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Voile de bénédiction (?) avec les instruments de la Passion

1599, BRUGGE - Filet brodé au point de reprise et dentelle aux fuseaux | COLLECTIE MUSEA BRUGGE (XIX.O.0006)

Qu’est-ce que c’est ?

À première vue, il est difficile de dire à quoi servait ce bout de tissu. C’était peut-être un voile de bénédiction. Le prêtre s’en servait lors de cérémonies particulières pour tenir l’ostensoir contenant l’hostie et bénir les fidèles. Mais il peut aussi s’agir d’un voile de tabernacle, un petit rideau qui cache le lieu de conservation de l’hostie.

Peut-être ce voile faisait-il même partie d’un plus grand ensemble. Il représente les instruments de la Passion : les objets qui jouent un rôle dans l’histoire biblique de la crucifixion du Christ.

1. Trahi

La bourse fait référence à l’apôtre Judas, qui se laisse acheter par les grands prêtres et dénonce le Christ. La lanterne est celle de Malchus, un serviteur des grands prêtres. Saint Pierre, qui veut défendre le Christ, attaque Malchus avec un grand couteau et lui tranche l’oreille. Mais un peu plus tard, saint Pierre se montre moins courageux : par crainte d’être lui-même arrêté, il nie connaître le Christ. Un coq se met alors à chanter.

2. Flagellé

Après son arrestation, le Christ est jugé. Pilate le condamne à la crucifixion, mais « s’en lave les mains ». C’est à cela que font allusion le broc et la cuvette en bas à gauche. Une fois la sentence prononcée, le Christ est brutalisé. À gauche et à droite de la croix se trouvent les instruments de son supplice : une verge faite de branchages et un fouet en lanières de cuir. Les bâtons en forme de x à gauche de la croix servent à lui enfoncer la couronne d’épines sur la tête.

3. Un voile dans le voile

Tandis qu’il montait au Golgotha en portant sa croix, le Christ aurait croisé sur son chemin sainte Véronique, qui aurait essuyé la sueur de son front avec un voile. Le visage du Christ serait alors miraculeusement apparu sur ce voile – Véronique est dès lors devenue la sainte patronne des photographes. Juste au-dessus du voile de Véronique figure la croix sur laquelle le Christ est mort. « INRI » est l’abréviation de « Iesus Nazarenus, Rex Iudaeorum », « Jésus de Nazareth, roi des Juifs » en latin.

4. Cinq plaies

Les cinq blessures du Christ sont représentées en bas : les quatre plaies aux mains et aux pieds faites par les clous et le coeur transpercé par la lance. Les outils avec lesquels le Christ a été cloué sur la croix, puis détaché de celle-ci, sont dispersés sur le voile. Les trois pots en haut à droite font allusion aux trois femmes qui ont voulu embaumer le corps, mais ont trouvé le tombeau vide.

De fabrication brugeoise

Il est extrêmement rare que nous connaissions le nom de l’auteur d’un ouvrage de dentelle, mais cette oeuvre fait exception à la règle. Les armoiries en bas dans les coins renvoient sans conteste au couvent Spermalie de Bruges.

5. L’abbesse Francisca

Le blason, les initiales FB et la crosse en bas à gauche font référence à Francisca de Béjar, abbesse de Spermalie à partir de 1584. En 1606, elle démissionna de sa fonction. Nous ne savons pas exactement pourquoi, mais il devait s’agir d’une affaire très sensible : après son décès, son nom et son blason furent retirés de sa pierre tombale.

6. Soeur Maria

Le blason et les initiales MM font référence à Maria de Matança. Elle était une personne de confiance de l’abbesse Francisca, qui la voyait bien lui succéder. Elle ne fut toutefois pas élue. En 1666, quelqu’un écrit que Maria « a réalisé beaucoup de belles choses pour l’église ». Peut-être ce voile ? Détail singulier : en 1623, Maria fut miraculeusement guérie d’une paralysie. Le dossier d’enquête – avec les déclarations de Maria, d’autres soeurs et des médecins – a été conservé.

7. Le filet

La technique du filet a été utilisée pour ce voile. Le nom renvoie à l’origine de la technique : le nouage des filets de pêche. Le fond est composé de petits trous carrés (les mailles) avec un noeud dans chaque coin. Certaines mailles sont laissées ouvertes, tandis que d’autres sont bouchées : c’est ainsi que les motifs se forment sur le voile.

8. La dentelle du bord

Le voile est bordé d’une élégante bande de dentelle aux fuseaux. Elle est réalisée à l’aide de fuseaux sur lesquels du fil est enroulé. Les fils sont entrecroisés et entrelacés de manière à ce qu’apparaisse un motif déterminé. Il est fort possible que le bord soit un ajout ultérieur, mais ancien quand même : il est en effet en dentelle Vieux-Flandre (réalisée avant 1699).

9. Chaque coin est différent

La représentation centrale est entourée d’un large bord avec un motif de rinceaux, de fleurs et de feuilles. Le bord a fortement jauni. Peut-être a-t-il été ajouté plus tard et est-il fait d’un autre matériau. Examinez également la composition : elle n’est pas parfaitement symétrique. Le motif est différent dans chaque coin.