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"L'Antarctique est sous notre responsabilité à tous" TRIBUNE d' Isabelle autissier, Presidente d'honneur du WWF & OLIVIER POIVRE D'ARVOR, Ambassadeur pour les pôles & enjeux maritimes

La France s’apprête à accueillir et présider, du 14 au 24 juin 2021, la 43ème Réunion Consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA) qui rassemblera les 54 États parties en vue de se consulter sur les questions d’intérêt commun concernant l’Antarctique et d’assurer la poursuite des objectifs du Traité.

Ce traité, entré en vigueur en 1961, est un outil juridique exceptionnel et unique en son genre. Au plus fort de la Guerre froide, douze pays ont été capables de surmonter leurs divergences pour parvenir à une solution conjointe qui préserve les intérêts de tous et en premier lieu ceux de la planète : en gelant les revendications et contestations territoriales, en interdisant les activités autres que pacifiques en Antarctique et en y garantissant la liberté de recherche scientifique et la coopération à cette fin. Il en va de l’intérêt de toute l’humanité que l’Antarctique, dont nous avons la responsabilité collective, reste pour toujours réservé aux seules activités pacifiques et ne devienne jamais le terrain de différends internationaux.

L’océan Austral qui borde l’Antarctique constitue une richesse écologique hors du commun et joue un rôle-clé pour le climat : il contribue à près de 75% à l’absorption globale de chaleur excédentaire et à 35% à la séquestration du CO2 capté par l’océan mondial.

Bien que l’Antarctique soit sanctuarisé, il est aujourd’hui impératif de rehausser son niveau de protection et de l’étendre aux espaces océaniques pour faire face aux bouleversements climatiques majeurs et aux pressions exercées sur la biodiversité. Car l’océan Austral qui borde l’Antarctique constitue une richesse écologique hors du commun et joue un rôle-clé pour le climat : il contribue à près de 75% à l’absorption globale de chaleur excédentaire et à 35% à la séquestration du CO2 capté par l’océan mondial. Principal accumulateur de chaleur et puits de carbone, il joue aussi un rôle important dans la production d’oxygène. Sa protection s’avère donc être un maillon-clé dans la lutte contre l’impact du changement climatique et la préservation de la biodiversité.

Avec plus de 9000 espèces marines répertoriées à ce jour, sa biodiversité est exceptionnellement riche. Le krill constitue une espèce essentielle de la chaîne alimentaire et des équilibres biologiques. Il forme une biomasse vitale dans cette zone océanique, qui approvisionne en nutriments l’océan mondial.

Notre responsabilité est aujourd'hui d’établir un réseau d’Aires Marines Protégées (AMP). Dès 2010, la France avec l’Union européenne et d’autres pays ont proposé d’y créer une nouvelle Aire Marine Protégée (AMP) portant sur presque un million de km2 dans la zone Antarctique oriental. Des négociations ont été ouvertes et ont fait l’objet de blocages depuis 2017. Elles doivent aboutir à une décision en octobre 2021 dans le cadre de la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR).

A la veille de l’ouverture de la 43e Réunion Consultative du Traité sur l’Antarctique et des rendez-vous internationaux de 2021 dédiés à la protection de la biodiversité (COP15) et du climat (COP26), l’Antarctique doit être le symbole de notre engagement commun dans la lutte contre la crise environnementale. C’est l’esprit même du traité entré en vigueur en 1961 - alors même que le contexte s’y prêtait pourtant bien peu et que la guerre froide battait son plein - qui doit permettre de dépasser ces blocages sur les AMP et guider le consensus international.

Notre responsabilité est aujourd'hui d’établir un réseau d’Aires Marines Protégées (AMP). Dès 2010, la France avec l’Union européenne et d’autres pays ont proposé d’y créer une nouvelle Aire Marine Protégée (AMP) portant sur presque un million de km2 dans la zone Antarctique oriental.

Des négociations ont été ouvertes et ont fait l’objet de blocages depuis 2017. Elles doivent aboutir à une décision en octobre 2021 dans le cadre de la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR).

L’engagement de la France au plus haut niveau depuis des années est connu et reconnu. Mais il doit aujourd’hui s’accompagner d’une mobilisation active de tous nos partenaires comme d’un dialogue constructif avec les derniers pays qui sont encore réservés. Car seul un engagement fort au plus haut niveau politique et diplomatique permettra de mettre en place cet ensemble d’aires marines protégées et de faire de ce modèle de gouvernance une référence.

Les signaux de la mobilisation sont bien là. Au niveau national, les parlementaires français ont déposé une Proposition de Résolution Parlementaire à l’initiative de la Députée Frédérique Tuffnell, qui engage le gouvernement français à endosser le rôle de chef de file de sa promotion au niveau international. Elle rejoint la proposition de résolution du Parlement allemand et celle du Parlement Européen initiée par l'Eurodéputée Catherine Chabaud.

East Antarctica © John Weller

Le contexte international n’était pas apparu aussi favorable depuis longtemps. On assiste à un mouvement global en faveur de la protection océanique, à l’aune de la prochaine COP pour la Biodiversité en Chine, du congrès de l'UICN à Marseille, de la mobilisation des pays du G7 en faveur de l’environnement puis avec l’adhésion toute récente de la Nouvelle Zélande et des Etats-Unis, sous l’impulsion énergique du nouvel envoyé spécial chargé de la lutte contre le changement climatique, John Kerry, au groupe des pays promoteurs des Aires Marines Protégées de l’Antarctique.

L’enjeu est à la fois climatique et géopolitique, deux domaines dans lesquels la France dispose d’atouts indéniables, en particulier depuis la signature de l’accord de Paris sur le climat en 2015. La France, avec la mobilisation européenne, peut jouer un rôle essentiel. La dynamique enclenchée doit se poursuivre de façon coordonnée à l’occasion des nombreux rendez-vous internationaux des prochains mois. Ils offrent des opportunités exceptionnelles de rehausser l’ambition de notre multilatéralisme au service de cette cause d’intérêt universel, en invitant chacune et chacun, Etats comme individus, à joindre ses efforts.

Cette décision commune, aujourd’hui presque à portée de main, ferait de la création de ce réseau d’Aires Marines Protégées le plus grand acte de protection océanique de l’histoire. Plus que jamais, l’Antarctique est sous notre responsabilité à tous.
Isabelle Autissier, Navigatrice et Présidente d'honneur du WWF & Olivier Poivre d'Arvor, Ambassadeur pour les Pôles et les Enjeux Maritimes

Photos East Antarctica - Tous droits réservés © John Weller