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Dans la forêt Pierre Rich

Il en émane une odeur non de pièce morte, non de sacristie et de toiles d’araignée, mais d’espace végétal, de rafales qui retombent soudain en ouragan de plumes, de poils, de feuilles, de pollen de la forêt sans fin.

Pablo Neruda

C’est un monde immergé, une cité vivante, qui prend sa racine encore plus profondément que son fin tapis de feuilles, d’herbes et de brindilles, au cœur de cet humus humain et inhumain. De sa base, s’élancent d’innombrables doigts aspirés inexorablement par le ciel infini, ou poings levés revendiquant leur existence, mais communiquant toujours fraternellement avec ses voisins du bois : fleurs, herbacées, pousses en devenir, épais et forts troncs imposants leurs lignes et leurs écorces, ou frêles lances dressées papillonnantes, mais bien fixées au sol, tout de même.

Ce monde de la forêt est imbriqué, altruiste, emmêlé de tout, et organisé sans en avoir l’air. Il s’est construit par le vent et par les échanges chimiques, mais aussi par quelques bipèdes policiers, juges et banquiers.

Et le voici, malgré tout, obligatoirement, l’univers animal dépositaire du bois. Ces farouches êtres vivants, si vivants, si curieux, si attentifs, ces fragiles habitants de toujours, ses présences furtives, ses cadeaux d’un instant, ses regards croisés, transpercés, ses oreilles tournées, bien entendantes, ses apparitions olfactives, ces rencontres fugaces, ces moments éternels, ces siècles de communion concentrés sur quelques secondes.

Le paysage de la forêt est-il donc un pays sage ? N’en serait-il pas l’exact opposé, ce lieu joyeux et fou ?

On dit d’un paysage, dans son acceptation commune, inconsciente et archaïque, qu’il doit être ouvert, offrir sa vue sur le lointain, nous faire la démonstration de notre maîtrise sur le monde. Nous sommes donc aussi tentés de dompter la forêt, ce milieu si fermé, si envahissant, si proliférant, si reproductif, si dangereux et effrayant.

Il existe cependant une autre façon de l’appréhender. Elle nous appelle à l’introspection, à accepter de ne pas tout contrôler et de ne pas vouloir à tout prix intervenir dans ses affaires, à libérer nos énergies créatives, à comprendre l’origine de nos frayeurs, à regarder les multiples symbioses qu’elle génère avec confiance.

La forêt est un poumon et un cœur. Ses habitants nous racontent aussi la magnifique intuition du Monde. Puissions-nous la connaître nous aussi.

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Pierre Rich
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Pierre Rich