente, et la sécurité peut se concentrer sur d’autres tâches plus essentielles que la petite monnaie dans les caisses du bar.
Le bénéfice temps réalisé aux stands joue logiquement sur la consommation : selon les professionnel-le-s, son augmentation serait comprise entre 15 % et 20 %. Sur un festival de deux jours, le public passait auparavant trois heures dans les files à attendre son dû. Aujourd'hui, le temps disponible est accru. Les équipes sont plus rapides au bar et le risque d'erreur est diminué. La manipulation d'argent est réduite ainsi que les déchets liés aux jetons utilisés.
A l’heure ou les subventions se réduisent, les organisateur-rice-s doivent aussi faire face, entre autres choses, à la hausse des cachets des artistes. L'économie du Spectacle Vivant reste encore relativement précaire, et particulièrement sensible à ce genre de petit bonus de fin de festival. Dans 90 % des cas, on constate une augmentation de 5 à 10 % du chiffre d’affaires car souvent, le reliquat est réinjecté dans l'organisation et permet de boucler un budget.
Preuve en est, en 2015 sort sur la toile une cartocrise qui recense toutes les fermetures de structures culturelles depuis les municipales 2014. Véritable hécatombe culturelle, le projet est né de la volonté d'Emeline Jersol, une médiatrice culturelle au Boulon, centre national des arts de la rue situé en périphérie de Valenciennes (Nord). Avec le concours d’un webmaster, elle publie en janvier dernier une carte avec 48 marqueurs. Six mois plus tard, on en compte 204 ! On comprend ainsi qu'il est impossible de rechigner sur des économies aussi anecdotiques pour le public et pourtant si nécessaires pour les salles et festivals de France.
Qui plus est, les bracelets permettent de récupérer des informations indispensables, pas nécessairement les données personnelles des utilisateurs mais des données globales sur l'historique de consommation ainsi que celles de contrôle d'accès. À quel moment les festivaliers ont-ils consommé ? Vers quelle scène ? Quelle boisson ? Qui a été voir quoi ?
« La direction d’un festival se fiche de savoir combien de bières ont bu Pierre ou Paul, et s’ils étaient bourrés à 15 heures, explique Pierre-Henri Deballon [co-fondateur de Weezevent]. Ce qui l’intéresse en revanche est de connaître l’état des stocks. »
Celle-ci sert à d’autres applications, comme le contrôle des accès aux zones du festival et la gestion du personnel et des accréditations. Avec leur bracelet, les festivaliers peuvent aussi indiquer, sur les réseaux sociaux, leur localisation à un stand d'un partenaire commercial du festival.
Quels sont les freins pour passer au cashless ?
Globalement, le cashless continue d'être perçu assez négativement par le public, un peu moins par les organisateur-rice-s des festivals qui finissent par en assimiler les enjeux. Pour les festivalier-ère-s, il y a le sentiment d'être poussé à la consommation, entre la consigne du verre (un euro), parfois l’achat de la carte ainsi que le remboursement limité dans le temps, en cas de solde restant.
Les débuts sont un peu houleux, notamment en raison des bugs qui peuvent paralyser le système de manière temporaire et empêcher tout achat. Par exemple, le festival espagnol Primavera Sound a connu une panne en 2011 et pendant plusieurs heures, aucune vente n'a été possible. Les festivalier-ère-s n'ont pas pu s'abreuver malgré la chaleur et les organisateurs ont eu un manque à gagner considérable.
Comment communiquer efficacement ?
Heureusement, il est possible de démystifier l'utilisation du cashless sur les festivals en adaptant sa communication le plus justement.
Exemple parfait plus haut dans le cas de Rock en Seine & PayPal : ces derniers ont produit cette courte vidéo dans le but de sensibiliser les festivalier-ère-s à l'utilisation du cashless. En plus d'expliquer simplement l'utilisation du bracelet, la vidéo se veut rassurante et pédagogique afin de lever le freins de la complexité d'utilisation et de la sécurité.
Il est également primordiale d'informer clairement sur la politique concernant le reliquat d'argent sur le bracelet. Certains préfèrent le réinjecter dans leur budget, d'autres, comme le Marvellous Festival proposent de les réutiliser pour les autres événements qu'ils organisent.
Ainsi, les avantages en terme d'image et de communication fleurissent :
- L’adossement de partenaires sur ce nouveau support & donc un nouvel outil d'activation en ligne. Par exemple, il est possible d'ajouter des étapes dans le tunnel d’inscription pour proposer des réductions sur certains articles ou faire gagner des lots sur place (Photomaton connecté, check-in réseaux sociaux, loterie...) ou encore quand un spectateur entre sur l’événement et se fait scanner son billet, il reçoit un SMS l’invitant à télécharger l’application mobile.
- La fidélisation d'un public en lui proposant une nouvelle offre similaire qui a d'avantage de change de le séduire, comme c'est le cas pour le Marvellous Festival
- La création d’une base de contacts qualifiés en fonction des goût et de la consommation, en prenant bien soin de respecter les dernières réglementations en matière de protection de données (le RGPD mis en place depuis le 25 mai 2018) et donc activable de façon plus stratégique et performative. En effet, celle-ci vous permettra d'ajuster votre message en fonction de ce qu'il a consommé et des concerts qu'il a été voir grâce aux données de contrôle d'accès. Le festival pourra ainsi lui proposer, d'une année sur l'autre, des offres personnalisées.
- La mise en avant du parcours client des festivali-ère-s via les données de contrôle d'accès, très utile aux annonceurs qui peuvent adapter leur visibilité en fonction de l'affluence sur certaines zones d'un festival.
"Utiliser les données que l'on possède sur les publics à des fins de communication marketing a longtemps été un tabou dans les lieux subventionnés, il est aujourd'hui en passe d'être levé." (La Scène, juin - juillet - août 2018)
Bien que le cashless souffre encore d'une image souvent méjugée, sa praticité n'est plus à mettre en cause. C'est aux acteur-rire-s du secteur du Spectacle Vivant d'ajuster leurs discours et de tirer parti le plus efficacement de ses avantages indéniables. Une bonne communication et une transparence à tous les niveaux est souvent la clé !
Laura DEBARD