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Que veux-tu faire quand tu seras grande? Allie Shier, RangSutra Crafts India

Aap badi hokar kya bhanaa chaahti ho?

Que veux-tu faire quand tu seras grande?

C’est une question qu’on m’a posée d’innombrables fois. Au fil des ans, elle a suscité toute une gamme d’émotions allant de l’excitation devant l’avenir que j’entrevoyais à l’anxiété que je ressentais devant un trop grand nombre d’options, et enfin au désintérêt à force de me faire poser sans cesse la même question. Mes réponses aussi ont changé, à mesure que j’envisageais diverses possibilités et occasions de carrière. J’ai grandi avec la conviction que je pouvais faire n’importe quoi. Tout était possible, pourvu que je travaille assez fort.

Je suis née et j’ai grandi à Toronto, au Canada. Mes parents m’ont toujours encouragée à développer mes compétences et à cultiver mes intérêts. J’ai pris des leçons d’art, de tennis et de danse; je suis allée à un camp d’été dans le nord de l’Ontario; j’ai voyagé en Amérique du Sud par moi-même. J’ai étudié très fort à l’école, toujours en vue de la prochaine étape de ma vie. J’avais hâte d’entrer au secondaire, puis à l’université, et enfin dans une école supérieure à Londres, en Angleterre. J’ai eu de nombreuses occasions d’explorer qui je voulais être et de décider, à tâtons, ce que je voulais faire quand je serais grande. C’est quelque chose que j’ai peut-être tenu pour acquis.

C'est plus tard que j’ai compris que de nombreuses filles, ayant des ambitions et des capacités semblables aux miennes, n’ont ni la possibilité ni le droit de répondre à cette question. Pour beaucoup d’entre elles, en effet, les possibilités de vie sont confinées entre les murs de leur maison, où menacent de les retenir des rôles rigides imposés à leur sexe. L’entreprise RangSutra Crafts India, où je termine mon stage pour jeunes en développement international de la Fondation, travaille à changer ce récit tout en respectant les riches traditions culturelles de l’Inde. RangSutra autonomise les artisanes de villages reculés du pays en leur fournissant un revenu stable, un réseau social et la possibilité de devenir des dirigeantes.

Photo fournie par: RangSutra Crafts

En travaillant pour RangSutra, j’ai pu constater sur place comment cette entreprise sociale intègre les femmes dans l’économie mondiale grâce à l’artisanat. J’ai vu des designers créer de magnifiques broderies, en analysant méticuleusement chaque point. J’ai entendu des artisanes me raconter comment le fait de travailler pour RangSutra a enrichi leur monde. Ce stage m’a rendue humble et m’a permis de comprendre que nos vêtements peuvent avoir une grande incidence sur notre vie, la vie des autres et notre environnement. J’ai vu comment tout cela donne ultimement aux filles la chance de se faire poser la question suivante, et d’y répondre :

Aap badi hokar kya bhanaa chaahti ho?

Que veux-tu faire quand tu seras grande?

« Je veux occuper une place de dirigeante au sein de mon village! » – Ashiya, Ajeri Village, Rajasthan

À l’automne 2017, RangSutra et une organisation partenaire, l’UMBVS, ont invité 25 femmes à participer à un atelier de formation de gestionnaires en métiers d’art à Bap, au Rajasthan. On a mis à leur disposition un espace leur permettant de discuter sérieusement du travail de RangSutra, de l’éducation des filles et de gestion financière. On leur a donné les outils nécessaires pour orienter leurs efforts afin qu'elles puissent accéder à des postes de direction dans leurs communautés. Lors de cette visite, j’ai participé à l’organisation et à la mise en place de l’activité. J’ai également assisté à la discussion de groupe et j’ai eu l’occasion d’interviewer certaines des participantes pour un projet de recherche. Cela m’a permis de mieux comprendre les répercussions que leur travail pour RangSutra avait sur la vie des participantes, et de constater que l'organisme leur avait donné plus d’autonomie et un plus grand pouvoir décisionnel au sein de leurs foyers et villages.

C’était inspirant de voir ces femmes quitter leur village pour la première fois afin de participer à l’atelier. Elles ont exprimé le désir d’apprendre autre chose que simplement la couture. « Nous ne sommes pas seulement ici pour apprendre le ralli [un type de courtepointe rajasthani]. Nous sommes ici pour tisser des liens entre nous et discuter de choses importantes », a déclaré au groupe une participante du village de Mangan Khan Ki Dhani. Les artisanes ont parlé d’économiser leur argent, d’envoyer leurs filles à l’école et d’assurer un avenir à leurs enfants. Pour ces femmes, le ralli représente plus qu’une simple courtepointe piquée. L’artisanat a permis de tisser des liens entre elles et de les unir dans leur volonté d’indépendance et d’autonomie.

Après cet atelier inspirant, j’ai eu la chance de visiter le campus d’URMUL Setu, une école de formation professionnelle située à Lunkaransar, au Rajasthan. J’y ai rencontré la prochaine génération de dirigeantes indiennes, qui vivent et étudient sur le campus. URMUL Trust est une ONG comportant sept plates-formes visant à autonomiser les Indiens et Indiennes vivant dans des zones rurales, notamment à l’égard des soins de santé, de l’autonomisation et de l’éducation des femmes, ainsi que du développement des moyens de subsistance, ce qui comprend la broderie, le tissage et la couture. Les artisanes qui travaillent auprès d’URMUL sont actionnaires de RangSutra Crafts.

La visite rapide à laquelle je m’attendais s’est avérée une expérience que je n’oublierai jamais. Lorsque nous avons ouvert les portes de la salle de classe, 100 filles souriantes nous ont accueillies. Je me suis sentie infiniment privilégiée lorsque j’ai regardé dans les yeux les filles assises devant moi, qui faisaient toutes partie de la première génération d’étudiantes au sein de leurs familles. Nous nous sommes présentées, et elles l’ont fait à leur tour, d’une manière très chaleureuse, tout en poésie et en chansons. Quand le moment est venu de leur poser des questions, je n’ai pas pu m’empêcher de leur demander :

Aap badi hokar kya bhanaa chaahti ho?

Que veux-tu faire quand tu seras grande?

« Enseignante! », s’est exclamée une fille.

Une autre s’est levée : « Policière! »

« Danseuse! », a lancé une troisième, du fond de la salle.

Avant même que je m’en rende compte, toutes les filles s’étaient levées les unes après les autres, faisant fièrement part de leurs rêves d’avenir. « Je veux travailler dans l’armée! » « Moi, je serai chanteuse! » « Travailleuse sociale! » La question a soulevé des vagues d’espoir dans la mer d’étudiantes devant moi. Des jeunes filles qui ont des rêves et des ambitions, et qui disposent d’un lieu pour apprendre les unes des autres et se motiver mutuellement.

Une élève s’est levée pour décrire l’école aux visiteurs. Les cheveux courts, elle avait abandonné ses dupatta et kurta (vêtements traditionnels indiens) pour des jeans bleus. Elle a fièrement expliqué : « À l’école, il n’y a pas de distinction entre caste ou croyance, fille ou garçon. Nous sommes tous égaux jusqu’à nos 18 ans. » Je me suis alors demandé : que se passe-t-il lorsque ces filles atteignent 18 ans et retournent dans leur village? L’autonomisation qu’elles ont acquise à l’école n'est-elle plus qu'un souvenir? Cette brave fille serait-elle obligée de laisser pousser ses cheveux et d'abandonner sa chemise boutonnée pour un sari? J’ai continué à y réfléchir pendant que les filles chantaient et dansaient, avant que nous leur disions au revoir. Elles ont entonné une jolie mélodie – dont j’ai appris plus tard les paroles éloquentes – sur les merveilleuses choses que les filles sont capables de faire.

Mes expériences sur place m’ont donné de l’inspiration pour mon travail et de l’espoir pour l’avenir. Je suis réconfortée de savoir que RangSutra continue de soutenir ces filles longtemps après la fin de leurs études, afin qu’elles deviennent des personnes autonomes qui susciteront le changement au sein de leurs communautés.

Je ne cesserai jamais de demander aux filles ce qu’elles veulent faire quand elles seront grandes, ou ce qu’elles veulent être maintenant. Des organisations comme RangSutra et URMUL accordent aux femmes et aux filles le droit de répondre à cette question librement et leur donnent la possibilité de réaliser leurs rêves. J’ai hâte de découvrir les contributions importantes que ces filles apporteront dans leurs communautés, en Inde et dans le monde.

Allie Shier faisait partie de la cohorte 2017-2018 du Programme international de bourses de jeunes. Elle a fait son stage en RangSutra au Inde.

Depuis 1989, la Fondation Aga Khan Canada contribue à la formation de jeunes leaders canadiens dans le domaine du développement international par le biais de son programme de stages en développement international.

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Allie Shier
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Credits:

Allie Shier

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