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DOQ VERNEL "ça fait un an que je vous attends"

« Même si tu n’es pas là, jamais je ne change et quand on me connait jamais on ne m’oublie ». Dominique n’a que 11 ans, élève en classe de sixième, lorsqu’elle écrit cette phrase, ce n’est pas pour évoquer les mèches craquantes d’un blondinet, amour de prime jeunesse mais… je vous laisse deviner…Non, vous ne trouverez pas car la gamine en trempant sa plume dans l’encre noire, se met dans la peau du… Causse Noir. Sur papier blanc, elle le fait parler, elle aimerait le faire mugir, au mieux roucouler, miauler comme lorsque le vent s’estompe les soirs d’été pour laisser place nette au silence pur. Pour se laisser prendre par la main, se laisser guider et s’envelopper dans cette écorce rugueuse, dont elle connaît déjà le moindre rocher qui ici vous fait de l’œil, là cette masure qui plus tard elle appellera « la maison de la petite fille », plus loin cet arbre torturé baptisé « l’arbre mon ami » qu'elle n’oublie jamais de saluer dans ce fond de bois humide de la fontaine des Rioux.

Dominique, c’est Doq, un diminutif qui lui colle aux bottes depuis son enfance lorsqu’elle découvre le Causse Noir dans l’après 68. Un père colonel de l’armée de l’Air trimbalant sa petite famille au gré des affectations et des casernes avec comme pieu aimanté, ce Causse Noir pour poser le calot et les galons, un homme passionné des grands espaces, cavalier émérite aux allures de John Wayne « mon père, c’était un cow boy. Sous le col de sa veste, il portait l’étoile de l’US Marshall. » et son Colorado, c’est le Causse Noir. Il y achète un lopin de terre, assez grand pour y construire un ranch non loin de la Croix de Montfraysse, à deux galops de la Roujarie « je me souviens des sorties de nuit à cheval. Le causse, à cette époque était à nu. Nous avions un sentiment d’une extrême liberté ».

C’est à cheval que Dominique devient Doq, à jouer les Doc Holliday dans ce triangle d’or aux trois points cardinaux, Allayrac, Le Sonnac et la Roujarie. Doq trouve ainsi son petit paradis, cet herbier géant dans lequel elle s’enivre des odeurs puissantes de ces plantes sauvages qu’elle apprend à connaître, à sentir « très tôt, à onze, douze ans j’ai appris leurs vertus ». 40 ans plus tard, elle se permet d’insister « tout est expliqué autour de nous, mais on ne sait pas voir les signes ».

Doq est ainsi devenue un peu artiste «j’aime l’expression artiste libre » mais surtout thérapeute, fabricante d’élixirs floraux et forestiers. C’est à la rosée du matin qu’elle ramasse ces plantes pour ensuite les solariser. Elle compte aujourd’hui jusqu’à 60 petites fioles qui ont toutes le but de réguler les énergies, les sentiments, les émotions « qui lorsqu’elles sont trop développées deviennent des défauts». Elle ajoute «chaque plante à sa mission, parfois je cherche avec mon pendule ». Elle cite en exemple l’élixir de pissenlit, elle m'interroge «pourquoi l’enfant ne cueille que la fleur de pissenlit ? Cela exprime tout simplement la peur de l’abandon».

Chaque année, quelques jours avant les Templiers, Doq franchit la porte des Templiers avec deux petites fioles d’élixir aux vertus « ré-harmonisantes ». J’aime à croire que cela apaise en de telles circonstances. Doq, « l’herboriste » du causse Noir, cette grande femme qui n’a pas perdu sa prestance de cavalière, n’a aucun doute sur ce qu’elle affirme.

C’est un petit cadeau plein d’attention pour exprimer sa façon implicite de dire merci d’être bénévole et merci de courir. Car Doq qui n’hésite pas à dire « je suis dans la stratosphère » a également les pieds bien sur terre pour arpenter ce causse qui n’a plus aucun secret pour elle.

La course à pied, ce fut une histoire de coup de foudre, avec Henri Vernel, un gars d’ici. Cela remonte à plus de quinze ans déjà. Elle raconte l’histoire comme un conte de fée « Imaginez que dans les années 70, lui aussi avait son cheval à Allayrac. Je le soignais, je le montais. Occident, c’était un cheval de tête avec lequel, je suis même allée seule à Meyrueis. Je n’avais que 13 ans. Quand on s’est rencontrés, on avait des milliers de souvenirs en commun mais je ne me souvenais pas de lui».

Sa première course, ce fut Verticausse en 2003. Lors du repas d’arrivée, Henri lui tape sur le bras et lui dit « tu as gagné quelque chose ». Le bout de papier qu’on lui tend, c’est une inscription pour les Templiers « que je vais courir mais où j’abandonne à Trèves ».

Depuis ce galop d’essai, Henri et Doq sont unis dans cette communion, comme deux cavaliers du Pony Express traversant courbés sur leurs purs sangs les contrées arides du Nord Nevada. Elle parle ainsi de son compagnon « lui, il vivait à la sauce Templiers. Il avait couru les premières éditions ». A eux deux, ils comptent ainsi plus de trente participations, Doq sera de nouveau cette année au départ de la Boffi Fifty et Henri sur l’Intégrale.

Se situer dans l’espace, l’admirer, le comprendre, le caresser, l’assagir si besoin, Doq parle ainsi de la course à pied car elle se sent, à poser un pied devant l’autre, le souffle mesuré, « élément de la nature, c’est là notre place. On prend l’énergie de ce qui nous entoure. C’est être en amitié avec soi même». Elle me tend une feuille blanche sur laquelle elle a griffé quelques mots pour exprimer son engagement comme bénévole « là, je me sens dans une mission. C’est chevaleresque. Je fais partie de cette fourmilière ». Car au petit matin de l’Endurance Trail, elle s’enfoncera dans les restes nacrés de cette nuit insistante, à descendre ce sentier dont elle connait chaque aspérité. Elle sera là, seule, en vigie, à la fontaine des Rioux Et lorsque les premiers coureurs passeront avec ou sans bonjour, avec ou sans sourire, elle leur dira « ça fait un an que je vous attends ».

Created By
GILLES BERTRAND
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Credits:

Gilles Bertrand Photography

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