Dans le Calvados, des archéologues font la chasse aux pilleurs Des archéologues du Calvados, terre de vestiges s’il en est, font la chasse aux pilleurs : ceux qui sondent le sol avec des détecteurs de métaux sans autorisation. Des plaintes ont récemment été déposées. Explications.

Par Benoît LASCOUX, journaliste Ouest-France.

Comment les archéologues en sont-ils venus à pointer du doigt les personnes qui sondent avec des détecteurs de métaux ?

Le phénomène n’est pas nouveau. Et les archéologues le combattent depuis longtemps. « C’est une pratique assez courante dans le Calvados, dans les champs par exemple », explique Dominique Corde, 45 ans, archéologue spécialisé en anthropologie, à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) (photo ci-dessus).

Un événement assez récent l’a fait bondir, tout comme plusieurs de ses homologues. Fin janvier 2017, des ossements d’un soldat de la Seconde Guerre mondiale ont été exhumés par l’officier d’exhumation de la Commonwealth war graves commission (CWGC), près de Caen. Deux particuliers les avaient mis au jour début janvier avec des détecteurs de métaux. Une plainte a été déposée à l’encontre de ces deux hommes par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). « Une enquête est diligentée pour exécution de fouilles archéologiques et utilisation de détecteurs de métaux sans autorisation », confirme Carole Etienne, procureure de la République.

Existe-t-il des précédents dans le Calvados ?

Oui. « Il y a dix ans, lors de fouilles à Éterville (sud ouest de Caen), sur un site datant de l’âge du fer, nous avons constaté qu’une sépulture avait été pillée, reprend Dominique Corde. Des vertèbres humaines avaient été déplacées, car un collier en bronze avait probablement été arraché. »

Lors de fouilles à Éterville, Dominique Corde a constaté que les vertèbres d’une dépouille avaient été déplacées car un collier avait certainement été arraché lors d’un pillage.

Autre témoignage : celui de Grégory Schütz, archéologue pour le conseil départemental. « Début 2016, en passant par Bretteville-l’Orgueilleuse, au chemin Haussé, passage d’une ancienne voie romaine qui va de Bayeux à Chartres, j’ai aperçu deux personnes avec des « poêles à frire » (détecteurs) sur une parcelle fraîchement labourée, explique-t-il. J’ai vu que des morceaux de métal sortis de terre avaient été déposés dans le coffre de leur voiture. » Une plainte avait été déposée.

Pourquoi les archéologues font-ils la chasse à ce genre de pratique ?

Parce qu’il est illégal de fouiller des sites archéologiques ou de mettre au jour des vestiges ou des restes humains lorsque l’on n’est pas habilité. « Ces détecteurs de métaux constituent une véritable arme de destruction massive, dans le sens où leurs utilisateurs sont susceptibles de détériorer des objets découverts. Dans ce cas, l’analyse anthropologique n’est plus possible, s’emporte Dominique Corde. La majeure partie du temps, ces gens-là viennent fouiller pour collectionner ces objets ou les revendre. Ce qui est mis au jour dans le sous-sol appartient à l’État, doit faire partie de notre patrimoine. Et faire l’objet d’une restitution publique. Nous souhaitons que le pillage cesse ! »

Pourquoi est-il difficile d’établir le préjudice causé ?

Parce que cette pratique est en quelque sorte régie par le « pas vu, pas pris ». Il est quasi impossible de quantifier le phénomène. « Mais, en se baladant dans des vide-greniers, il n’est pas rare de tomber sur des pièces de monnaie ou des fibules (agrafes, généralement en métal, qui servent à fixer les extrémités d’un vêtement) gallo-romaines provenant de ce genre de prospection, ajoute Dominique Corde. Elles sont vendues entre 30 € et 100 €. C’est clairement pour faire de l’argent. » Selon Christian Brione, gendarme référent aux atteintes à l’environnement, basé à Évrecy, « on remarque une recrudescence de ce genre de pratique tous les dix ans lors des anniversaires décennaux du Débarquement de juin 1944 ».

L’utilisation d’un détecteur de métaux sans autorisation, tout comme les fouilles, peut être sévèrement réprimée par la loi.

Détecteurs de métaux, fouilles : que dit la loi ?

« Loisir »

C’est toute l’ambiguïté de l’utilisation d’un détecteur de métaux. Son usage n’est pas prohibé sur le domaine public, sous réserves de réglementations locales particulières. « Cette pratique est notamment tolérée sur la plage », indique Dominique Corde, archéologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). « Les personnes que l’on croise avec des détecteurs jouent justement sur les mots, assure Christian Brione, gendarme référent notamment en archéologie, basé à Évrecy. Elles nous assurent qu’elles sont là pour leur loisir et en aucun cas pour chercher des vestiges historiques. Les vendeurs de détecteurs de métaux ont, en tous les cas, l’obligation d’informer leurs clients sur la réglementation des pratiques en vigueur. »

Autorisation

Une première chose est certaine. Lorsque l’on utilise un détecteur de métaux pour rechercher des vestiges, son utilisation est soumise à une autorisation préfectorale.

Autorisations bis

Au-delà de cette première autorisation, un particulier doit formuler la même demande auprès de l’État pour se livrer à des fouilles. « Elle est ensuite transmise vers le service archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) », explique Christian Brione. En cas de fouilles sur une propriété privée, il est impératif d’avoir une autorisation du propriétaire. En cas de découvertes, le maire de la commune doit en être informé. « Lors de la demande d’autorisation de fouilles en préfecture, le particulier concerné s’engage également à établir un rapport des éventuels vestiges retrouvés », ajoute Dominique Corde.

Corps

Autre élément essentiel sur lequel insistent les archéologues : la découverte d’un corps. « Il faut par exemple savoir que les dépouilles des soldats enterrés durant la Seconde Guerre mondiale étaient parfois piégées avec des explosifs pour tendre un piège, explique Dominique Corde. Cela peut être extrêmement dangereux. » Il est également possible, lors de fouilles, de tomber sur un corps récemment enterré, dans une affaire d’homicide par exemple.

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