Se baigner dans la Seine à Paris, rêve ou réalité ?

C’était un engagement du maire Jacques Chirac en 1988 : dans 5 ans j’irai me baigner dans la Seine. Engagement non tenu mais remis au goût du jour, près de 30 ans plus tard par la maire actuelle Anne Hidalgo.

Prudente, elle ne va pas comme son prédécesseur jusqu’à affirmer qu’elle plongera devant témoins. Mais, dans le cadre de sa candidature pour les JO de 2024, la mairie de Paris a élaboré un « plan d’action » dont l’une des mesures phare vise à rendre la Seine à la baignade. La mairie promet même de rendre le bassin de la Villette baignable dès 2017. Rêve ou réalité ?

Désir, danger ou dégout… les avis sont partagés.

Dimanche 28 août nombre de Parisiens se sont jeté à l’eau. Pour la première fois depuis 2012, une course de natation, la Fluctuat, était organisée par la Fédération française de natation, dans le bassin de la Villette, qui relie le canal de l’Ourcq au canal Saint-Martin, dans le 19e arrondissement de la capitale. Quiproquo ou coup de bluff, un groupe d’activistes, le laboratoire des baignades urbaines expérimentales disait avoir obtenu l’autorisation d’organiser, pour la première fois depuis 1923 un grand bain public. Finalement interdite, cette baignade a pourtant attiré des centaines de Parisiens, trop heureux de faire trempette en pleine canicule. Parmi ces baigneurs « pirates », il y avait Elise.

Au pied de la Bibliothèque nationale de France, la piscine Joséphine Baker accueille sur la Seine, mais dans un bassin d’eau bleue et bien chlorée les nageurs depuis 2006. Ces derniers seraient-ils prêts à passer par dessus bord ?

Sur les quais, bars, restaurants et food-trucks installent tables et transats au bord de l’eau. Et si leurs terrasses se transformaient en véritables plongeoirs ?

Prolongée jusqu’au 4 septembre la quinzième édition de Paris-plage accueille touristes et parisiens avec ses transats dans le sable. Il ne manque qu’un petit bain pour se sentir presque au bord de l’océan.

La baignade dans la Seine est en fait une vieille tradition parisienne et banlieusarde du côte de Joinville le Pont et Charenton notamment. Jusque dans les années 50, les bains de Seine étaient une pratique courante, même si un arrêté de la Préfecture de Paris l’interdit formellement depuis 1923. Aujourd’hui les contrevenants risquent une amende de 15 euros. Quant aux épreuves de natation encadrées, elles ont démarré en 1905 et ont eu lieu sous des formes diverses très régulièrement, marquant toutefois quelques pauses de 1936 à 1943, de 1992 à 2000 et de 2012 à 2016.

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Baignades dans la Seine de 1900 à 1943 © Gallica BNF et André Zucca BHVP Roger-Viollet

Peut-on vraiment se baigner sans risque pour la santé ?

Syndicat d’assainissement, Agence de l’eau, agence régionale de santé (Ars), associations de protection de l’environnement, pêcheurs… tous les observateurs s’accordent à constater que l’eau de la Seine n’a jamais été aussi propre. Plus propre mais pas suffisamment saine pour conseiller aux Franciliens d’y plonger avec délectation car comme le rappelle l’Ars : « se baigner dans une eau non contrôlée, ou faisant l’objet d’un arrêté d’interdiction, peut entraîner chez l’homme divers problèmes de santé. Des germes pathogènes ou des résidus de produits chimiques peuvent contaminer l’eau et déclencher des irritations de la peau ou des yeux, des otites, des rhinites, des troubles digestifs ou respiratoires… »

Un vélo repêché dans la Seine, quai François Mauriac © Myrtille Dupont

Vincent Rocher, responsable expertise et prospective du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, interrogé par le Huffington Post dans un article du 5 août 2016 se veut rassurant :

"Jamais, dans un référentiel de 40 ans, la Seine n’a été aussi propre, tant d’un point de vue physico-chimique que bactériologique grâce à une meilleure gestion des réseaux des eaux usées et à une amélioration de la qualité des traitements."

Le nouveau traitement de l'ozone élimine mieux les micro-organismes qui sont pris en compte dans la directive eaux de baignade. Principal point noir à lever toutefois : la contamination accidentelle par des matières fécales, sources de bactéries et notamment de la redoutée Escherichia coli, qui a imposé, par le passé, l’annulation de certaines épreuves sportives.

Turbidité et trafic

Toutefois, même si la qualité de l’eau de la Seine atteint les standards admissibles, il faudra encore résoudre quelques contraintes techniques. D’abord la turbidité (le contraire de la clarté) de la Seine qui reste un handicap pour la nage. Selon la norme européenne, dès lors que l'eau est « trouble » au point qu'un objet ou un corps distant d'un mètre, n'est pas visible, son taux de turbidité impose la stricte interdiction de s'y baigner.

Trafic maritime sur la Seine à Paris ©DR

Autre obstacle et de taille : le trafic fluvial. Chaque année, ce sont plus de 20 millions de tonnes de marchandises qui transitent par les terminaux gérés par le port autonomes de Paris. On estime que, d'ici 2020, la hausse du trafic fluvial des conteneurs sera doublé suite à l'ouverture du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe qui reliera l'Oise au canal de Dunkerque. Et c’est sans compter les bateaux de tourisme et autres vedettes qui sillonnent la capitale chaque jour.

Le développement du transport fluvial encouragé par le Grand Paris est-il vraiment compatible avec l’idée de transformer la Seine en vaste piscine ? Plus vraisemblablement si la Seine est rendue aux baigneurs ce sera dans des aires bien délimitées au premier rang desquelles le bassin de la Villette, déjà annexé par les plus téméraires.

Dimanche 28 aout 2016, bassin de la Villette, paris 19ème © Elise Morvan

Credits:

Photo d'accueil Alex Barnab Voyer, laboratoire des baignades urbaines expérimentales

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