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Dieu sans les rites Marc 7, 14-23

LECTURE BIBLIQUE : Marc 7, 14-23

Jésus appela de nouveau la foule et il leur disait : « Écoutez-moi, vous tous, et comprenez bien : Il n'y a rien de ce qui est extérieur à une personne qui puisse la rendre impure en entrant en elle. Mais ce qui sort d'une personne, voilà ce qui la rend impure. »

Quand Jésus fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l'interrogeaient sur cette parabole. Et il leur dit : « Êtes-vous donc, vous aussi, sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas ? Aucune chose de l'extérieur ne peut rendre une personne impure quand elle entre en elle. Car ces choses n'entrent pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être ensuite éliminées. » Par ces paroles, Jésus déclarait que tous les aliments sont purs. Il ajouta : « C'est ce qui sort d'une personne qui la rend impure. Car c'est du dedans, du cœur de l'être humain, que viennent les mauvaises pensées ; elles le poussent à vivre dans la débauche, voler, tuer, commettre l'adultère, vouloir ce qui est aux autres, agir méchamment, tromper, commettre des actes honteux, être envieux, dire des insultes, être orgueilleux et insensé. Tout ce mal sort du dedans et rend la personne impure. »

PRÉDICATION DU PASTEUR RUDI POPP : Série de prédications "Imagine l'Homme, 5" - Dim 5 juillet 2020

« Le mal sort du dedans et rend la personne impure » : Jésus aurait-t-il donc recommandé de porter le masque avant même qu’on savait ce qu’était un virus ?

Ce genre de blague est sans doute la plus lourde qu’on puisse faire dans certains milieux protestants ces-jours ci : aussi, on aura du mal à lire ce chapitre sans une petite pensée ironique à tous les gestes de « purification » que nous devons pratiquer ces jours-ci, du lavage incessant des mains à la cérémonie des masques, en guise de protection sanitaire.

Il va de soi que tel n’est pas le propos dans l’évangile de Marc. Les questions de pureté et d’impureté dont Jésus discute avec ses auditeurs sont pour ainsi dire des problèmes métaphysiques : en se lavant selon le rite pharisien, on pratiquait certes une forme d’hygiène ; seulement l’idée moderne d’hygiène n’existait pas ! On se lavait réellement pour accomplir le geste du lavage, et je crains bien que dans beaucoup de cas, le lavage rituel n’augmentait pas forcément la propreté physique de la personne lavée…

La thématique qui nous intéresse dans la suite de Jésus concerne davantage la différence entre pureté et sanctification que celle entre pureté et impureté : il s’agit en fait de savoir comment se protéger contre le Mal, que ce soit celui que l’on fait ou celui dont on souffre. Dans cette lutte, il faut bien avouer que nous ne sommes pas tellement plus avancés que les pharisiens du temps de Jésus…

Nous avons déjà constaté que Marc écrit pour des personnes qui n’étaient pas juifs, en devenant chrétiens, que l’on appelle des « pagano-chrétiens ». C’est pour cette raison qu’il lui est nécessaire d'expliquer les usages juifs en matière de purification. Remarquez que Marc lui-même ne connaissait visiblement pas toute l’histoire de ces rites : Contrairement à ce qu’il écrit, il ne s'agit pas de prescriptions ancestrales de l'époque de Moïse respectées par « tous les juifs », mais de pratiques qui se sont installées au cours du temps, et qui sont le fait des pharisiens.

Pour les pharisiens et les scribes, les règles rituelles sont destinées à protéger l'homme de l'impureté, donc du Mal, en l'entourant de barrières. Comme l’impureté ne doit pas pénétrer dans le temple, elle ne doit pas non plus entrer dans l'homme.

Selon le système du pur et de l'impur développé par les pharisiens, il est vital de prévenir l'impureté en évitant ce qui la provoque. Cela induit une stratégie passive et défensive. Si, malgré les précautions prises, on est tout de même contaminé par une quelconque impureté, les préceptes de purification précisent comment retrouver l'état de pureté. Dans le récit de Marc, Jésus ne recule pas devant le contact avec des sources sérieuses d'impureté, à l’occasion de purifications et d’exorcismes (souvenez-vous particulièrement de celui où Jésus s'attaque à une légion de démons en terre païenne, au chap. 5)

Jésus apparaît alors lui-même comme une source de sainteté. Sa force sanctifiante écarte l'impureté contagieuse et chasse les esprits impurs ou démons. Sa volonté de sanctifier la vie induit une stratégie offensive. Les concepts de pureté et de sainteté sont liés au combat central dans l'évangile de Marc : la sainteté, qui est transmissible et combative, est liée à la venue sur terre du Règne de Dieu.

La polémique entre Jésus et les pharisiens est loin d'être un fait isolé dans le judaïsme. Le prophète contre le prêtre, ce choc entre deux types de religion ne se réduit pas à l'opposition entre l’observance de la loi rituelle et l'inspiration par la sainteté, entre le rite et l'esprit.

Remarquez bien que pour nous, il ne s’agit donc pas d’une différence actuelle entre juifs et chrétiens (comme Marc et les autres évangélistes ont pu le penser). Dans la pensée juive, les vrais prêtres et les vrais pharisiens sont, tout autant que les (vrais) prophètes, adversaires du légalisme. Ceux auxquels Jésus se heurte avec véhémence sont de « faux pharisiens ». Jésus, dont le message est en fait d’inspiration pharisiennne, ne peut que se révolter devant ces caricatures de la Torah.

Car l’obsession de vouloir discerner entre le pur et l'impur nous fait entrer dans une démarche caricaturale, qui prétend décrire de façon précise et détaillée ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, ce qui est obligatoire et ce qui est interdit. Si les pharisiens des évangiles présentent une caricature du pharisaïsme, les propos tenus par Jésus restent actuels, car cette caricature demeure présente dans toutes les organisations humaines.

D’abord parce que le conflit entre Jésus et les pharisiens des évangiles est celui du prophète qui s'oppose à la mise en tutelle du «fidèle» par des règlements qui stérilisent toute démarche spirituelle un tant soit peu personnelle et responsable. Puis, parce que le besoin de se protéger du Mal continue à nous hanter.

La vision de Jésus de cette protection a d’ailleurs été reprise dans la pensée moderne par la philosophie des Lumières. Au lieu de croire l’humain exposé à toutes sortes de forces maléfiques, ballotté par le Mal mystérieux, les philosophes invitent à penser l’impureté de l’humain à partir de son for intérieur. C’est Jean-Jacques Rousseau qui écrit dans l’Emile : « Homme, ne cherche plus l’auteur du mal ; cet auteur c’est toi-même. Il n’existe point d’autre mal que celui que tu fais ou que tu souffres, et l’un et l’autre te vient de toi. »

La controverse de Jésus avec les pharisiens n'était ainsi qu'une introduction au problème essentiel: «Qu'est-ce qui rend vraiment l'homme impur ?»

Réponse : « Ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur.» Les auditeurs païens auxquels Marc s'adresse doivent savoir que les règles de pureté juive ne sont pas applicables pour eux. La pureté est d'un autre ordre : elle est celle du cœur.

Dans son explication, Jésus développe toute une conception de la relation à Dieu. Cette conception est la suivante : On ne porte pas d'abord atteinte à Dieu parce qu'on lui manquerait de déférence, ce qui est une attitude souvent assez superficielle, mais lorsque, en manquant envers notre propre humanité ou celle du prochain, nous portons ainsi atteinte à Dieu. Il faut voir ici un Dieu qui, comme des parents responsables, est atteint à cause du mal que l'enfant se fait à lui-même, et non pas, comme des parents abusifs, offensé par une contrariété narcissique, ou une blessure d'amour-propre.

Les disciples ont entendu ce que Jésus avait dit aux pharisiens, puis à la foule; mais ils se montrent, eux aussi, incapables de comprendre ses paroles. « Ainsi, vous aussi, vous êtes incapables de comprendre ?» L'apostrophe de Marc est au présent; elle s'adresse aussi bien aux disciples de Jésus, qu’à ses premiers lecteurs, qu'aux disciples des générations ultérieures jusqu’à nous. Nous non plus ne parvenons pas à «purifier» nos idées sur la pureté, et continuent à privilégier nos idées de séparation religieuse, nos catégories théologiques et nos préjugés.

Face à un monde religieux qui repose sur la séparation et le cloisonnement, Jésus change radicalement la perspective. Il parle d'un Dieu qui nous rejoint directement sans qu'il soit besoin d'accomplir des rites. La révolution de l'Évangile change notre compréhension de la notion de sanctification qui ne dépend plus de notre extérieur - ce que nous mangeons ou faisons - mais de notre être intérieur. La frontière entre le pur et l'impur ne sépare pas les hommes en opposant ceux qui sont d'un côté et de l'autre côté de la ligne de démarcation, elle est une frontière qui traverse chaque personne en elle-même. Il n'y a pas des hommes qui sont purs alors que d'autres seraient impurs, il y a du pur et de l'impur à l'intérieur de chacun.

Ce ne sont pas ceux qui ont les mains bien pures, qui sont bien propres sur eux et qui ont une façade bien policée qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui ont un cœur de pur : Heureux ceux qui ont un cœur pur, ils verront Dieu.

Tout en nous lavant les mains dans l’esprit républicain de protection sanitaire, nous pouvons nous associer à la prière du psalmiste : O Dieu, crée en moi un cœur pur. Le verbe créer est celui que nous trouvons dans les récits de création : il a pour particularité de n'avoir jamais que Dieu pour auteur. C'est Dieu qui crée un cœur pur dans l'homme qui est assez humble pour déposer ses catégories et ses préjugés. À cette prière, une promesse est associée dans les Béatitudes : Ils verront Dieu. Ceux qui ont le cœur de Dieu verront Dieu dans le plus quotidien de leur existence, dans le plus proche de leurs prochains. Amen !

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Rüdiger Popp
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Inclut des images créées par Nathan Dumlao - "untitled image" • NordWood Themes - "Flat lay photo of dark green wild onion leaves also known in Serbia as Sremus, with a pale pink plate of baked nuts in the center. Food blogger and social media influencer graphic shop https://creativemarket.com/NordWood" • Eric Karim Cornelis - "In the Institute of Sound and Vision is a part where they archive photos, film, games etc. and the architecture here is crazy amazing. It had me under it spell kind of. It was amazing to just stare and look at it, imagining what they store in those rooms." • Nick Fewings - "On holiday in Florence (Firenze), Tuscany, Italy, where there was a lot of street art and graffiti, however most of it was extremely good, including this simple one that, to me, tells a powerful and strong story."