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J1 Atelier #1 KARATÉ / THÉÂTRE NADIA DUMONT / LAURENCE FISCHER / DARIA LIPPI

JOUR 1

LAURENCE FISCHER

SALUT

Mitsubidashi (position pieds en V)

Dashi=position

D’abord on salut l’endroit où on va travailler, le moment où on passe de Juliette à karatéka.

Un moment de méditation (mokso) mains jointes on se concentre sur la respiration.

Puis on fait trois saluts : au shomeini (le karaté avant le karaté qu’on fait aujourd'hui), au senseini (celui qui enseigne), aux ottagani (les partenaires).

Seiza (position assise fesses sur les talons)

Kirizu (on se lève)

C’est l’enseignant qui donne le rythme pour qu’on fasse tous au même temps dans la même énergie. On se dispose par ordre d’expérience de gauche à droite (par ceinture).

Echauffement

On court

lateral

flexions

talons fesses

genoux au ventre

changement de direction

on court en arrière

on court par deux

extension on se tape dans les mains

on change de coté (on passe de l’intérieur à l’extérieur)

À deux sur la ligne :

- accélération et on relâche

- latéraux en changeant de garde

- ciseaux les doigts accrochent le sol

- accélération sur place

Action/réaction, on part d’un état très fluide à « ahhh », comme en combat, on sollicite son attention,

ça part on part. Je suis sur la plage un tsunami arrive, je me mobilise tout entier, je pars sur

l’avant. Explosivité, réaction. Je donne le départ.

A la plage, on se détend, tout est relâché, ce qui compte c’est le démarrage, trois pas au maximum

après vous déroulez tranquillement la course. Ca passe par la respiration, même quand vous démarrez.

Ne contractez pas, respirez.

sur le ventre

sur le dos

assis face à la course

assis dos à la course

à plat ventre dos à la course.

C’est une position normale, une position naturelle. Dans les arts martiaux on apprend à réagir en situation de danger. Si vous êtes déjà en tension la réaction sera lente.

Echauffement articulations : (4 temps)

Cou (on tourne dans un sens puis dans l’autre, de haut en bas, latéral, coté+trapèzes (on pousse la main opposée vers le sol).

Epaules.

Hanches (talons au sol puis talon qui se décolle). N’oubliez pas la verticalité, on fonctionne toujours sur le fil central. Visionnez le fil et vous tournez autour.

Jambes largement écartées, on touche le sol avec les mains, dos droit : devant, chevilles, milieu, derrière, on se redresse et on pousse le bassin vers l’avant (1 temps par étirement).

Etirement psoas. Genou gauche plié, jambe droite tendu. De l’autre coté. On plie le genou de la jambe arrière, on tend celle de devant, on fléchit et on plaque le ventre à la cuisse. On repasse à la position précédente. Coudes au sol. Bascule arrière (bassin de face, genou plié vers l’arrière, dos droit, on s’aide avec les mains au sol). Bascule avant (bassin vers le genou, coudes au sol), bascule arrière, bascule avant (5 fois). Puis on change de jambe.

On s’assoit. Roulade arrière, on s’accompagne avec les mains, jambes tendues, quand on revient on s’étire sur les jambes. Ca entraîne à la chute. Quand on tombe ce qui il y a de plus fragile c’est la tête. On la protège. Pas de galipette, je part en arrière mais je passe sur l’épaule, rentrez votre tête, la tête ne touche pas, partez sur l’épaule. On se sert des mains pour équilibrer. On essaye les deux cotés.

On peut travailler ensuite sur l’avant. Main opposée à coté du pied, genou plié pied à terre. Le bras part en arrondi, je pose l’épaule, pas la tête. Quand on arrive on tape avec la main pour absorber le choc avec la main plutôt qu’avec le corps. C’est l’épaule qui se présente.

Pompes.

On les fait sur les poings pour préparer le coups de poings. On plie les doigts et le pouce vient fermer par dessus. Je pose les deux premières phalanges sur le tatami. C’est avec ça qu’on frappe. On appelle ça les Kento. On travaille cette sensation.

En même temps on travaille sur l’efficacité. L’efficacité c’est le rail. Vous êtes sur un rail. Quand je suis en face d’un partenaire, l’énergie va là. Je ne sors pas mes coudes. Tout droit. Même sur des techniques un peu arrondies le coude ne sort pas. On reste sur cette ligne, sur ce rail. Le zuki (coup de poing) c’est la même chose. Il part devant moi, mes coudes sont serrés. Donc les pompes c’est pareil. Quand je descends, les coudes sont le long du corps, collés à mes côtes. Le poing est au dessus de mon épaule. Pompes sur les genoux ou sur les pieds si vous êtes bien gainés.

Soyez bien sur vos kento les pouces se font face (5 temps).

On étire les épaules, puis les triceps.

Sur les kento, une jambe pliée, pieds sur coussinet, l’autre tendu, et on change de jambe (10 temps lents puis dix temps le plus rapide possible).

Les deux jambes ensemble (10 temps lents puis dix temps le plus rapide possible).

La vague (travail de fluidité). Jambes largement écartées, mains le plus loin possible au sol, on descend, dos en vague puis on repousse, le poids à nouveau sur les jambes. Coudes serrés. Rentrez bien le ventre, tenez votre dos. Je monte je redescend, c’est fluide. Je ne touche pas le sol, je contrôle la descente.

Abdos

Abdos croisés. Estomac contracté, je remonte le périnée. Le nombril touche la colonne vertébrale. Même coté, puis on change. Contrôlez la descente.

Dos à terre, jambes tendues (ou pas si ce n’est pas possible) pieds au dessus de la tête, je pousse vers le haut et je contrôle la descente. Bras au sol, mains à coté des hanches, paumes vers le sol.

Fin de l’échauffement.

introduction au combat

On prend les cibles et les gants. Cible : on la colle au corps, c’est important pour la sensation au moment de l’impact.

Position de combat : fudodashi. Jambes fléchies, poids du corps au milieu. On ne peut pas être tendu sinon on ne peut pas être mobile. En boxe la garde est plutôt en position haute, nous on descends, on relâche les épaules.

La distance c'est pouvoir toucher la garde avant du partenaire avec sa main avant.

Les techniques qu’on peut faire en combat : coups de poing direct, je pars de la taille (oïzuki). Le coup de poing avec le bras avant c’est plutôt au visage (maïté). Les coups circulaires : uraken de l’intérieur vers l’extérieur et aïto (main ouverte de l’extérieur vers l’intérieur). Les coups de pied : yokogeri (latéral). Puis on a maïgeri (coup de pied fouetté en avant). Avec la jambe arrière on peut mettre un mawashigeri (circulaire) ou de la jambe avant (avec pas chassé). C’est tout ce qu’on peut faire sur les techniques, ensuite on a aussi des projections. Et avec ça on combine. Par rapport aux techniques qu’on a en kata c’est assez limité. On a pas le droit au coups de coude, au coups de genoux, à taïcho

On a droit à des prises (elle déséquilibre Nadia et l’accompagne au sol) et une fois qu’elle est au sol, bim, je l’achève. Enfin je l’achève… je termine… je termine ma technique. Car si une fois qu’elle est au sol je la tape sur l’épaule par exemple, l’arbitre ne va pas concéder le point. Mais il y a une forme de réalité aussi, si je la tape à l’épaule, ce n’est pas un point vital. Il faut aller au bout.

J’appelle le combattant en face un partenaire, pas un adversaire. Car s’il n’est pas là je ne fais rien.

DÉPLACEMENT. Je vous propose de démarrer par le déplacement. Avant les techniques il faut savoir se déplacer. C’est comme en tango, avant les fioritures il faut se positionner comme il faut. Nous c’est pareil. On va devoir surprendre par nos déplacements. Plus je vais être mobile, moins mon partenaire va savoir ce que j’ai envie de faire. C’est tout le corps qui se déplace, pas seulement les jambes, tout le corps. Mettez vous en garde, ça vous donne une tenue en haut. Et au niveau de vos jambes le principe c’est pointes de pieds, on sautille de haut en bas. Je ne suis pas jambes tendues, je ne suis pas super bas, je ne suis pas trop écartée, je ne suis pas debout, c’est un équilibre. On commence comme ça. On se met en face d’un partenaire.

Quand je suis en face d’un partenaire, la première chose que je fais : je le salue. Je vais lui mettre une grosse patate, ce n'est pas grave, je le respecte. La distance c'est deux mètres (deux carrés).

On se met en garde, jambe gauche devant.

Les deux jambes fléchies, je suis à cheval, assise sur mon cheval, à quarante-cinq degrés. On saute de haut en bas. Sur place. Souples sur nos genoux. Au signal on change de garde.

Relâchez les épaules. On garde la même distance (5 temps).

Yamé. Yamé ça veut dire on revient en ioï. Ioï, c’est la position où je suis prête. Pieds à la largeur des hanches, poings fermés. S’il arrive quoi que ce soit en ioï je suis prête. Yasmé on se salue. Après on peut se relâcher. En ioï, je suis focus, très concentrée.

Maintenant on va se déplacer. Si je me déplace en sautant de haut en bas, je ne vais pas avoir beaucoup de possibilités. C’était pour vous donner la sensation de souplesse dans les chevilles et les genoux. En combat, c’est ça mais avant arrière. Et on ne pose jamais les talons. Toujours en pointe de pieds pour avoir la mobilité.

Nadia : En karaté traditionnel on reste le pied à plat et on glisse. Dans la forme sportive, pour l’explosivité et la vitesse on est plus efficace sur pointes de pieds. En compétition, il faut marquer des points et c’est le plus rapide qui marque.

Laurence : On va quand même chercher dans le sol. L’énergie, l’impulsion vient des appuis, on la prend dans le sol. Mais le fait qu’on enchaîne les techniques et les déplacements latéraux… Aussi on n’est pas dans cette recherche de transpercer l’autre. Moi, j’ai appris comme ça et ça m’est resté, du coup je faisais des KO !

La fluidité c’est en même temps d’avoir un ancrage et d’être mobile.

On va maintenant travailler d’avant en arrière, et c’est quand je suis sur l’arrière que je vais frapper. C’est quand je suis sur mon appui arrière que mon coup peut partir. Je prends mon impulsion sur ma jambe arrière, même pour un coup avant.

Je reste en face de mon partenaire et je fais avant arrière. On peut tourner. Et changement de garde.

Changez de partenaire, c’est important de changer pour avoir d’autres sensations…

Variante 1 : quand je dis ich (1) on fait avant arrière, quand je dis ni (2), on fait en haut en bas.

Vos bras c’est à la fois ce qui vous protège et ce avec quoi vous attaquez. Ce sont vos antennes.

Variante 2 : On travaille à distance. Il faut trouver sa distance, car si je veux l’attaquer et que je suis ici (elle donne un coup dans le vide) je suis trop loin. Ici je suis trop près, je ne peux pas développer mon coup. La notion de distance est très importante.

FAIRE TRAVAILLER LA DISTANCE. Maintenant on va essayer de garder notre distance, la bonne, en se déplaçant. C’est moi qui travaille donc le partenaire ne se concentre que sur son déplacement, ce n’est pas à lui de maintenir sa distance. On fait avant arrière, Thomas bouge comme il veut et moi je dois maintenir ma distance. C’est souple. Si on s’arrête, je suis à ma distance. Maintenant c’est moi qui fais travailler Thomas, je vais ajouter des petites choses. Trouve ta distance. Maintenant c’est moi qui t’impose quelque chose.

Laurence : Que est-ce que tu sens que je fais ?

Thomas : Tu me mets la pression.

Laurence : Exactement, cette pression tu dois la gérer. Tu te remets à chaque fois à ta distance, sinon je suis de suite sur toi, je rentre dans ta zone de sécurité et tu es en danger. On continue à faire des changements de garde. Quand tu fais ton changement de garde, si je réagis deux secondes après c’est trop tard. Je mets la pression en avançant sur toi et je la relâche.

Il y a des natures. Tu es plutôt sur la défensive, tu veux faire venir l’autre, ou alors tu attaques beaucoup, tu mets la pression. Ce sont des choses que l’on travaille en ressenti, je vous en parle car ça peut vous servir en théâtre, mais normalement on n’aborde pas cela de suite, on fait l’exercice.

Pour le travail en sensation gardez bien le travail avant arrière, recentrez-vous sur ça quand la pression augmente trop. Et quand on le sent, on revient sur le travail de pression et relâchement. C’est intéressant de s’observer, de voir comment on réagit quand on nous met une pression de dinguo, et à l’inverse, dans le relâchement comment on arrive ou pas à retrouver sa distance.

Ce qui se passe en combat, la situation réelle où cela se produit, est, par exemple : je suis en train de perdre mon combat, je subis, donc je suis obligé de revenir sur lui de lui mettre la pression, et à l’inverse : je suis relâché, je domine mon combat, viens, viens, je l’oblige à me courir après : qu’est-ce que tu me propose, c’est moi qui mène, vas-y !

C’est l’idée de la joute verbale, je mène la situation, je te balade, alors que quand je perds : merde, il faut que je trouve une solution, que j’agisse, il faut que gagne mon combat. Ça peut être l’inverse, mais aujourd'hui la situation que je vous propose c’est ça.

On se met par deux, un travaille à garder sa distance de façon constante, l’autre met la pression et la relâche. On y va. 40 secondes chacun. Pas de changements de garde pour commencer.

Commencez pas trop fort, partez toujours sur avant arrière et vous pouvez faire des déplacement latéraux. Mettre la pression ce n’est pas nécessairement grossier, à fond. On peut mettre la pression de façon souple. C’est une sensation plus que quelque chose de direct, de visible. Je sais que c’est moi qui lui mets la pression.

On change de partenaire.

Variante 3 : on pense miroir. On va essayer d’être dans le timing de ce que propose l’autre. On se mets vraiment à sa place, on change de garde en même temps que lui (elle travaille avec Nadia). Je fais exactement ce que fait mon partenaire. Il faut essayer de tout voir. C’est Nadia qui travaille d’abord. C’est moi qui te demande de faire ça, tu fais la même chose que moi. Si vous êtes à l’aise sur le déplacement vous ajoutez le changement de garde. Dès que je donne une indication, Nadia me suit. (Elles inversent) C’est bien car Nadia ne va pas très vite. L’idée c’est je me mets vraiment à sa place : ah ! elle change de rythme, ah, elle change de garde… Ça demande beaucoup de concentration. On est moins dans la notion de distance et plus dans : comment est-ce qu’elle bouge ? Comment est-ce qu’elle se comporte ? Elle a un rythme qui lui est propre, on a chacun son propre rythme, comme dans la marche. N’allez pas vite au début. Après on peut accélérer un petit peu… L’objectif est de mettre l’autre en retard.

Les deux coups de poing du combat

Maïté (coup de poing avec le bras avant). En garde le coude est à la hauteur de la ceinture (vous avez tous tendance à être plus haut, c’est normal…), le bras et la main sont relâchés, et c’est comme si un fil nous tirait. On vise le visage. Ce coup de poing entraîne le deuxième.

Zuki, le poing est au niveau de la ceinture. Je vais vous expliquer la forme.

Mettez vous en Ioï. Vous allez voir aussi l’importance de l’équilibre, je suis sur un rail. J’avance ma jambe droite, jambes bien fléchies, je suis en position de combat. Il faut bien garder la largeur des hanches, vous avez tous tendance à avoir les pieds sur la même ligne.

BIEN FAIRE SA POSITION DE COMBAT. Refaites ça à partir du Ioï : pieds à la largeur des hanches et j’avance mon pied droit en maintenant cette distance. Le buste tourné à 45 degrés, je ne donne pas tout à mon partenaire. L’énergie est dans le hara (le ventre), c’est ça qui compte, c’est le centre.

Pour le coup de poing avec le bras gauche ce qui compte beaucoup c’est la rotation des hanches. Je me sers du sol et rotation. Et au final il y a le poing. Je ne me penche pas en avant, je garde ma verticalité, et je pivote. Rotation. Et je décolle mon pied pour engager le dos (en kata on garde le pied à plat).

Pour que vous ayez la sensation du combat on va le travailler comme ça :

On part d’une position naturelle (renogi-dachi) : position debout jambe gauche devant.

On arme le poing droit à la ceinture.

A partir de cette position, les bras bien relâchées, on pense à la position de combat : on avance le pied. On va chercher loin. Le pied, on l’a vu avant, ne peut pas rester sur la même ligne, il avance en diagonale pour que à l’arrivée nos deux pieds soient à largeur de hanches. Je pars légèrement sur mon extérieur. Et là : yaku zuki. Puis je reviens et je relâche.

Ich : j’arme mon poing, je suis de profil.

Ni : je frappe (yaku zuki). Je vais chercher mon partenaire de face, je décolle le pied arrière, basculez le bassin sans se pencher en avant.

San : je ramène (on est encore prêts à partir)

Chi : je relâche.

Mon autre poing revient à la ceinture.

Je ne me penche pas en avant, car cela casse l’énergie, c’est dangereux. Vous n’êtes plus en équilibre sur vos appuis. On garde une ligne verticale. Mon talon est décollé naturellement, je ne le force pas. Si je fléchis mon genou, mon talon se décolle.

KIAI

Le kiaï c’est l’énergie, vous faites sortir votre énergie avec un cri, celui que vous voulez. `

Au bout de la technique, sur l’expiration, vous envoyez le maximum de ce que vous êtes.

Je pars bien détendu. C’est important. On en fait 5 rapide et fort et 5 autres avec kiaï.

Yamé, yasmé.

Nadia Dumont

Échauffement

Exercice 1

Plier légèrement les genoux. On relâche les genoux mais le bassin est droit.

On monte les bras et on inspire.

Sur l'expire, on descend nos mains comme si elles glissaient le long d'un mur.

On relâche.

On reprend on inspire, on monte les côtes.

On relâche.

Et encore une fois.

Exercice 2

On place les bras devant nous comme si on avait un gros ballon de plage.

Je rentre le ballon dans le ventre, je regarde à l'intérieur du cercle que font mes bras, je plie sur les genoux et j'expire.

Je reviens au centre j'ouvre les paumes de main vers le ciel et j'inspire, je regarde les mains vers le ciel.

Expire, retour au ballon.

Et j'inspire.

Ce sont mes omoplates qui poussent le cœur vers le ciel : mes pieds sont dans le sol, entre le bassin et les côtes il y a toujours un étirement, on est gainés. Je pousse le sternum vers le ciel.

Et j'expire, j'inspire.

Exercice 3

J'expire, je pousse les paumes de mains vers le sol. Descendre les épaules, étirer la tête vers le ciel. Ça étire les trapèzes.

Et on relâche.

Inspire, on reprend les omoplates qui poussent le cœur vers le ciel.

Pour étirer, il faut trouver les mouvements opposés (ex : coup de poing = coup de coude derrière). Respiration : sur l'inspire, le diaphragme descend et sur l'expire il remonte, les côtes se serrent donc profitez de l'expire pour faire descendre les omoplates. C'est comme un piston : le diaphragme remonte et donc on a une pression vers le bas qu'on fait avec les mains.

x 3 chacun à son rythme calé sur sa respiration

Exercice 4

Sur le principe du piston :

Inspire, le diaphragme descend, les mains montent paumes vers le ciel.

Expire, le diaphragme monte, les mains descendent paumes vers le sol.

Mains en mouvement inverse du diaphragme.

Respiration : base de tout.

Exercice 5

Inspire, mains montent le long du corps, paumes vers le ciel, coudes serrés.

Expire, les paumes de mains poussent vers l'avant.

Inspire, je ramène les mains paumes vers le corps, coudes serrés, je tourne les paumes vers l'extérieur, et je pousse sur les côtés comme si je repoussais un mur.

x3

Exercice 6

Debout, on explore la mobilité du bassin.

Bassin vers l'avant et vers l'arrière, on inspire en passant par le centre. On imagine une grande queue dans le prolongement du coccyx, quand on va en arrière on cambre mais on allonge, on n'écrase pas les vertèbres lombaires. Toujours en extension entre le bassin et les côtes. On étire le psoas iliaque qui est rattaché au diaphragme.

Même chose mais sur le côté : on balaie le sol avec sa queue imaginaire en passant par le centre. Attention à ne pas monter les épaules, les épaules ne bougent pas.

Maintenant les quatre directions.

L'idée est de démêler le bassin des cotes.

On change de sens.

C'est important de bien échauffer le bassin, dans les arts martiaux tout part du bassin, qui lie le haut et le bas du corps.

Si je veux mettre un coup de poing vers l'avant, je ne mets pas toute mon énergie dans cette direction, je vais chercher au même temps la direction opposée : le coude part en arrière, ce qui m'équilibre. J'ai l'intention de donner un coup de poing mais dans une non-intention.

Au karaté je ne mets jamais toute mon énergie au même endroit, car si je veux pouvoir changer de tactique, il faut que ce soit possible.

Travail sur le coup de poing

Pieds parallèles, debout.

Bras tendu devant, le poing à la hauteur de votre plexus.

L'autre poing dans le creux de la taille, sur l'expire on fait le coup de poing.

Au moment du coup de poing, les pieds s'enfoncent dans le sol, les abdominaux se gainent, le diaphragme qui remonte (on expire). On part du HARA (ventre).

Plus rapide maintenant.

x 20

On va le faire en avançant. Tout se passe au niveau des hanches. Le déplacement se fera toujours en partant du Hara.

Position zen kudzu-dashi, jambe avant pliée, jambe arrière tendue (pas raide), le bassin le plus droit possible. On va se déplacer mains sur les hanches, pieds à la largeur des épaules, comme si on était sur un rail. Quand on avance on passe par le centre (pied de la jambe qui avance en demi-pointe proche de l'autre).

On inspire en ramenant le pied vers le centre, on expire et on avance le pied (largeur des épaules).

x 10

Maintenant avec les bras. Bras devant tendu, l'autre à la hanche. Je change les bras après être passée par le centre. Attention à garder les pieds à la distance d'épaules.

x20

Plus vite x10.

Passer la hanche c'est difficile. Ma jambe de derrière est vivante, je m'en sers pour passer ma hanche. Mes pieds sont mes racines. J'utilise toute la force de mes pieds pour donner mon coup de poing. Quand je tourne mes hanches de face il y a aussi le verrouillage du fessier pour pouvoir garder la hanche parallèle.

Jambe droite devant.

Juste jambes et hanches.

J'inspire, je passe la hanche en expirant.

Jambe gauche devant.

Maintenant quand je fais le coup de poing je commence et je finis de face. Ma hanche est mobile mais quand je finis, je suis de face.

Travail avec un partenaire pour comprendre le fond de la technique

Nadia montre avec Laurence : Je fais une petite pression au niveau de son poing avec ma main. Elle va presser contre ma main mais si j'enlève ma main, elle doit rester en équilibre. Il faut éviter de mettre tout son poids.

Travail avec la cible :

Face à face. Le partenaire tient la cible au niveau du ventre, pieds parallèles. Je donne le coup de poing sur l'expire et mon partenaire expire en même temps que moi. J'inspire en restant avec le poing sur la cible et j'expire je donne le coup de poing avec l'autre bras.

Et si à un moment donné le partenaire se retire, je ne tombe pas. Mes pieds sont mes racines, hors de question que mes racines se soulèvent. S'il y a quoi que ce soit qui arrive on n'est pas déstabilisé. J'utilise ma force pure qui est liée à mon enracinement.

Il ne faut pas écraser le haut du corps, la difficulté dans le kata c'est qu'on a des mouvements très précis et il faut une contraction intense mais il ne faut pas un écrasement du squelette. C'est le problème chez beaucoup de karatéka, mais, comme je fais du shiatsu, pour moi la circulation de l’énergie est fondamentale, il faut que ça soit fluide, que ça respire. Il faut travailler la contraction et la décontraction du mouvement. Si vous commencez un mouvement en étant déjà crispé, vous allez perdre de la vitesse et de la puissance. La contraction arrive quand on arrête le mouvement, c'est là qu'on a le résultat : le kimé = le résultat de notre force : mélange entre la fluidité et la contraction. Et là on arrive au kiaï. Au départ du mouvement on maintient la position juste ce qu'il faut pour viser notre cible, un peu comme avec l'arc il faut un minimum de tension, mais on n'est pas crispé autrement notre bras tremble et notre visée n'est pas juste. Il faut vraiment doser la contraction.

Quand vous allez faire votre oï zuki si vous êtes contractés, vous êtes plus légers, votre énergie va monter vers le haut, parce que vous n'utilisez pas la pesanteur. En karaté on va étirer son haut du dos, l'allonger, mais on travaille aussi avec la gravité, le bassin est lourd vers le sol, les pieds sont dans le sol, et la colonne continue à s'allonger. Je suis forte dans mes jambes parce que j'ai de la densité, je suis ancrée.

On va faire ce même travail avec le partenaire la cible en ajoutant le déplacement.

On expire sur le coup de poing.

Un aller-retour chacun.

Kihon (coup de poing avec déplacement sans partenaire)

On pense à la décontraction et sur l'expire on gaine.

Les kihon, ces allers-retours qu'on a fait, c'est en quelque sorte une sorte de kata, c'est comme les gammes en musique. Le kata c'est une extension de kihon. Pour le moment on a fait que le oï zuki, mais on peut ajouter des blocages, des coups de pieds, des saisies, etc...

Notion de présence

En kata ce n'est pas facile car on travaille beaucoup dans le vide. On imagine plusieurs adversaires qui nous attaque dans différentes directions : ce n'est pas facile à imaginer. Les exercices à 2 permettent de mieux comprendre les mouvements, en visualisant justement la cible.

Travail avec partenaire :

Étape 1 :

Un de chaque côté du tatamis (sens de la largeur). On avance l'un vers l'autre et au bout d'un moment on va sentir qu'il faut s'arrêter, qu'on rentre dans le champ de l'autre, on a une sorte d'enveloppe autour de nous, une distance vitale, ça dégage une chaleur, une énergie, ça va nous donner l'indication pour s'arrêter. Et quand on est là (dans la distance vitale) soit on se fait la bise soit on se met une baffe. Quand on est en combat c'est la distance de survie. Je vous demande juste, quand vous avancez, d'avoir la sensation du hara. Si vous êtes trop dans la décontraction vous allez être déconnecté de votre champ, de votre enveloppe et de celle de l'autre.

Étape 2 :

A un moment donné il faut que vous puissiez passer votre chemin, aller de l'autre côté. Mais on va pas rester hara contre hara. Imaginez que vous êtes dans une ruelle étroite, c'est la nuit, ce n'est pas une situation très agréable, il y a un type en face de moi et il faut que l'on se croise, je ne sais pas quelles sont ses intentions donc je vais avoir une attitude qui fait que si la personne en face a de mauvaises intentions, elle ne va pas m'agresser. On s'approche, je garde ma notion de distance, je regarde et je passe mon chemin. C'est un regard : "j'ai vu que t'es là mais tu me fous la paix".

Exercice 1 :

Je ne quitte pas mon partenaire des yeux, et après je passe mon chemin.

Exercice 2 :

Je regarde loin, tout d'un coup j'observe mon partenaire, je la regarde et je passe mon chemin, c'est un peu plus naturel.

Attention souvent votre regard baisse, votre agresseur lorsque votre regard baisse, se dit : "là je vais y aller". En combat c'est pareil. Quand on regarde quelqu'un c'est vraiment je le garde, je le regarde pas, je le regarde, mais je baisse pas les yeux.

STOP

On est face à face aux deux extrémités du tatami. L'un avance vers l'autre qui doit l'arrêter avec un stop. Si ce n'est pas assez, celui qui avance ne s'arrête pas. On peut aussi ajouter le geste quand la personne rentre dans notre champ vital. Le stop doit venir de tout votre corps.

Ça se passe vraiment dans l'intention, dans l'attitude, dans la posture qui va porter le son et si ça suffit pas on ajoute la main.

On peut aussi arrêter par le regard. Quand le regard est intense on n'a pas forcément besoin de pousser la voix.

On ajoute au regard et à la voix le corps entier : on arrête l'autre en prenant la posture zen kudzu-dashi. Le stop devient presque un kiaï.

Présence totale : la présence ce n'est pas que la tête, c'est tout le corps. On va arrêter le partenaire en engageant tout le corps, avec le kiaï.

Critères d'évaluation du kata

Quand on va juger un kata, il y a plusieurs critères : la présentation, l'annonce, la réalisation (aspect technique très important), la respiration, l'équilibre, et les notions de rapidité, de puissance, le kimé (résultat de la vitesse et du stoppé du mouvement), le kiaï (qui est le prolongement du kimé).

En kata : la confrontation se fait déjà dans la présentation. La différence d'intensité va se sentir.

DARIA LIPPI

Introduction

Laurence, Nadia et Daria : toutes trois transdisciplinaires : théâtre-karaté, danse-karaté-shiatsu, théâtre-danse.

C'est complexe de pratiquer plusieurs disciplines sérieusement. Ce qui est fertile, qui élève le niveau de nos pratiques, c'est de réussir à faire des ponts. Ça paraît simple en théorie, mais ça ne l'est pas.

Grotowski : Si tu veux trouver de l'eau, ne creuse pas plein de trous de quelques centimètres, creuses-en un. Tu vas creuser loin, ça va être dur, mais à un moment donné tu trouveras de l'eau.

Quand on a gagné quelque chose en creusant, il ne faut pas le laisser au fond du trou et aller creuser ailleurs. Peut-être qu'à la place de ponts, on peut parler de tunnels, de galeries. On se met à creuser de façon horizontale et non plus verticale, pour trouver des outils qui sont à la même profondeur que celle à laquelle nous sommes arrivés.

Le but de notre travail pendant ces cinq jours : aller toucher quelque chose qui a un certain niveau de densité, de profondeur, en karaté, et tenter immédiatement de la relier à notre experience de jeu. Voler des outils de qualité et s'en servir immédiatement.

Une chose importante : beaucoup d'informations, en ce qui nous concerne, passent par le corps. Il faut faire, même si on est des débutants, même si on sent bien nos limites. Car quand le lien (ou le tunnel) passe par le corps, il est plus durable.

Je vous propose de prendre des notes : chacun pour soi : mots, termes, expressions qui nous parlent ou que nous ne comprenons pas, qu'on relie facilement à nos pratiques ou pas, et dont on peut éventuellement discuter ensemble. On doit tenter de dégager des outils : ça, à quoi ça correspond ? Comment je peux l'utiliser ? Tenter de transférer les outils d'une discipline à l'autre, que ce soit du karaté vers le jeu ou du jeu vers le karaté.

Votre retour sur les choses qu'on expérimente est très important. Comme la partie jeu vient après le karaté, il y a des choses prévues, qui sont habituelles dans ma pratique, et d'autres qui sont des développements de ce que l'on fait le matin, ce sont donc des tentatives, des hypothèses.

Déjà, je vous propose de conserver le salut du karaté en entrant et en sortant du plateau pour cet après-midi de jeu.

Chant 

All'arie, chant italien à 3 voix. Passion populaire, le chemin de croix. Léger canon sur les debuts de phrases.

Debout : tous la première voix. On s'y lance.

Attention à la gestion de la respiration, les phrases sont longues. Il faut du souffle, ce n'est pas choisi au hasard. Je ne vais pas imposer les endroits de respiration, vous allez trouver vos endroits, en fonction de vos possibilités et en écoutant les autres. Il y a un piège sur le 3ème phrase. Comme c'est une répétition de la 2ème, on prend confiance, on met plus de volume, on utilise plus de souffle mais on doit enchaîner avec la 1ère et on se retrouve bloqué : il faut anticiper.

On le fait plus vite, il faut penser que c'est un chant qui avance, on a tendance à ralentir, à ne pas penser rythmique.

On fait maintenant tous la deuxieme voix.

On essaye en deux groupes. On fait les deux voix. On écoute vraiment son groupe pour l'instant. On le refait, on ouvre un peu, on prend plus d'espace, on met son attention sur la voix qui n'est pas la nôtre, on essaye d'entendre ce que ça fait avec la nôtre. On ne chante pas trop fort.

Attention à ne pas ralentir. Appuyons-nous sur les consonnes pour conserver notre tempo.

On est attentif au fait que sur la 1ère phrase, les deux voix ne sont pas ensemble, finissent par se rejoindre, et attaquent ensemble sur la deuxieme phrase. On goûte ça. On va augmenter le volume sur ce rendez-vous, le plus fort possible, tout en continuant à entendre l'autre voix.

Chacun y va avec sa façon de mettre de la puissance. On y va avec l'idee de comment se faire entendre sur une place de village noire de monde, à Pâques, pleine de cris, il fait chaud.

La beauté de ce chant c'est quand on arrive à ne pas respirer dans les phrases. Il faut économiser en faisant sortir le moins d'air possible sur les consonnes. Ce sont les consonnes qui consomment le plus d'air, la percussion.

DEVELOPPEMENT DES AVANCéES L'UN VERS L'AUTRE DE NADIA

Etape 1 :

On reprend des places face a face. On avance l'un vers l'autre et on sent le moment où on rentre dans la zone de l'autre. On voit ce qui se passe à ce moment de rencontre, sans contraintes particulières, il faut juste arriver de l'autre côté à la fin. On essaye de faire ça de la façon la plus économe possible.

Ce qu'on voit de très intéressant c'est le changement de rythme. Ce n'est pas pareil d'avancer vers quelqu'un et de s'en aller, d'aller vers une rencontre et de la quitter. On va étudier ces toutes petites choses là.

Etape 2 :

On avance l'un vers l'autre. Il y a une distance de l'action. Nadia le disait ce matin : arrivé ici, soit je te fais la bise, soit je te mets une baffe. J'appelle ça Cercle de solitude : il y a un cercle où je suis seule, c'est le mien, et à partir du moment où quelqu'un rentre dedans, il faut qu'il se passe quelque chose avec lui.

Quand on voit des lionnes attaquer un troupeau, c'est exactement ça. Elles arrivent de loin, le troupeau les voit, mais il y a un moment précis où le troupeau fuit. Il ne fuit pas avant une certaine distance qui est très précise, il sait que passé cette distance, s'il ne prend pas la fuite il prend des risques, alors qu'avant cette distance, l'action des lionnes n'est pas efficace.

C'est cette distance que l'on cherche. On avance l'un vers l'autre. Une fois que l'on est à distance, sans pause, immédiatement, on fait une action. On va voir si on fait la même action, ou deux actions différentes, ou deux actions complémentaires. Puis on se quitte. Et on enchaîne.

On ne se laisse pas avoir par l'autre. Chacun fait une action. C'est complexe. Si l'un des deux commence son action sans marquer de temps, l'autre est pris de court, il subit l'action, il y repond mais ne propose pas une action. On cherche à proposer deux actions en même temps.

Une autre consigne : on ne prépare pas son action. Ce n'est pas simple, ce n'est pas sur qu'on y arrive, mais on essaye, on va humblement lutter contre l'anticipation.

Il faut prendre les choses les unes après les autres. La première chose, ce n'est pas j'avance vers mon partenaire pour faire mon action. La première chose c'est : je cherche quelle est la distance sur ma ligne droite où je sens qu'il va se passer quelque chose. Et quand j'y suis, sans rupture, je fais mon action. Puis c'est tout de suite fini. On n'accuse pas de réception. Par contre, quand on arrive de l'autre cote, au lieu de se retourner tout de suite pour repartir, on accuse une réception. On essaye de sentir ce qu'a donné, pour un oeil exterieur, ce qu'on vient de faire.

L'action n'est pas forcément sur l'autre mais doit être en relation avec lui. C'est lié au fait que nous sommes en distance d'attaque. On ne peut pas faire semblant de ne pas se voir. C'est vraiment comme dans la rue, arrivé à une certaine distance on ne peut plus faire semblant.

On cherche toujours la distance parce qu'elle peut varier. Peut-être que les actions agissent d'un passage sur l'autre.

On en fait 10 et on change de partenaire.

Qu'est-ce que c'est une action ? En quoi ça diffère d'un geste ou d'un mouvement ? Pour aller vite : un mouvement c'est à peu près tout, ce n'est pas forcément volontaire (en neurosciences on considère que dans le mouvement il n'y a aucune volonté directe). Un geste c'est un mot exprimé physiquement, ça possède une signification pour un groupe de personnes, plus ou moins grand, c'est codifié socialement. Dans l'action, il y a une intention, il y a une relation à l'autre ou à quelque chose. L'action change quelque chose. L'écosysteme dans lequel nous sommes (personnes, espace, objets) n'est pas le même avant et après l'action. Il y a quelque chose qui est en jeu.

Etape 3 :

On enlève la marche. On est face à face, à distance. Ca va être une question de rythme. On cherche ensemble le moment du « ça part ».

Si on n'a pas pu faire notre action, on lève la main pour le signifier à son partenaire, et on la fait. On veut faire notre action.

On peut varier le rythme. Une action n'est pas forcément immédiate.

On doit lutter contre l'envie de préparer notre action, on cherche des stratégies contre ça.

Etape 4 :

Même chose mais maintenant j'ai une intention. Cette intention, c'est que la personne en face de moi fasse la même action que moi. Et la personne en face veut que je fasse la même action qu'elle. On ne sait pas comment c'est possible, ce qui compte c'est que je le veux.

Ca fait beaucoup de contraintes. On n'est pas parfait. Mais on va essayer de structurer, de faire les choses les unes après les autres. Ca manque en théâtre, nous n'avons pas d'exercices préparatoires comme en karaté où vous nous faites travailler juste le passage de hanche par exemple. Je ne sais pas encore comment séparer toutes ces choses. Il faudrait qu'on fasse des exercices préparatoires pour séparer parfaitement action, geste, mouvement avant de travailler par deux par exemple. Mais si on arrive à trouver des choses qui nous permettent de faire la différence, nous allons progresser.

PROLONGEMENT : PASSER LE GESTE

C'est un exercice de télépathie. On se met l'un derriere l'autre. Celui de derrière veut vraiment que celui qui est devant fasse la même chose que lui, sans que celui-ci puisse le voir. Il faut un silence absolu. L'intention c'est de faire réussir l'autre. Il y a un seuil de tolérance pour la précision du geste, celui qui passe le geste peut décider, même si ce n'est pas tout à fait le meme, que l'autre a réussi. Il faut fondamentalement percevoir, ne pas penser à ce que l'autre pourrait faire. On prend tout ce que l'on peut avoir comme sensations et on y va tout de suite, car c'est une sensation fine qui se perd vite. Se tromper n'a pas d'importance. Mais il faut avoir une perception fine de ce qu'on est en train de faire, on cherche.

Une chose très importante : il ne faut pas faire de commentaires. On travaille avec un imaginaire très physique. On ne travaille pas à se représenter la personne de derrière faire quelque chose. On entend ou on sent quelque chose, et notre corps fait « ça ». Plus on réagit vite, moins on se trompe en général. Et derrière, ce qui est difficile c'est de garder son intention que celui de devant fasse le même geste, sans modifier son geste. Je n'adapte pas mon geste, je ne l'agrandis pas, je ne le caricature pas.

Pour transmettre quelque chose, il est très important de savoir où ça commence, comment ça se developpe (où est son acmé), et où ça finit. Ca doit être très clair pour vous.

Caroline : Moi j'ai visualisé une personne devant moi à qui passer le geste. Car quand tu es derrière, tu as vraiment cette intention de passer. Alors que devant, tu as toute ton écoute à l'arrière donc c'est complexe de recevoir le geste avec l'intention juste de celui de derrière.

Discussion

DL : C'est extrêmement difficile de ne pas anticiper son action. Laurence, quand tu combats, tu sais le coup que tu vas mettre ?

LF : Absolument pas. Mais certains le savent, ils calculent et travaillent, feintent pour que toi tu déclenches ton attaque et viennent t'attaquer dessus avec ce qu'ils avaient prévu. Moi ce qui m'intéresse le plus c'est que tu es dans le combat, et à un moment donné, tu ne sais pas pourquoi, tu y vas.

DL : C'est exactement comme le « ça part » alors ! Tu n'as pas besoin de calculer. Je voudrais que chacun dise quelles ont été ses stratégies pour ne pas anticiper, partageons-les.

TN : Moi je faisais « blablablablabla » dans ma tête.

AV : Moi j'en prépare une au maximum et au dernier moment je m'êmpeche de la faire.

JS : Moi j'en ai exploré deux. La première c'était de me concentrer absolument sur un detail de la personne en face de moi, comme le cil tout à droite de l'oeil, quelque chose de vraiment tout petit. La deuxième c'est que j'en fais plein : je pourrai faire cette action, celle-là, celle-là, « ça part » et soit c'est une de celles-là soit une autre que je fais.

DL : J'ai utilisé la même. Pour chaque moment où ça ne part pas, j'en avais une de prête.

ND : J'essayais d'être le plus relâchée possible pour à la fois pouvoir faire mon action et essayer de sentir ce que l'autre pourrait faire. J'essayais de capter ce que l'autre allait faire. Ce qui est complexe, car souvent dans l'action on est moins à l'écoute de l'autre et là il fallait les deux ensemble.

CT : Moi j'essaye de me concentrer sur le moment où l'autre déclenche. Après du coup c'est souvent une réaction à l'action de l'autre.

LF : C'est un équilibre à trouver, c'est l'interaction. En combat c'est pareil. Je dois pouvoir imposer mon karaté, et en meme temps, je dépends vraiment de ce que l'autre va faire.

CT : Dans le karaté j'ai l'impression que c'est aussi ça qui permet de tels changements de rythme.

TRAVAIL SUR LES DIALOGUES

Construction d'une partition par deux pendant 40 minutes avec l'outil Contraction – Décontraction. On prend vraiment l'outil comme on l'a travaillé en karaté : comment une grande décontraction va m'amener à une puissance majeure si la contraction arrive au bon moment. On ne va pas se montrer les choses aujourd'hui. On n'est pas dans une obligation de résultat, on ne joue pas à la fin de la semaine. On va juste chercher à voir l'efficacité de l'outil que nous allons appliquer.

Discussion de fin de journée

DL : Vous avez remarqué, on essaye d'enregistrer et de filmer au maximum tout ce que l'on fait. On a fait une première tentative de transcription totale sur l'atelier de juin dernier, qui nous a donné beaucoup trop de matériel. La transcription c'est un très bon exercice, ça permet de s'approprier les choses autrement, tu redécouvres les choses que tu as faites et tu les solidifies dans la mémoire. Cependant, en version totale c'est illisible. Donc on cherche, on se questionne sur comment transcrire, comment rendre ce que l'on fait transmissible y compris à des gens qui n'auraient pas participé à l'atelier mais viendraient à la FAA par la suite. Une des difficultés c'est que ça doit être utile à la fois à celui qui produit l'archive et à ceux qui voudraient la consulter. C'est complexe de retenir l'attention de nos contemporains sur quelque chose de pointu, et ce qu'on s'est fixé comme objectif à la FAA, c'est de trouver des formes ludiques, très courtes qui pourraient intéresser des gens qui, au départ, se diraient par exemple « karaté - théâtre, pourquoi ? ». La vidéo nous semble être un bon média pour ça.

PROPOSITION DE PROTOCOLE : Chaque jour sur le travail de la veille : Filmer ce qui raconterait le mieux le travail fait en karaté et en théâtre.

Par exemple sur l'outil contraction/décontraction : Nadia fait quelque chose en karaté qui rend cette chose visible, Laurence pareil, et même chose sur un ou plusieurs morceaux de scène qui nous semble être un bon exemple de l'application de l'outil.

Tout le monde consulte ses notes de la journée et donne la liste des mots, phrases ou concepts qui l'ont interpellés, qui racontent quelque chose qui a été compris ou pas compris. Le critère de la liste c'est "j'ai envie d'en discuter".

Alice : être l'autre, transpercer l'autre, timidité, autorité, mettre la pression à l'autre, saluer, stop.

Juliette : réaction, réflexe, danger, mettre la pression - relâcher, 1-2-3-4 en 1, partir de rien, le bon moment ?, respiration, images (ex : porter le ciel, pousser l'air, omoplates qui portent le cœur ...), détente, présence : ne pas cligner des yeux, action - mordre l'action, ne pas prévoir, « ne pas faire ce qu'on sait faire pour découvrir ce qu'on ne savait pas qu'on savait faire ».

Thomas : saluer, être l'autre, le kiaï, savoir chuter, « et bim je l'achève », le karaté comme art et le karaté comme sport.

Daria : hara, visualisation (les images données), relâchement - contraction, je mets la pression et je laisse venir, maître, efficacité, on salue l'endroit où l'on va travailler, on reste en position, travail des opposés (intention - non intention).

Nadia : regard, accuser réception, distance, allongement, miroir, sentir, télépathie, exploration, ensemble, action, adaptation, agir et non-agir.

Caroline : espace sacré, espace fini, re-mobilisation, noyau, explosion, affût, l'autre, action - réaction, dense, rester en bas (ancrage, le poids), fuite et poursuite.

Laurence : équilibre, concentration, présence, confiance, imagination.

Chacun choisit dans ses mots et ceux des autres, celui, un seul, sur lequel il veut ouvrir la discussion, maintenant. Nous allons le dire, ce mot/phrase, tous ensemble en même temps.

(on le fait — il n'y a pas vraiment d'occurrence, c'est donc Nadia qui fait un choix).

Après ça reste une discussion ouverte mais c'est bien d'avoir des contraintes dans la discussion comme on en a dans les exercices.

Thème de la discussion : ESPACE SACRÉ

ND : Par rapport au cours que j'ai donné, l'espace sacré, c'est physiologique, avec par exemple l'extension de la colonne vertébrale. L'espace sacré, c'est aussi l'espace qui nous est consacré, l'espace vital, que ce soit un moment de solitude ou une notion de distance vis à vis de l'autre. Par rapport au combat, cette notion d'espace vital, c'est l'espace dans lequel on va agir, ou non-agir si on veut attirer l'autre dans son espace vital. Espace sacré donne aussi une dimension d'expansion, d'ouverture, physique et d'esprit. C'est le lieu où l'on est bien.

JS : Pour moi, le salut participe aussi au sacré de l'espace. Je suis très contente que tu ais proposé qu'on le garde l'après-midi. Au théâtre ça me manque. On a tous des rituels avant d'aller au plateau mais on n'a pas de code commun. Et le salut, c'est simple en plus, ça n'est pas ésotérique, ça ne fait pas peur, mais ça marque le seuil. Et c'est collectif. Et tu es obligé de faire une vraie entrée. Tu n'entres pas dans la salle comme tu rentres d'habitude, il y a deux seuils, le seuil de la salle et celui du travail.

DL : Du plateau.

TN : J'ai l'impression que le rituel c'est sur soi, pour soi, le salut c'est plus avec l'autre.

ND : C'est un tout, sur soi et vers les autres, c'est une concentration.

LF : C'est un engagement de ce qu'on est vis à vis du lieu qu'on considère être un lieu qu'on va respecter parce qu'on y travaille, et qu'on va y travailler dans le dépassement de soi. Je pense aussi qu'on peut parler d'espace sacré parce qu'il s'y passe des choses qui nous dépassent. On sait qu'en entrant dans ce lieu, et en marquant cette entrée par le salut, on va vivre des choses extraordinaires. Donc on n'est plus dans notre état quotidien. Et il est sacré aussi parce que c'est un lieu de communion : on va être dans l'échange, dans l'interaction, et dans la recherche. Un plateau ou un tatami, un dojo, ce sont des lieux codifiés qui ont des contraintes, qui permettent aussi l'émotion. On va passer par des choses plus ou moins joyeuses en chemin, mais comme l'espace est codifié, c'est possible. En karaté, on le ritualise beaucoup parce qu'on rentre dans un espace où tout est symbole, symboliquement on meurt, on peut vivre aussi de grands bonheur de sensation, par exemple en combat où tout à coup c'est fluide, c'est facile, tu planes, tu sais que tu ne vas pas refaire ça quatre fois de suite.

ND : Alors dojo et théâtre seraient des espaces sacrés ?

LF : Oui je crois, ou en tous cas qui méritent d'être respectés. On se met dans une certaine disposition. Et le sacré rejoint le rituel aussi parce qu'il y a transformation. Quand on arrive sur le tatami on arrive pas en tee-shirt. On était dans le vestiaire, on a mis le kimono, ça a commencé là déjà, il y a un sas. L'acteur il a la loge, il met son costume, il va se maquiller, il y a transformation. Sur une scène, même quand il n'y a pas de spectateur, même avant d'être en tenue, tu es différent, tu renifles, tu es dans les sens. Après, nous, le dojo c'est le lieu d'entraînement, si on dit que c'est un espace sacré, est-ce qu'il y a un équivalent en théâtre ? Moi en théâtre, dans le privé, les lieux où on s'entraînait c'étaient déjà des théâtres, donc j'arrivais sur le plateau, c'était déjà un plateau, alors que quand tu t'entraînes dans une salle que tu loues, où chacun s'est cotisé... Est-ce que tu peux y mettre une dimensions sacrée quand tu sais que c'est juste une pièce comme ça ?

AV : Le lieu au théâtre pour moi c'est un outil qui ramène au présent tout le temps. Il y a une notion sacrée dans le sens où c'est un espace où il ne faut pas prendre d'habitudes, et j'ai l'impression qu'on ne regarde pas assez l'espace où on travaille. Par exemple ici, je suis déjà venue plusieurs fois et je ne sais pas combien il y a d'ampoules rouges et d'ampoules bleues, ce n'est pas grave, mais j'ai l'impression que ce sont des outils de jeu qui remettent au présent et on ne s'en sert pas assez. Si je fais un monologue où je parle de la nature et que je me sens seule, je ne vais peut-être même pas penser à sortir ou à regarder par la fenêtre. En ce sens là, l'espace est sacré, et j'ai l'impression que souvent on néglige ça. Et on parlait de communion avec les autres, je pense qu'il faut aussi être en communion avec le lieu.

ND : Avant, le karaté se pratiquait dans les monastères, caché. Ça fait un peu plus d'un siècle que ça s'est ouvert. Mais aujourd’hui c'est difficile de faire comprendre aux gens que quand on rentre dans un dojo, c'est un peu comme un lieu de culte. Ils comprennent mieux quand on dit que c'est un lieu de travail. Quand on parle de sacré, tout de suite les gens ont peur, du côté mystique, du rapport à dieu, de l'effet secte …

LF : Après dans la culture et la philosophie martiale, beaucoup de choses se rapprochent du bouddhisme, du zen, et donc tu es connecté au cosmos, à l'univers. Tu fais partie de l'énergie qu'il y a partout et tu t'y connectes. Quand tu es ego-centré, ton esprit est étroit, quand tu ouvres, quand tu te connectes à ton environnement, à l'autre, à l'animal, à tout ce qui est vivant, tu es puissant.

ND : Tu fais partie d'un tout.

DL : Je vais sans doutes dire des conneries en histoire du théâtre mais je m'y lance. Le théâtre a connu une longue période de contestation du sacré, parce que l'Eglise refusait le théâtre. On était loin du sacré, c'était les roulottes, on montait ses décors vite et on jouait. Pour rester plus proche de nous, au XXème siècle, il y a eu deux tendances. Il y a une tendance « sacrée » : Grotowski, Vassiliev, Brook, Mnouchkine… qui donnent l'importance du sacré au lieu et à la pratique. Et on disait que le dojo était un espace codifié, le théâtre aussi, mais c'est un espace codifié qui appelle la transgression. Une grosse partie du théâtre du XXème siècle, qu'on avait appelé, avec un ami philosophe, le théâtre « nihiliste », se donne pour règle de transgresser les codes du théâtre, parce que le théâtre a longtemps été une activité bourgeoise, et transgresser les codes du théâtre c'était s'opposer à la bourgeoisie, à l'ordre. En tant qu'actrice, je ne supporte pas le nihilisme, je ne peux pas travailler avec, je n'ai pas les outils, mais comme spectatrice, le résultat peut vraiment m'intéresser, Angelica Liddell par exemple.

TN : Je n'ai pas compris ce que tu entends par théâtre nihiliste ...

DL : En gros, ceux qui disent « je vous emmerde ». Il n'y a pas d'ordre, il n'y a pas de structure, il n'y a pas d'histoire, pas de public, pas de différence entre un acteur et un spectateur, il n'y a pas de début, il n'y a pas de fin, et ça peut donner des œuvres absolument magnifiques. Je veux dire que la notion de sacré dans le théâtre contemporain est polémique.

Mais je voulais faire une autre comparaison avec un exercice de Gurdjieff. Fin du XIXème, début XXème, Gurdjieff c'était un russe entre le gourou, le maître, le philosophe. Il travaillait en groupe et c'était de l'ordre de la pratique physique. Je n'ai pas tout lu mais il y a des pépites que je lui ai volé, comme par exemple, la journée de la main gauche (lui ne l'appelle pas comme mais moi j'ai besoin de donner des titres aux exercices). C'est très simple, tout ce que tu fais de la main droite, pendant une journée entière tu le fais de la main gauche, et donc tu es obligé de mettre une attention extraordinaire sur la vie ordinaire. C'est très difficile, mais c'est extraordinaire parce que tout devient neuf, se laver les dents, les cheveux, c'est très beau, tu as l'impression d'être un enfant, tu redécouvres des choses qu'aujourd'hui tu fais en pensant à 6000 autres choses différentes. Ici le lieu c'est le temps. Tu fais tout de la main gauche où que tu te trouves. Il y a un seuil temporel. Ici c'est un seuil spatial.

L'important est qu'il y ait un seuil.

Je trouve important le fait de reconnaître l'espace ou le temps du travail, c'est à dire de dire « c'est ici » ou « c'est maintenant », le mot « seuil » me paraît très juste, il implique le fait de laisser quelque chose (en entrant), et de laisser quelque chose avant de retrouver quelque chose (en sortant). En danse, tu ne peux pas danser sans t'être échauffé, ce n'est pas possible, comme en karaté. Donc un danseur qui rentre sur un plateau de travail créatif, il a un rituel ou une chose à faire, il a quelque chose à abandonner (son corps de je me suis réveillée comme ça ce matin) et quelque chose à prendre (son corps disponible à quelque chose d'extraordinaire). Et une chose complexe dans le théâtre, c'est que nous sommes tous d'école très différentes ou de styles différents, et que saluer le plateau en y rentrant si on est tout seul à le faire, c'est difficile. Cela dit, ça peut être un salut très discret ...

ND : Tu peux reproduire la sensation. Tu n'es pas obligée de saluer parce que les autres vont te voir, mais tu peux te dire que toi tu t'arrêtes, tu observes, tu prends le temps de la respiration.

LF : Mais j'ai l'impression que chaque acteur a son propre rituel en fonction de son ressenti, et ce qu'il manquerait, on revient sur la communion, c'est de se reconnaître dans la manière dont on va aborder le plateau.

JS : C'est ça, et qui ne soit ni une chose qui remplace, ni qui vient contre, juste une chose partageable. Si j'arrive sur un plateau que je ne connais pas avec une équipe que je ne connais pas et que je fais une chose (pas forcément le salut) qui paraît partageable à tous, alors que je ne fais peut-être pas du tout le même théâtre que tous ces gens avec qui je travaille ou que je n'ai jamais mis les pieds dans tel théâtre, ça va. Ce qui est important, c'est que ce n'est étrange pour personne que je fasse cette action là à ce moment-là. Et après je peux aller faire mon yoga pendant qu'un autre va faire autre chose …

CT : Nous on a quand même le « merde » le « toitoitoi », ce sont des rituels de comédiens.

DL : Oui, mais ça ce n'est pas quand tu vas répéter.

AV : Et ça amène une autre conscience aussi. Tout à l'heure je suis sortie, ce n'était pas la pause, tu me l'as dit. Et j'ai eu plus tard le réflexe de ressortir parce que j'avais soif, mais en fait non, je me suis remise au travail et j'ai oublié que j'avais soif. Parfois on est dissipés, on croit qu'on a soif ou envie de faire pipi, mais comme toi tu m'as dit, on dit « bonjour » et « au revoir » au lieu, tu sors pas comme ça, d'un coup. Et alors j'oublie ma soif et je suis vraiment là avec vous.

DL : C'est vrai. Parce que le fait de marquer un seuil fait aussi que dedans on est protégés. On établit une limite. Quand on parle de concentration ou d'être dans le travail, ça aide. Parce qu'effectivement, tu ne peux pas juste aller prendre un truc dehors et rentrer pareil. Ce n'est pas pareil parce que tu dois saluer, tout le monde voit que tu sors, et tu te dis « merde je le fais, les autres le font pas », alors que s'il n'y a pas de limites, ça ne choque personne.

ND : Oui, moi il y a eu deux moments où je voulais sortir, et finalement je me suis dit, si je sors, ça va déranger le groupe, je vais sortir de l'espace de travail et ce n'est pas bien.

TN : Oui et quand tu as repris Alice, j'ai l'impression que ça a eu un effet sur tout le monde. Je me suis dit, « ah oui, cool, c'est cool ».

LF : Il y a la devise de la Comédie française que j'aime bien, sur la notion d'appartenir à un groupe : « Etre seul ensemble ». En karaté, tu as besoin des autres, l'énergie est partout parce qu'on travaille ensemble et c'est dur. Et quand on a l'appréhension, la peur du jugement de l'autre, le groupe avec son énergie, sa concentration, ça aide.

ND : Et même en kata, il y a un gros travail sur soi, un travail de gestion de la pression aussi, mais on a besoin des autres, de leurs regards, pour savoir où on en est (professeur, arbitre, personne du public …).

LF : Et là où vous en avez vraiment besoin c'est dans l'application de ce que tu as fait par rapport à l'adversaire imaginaire, là tu es dans le concret de l'efficacité de ce que tu as fait.

ND : Tu as absolument besoin du regard des autres pour progresser.

LF : Et même sur le travail de kihon, avant les katas, le travail de répétition se fait ensemble. Quand tu sens que tu fatigues, après 10 allers-retours, tu vois le mec à côté de toi qui enchaîne, et tu y vas, il y a une chose de l'énergie partagée avec l'autre même sans être dans l'affrontement direct, et qui peut-être en théâtre est moins systématique.

CT : Pour moi, un espace sacré on peut le faire n'importe où. Tu peux t'arrêter au milieu d'une autoroute et décider que cet endroit là où le renard est en train de traverser va devenir un espace sacré où pendant 4h, ça va être le bordel, parce qu'on aura décidé ensemble, tous les gens, de s'arrêter. Pour moi le théâtre, ou toutes manifestations, est sacré, par exemple la semaine dernière on a organisé un bal des migrants à Paris. Et la Place de la Rotonde, où on a fait ce Bal, pour lequel on a eu les autorisations, c'est devenu quelque chose de sacré. C'est une chose que le public décide avec toi, on décide ensemble, c'est une envie d'unisson.

DL : C'est ce que disait Laurence, et je trouve que c'est une belle définition : c'est quelque chose d'extraordinaire, ça dépasse l'ordinaire. Et ce mot là d'extraordinaire va autant aux mystiques, aux croyants, qu'aux matérialistes. Et il a toujours lieu dans un lieu. Après il y a des différences : un dojo c'est une scène (la preuve on a fait et défait les tatamis) avec des conditions particulières, mais je pense qu'il est plus simple de créer une scène que de créer un dojo (peut-être aussi parce qu'on est en occident, au Japon, les tatamis sont un élément du quotidien).

ND : Oui c'est traditionnel, ils mangent dessus, se mettent à genoux …

DL : C'est leur sol en fait ? Dans les maisons il y a des tatamis au sol ?

ND : Oui. Et quand ils entrent chez eux, ils enlèvent leurs chaussures, il y a la cérémonie du thé, du repas.

DL : Ils ont une ritualisation du quotidien très ancrée dans la culture. Et créer une scène, c'est facile, mais c'est extraordinaire. Il faut des conditions. Par exemple le carré de gravier qui sert de terrain de pétanque derrière l'étang, le plateau de mon solo, ça m'est arrivé que les spectateurs le traversent. Pas la dernière fois, et c'est très important pour moi. Cet espace là c'est mon plateau, c'est la scène, c'est important que les spectateurs ne soient pas dessus sauf si je leur demande de venir. Dans un théâtre, les gens ne montent pas sur scène. Quand dans mon solo, ça commence avec les spectateurs qui traversent l'espace, je sais qu'il va falloir que je recrée l'espace, c'est presque comme si je devais enlever toutes les chaises, les faire ressortir et les faire re-entrer. Créer une scène c'est à la fois facile et très difficile, c'est quelque chose qui nous dépasse. Quand on est dans un théâtre, le plateau, le code du plateau est créé depuis longtemps.

CT : Et en même temps, ce code là tu peux le casser très facilement.

DL : Bien sûr. C'est une façon de désacraliser. Par exemple : commencer le spectacle dans la salle. Ce n'est pas une grosse transgression aujourd'hui mais c'est quand même une transgression. Normalement, les acteurs arrivent des coulisses et les spectateurs des portes d'entrée du théâtre, chacun sa place. Aujourd'hui, c'est presque dur de faire du théâtre sans transgresser, tu as l'impression d'être ringard, tu culpabilises.

LF : Il y a aussi une chose que j'ai relevé de ce qu'on a en commun la scène et le karaté, c'est le côté éphémère. On s'est donné rendez-vous pour vivre quelque chose qu'on ne revivra jamais, ce ne sera pas deux fois la même chose. L'entraînement c'est pareil. On ne s'entraîne pas 24h/24h, ce sont des moments que nous avons choisi de vivre un certain nombre de fois par semaine. Et si je prends la performance, qui est pour nous le moment de la compétition, qui se passe dans un gymnase multisports qui n'a rien de sacré, c'est extraordinaire, c'est exceptionnel, parce que les championnats du monde pour nous c'est tous les deux ans, et ça se joue très rapidement, sur mon dernier, j'ai fait 6 combats de 2 minutes. En théâtre c'est pareil. Tu joues pendant 2h par exemple, et puis tu ne vas pas faire ça 5 ans …

CT : Je pense que des espaces sacrés on pourrait en faire exister tous les jours. On pourrait réussir à créer se désir commun d'être ensemble, d'être concentré sur la même chose, et qu'il y ait quelque chose d'unique qui sorte à chaque fois, que ce soit du côté de l'émetteur ou du récepteur.

AV : J'ai trouvé une définition du sacré, et à un moment il parle du moment où Robinson découvre son île, je vous lis : « il était suspendu dans une éternité heureuse, cette redécouverte verticalisante du monde hors de la civilisation, c'est le sacré ». Je trouve intéressant cette chose de la redécouverte.

DL : Oui, et je pense qu'il y a un problème général du sacré que nous partageons tous dans chacune de nos disciplines, c'est que pour qu'il y ait du sacré, il faut un effort, un très grand engagement, et un engagement commun. Et ce n'est pas vraiment l'époque.

AV : J'ai l'impression qu'en effet ce n'est pas l'époque, mais qu'il y a une re-conscience de ça avec les principes de méditation, le fait de redécouvrir sans cesse les choses. Comme ce n'est pas l'époque, il y a un besoin de ça qui est en train de revenir.

DL : C'est vrai. Mais nous sommes aussi les premiers humains depuis homo sapiens, en Europe Occidentale et pour 70% de la population, qui ne souffrons pas du froid, qui n'avons pas besoin de chasser, qui ne dépendons pas du temps qu'il fait, qui pouvons voyager sans être mouillé quand il pleut, qui n'avons pas besoin de voyager pour communiquer avec quelqu'un qui est loin, bref nous vivons dans un grand confort. Nous avons donc tout un tas de fonctions dans notre corps-esprit qui ne sont pas utilisées parce que nous n'en avons plus besoin, mais notre corps-esprit n'a pas évolué aussi vite que les techniques qui nous permettent aujourd’hui de vivre comme nous vivons. Le problème c'est que produire de l'effort à une époque où rien ne t'en demande pour des raisons vitales, c'est dur.

LF : Je reviens sur le symbolisme, parce qu'en karaté par exemple, il faut être sincère mais tout est faux, c'est une mise en scène ce qu'on fait, tout est codifié, on fait semblant, on accepte de faire semblant (je ne vais pas envoyer un poing dans la tête en pensant à éclater mon partenaire), et en même temps et c'est là tout le paradoxe, c'est que si tu veux toucher l'autre et être efficace, il faut être vrai. Tu dois être vrai sur quelque chose qui est illusoire : c'est extraordinaire. Si tu travailles au sabre, tu es obligé de faire semblant sinon tu tues ton partenaire. C'est un équilibre à trouver, et je pense que tu le retrouves aussi quand tu joues.

ND : Le sacré c'est important pour soi et pour l'autre. On vit des situations factices qu'il faut vivre le plus véridiquement possible. On apprend à maîtriser nos gestes, ça fait avancer. Et pour ça le sacré c'est fondamental.

DL : Et c'est la même chose pour nous. Il y a des situations comparables quand on joue une bagarre, qu'on donne une gifle

LF : Ou qu'on s'embrasse.

DL : Ou qu'on se tripote, ou qu'on se crêpe le chignon …

AV : C'est la notion d'intention qui joue. L'intention doit être vraie, sincère, mais parfois c'est plus fort de faire le geste de donner une baffe que de la donner vraiment. C'est une question d'intention.

LF : Et je trouve que la symbolique est forte dans nos deux pratiques parce qu'on est dans l'acceptation, même si elle est éphémère, de ce qu'on joue, on prétend des choses.

ND : Quand on n'arrive plus à jouer, c'est qu'on n'a plus la force d'y croire. Un technicien en kata qui n'arrive plus à faire son kata c'est parce qu'il ne croit plus aux situations qui sont préparées, il ne met plus de vie dans ce qu'il fait.

LF : Ca arrive aux combattants aussi. Il y a la croyance, mais je traduirai aussi ça par l'amour. C'est ce qui te remplit, ce qui te comble, tu aimes ce que tu fais, tu t'aimes et t'aimes l'autre, et tu sais que ça va s'arrêter à un moment donné. Il y a quelque chose de l'instinct de survie.

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