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Entre saint-Etienne et lyon, le casse-tête insoluble des tER C'est la ligne SNCF de province la plus fréquentée: environ 21.000 personnes empruntent, chaque jour, l'un des 100 trains qui font la navette entre les deux villes. Et elles sont nombreuses à râler contre les retards ou les suppressions de rames. Mais le constat est sans appel: il est difficile de faire mieux...

"On ne sait jamais sur quoi on va tomber le matin"

Nadia prend le train tous les matins en gare de Châteaucreux, à Saint-Etienne, pour aller travailler à Lyon. "Un choix financier mais également écologique: je n'avais personne pour co-voiturer et le train me reviens peu cher avec l'abonnement". Moins de 70 euros par mois, vu que son employeur en finance la moitié.

L'abonnement sur la ligne, qu'il soit mensuel ou annuel, coûte peu cher. "Heureusement" soupirent la plupart des usagers...

Avec des trains tous les quarts d'heure aux heures de pointe, qui correspondent à ses horaires de bureau, elle s'y retrouve financièrement. Niveau stress, en revanche... "On ne sait jamais sur quoi on va tomber le matin: un retard, un train annulé, une grève, un accident, un suicide... C'est juste plus possible". Des griefs qui ne datent pas d'aujourd'hui et qui justifient une pétition actuellement en ligne sur internet.

Comme elle, les usagers de la ligne Saint-Etienne/Lyon jonglent avec les contraintes de la SNCF. Dont la principale est le "noeud ferroviaire lyonnais": sa configuration a été construite autour d'un axe nord/sud (Paris/Marseille) qui supporte les flux nationaux mais aussi régionaux. 1150 trains passent tous les jours par Lyon. Alors dès qu'il y a un souci sur l'un d'eux, c'est tout le trafic qui est impacté.

"Le moindre grain de sable, c'est foutu"

Olivier Longeon, ancien conseiller régional (EELV) et administateur du groupe Facebook "Usagers TER de la ligne Saint-etienne - Lyon", prend le train tous les jours. "Le moindre grain de sable, c'est foutu". Et il connaît bien le problème d'entonnoir de Lyon, notamment à la "tranchée de La Guillotière", peu avant Part-Dieu: "Plusieurs lignes arrivent sur un feu. Il suffit que votre TER ait deux minutes de retard à cet endroit, et qu'il faille laisser passer d'autres trains prioritaires: au final, vous pouvez avoir 8 ou 10 minutes de retard..."

Olivier Longeon: "La SNCF s'accorde une marge car elle paye des amendes à la Région s'il y a trop de retards".

A tel point que lui, comme les usagers réguliers, s'habitue aux retards: "5 minutes, ce n'est pas rare. C'est quelque chose qu'on intègre dans nos déplacements". Et ce, alors même que la SNCF s'accorde déjà une petite marge de retard... Ce qui est fou, c'est que le temps de parcours en train entre Saint-Etienne et Lyon a augmenté en 40 ans, alors que le matériel est plus performants. "Mais le trafic a beaucoup augmenté. Et puis la ligne est bien desservie: aux heures de pointe, on a un train tous les 15-20 minutes, c'est l'équivalent du RER en banlieue parisienne. C'est quand même appréciable".

ÇA FAIT QUEL BRUIT, un TER ? Et un TGV ? Et un train de fret ? Réponse ci-dessous...

"Franchement, à Saint-Etienne, on est des privilégiés"

Gabriel Exbrayat, un ancien cadre de la SNCF aujourd'hui à la retraite, ne dit pas autre chose: "Franchement, à Saint-Etienne, on est des privilégiés. Il faut savoir qu'on est jalousés par d'autres villes, comme Grenoble par exemple, parce qu'on a un cadencement plus que correct". Néanmoins il pointe du doigt le matériel: "Les nouvelles rames (à étage) permettent d'accueillir 30% de passagers en plus. Mais il n'y a plus de place pour les valises et les vélos...". Il pointe aussi le fret: plusieurs entreprises opèrent sur le réseau et "régulièrement, des trains de fret sont en retard. Du coup, ils retardent tous ceux qui suivent..."

Gabriel Exbrayat: "Le contournement ferroviaire à l'est de Lyon n'a jamais avancé. Il aurait fallu lancer les travaux bien avant".

Et il en revient à ce fameux "noeud ferroviaire lyonnais" qui pose problème: "Il faudrait détourner le trafic des TGV sur la gare de Lyon Saint-Exupéry, largement sous-utilisée. Cela permettrait de décongestionner La Part-Dieu". Problème: il faudrait améliorer la connexion entre cette gare et le centre de Lyon. Actuellement, seul le tramway et son coût exorbitant (16,10 euros) permet de faire le trajet. Or "le contournement ferroviaire à l'est de Lyon n'a jamais avancé". Pour Gabriel Exbrayat, pas de doute: "Les politiques n'ont pas fait leur boulot. Il aurait fallu anticiper et lancer des travaux bien avant".

"Les problèmes sont les accidents de personnes et les intempéries"

Pour la direction régionale de la SNCF, la cause est entendue: "On peut difficilement faire mieux". Côté infrastructures, il est vrai que les voies (ballast, rails) ont été refaites à neuf il y a quelques années. Les rames sont en bon état. Au mieux pourrait-on "augmenter la capacité de certaines rames aux heures de pointe". Mais il faudrait, en conséquence, rallonger certains quais qui ne sont pas assez longs. "Cela représente des investissements coûteux qui ne se justifient pas forcément."

Les infrastructures ont été rénovées récemment et sont en bon état. Ce n'est pas là-dessus que la SNCF peut améliorer son offre.

Quant aux causes des retards, la SNCF botte en touche: "Les problèmes récurrents sont les accidents de personnes (N.D.L.R.: les suicides) et les intempéries". Ainsi, les chutes de neige, début octobre, ont provoqué une cinquantaine d'interventions pour des chutes de branches d'arbre sur la ligne. La direction précise, pour prouver la qualité de son service, que la "95% des trains ont un retard de moins de 50 minutes".

Les fameuses 5 minutes qu'évoquait Olivier Longeon... qui pointe certaines aberrations: "Parfois, c'est un conducteur qui est malade et il n'y a personne pour le remplacer, donc on supprime le train. Quand il y a de la neige, on sait qu'il risque d'y avoir du retard, tout simplement parce que les conducteurs risquent d'être pris dans le trafic routier pour se rendre sur leur lieu de travail..."

  • 112 TRAINS circulent chaque jour entre Saint-Etienne et Lyon. Ils ne seront plus que 100 au 9 décembre en raison des gros travaux effectués à Lyon Part-Dieu.
  • 21 000 VOYAGEURS, en moyenne, empruntent la ligne quotidiennement, dont 15 000 dans le sens Saint-Etienne/Lyon.
  • 23 EUROS: c'est le prix d'un billet aller-retour Saint-Etienne Châteaucreux/Lyon Part-Dieu. Mais l'abonnement mensuel ne coûte "que" 119,90 euros.
  • ENTRE 42 ET 57%: c'est, en moyenne, le taux d'occupation des places assises. Un taux qui grimpe entre 76 et 91% aux heures de pointe du matin (6-9 heures), et entre 52 et 79% aux heures de pointe du soir (17-20 heures).

"Des choix au détriment de l'intérêt des usagers"

La CGT est le principal syndicat des cheminots à Saint-Etienne. Raphaël Lyonnet, le secrétaire départemental, et son adjoint Stéphane Colin déplorent "les choix politiques et financiers" au détriment de "l'intérêt des usagers". Comme la maintenance, par exemple: "On n'a pas assez de personnel. Donc quand toutes rames doivent être révisées, il y a en davantage qui rentrent au garage qu'il n'en sort. Donc il y a moins de matériel qui roule, donc on supprime des trains..." Pour eux, "on n'anticipe plus". Et de se remémorer l'anecdote du manque de conducteurs en 2016, lorsque la direction n'avait pas suffisamment anticipé le nombre de départs à la retraite...

Stéphane Colin et Raphaël Lyonnet: "Il y a le compte au niveau matériel, mais pas au niveau humain".

Les syndicalistes concèdent, eux aussi, qu'il est difficile de faire mieux sur la ligne: "L'offre est correcte entre Saint-Etienne et Lyon, aussi bien en terme de coûts que de cadencement". Ils estiment toutefois qu'elle pourrait être "nettement meilleure" pour les connexions vers Firminy et la Haute-Loire d'un côté, vers le Forez et Roanne de l'autre. "A l'heure où on parle d'écologie et de moins prendre la voiture, encore faut-il que les offres alternatives correspondent aux besoins des usagers". Et de déplorer la fermeture des petites lignes, qui pourraient rendre de grands services. "Mais tout est question de volonté..."

"Il faut un choc de mobilité et aller vers un RER lyonnais"

De la volonté, le député Régis Juanico (Nouvelle Gauche) n'en manque pas. Il a contribué, début octobre, à la Commission nationale du débat public sur le désormais fameux "noeud ferroviaire lyonnais". Pour lui, le constat est sans appel: "La saturation de la ligne et réelle en heure de pointe, malgré un matériel roulant plus capacitaire que l'ancien".

Régis Juanico voit plus large: "Il faut faire de Lyon Saint-Exupéry la troisième grande gare lyonnaise".

Alors que faire? "Il faut aller vers un RER lyonnais, avec une offre permanente toutes les 15 minutes en alternance (Perrache/Part-Dieu)". Le principe serait d'avoir "une desserte claire, des liaisons directes, une tarification unique et une offre importante". Et pour augmenter la capacité dans le centre de Lyon, pas trente-six solutions: "Il faut faire de Lyon Saint-Exupéry la troisième grande gare lyonnaise". Pour l'élu, on pourrait non seulement y détourner les TGV et le fret, mais aussi "créer une desserte directe depuis Saint-Etienne (N.D.L.R.: via Ternay, à côté de Givors".

Régis Juanico estime qu'il faut un véritable "choc de mobilité pour la seconde métropole française". Et avec le projet mort-né de l'A45, il y a urgence: "En l'état, le transfert d'une partie des trafics routiers de l'A47, de l'A7 (qui passe par Fourvière) et de l'A46 (rocade est de Lyon) vers le train n'est pas possible". Or il y a urgence: l'INSEE estime que l'agglomération lyonnaise devrait gagner entre 7000 et 12 500 nouveaux habitants tous les ans d'ici 2030...

VIVEZ LE TRAJET EN TEMPS REEL grâce à un internaute qui a filmé, depuis le TER, le parcours Lyon Part-Dieu/Saint-Etienne Châteaucreux.

Textes: Jean-Hugues ALLARD. Photos: Frédéric CHAMBERT et archives Le Progrès.

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