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ENSM : Bienvenue aux femmes ! Camille aspire à devenir chef mécanicien sur des navires de la marine marchande. Étudiante à l’École nationale supérieure maritime (ENSM) au Havre, elle nous raconte son parcours et ses ambitions, en tant que femme, dans un milieu encore majoritairement masculin.

Au Havre, c’est dans un bâtiment flambant neuf visible dès l’entrée dans la ville, au bord du bassin de l’Eure, que « l’Hydro » (surnom hérité des anciennes écoles d’hydrographie dont l’ENSM est issue), forme ses officiers navigants.

Le bassin de l'Eure fait face au bâtiment de l'ENSM
Architecture, gabarits, volumes, matériaux : le bâtiment reprend les grandes caractéristiques d'un navire jusque dans les moindres détails.

Originaire de Saint-Malo et arrière-petite-fille d'un fusilier marin, Camille Barbou-Lemonnier a intégré l’école nationale supérieure maritime (ENSM) après un baccalauréat STI2D, deux ans de classe préparatoire et une réussite au concours.

À 23 ans, elle s’apprête à terminer son master O1MM (officier 1re classe de la marine marchande), un cursus polyvalent qui vise à former les commandants de bord et les chefs mécaniciens de la marine marchande et qui, après 5 ans et demi d’études, délivre également le titre d’ingénieur.

Anglais, navigation, électrotechnique, droit, astronomie, mécanique, stages infirmiers, sécurité incendie : les matières étudiées sont extrêmement variées, à l’image des compétences nécessaires à l’exercice des métiers d’officier navigant.

L'ENSM dispose d'installations de pointe réparties au sein de l'école sur le concept du « ship in school » qui reproduit la disposition des équipements d'un navire au sein du bâtiment.

Fleuron technologique, la passerelle Altair est un simulateur dédié aux formations de navigation dans toutes les conditions de visibilité.

Conçu pour placer les élèves en situation d’exercice, le simulateur dispose d’une grande cabine avec un champ de vision de 180 ° et un pupitre de commande réel.

Camille, aux manettes d’un porte-conteneurs, se prépare à débarquer dans le port du Havre pour y décharger ses marchandises.

En fonction du tirant d’eau (la quantité d’eau sous le navire), des réglages sont à faire pour préparer au mieux l'arrivée au port.

On aperçoit le trait de côte : Camille surveille la route, le cap et la vitesse des navires voisins. Il faut également appeler les services côtiers pour préparer l’entrée au port.

Le « closest point of approach » (CPA) permet de s'assurer qu’aucun navire voisin n’est sur une trajectoire de collision avec le nôtre.

À la barre, en cas de besoin de navigation manuelle comme c’est souvent le cas pour un débarquement, le timonier manœuvre sous les ordres de l'officier de quart.

Mais ce que Camille préfère, c'est de s'occuper des machines.

« Les machines, c'est l'indispensable pour faire avancer et vivre le navire. »

Dans le simulateur machine, Camille surveille toutes les constantes : l’alimentation et l’échappement du moteur principal, les alarmes, la production de vapeur (pour réchauffer le fuel notamment) mais aussi la production d’eau douce à partir d’eau de mer, la climatisation et toute la production électrique... dans des conditions proches de la réalité.

Ces 4 écrans résument toutes les informations à surveiller sur les 57 postes de contrôle au total.

« Cargo ou navire à passagers : d'un bateau à l'autre, la vie à bord est très différente. J'ai aimé les deux, mais les gros navires à passagers demandent une organisation minutieuse qui me plaît bien. »

Pionnière, Fabienne Perrot, elle-même formée à l’Hydro il y a une vingtaine d’années, a navigué en tant que capitaine de 1re classe pendant 11 ans avant d’enseigner le génie mécanique.

À sa sortie d’école, elle a été la première femme embauchée dans sa compagnie sur plus de 800 marins.

« J’ai gravi les marches naturellement : officier, second… on m’a presque surprotégée. Mais aujourd’hui, à travail égal, on ne constate aucune différence de salaire ou d’avancement entre hommes et femmes dans la marine marchande. »

Sur 90 élèves dans la promotion de Camille, elles ne sont que 12 filles. Mais pour elle, la question d’être une femme dans un milieu « réputé masculin » ne se pose même pas.

« Passionnée par la mer, j’ai trouvé le métier que j’aime et qui me rend fière. »

En effet, à présent tout est aménagé pour que les femmes autant que les hommes aient leur place sur les bateaux et dans les compagnies.

Pour autant, Caroline Grégoire, directrice de l’ENSM, est attachée à ce qu’aucune porte ne soit fermée aux jeunes filles.

« Nous portons une attention particulière aux femmes. L’enjeu, pour nous, est d’accroître la diversité des élèves au sein de l’école. Dans la diversité et l’égalité, tout le monde a à y gagner : les femmes apportent une énergie et une vision nouvelles ; elles font progresser le milieu maritime. »

Adhérente du réseau Elles bougent (association visant à susciter des vocations féminines dans l’ingénierie), l’ENSM a engagé plusieurs démarches pour aller vers davantage d’égalité et de mixité dans la marine, et vient de nommer un référent égalité hommes-femmes au sein de l’école.

Plusieurs femmes du corps enseignant sont également engagées sur la question. Des démarches qui témoignent d’un travail collectif pour valoriser l’égalité et la mixité dans la marine d’une manière générale.

Le 16 mai, Camille embarquera à Kiel, en Allemagne, à bord d’un navire de 4 000 passagers et 1 000 membres d’équipage, pour une tournée de la mer Baltique et des fjords. Ces 4 mois en mer (71 jours de machine et 50 jours de pont) lui permettront de valider les 12 mois de navigation nécessaires pour tout élève de l’ENSM.

« À terme, j'aimerais être embauchée dans une grande compagnie internationale, pour travailler avec des personnes de cultures différentes. »

Le 12 septembre, elle sera diplômée officier. D’ici quelques années, elle s’imagine chef mécanicien.

« Généralement, on devient chef mécanicien à partir de 35 ans. C'est un métier qui évolue sans arrêt : chaque jour, même après des années d'expérience, on apprend quelque chose de nouveau. »

Et pour la suite, les perspectives de carrière sont nombreuses : pour un travailleur en mer, on compte 3 travailleurs à terre. Ceux qui ne souhaitent pas naviguer « toute leur vie » peuvent ensuite facilement trouver à travailler à terre, dans des postes de management dans les compagnies maritimes, dans l’enseignement ou encore la gestion de tout système autonome (industrie, système de santé…), où leur formation polyvalente de haut niveau et leur expérience sont très recherchées.

« C’est pas l’homme qui prend la mer », c’est désormais et sans restriction la femme également. Alors pourquoi ne pas céder à l’appel du grand large et découvrir la diversité des métiers et la richesse des formations de l'École nationale supérieure maritime ?

Created By
Manuel BOUQUET
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Credits:

[ Texte: Mathilde Christiaens ] - [ Photos: Manuel BOUQUET / TERRA ]