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Le forgeron des Templiers Jeudi 20 SEPTEMBRE

Hier, ce fut une journée « parking », le genre de dossier que l’on planque au fond de la pile mais qui remonte bizarrement tout seul à la surface comme une méduse s’amusant à frotter ses vilaines paluches tentaculaires sur le fessier des baigneurs. Et comme il n’y a pas d’esquives possibles, faut bien prendre le paquet à bras le corps.

Sur le haut de la pile, la lettre du Maire de St Pierre des Tripiers nous signifiant ce jour, après cinq mois d’attente, son refus de ne pas nous accorder le parking du Truel. Le Truel, c’est niché et encastré au fond des gorges de la Jonte entre Le Rozier et Meyrueis, à peine deux heures de soleil les jours d’hiver, une dizaine de jolies maisons pignon sur le vide, une charmante église, son cadran solaire, des escaliers en labyrinthe dévalant la pente jusqu’à la passerelle de la Planque, des figuiers gavés de fruits et LE parking et sa vieille cabine téléphonique dont il ne reste que la carcasse, vestige d’un siècle passé. J’en conviens, ce n’était peut être pas le meilleur endroit pour installer un ravitaillement dans ce rectangle grand comme une serviette de plage. Mais une recomposition du parcours Endurance Trail ne nous a pas laissés le choix. Joël le chef de poste du Truel qui fut autrefois élu comme adjoint nous avait prévenus deux jours plus tôt « ça pose problème. Le maraîcher ne pourra pas garer sa voiture, ni sa remorque». Je le rassure « on ne prend pas toute la place » mais le ton de la lettre du maire de cette commune ne comptant que 80 habitants éparpillés sur l’ensemble des hameaux du causse Méjean est assez ferme pour prendre les choses au sérieux à moins d’un mois de la course. Rendez vous est donc pris à la mairie annexe qui n’ouvre que le vendredi après midi.

Ce n’est pas faute de savoir que parfois dans les villages que nous traversons, se faire accepter, nous les urbains de la grande ville de Millau, nous et nos petits plaisirs hédonistes, nous et notre parade homo-pedibus, nécessite de la patience, des silences pour entendre et comprendre et surtout beaucoup de courtoisie. J’écris cela en pensant bien sûr à Pierrefiche, ce hameau qui aux premières années des Templiers nous a donnés du fil à retordre. La fronde a grondé longtemps, réunions et rencontres n’apaisant guère cette colère sourde dont l’écho nous revenait en bruissant par de là les buissières. La sous-préfecture fut inondée de lettres de protestation, les gendarmes patrouillèrent les jours de course pour calmer l’ardeur d’une riveraine furibonde, on nous reprocha même que les urines des coureurs seraient, par infiltration, source de pollution pour les eaux puisées dans l’Esperelle. La situation s’est finalement assagie, la caravane passe désormais sur la pointe des pieds, la déviation fait encore grincer quelques âmes sensibles mais une petite ginguette s’installe le jour des Templiers sur cette dalle de ciment qui autrefois servait de terrain de basket. Signe d’un rapprochement, d’une communion passagère entre gens d’ici et nous, de là bas.

Le soir même, je suis allé à Pierrefiche, une conïncidence et devinez pourquoi ? Pour une question de…parking qui se traite uniquement chez la famille Foulquier, des agriculteurs- éleveurs installés à La Borie. Je me suis garé dans la cour, les chiens ont gueulé, pas besoin de sonnette. J’ai qu’en même tiré la chaînette, la cloche teinta. J’ai entendu « rentrez, rentrez ». J’ai soulevé le rideau de plastique blanc qui empêche tant bien que mal les mouches de franchir le seuil de la porte. Nous avons discuté, de la chaleur, de la sécheresse, c’est toujours une entrée en matière obligée dans le monde agricole, source d’une préoccupation majeure « bon finalement je ne vais pas trop me plaindre qu’il ne pleuve pas car je refais le toit de la bergerie. Ca me laisse tranquille le temps des travaux ». Nous avons parlé des chenilles « cette année, vous n’en aurez pas. Les chenilles, c’est comme les prunes, ya des années avec, ya des années sans ». Sur l’évier, une bassine était remplie de quetsches violettes, sur la table, un moule et les restes d’une tarte aux fruits qui semble-t-il avait satisfait le plaisir des gourmands.

J’abordai enfin la question du parking « j’ai vu qu’il y avait de la luzerne, euh… ? » « mais non, ya pas de problème, vous aurez le même ». Voilà, c’était dit, il n’y avait rien de plus à se dire. Nous convenions qu’en même de confirmer cela avant la course, puis l’éleveur de saisir sa casquette rouge, de pousser le rideau en plastique et de prendre le chemin de la bergerie en lâchant « bon, ya encore du boulot qui m’attend ».

En remontant dans ma voiture, le téléphone bipa. Expéditeur, André. André, c’est « Monsieur Bricolage », c’est « Monsieur je trouve tout, je bricole tout, je range tout » avec sa trousse à outils rangée comme une trousse de chirurgien. Le téléphone bipa à nouveau « alors tu as vu la vidéo ?» «attends, laisses moi une minute que je me gare». J’ai appuyé sur le triangle noir, sur l’écran, je voyais André devant l’âtre, forgeant les piquets fer qui délimiteront le couloir arrivée et les parkings. Le téléphone sonna encore, André était impatient « alors, ça te plait, c’est beau comme ça avec le bout courbé?". Bon finalement, le dossier Parking, c'est toujours une question de fil de fer à tordre et à retordre !!!

Created By
GILLES BERTRAND
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Credits:

Gilles Bertrand Photography

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