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Section Esabac

Liceo Ignazio Vian - Bracciano

Pablo Picasso

C’est à Malaga en Espagne que naît le 25 octobre 1881, Pablo Picasso,

celui qui allait révolutionner l'art moderne et poser les fondements de l'art contemporain.

La fécondité créatrice de Picasso a fait de lui l’un des plus grands artistes de son siècle.

Capable d'inventer de nouvelles formes de représentation, de renouveler

constamment son style, Picasso a passé sa vie dans une quête perpétuelle.

Autoportrait de 15 à 90 ans
Pour mieux comprendre

Un cube ne doit pas être représenté en perspective (et donc comme il apparaîtrait aux yeux d'un observateur) mais avec tous les plans renversés.

C'est parce que le premier type d'image est "vraisemblable", il ressemble à la façon dont nous voyons les choses, mais il n'est pas "vrai": en perspective nous pouvons voir au maximum trois faces (le cube en a six) mais sous la forme de quadrilatères irréguliers (et cela contraste également avec les vraies propriétés géométriques du cube).

Alors la deuxième façon de représenter les choses est beaucoup plus "vraie"!

Le processus de décomposition en plans et de recomposition successive désintègre les formes, élimine la distinction entre figure et fond et abandonne définitivement la perspective rendant même l'identification du sujet de l'œuvre compliquée (généralement portraits et natures mortes, genres assez proches de la décomposition) géométrique).

Le travail de Picasso est souvent catégorisé en "périodes",
  • la "période bleue" (1901-1904),
  • la "période rose" (1905-1907),
  • la "période africaine" (1908-1909),
  • le "cubisme analytique" (1909-1912),
  • le "cubisme synthétique" (1912-1919).

la "période bleue"

(1901-1904)

Cette"période est constituée de peintures sombres réalisées dans des tons de bleu et de turquoise, animées, seulement occasionnellement, par d'autres couleurs. C'est, comme son nom l'indique, une peinture monochrome, qui joue sur des couleurs froides, où les sujets humains représentés, appartenant à la catégorie des marginalisés et exploités, semblent suspendus dans une atmosphère mélancolique qui symbolise le besoin d'intériorisation : l'humanité représentée est celle déprimante des créatures soumises et seules qui apparaîssent oppressées et sans espoir, les plus pauvres et les plus marginalisées, ce sont des figures entières, dans des positions isolées et avec un air triste.

la vie

Dans l'œuvre "la vie" de 1903, les différentes étapes de la vie sont représentées: au premier plan le mariage, la maternité et l'enfant, le fruit de l'amour; en arrière plan, douleur et solidarité

la "période rose"

(1905-1907)

La «période rose» (1905-1907) se caractérise par un style plus gai, avec des couleurs roses et oranges. Dans la période rose, il y a un regain d'intérêt pour l'espace et le volume, mais la mélancolie, bien que tempérée, est toujours présente. Les sujets privilégiés sont les arlequins, les saltimbanques, les acrobates, ou en tout cas des personnages liés au monde du cirque.

Famille d'acrobates 1905

Cette œuvre, est l'une des plus grandes peintures de Picasso mesurant plus de six mètres carrés. Cette période exprime une vision plus optimiste du monde, qui s'oppose à la précédente («période bleue») plus sombre et nostalgique. Le changement est encore plus profond et comporte de nouveaux aspects: les contours durs cèdent la place à une ligne incisive mais modulée, il y a aussi une recherche de plasticité dans le dessin.

Les personnages de cirque sont détachés de l'espace profond, désert, presque irréel, derrière eux; à gauche, cinq personnages sont groupés; à droite, isolée, une figure de femme, au premier plan par rapport aux autres et cela crée une atmosphère d'attente, d'indécision, qui domine toute la scène. Le sentiment d'inquiétude est renforcé par l'équilibre précaire de l'ensemble de la composition. Derrière les six personnages, fruit d'études détaillées et approfondies, la ligne d'horizon placée en haut laisse peu de place au ciel bleu.

la "période africaine"

(1908-1909)

Introduction

Des corps de femmes disloqués, mutilés, des visages-masques, des traits, des facettes, des angles comme des poignards... Voici à quoi ressemble le tableau qui révolutionne l'art moderne en 1907 : les Demoiselles d'Avignon (visuel 1). L'œuvre est brutale, agressive. Elle rompt avec tout ce qui s'est fait jusqu'alors en peinture. Et évidemment, à l'époque, elle a beaucoup frappé ceux qui l'ont vue. Picasso n'a pas peint cette toile sur un coup de tête. Elle est le fruit de neuf mois de travaux préparatoires, de croquis (visuel 5), d'esquisses

1. Les demoiselles d'Avignon 1907 - musée d'art moderne de New-York

Une véritable plongée dans l'inconnu pour ce peintre ambitieux qui a conscience, à l'automne 1906, d'être arrivé au bout de ses propres recherches picturales. Il sent quelque chose bouillir en lui, il lui faut du neuf. Alors il dévore tout ce qu'il découvre, et il l'intègre à son art : (visuel 2) le licencieux Bain turc d'Ingres, que le Louvre expose pour la première fois au grand public en 1905 ;

2. Bain turc d'Ingres - Louvre - Paris

L'année suivante, en 1906, au Salon des indépendants, Picasso voit La Joie de vivre, de Matisse, (visuels 3) tableau influencé par Le Bain. Il aime l'oeuvre, ses couleurs crues, sa composition, ses audaces formelles, son primitivisme naissant, mais il comprend qu'il n'y a pas de différences fondamentales entre ce tableau et Le Bain, qu'ils sont l'un et l'autre détachés de la réalité.

3. La Joie de vivre, de Matisse

Les arts primitifs d'Espagne et d'Afrique et le peintre Paul Gauguin (visuels 4), impressionnent beaucoup le jeune homme lors d'une rétrospective en 1906.

4. Femmes de Tahiti, Paul Gauguin

Au début 1907, le thème est trouvé. Il sera volontairement provocateur pour l'époque : l'étalage sans pudeur de prostituées dans une maison close. Le tableau prend forme aux mois de juin et juillet 1907. Le peintre est alors en mesure de le dévoiler à ses proches. C'est un choc ! Bien peu comprennent la portée révolutionnaire de son travail, sauf peut-être son ami Georges Braque.

DESCRIPTION DU tableau "LES DEMOISELLES D'AVIGNON"

Le titre original "Le Bordel d'Avignon", a été changé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a cinq figures féminines avec des formes carrées, qui se déplacent dans un espace rigide, transformé en une sorte de cage qui conditionne leurs mouvements; les visages des femmes sont déformés et semblent être représentés dans l'acte de montrer leur corps à un client potentiel.

Les deux figures féminines sur la droite portent un masque africain; en fait, Picasso s'est inspiré de l'art africain, dont il pensait qu'il représentait la nature essentielle de l'homme. Les couleurs sont très vives: les nuances du bleu et du gris passent par le brun. Pour isoler les cinq prostituées du fond, l'auteur projette des ombres derrière elles, mettant en valeur leurs corps nus. Ceux-ci sont stylisés, la taille fine semble disproportionnée par rapport aux hanches et aux épaules qui sont grandes. Une nature morte enrichit le tableau; en effet, quelques fruits sont représentés (grappes de raisin, une poire, une pomme et une pastèque).

La première femme à gauche est représentée dans une position statique et son visage apparaît de profil dans l'ombre du bras de la prostituée placée à ses côtés, les articulations sont angulaires et non naturelles. Un voile est placé sur la cuisse gauche et crée un effet de transparence («vedo-non-vedo»): Sur la droite de la toile une femme semble ouvrir un rideau. La peinture reflète l'idée de séduction du début du XXe siècle, c'est à dire l'idée de provocation. En effet, dans cette peinture, cinq prostituées du quartier d'Avignon à Barcelone, où l'artiste a séjourné entre 1906 et 1907, sont représentées.

Dans cette œuvre, Picasso, à travers l'abolition de toute perspective ou profondeur, suprime l'espace: la prise de conscience d'une troisième dimension non visuelle mais mentale est donc symbolisée ici. En particulier, chez la femme en bas, à droite, avec ses yeux à des hauteurs différentes, la torsion exagérée du nez et du corps, ces éléments mettent en évidence comment Picasso est arrivé à la simultanéité des images, à savoir, la présence simultanée de plusieurs points de vue. La structure de l'œuvre est donnée par un emboîtement de surfaces imbriqué géométriquement, qui veut presque renverser les objets vers le spectateur, qui est directement impliqué d'abord par la fixité du regard des fiemmes et ensuite par la nature morte qui glisse presque en dehors du cadre. Le tableau consiste en une série de plans solides qui se croisent sous différents angles. Chaque angle est le résultat d'une vision partielle par conséquent l'espace est saturé de matière, annulant la séparation entre les corps.

Picasso renverse les règles classiques de la perspective, en peignant une réalité qui représente non seulement ce qu'on voit, mais aussi tout ce qui existe. Les visages et les corps présentent plusieur points de vue, représentés en même temps, comme si l'artiste tournait autour des figures et liait les différents profils qu'il rencontrent au fur et à mesure.

1. Le thème : les prostituées d'un bordel

Les Demoiselles d'Avignon représentent cinq femmes devant des draperies, qui exhibent leur nudité dans des positions variées. Picasso a emprunté au Bain turc d'Ingres (visuel 2) l'accumulation des corps et la pose aux bras levés. A l'origine, le peintre avait prévu deux personnages masculins supplémentaires, un étudiant et un marin. Mais il les supprime dans la version finale, ce qui concentre l'attention sur les femmes impudiques et transforme le spectateur en client voyeur. Picasso appelle son œuvre le Bordel d'Avignon, une allusion cachée à la rue d'Avignon, à Barcelone, réputée pour ses prostituées. Mais lors de la première exposition publique de la toile, en 1916, il faut un titre capable de passer la censure : ce sera les Demoiselles d'Avignon, pour la postérité.

2. Les corps : géométrisation et dislocation

Picasso a intégré la leçon de Gauguin (visuel 3) sur la massivité des corps. Les volumes puissants des bras, des cuisses, des torses, sont simplifiés à l'extrême. Ils n'ont plus rien de réaliste. Cependant, lorsqu'on observe ces corps en détail, on s'aperçoit qu'ils n'ont pas tous le même traitement. En effet, au fil de ses recherches toujours plus radicales, Picasso a évolué. Les trois femmes de gauche ont été peintes en premier : leurs corps sont géométrisés, mais leurs formes restent claires, facilement identifiables.

Les deux femmes de droite, plus tardives, ont en revanche l'apparence d'un agglomérat de surfaces plates, comme des facettes. Picasso les disloque, notamment celle assise, les jambes écartées, dans une position impossible : son corps, vu de dos, est surmonté d'une tête vue de face.

3. Les visages : influence des arts primitifs

Comme les corps, (visuel 4) les visages sont simplifiés. Picasso les réduit à un assemblage de signes élémentaires : signe de l'œil, du nez, de la bouche, des oreilles. Il emprunte cette simplification à l'art ibérique pour les trois femmes de gauche, avec les yeux cernés et l'importance des oreilles, et à l'art africain pour la figure en haut à droite : son œil vide, son nez massif et sa bouche basse évoquent certains masques africains. Quant à la femme assise, elle préfigure les futures recherches du peintre avec son visage décomposé, vu à la fois de face et de profil.

Détail
4. Le traitement : rupture avec les codes académiques

Picasso ne se contente pas d'abandonner la représentation réaliste du corps. Il rompt aussi avec les autres codes « sacrés » de la peinture classique : dans ce tableau, on ne trouve ni perspective ni ombres. Les cinq figures sont comme plaquées sur le décor qui les entoure. Picasso retranscrit autrement l'impression de profondeur, en superposant les corps ou en faisant disparaître un bras derrière une draperie.

5. La facture : violence du pinceau

L'œuvre est violente autant par son sujet que par la manière dont Picasso l'a peinte. Pour rompre avec les conventions artistiques, il fallait qu'il adopte aussi un style inédit, qui préfigure les recherches du cubisme. La toile est agressive par sa facture : les formes sont anguleuses, les surfaces colorées s'entrechoquent, le pinceau s'épanche en traits brutaux sur les figures de droite.

CONCLUSION

Aujourd'hui, nous avons oublié à quel point les Demoiselles d'Avignon étaient révolutionnaires et ont choqué y compris les artistes d'avant-garde amis de Picasso. Nous nous sommes habitués à voir ce type de tableaux. C'est la preuve que cette toile est l'acte de naissance de l'art moderne. Hormis les quelques jours de sa présentation lors d'un salon en 1916, elle restera longtemps cachée aux yeux du grand public, après son achat par un collectionneur privé, Jacques Doucet. Les amateurs d'art ne pourront véritablement découvrir cette œuvre qu'en 1937, lors de son acquisition par le Musée d'art moderne de New York, où elle se trouve toujours.

Les idées développées durant cette période conduisent à la période suivante. En effet, avec "LES DEMOISELLES D'AVIGNON" Picasso a ouvert la voie au cubisme.

ARTICLE

5. Série d'esquisses préparatoires

le "cubisme analytique"

(1909-1912)

Le mot « cubisme » n'a pas été inventé par Picasso, mais par le critique Louis Vauxcelles à propos d'un tableau de Braque, composé selon lui de « petits cubes ». L'idée correspond assez bien au style de Picasso.

Georges Braque, Le Viaduc à L'Estaque, 1908, Paris Huile sur toile, 72,5 x 59 cm

Le «cubisme analytique» est fondé sur l'idée de saisir simultanément l'objet de tous les points de vue, ce qui donne à l'image une densité particulière, même si parfois celle-ci n'est pas toujours parfaitement lisible. La décomposition de la forme a quelque chose de lucide et de sauvage en même temps.

En 1912, Picasso cherche à transposer ces recherches formelles dans le domaine de la sculpture. Il rompt avec la tradition sculpturale en utilisant la technique de l'assemblage et la construction, en choisissant des matériaux pauvres et en assemblant au sein d'une même sculpture des éléments hétérogènes. Le choix d'un accrochage au mur dans certaines de ses sculptures de guitares est également inhabituel: l'artiste a sans doute voulu reprendre le mode d'accrochage des guitares de collection, tout en cherchant à créer des oeuvres à cheval entre le bidimensionnel et le tridimensionnel.

guitare tridimentionnelle

Les formes plus aplaties et compactes marquent le passage de l'artiste au cubisme synthétique, évident dans l'œuvre "Violon et raisins". Les phases du travail sont photographiées: d'abord il dessine la composition, puis il applique des morceaux de papier journal et enfin il redessine, au fusain, les lignes recouvertes. Ainsi, l'artiste donne une image qui synthétise les formes essentielles et la matière et non plus la fragmentation de l'objet dans ses parties successives; l'oeuvre se tourne toujours plus vers l'intelligence et propose un nouveau rapport entre vrai et faux, réalité et représentation.

le violon
le joueur de violon

le "cubisme synthétique"

(1912-1919)

La période synthétique est caractérisée par un recentrage de la représentation des objets à travers leurs traits essentiels ; contrairement à la phase analytique qui présentait l’objet sous toutes ses facettes, les cubistes se mettent à sélectionner celles les plus représentatives de l'objet déconstruit. Les formes auparavant éclatées se recentrent, les objets s’insèrent les uns dans les autres.

On note également un retour à la couleur parfois même vive (Picasso, Femme en chemise) et l'introduction de collages (papiers, étoffes, matières) dans l'œuvre. Ces éléments collés occasionnent des assemblages et des constructions, faisant avancer ou reculer certains plans face au regard du spectateur.

Dans "le cubisme synthétique", Picasso représente des compositions dans lesquelles sont souvent insérés des fragments de papier, papier peint et papier journal. Les œuvres suivantes en sont les exemples : "Partition et guitare", "Femme en fauteuil devant la cheminée"

Guitare et partition
Femme en chemise assise dans un fauteuil 1913
La bouteille de Suze 1912

La Flûte de Pan

Pourtant, rapidement, le peintre revient à la déformation des corps. Mais une déformation monumentale, comme un écho à la sculpture gréco-romaine. Dans ce tableau de 1923 la Flûte de Pan (visuel 10) c'est toute l'Antiquité qui transparaît ici dans les corps massifs et harmonieux de ces deux adolescents baignés par la chaude lumière de la Méditerranée. L'un joue de la flûte des bergers grecs, l'autre écoute sereinement. Le temps semble suspendu. Tout est calme, sobriété, équilibre.

La flute de Pan 1920

GUERNICA

1. Guernica, 1937 © Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid, Spain / Bridgeman Images © Succession Picasso 2015

INTRODUCTION

La guerre civile fait rage en Espagne depuis juillet 1936 (visuels 2 et 3). Picasso, partisan du pouvoir républicain menacé, s'inquiète. Mais, exilé de son pays natal, il n'a guère de moyens d'agir.

2. 19 juin - Pour les blessés de l'Espagne républicaine
3. Anonyme, Le champ de ruines de la ville basque Guernica y Luno (à partir de 1944)

Ou plutôt, il va se servir du seul véritable moyen à sa mesure : l'art. En janvier 1937, la jeune République espagnole lui demande de réaliser une grande composition pour le pavillon d'Espagne (visuel 4b), à l'occasion de l'Exposition universelle qui doit bientôt ouvrir à Paris (visuels 4 et 4a). C’est une commande d’une très grande importance, mais Picasso, justement, a toujours fui la contrainte du travail sur commande. On le rassure : il sera libre du choix du sujet. Voici l'occasion exceptionnelle d'afficher haut et fort son soutien. Il accepte. Pourtant, l'inspiration n'est pas immédiate ; le peintre tâtonne... Jusqu'à ce que survienne l'un des événements les plus dramatiques de la guerre civile : le bombardement de Guernica, le 26 avril 1937.

4. François Kollar, La Tour Eiffel de nuit pour l'Exposition internationale de 1937
4a. André Granet Illumination de la Tour Eiffel pour l'Exposition internationale de 1937
4b. Jardin du Trocadéro : pavillon de la république d'Espagne 1937

C'est jour de marché dans la petite ville basque, lorsqu'à la fin de l'après-midi, le ciel se couvre d'escadrilles d'avions. Pendant deux heures, la ville subit plusieurs vagues de bombardements (visuel 3). On le saura plus tard : l'attaque est le fait de la légion Condor allemande, secondée par plusieurs bombardiers italiens. Par cette démonstration de force, l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste soutiennent officiellement le général Franco contre les républicains. Lorsque les avions s'éloignent en début de soirée, ils laissent derrière eux plusieurs centaines de morts et de blessés civils, et une ville ravagée.

L'opinion internationale s'indigne de cet acte barbare, touchant des populations civiles sans défense. Picasso prend connaissance du drame par les journaux que lui apporte quelques jours plus tard sa maîtresse Dora Maar. Le voici, le sujet qu'il cherchait, celui qui envahira la toile comme un immense cri de colère. Picasso se met au travail le 1er mai 1937. Grâce aux photographies prises par Dora Maar (visuels 5 à 7), les différentes étapes de la réalisation du tableau surgissent sous nos yeux. Très vite, Picasso choisit de peindre en noir et blanc. Cet abandon symbolique de la couleur rapproche l'œuvre des photographies de l'événement. La toile a des dimensions gigantesques – plus de 8 mètres sur 3 – au point que le peintre doit poser le châssis en biais pour pouvoir travailler. Rien ne le ralentit pourtant dans sa tâche. L'œuvre doit être achevée pour l'ouverture de l’Exposition internationale des arts et techniques, et elle le sera dans ses moindres détails.

5. Dora Maar, Guernica, état I
6. Dora Maar, Guernica, état II
7. Dora Maar, Guernica, état IIbis

DETAILS

1. L'ampoule

Picasso n'illustre pas le bombardement de manière réaliste. On ne trouve ainsi aucune bombe représentée. Le peintre marque le drame d'une autre manière : une ampoule entourée d'un halo lumineux aux éclats piquants symbolise le feu venu du ciel. La violence, le désordre et la mort sont restitués par le traitement de la composition : Picasso brouille la perception, ne laisse à l'œil aucun repos ; la toile fourmille d'éléments fragmentés par les aplats noirs, blancs et gris ; les corps sont déformés de manière expressive ; les tracés et les formes ne cessent de se superposer.

2. Le cheval

Juste sous l'ampoule, la tête du cheval attire le regard. L'animal est éventré et transpercé par une flèche. Son hennissement de douleur matérialise l'incompréhension des victimes, animales et humaines, face à cet événement soudain, inexplicable et injustifiable. Son corps est recouvert de petits traits qui ressemblent de loin à des caractères de journaux, peut-être une allusion aux articles annonçant la nouvelle du bombardement.

3. La colombe

Picasso l'a presque entièrement dessinée au trait, ce qui la rend à peine visible. C'est un traitement symbolique : au cours de cette journée dramatique, la paix s'est effacée devant la guerre.

4. Le taureau

Fréquent dans l'œuvre de Picasso, grand amateur de corrida, l'animal se tient ici en retrait. Sans doute faut-il y voir l'incarnation de l'Espagne mais selon le peintre, le taureau est avant tout un animal massacré, comme le cheval. Reste que, saisi d'une étrange immobilité, le taureau est le seul personnage à fixer le spectateur, comme s'il voulait le prendre à témoin, le forcer à regarder la catastrophe en face.

5. La mère et son enfant

La tête recourbée, une langue pointue sortant de la bouche et les yeux révulsés, cette mère éplorée tient son bébé mort. Elle interroge le ciel dans un geste impuissant de la main. C'est une figure de Madone, proche de certains portraits de Dora Maar, que Picasso surnommait « la femme qui pleure ».

6. L'homme au glaive

Hormis les animaux, tous les personnages du tableau sont féminins, ou presque : un seul homme gît, démembré par les explosions ; près de la tête, son bras tient encore fermement un glaive brisé. Guernica s'était vidée de ses hommes, partis combattre aux côtés des républicains. Le glaive brisé symbolise peut-être la résistance héroïque, mais impuissante, face à l'horreur.

7. La femme marchant

Cette femme au corps démesurément étiré semble exprimer l'accablement face à l'ampoule-bombe qu'elle fixe d'un regard hébété. La démarche lourde, le corps en parti dévêtu, elle ressemble à ces survivants abasourdis qui ont dû errer dans la ville en ruines après le bombardement.

8. La femme aux bras levés

Une partie des armes testées sur Guernica étaient des bombes incendiaires. Cette femme aux bras levés et au cri désespéré se jette de la fenêtre de sa maison en flammes. L'incendie est symbolisé par une crête de triangles sur le toit de l'édifice et les vêtements de la femme.

9. La femme à la lampe

Ce personnage est sans doute le plus mystérieux de la composition, si l'on admet, bien sûr, qu'il cache un symbole. S'agit-il de la communauté internationale indignée, qui veut faire la lumière sur le drame ? Ou encore de la Raison alarmée, qui cherche à maintenir au cœur de l'horreur les lumières de l'esprit ? Picasso nous livre peut-être un indice dans ses Minotauromachies : on y retrouve cette figure féminine porteuse de lumière, qui y incarne l'innocence et la révélation.

CONCLUSION

Picasso a donné à sa toile le nom de la ville, Guernica. Elle est installée dans le pavillon espagnol le 25 mai 1937, mais elle suscite tout d'abord l'incompréhension, y compris chez les républicains espagnols. Il est même un temps question de l'enlever du pavillon... Cela n'empêchera pas le tableau d’être montré partout, lors d’une grande tournée internationale. Jusqu'à New York, en 1939, où Picasso l'offre en dépôt au Musée d'art moderne. Le peintre a juré que Guernica ne rejoindrait pas l'Espagne tant que la démocratie n'y serait pas rétablie. Ce sera chose faite en 1981, date depuis laquelle le tableau est exposé à Madrid, au Centre d’art Reine Sofia (visuel 8). Quant à Picasso, décédé en 1973, il n'aura pas eu la chance de voir de son vivant ce symbolique événement.

8. Museo Reina Sofia, Madrid

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AUTO-FORMATION

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JEUX

A cura della Professoressa Françoise Altamura

docente di conversazione francese

Liceo Ignazio Vian

Bracciano

Credits:

Created with images by TuRbO_J - "Spain - 2015 Trip!" • jmussuto - "Pablo Picasso - Guitar" • Nika - "Picasso Guitar" • jmussuto - "Pablo Picasso - The Pipes of Pan" • jmussuto - "Pablo Picasso - The Pipes of Pan" • Mark Barry - "Guernica" • Mark Barry - "Guernica" • jmussuto - "1937 Guernica d‚tails 2"

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