La 15e édition du Foreztival s'est déroulée ce week-end, à Trelins. Nous y étions. Nous vous le racontons.
Textes et photos : Cerise ROCHET. Vidéos : Romain GAVIDIA
Lundi 5 août, 15 heures. C’est la redescente. Le moment où l’euphorie et l’adrénaline disparaissent lentement, pour laisser place à un doux parfum de mélancolie. La fatigue se fait sentir, on accuse le coup. Les corps font mal, les yeux piquent. On rêve de les fermer, pour effacer les trois toutes petites nuits de sommeil passées sous la tente, les trois réveils douloureux en plein cagn', et les litres de boissons énergisante avalés quasi-cul-sec, pour tenir le coup, rester réactifs et profiter de tout.
Nous sommes arrivés au Foreztival édition 15 vendredi, dans le milieu de l’après-midi. Objectif : couvrir l’événement minute après minute, trois jours durant. Installation du matériel, du campement. Visite du site, et rencontre avec les premiers festivaliers. Le lieu est magique. Immense. Des hectares de terrain, sur lesquels s’étendent trois scènes, plusieurs campings, des parkings, le camp de base des organisateurs et bénévoles… Autant de kilomètres à parcourir, à pied, durant trois jours. Autant d’allers et venues qui sans doute expliquent aujourd’hui les courbatures et les orteils en mode Knacki Ball.
Vers 20 heures, nous avons trouvé notre rythme de croisière… Ainsi que nos premières bières. A 22 heures, Romain a droit aux bisous d’un festivalier heureux et saoul. A 23 heures, je crois que c’est moi qui, enivrée par l’ambiance, ait envie de faire des bisous. Et puis à 23h45, on oublie le boulot pour une heure. Sous le Chap’ dédié au Sound System, Raggasonic fait son apparition. Une punchline suffit à nous faire perdre 20 piges. « Aiguisé comme une lame, pointu comme un couteau, chauffé comme une flamme et puissant comme un fusil d’assaut… » On hurle. On saute, la main en l’air. On kiffe. Parmi toute la programmation de ces trois jours, le duo Big Red/Daddy Mory représentait pour nous l’immanquable. En une heure et quart de set, il a collé des frissons aux nostalgiques de l’ époque bénie du rap français (nous, entre autres).
En sortant de là, un peu rincés, on s’est égaré quelques minutes dans un improbable karaoké géant installé sous une tente. Euphorie du moment ou vice caché ? Rétrospectivement, je ne saurais dire comment je me suis retrouvée à brailler du Hélène Segarra à tue-tête en serrant les poings et en fermant les yeux. Mais en même temps, sous la fameuse tente à ce moment-là, on a tous le même toc.
Quelques bières, deux concerts et une bonne cinquantaine de photos plus tard, il est l’heure de regagner notre couchage. Il est 3h30 du matin, et nous ignorons encore, que la nuit sera beaucoup trop courte.
8 heures, samedi matin. Sous la tente, il fait une chaleur à crever. En sueur, on se traine dehors, à la recherche d’un arbre sous lequel fermer les yeux encore un moment. Peine perdue : c’est pile le moment où les boissons énergisantes bues la veille décident de balancer un maximum d’effets. La journée démarre donc, par la mise en place du plan de bataille pour les heures à venir. Un tour au camping, pour assister au lever des festivaliers, en fanfare. Ils sont heureux. « Super-ambiance-super-orga-super-prog ». Et on doit bien le dire : on est assez d’accord avec eux. Sur le site, en journée, l’heure est à la détente. Un ventriglisse, un terrain de beach-volley, des jeux, des food-trucks, du gros son, des gens qui dansent. Il est près de 14 heures. Le moment de réaliser que notre ventre est vide depuis près de 24 heures… Et donc, de le remplir. Une assiette plus tard, c’est le creux de la vague. Mais là encore, impossible de fermer l’œil, ne serait-ce que quelques minutes. En revanche, les douches sont libres. Une résurrection.
On enchaine. Photos, vidéos, textes. Interroger des festivaliers, des bénévoles, des organisateurs. Tenter d’être justes, et de permettre aux internautes qui n’y sont pas de se faire une idée précise de ce que c’est que le Foreztival. Ca occupe drôlement. Tellement que ce samedi, on ne voit les concerts que par petites touches. Jusqu’à 1h30, et la venue sur scène de Throes+The Shine, qui balancent leur succulent mélange de kuduro, de rock et d’électro avec une énergie de dingue. Une de celle qui te fait tomber la veste et fâcheusement remuer du cul, qui te fait dégouliner de sueur et fléchir les jambes comme si t’étais un grand sportif… Alors que tu l’es pas du tout, et que donc fatalement, tu vas le payer bien cher le lendemain.
Suivant le scénario de la veille, cette deuxième soirée nous porte tranquillement à un retour sous tente aux alentours de 4 heures… Pour un réveil proche de l’enfer 4 heures et demie plus tard, lui aussi causé par une chaleur moite et suffocante qui me colle, ainsi qu’une irrépressible envie de pisser (le saviez-vous ? La bière est hyper diurétique). 300 mètres pour atteindre le bloc sanitaire. 300 mètres en mode Bambi fait ses premiers pas. Les yeux à moitié fermés, le pas lourd, presque boitillant. Je crois que je me suis fait un genou. Foreztival, jour 3 : ça commence à piquer.
Romain a passé la fin de sa nuit dehors, au frais. Putain on n’est pas beaux à voir. Faut s’activer. Faire croire à son corps que tout va bien. Se mettre dans le jus et se laisser porter par la pression. Et ce matin, la pression, c’est la dèche de clopes. Direction Boën-sur-Lignon. Tabac puis PMU pour prendre un caf’. On en profite pour discuter un peu avec les patrons de l’établissement, histoire de savoir si le business est bon par temps de Foreztival. Bavards les mecs. Super sympas, plein d’anecdotes à raconter, mais pipelettes…
L’heure tourne, et on commence à être à la bourre. D’autant que ce dimanche, tout va se faire lentement. Les effets de la Red Bull sont moins flagrants. Du coup j’en bois davantage. Trois jours qu’on bouffe liquide. Trois jours qu’on marche, qu’on crame sous le soleil, qu’on gobe des Dolipranes, qu’on boit des litres de flotte pour pas tomber raides, qu’on pisse des litres de tout ça, souvent au milieu des bois parce qu’on n’a pas le temps d’aller jusqu’aux chiottes. Mais trois jours qu’on kiffe tout ce qu’on fait, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on entend, toutes les personnes qu’on rencontre, avec qui on papote, cette ambiance folle, sans embrouille alors que l’alcool coule à flots…
Les renforts du jour, pleine bourre à nos côtés, sont franchement les bienvenus. Dans un premier temps, ça masque ma mollesse, avant de carrément me redonner la pêche. Et puis ce soir, l’affiche est belle : Calypso Rose, IAMDDB, Ska-P, Joey Starr et Cut Killer. Avec, pour ma part, une préférence pour les derniers… A l’heure de leur passage, je suis même pleine d’excitation. D’habitude, pour voir Joey Starr, que ce soit seul, en mode NTM ou avec Nathy Boss, je m’enquille des centaines de bornes en bus et des heures d’attente pour être dans les premiers rangs. Là, il est sous mon nez, je l’ai dans le viseur de mon appareil, j’appuie… Je mitraille. Une gosse de 9 ans à la foire du trône. Je mitraille, mais pas trop quand même. Parce que ce concert-là, je veux le vivre depuis la fosse.
Sans doute plus clairvoyant que moi, Romain est moins dedans. Le Jaguarr prend son temps pour faire monter la sauce, et certains trouvent ça agaçant. Et pourtant… On se remet à hurler, dès qu’il commence à poser ses textes. A hurler, à répondre à ses demandes. « A gauche, à droite, en bas, en l’air ». Bien joli pogo, que celui qui te finit le genou qui était déjà en petite forme. Mais festival terminé pied au plancher. Limite, on en voudrait encore un peu.
Lundi matin, 9 heures : le moment de lever le camp. On n’a plus de gueule. Mais bon sang, quel week-end. On est cernés, la tête en vrac, les jambes comme des poteaux. J’ai des dreadlocks qui commencent à se former, je me suis pas changée depuis 3 jours, j’ai pas trouvé le temps de me laver depuis samedi, j’ai une haleine de poney. Mes baskets blanches sont noires, mes orteils ratatinés. Romain a eu la chance de pouvoir se laver, mais il est tout rouge, et il a « mal à son pouce de pied ». Et pourtant… On s’en fiche pas mal. Parce qu’on vient de vivre un moment coupé du monde, en vase clos avec des dizaines de milliers de personnes juste là pour s’amuser, pour oublier le quotidien, prendre du bon temps, et faire la fête. Sans relous qui te colle aux bask, sans grognons qui trouvent toujours le moyen de râler. Juste du fun, de l’optimisme et de la joie. Un truc assez rare, en fait.
L’accueil : ou comment le Foreztival fédère
Ils mettent tout en place pour que leurs festivaliers soient bien, sereins, à l’aise. Et ils ont fait de même avec nous. Ce week-end, les organisateurs du Foreztival nous ont mis bien. Toujours à l’écoute, toujours dispos pour nous répondre, toujours partants pour se poser avec nous et discuter. Avec eux, il faut le dire, on a bien ri, et ils sont pour beaucoup dans le plaisir que l’on a pris à être là. En vivant une grande partie de notre festival en coulisses, on a été conforté dans l’idée que l’accueil, la bienveillance et la disponibilité sont très certainement l’une des clés de la réussite de leur événement. 15 potes partis de rien… Et 15 ans plus tard, 35 000 personnes en trois jours dans un champ de patates, une programmation festive, variée mais non moins pointue, des gens heureux. Sur les rotules, on a dû décliner leur invitation à la bringue des bénévoles post-festival. D’ailleurs, on n’a toujours pas compris comment ils font pour bringuer après tout ça. S’ils nous lisent et qu’ils veulent nous répondre, on est preneur.