Musée des Verts : dans les coulisses d’un club mythique Premier musée français consacré à un club de football, le Musée des Verts est un authentique lieu de pèlerinage pour les fans de l’AS Saint-Étienne (ASSE) et du ballon rond en général. Plus qu’un établissement dédié à la « fièvre verte », il s’adresse à tous les publics qui découvriront une partie de l’histoire de la ville minière à travers celle de l’association stéphanoise. L’idéal ? Combiner cette visite avec celle du stade Geoffroy-Guichard. Par Fred SAURON
« Voyagez dans la légende »
Tel est le slogan utilisé pour inciter le visiteur à franchir la porte du Musée des Verts situé à l’angle des tribunes Jean-Snella et Pierre-Faurand du stade Geoffroy-Guichard. Ouvert en décembre 2013 à l’occasion des 80 ans de l’ASSE, ce musée est le premier dédié à un club de football en France. Sur 800 m2, il raconte l’histoire du club le plus titré de l’Hexagone (dix fois champion de France et vainqueur de six coupes nationales) à travers des photos, des objets et des vidéos depuis les prémices de la création du club (1933) sous l’impulsion de Pierre Guichard jusqu’à aujourd’hui.
Philippe Gastal, le conservateur du musée, n’est pas peu fier de garder les lieux : « L’ASSE a été un club précurseur dans de nombreux domaines. Il a été le premier à se doter d’un centre de formation en France (1968), le premier à faire voyager les joueurs en avion pour les rencontres à l’extérieur, le premier à aller superviser les équipes adverses et le premier à ouvrir une boutique (1977) ». Une manière de bien faire comprendre aux visiteurs que l’ASSE n’est pas un club comme les autres et que, dans les années 1970, « toute la France était verte », en référence aux épopées européennes des joueurs stéphanois et cette maudite finale perdue à Glasgow en 1976 contre le Bayern Munich. La faute, dit-on, à des poteaux qui n’étaient pas ronds ce jour-là. Sept espaces expliquent comment cette association sportive est devenue une légende au cours d’une histoire sur courant alternatif, entre périodes glorieuses et années de purgatoires en Deuxième division. La visite se termine par le renouveau du club au milieu des années 2000 et la salle des trophées où trône une copie du dernier titre acquis par l’équipe première de l'ASSE : la Coupe de la Ligue en 2013.
Une inauguration en 2013 avec les « Verts de 1976 »
Une scénographie tous publics
Des bornes avec des quiz pour reconnaître un joueur ou un entraîneur, plus de quatre heures de vidéo diffusées sur des plusieurs écrans, des centaines de photos rares numérisées… Le musée se veut « très ludique, technologique et patrimonial », souligne Philippe Gastal, conservateur du musée. Avant de quitter les lieux, vous pouvez même tenter de marquer un penalty à Stéphane Ruffier dont l’image est projetée sur un mur. Tout au long du parcours, l’interactivité est omniprésente pour que cette visite soit bien plus qu'une observation de reliques.
Casino, à l'origine de la couleur du maillot
Si la marque « Manufrance » est connue pour avoir été le sponsor de l’équipe mythique de l’ASSE dans les années 1970, « Casino » est apparu sur les maillots de 1986 à 2001. Et pour cause, l’entreprise créée en 1898 par Geoffroy Guichard est à l’origine de la création du club. Tout a démarré en 1919 lorsque fut fondée la section football de l’AS Casino réservée aux employés de l’entreprise stéphanoise. Après une fusion et un changement de nom (Association sportive stéphanoise), l’ASSE est née en 1933 sous l’impulsion du premier président, Pierre Guichard, fils de Geoffroy, dont le nom fut donné au stade. Quant à la couleur verte du club, elle est tout simplement inspirée de Casino.
Les « maudits » poteaux carrés de Glasgow
Les poteaux carrés font partie de la légende de l’ASSE. Le 12 mai 1976, les Verts affrontent le Bayern Munich en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions à Glasgow. Par deux fois, les Stéphanois touchent les poteaux carrés de la cage gardée par Sepp Maier (une frappe de Dominique Bathenay et une tête de Jacques Santini). Les Verts s’étaient finalement inclinés 1-0 et, pour beaucoup de supporters, l’ASSE aurait sans doute remporté cette finale si les poteaux avaient été ronds. Malgré cette défaite, Jean-Michel Larqué et les siens avaient défilé le lendemain sur les Champs-Élysées avant d’être reçus au Palais de L'Élysée par le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. Quant aux poteaux carrés, ils ont été retrouvés en 2012 dans une réserve du stade Hampden Park où s’était jouée la finale. Le club stéphanois a déboursé 20 000 euros pour les rapatrier à Saint-Étienne et les entreposer dans le musée : « On a imaginé une scénographie à l’intérieur de ces poteaux carrés », explique Philippe Gastal. Soyez attentifs pendant la visite, vous pouvez passer devant sans les voir !
Sept espaces à visiter
Le musée est divisé en sept espaces et la visite se fait de façon chronologique : « 1933-1958 : De l’apprentissage aux premiers succès » ; « 1958-1972 : « La suprématie nationale » ; « 1972-1977 : L’épopée des Verts » ; « 1977-1982 : Naissance d’une légende » ; « 1982-2004 : Des bas et des hauts » ; « Le mythe » ; « L’aventure continue ». Les visiteurs peuvent profiter de tous ces espaces avec un audioguide.
Photo (Sonia BARCET) : La Mercedes achetée en 1976 par Ivan Ćurković, gardien de but de l'ASSE de 1972 à 1981.
Des matches de légende
Les rencontres européennes qui ont forgé la légende du club stéphanois sont nombreuses. S’il ne fallait en retenir que quelques-unes, citons trois renversements de situation : la qualification contre le Bayern Munich en 1969 (défaite 2-0 à l’aller, victoire 3-0 au retour), celle contre Hajduk Split en 1974 (1-4 ; 5-1) et celle contre le Dynamo de Kiev en 1976 (0-2 ; 3-0). Dans le musée, de nombreux objets et photos relatent ces rencontres. Toutes se sont déroulées sous la présidence de Roger Rocher, à la tête du club de 1961 à 1982, qui remporta neuf des dix titres de champion de France glanés par les Verts.
Photo (archives Le Progrès) : Hervé Revelli (et son frère Patrick au second plan) après le premier but des Verts contre Kiev le 17 mars 1976.
Philippe Gastal : « L'ASSE, c'est avant tout l'histoire d'une vie »
ASSE-Liverpool FC, le record
Selon Philippe Gastal, la plus grosse demande de billets pour une rencontre au stade Geoffroy-Guichard s’est produite le 2 mars 1977 alors que les Verts recevaient le Liverpool FC en quarts de finale de la Coupe d'Europe des clubs champions : « À peu près 200 000 personnes souhaitaient assister à la rencontre. Même les matches ASSE-Manchester United en 2017 ou la finale de la Coupe de la Ligue en 2013 au stade de France n’ont pas atteint ce nombre de demandes ».
Photo (archives Le Progrès) : Face au Liverpool FC, Christian Synaeghel et les Verts s'étaient imposés 1-0 à Geoffroy-Guichard (but de Dominique Bathenay) avant de chuter au match retour à Anfield devant 55 000 spectateurs (3-1).
Des pièces rares
Les concepteurs du musée ont réussi à retrouver des objets d’une valeur inestimable pour les collectionneurs. Philippe Gastal détaille : « Parmi eux, on parle évidemment beaucoup des poteaux carrés mais on retrouve aussi des ballons de matches qui ont marqué l’histoire de l’ASSE comme celui qui opposa les Verts à Ruch Chorzów (1975), celui de Hajduk Split (1976) ou le maillot que Kevin Keegan avait échangé avec Dominique Rocheteau à Anfield (contre Liverpool FC en 1977). On a même un maillot porté en 1931 pour l’inauguration du stade Geoffroy-Guichard (celui d'Eugène Marcoux, NDLR) ! » On reconnaît aussi dans le musée des billets de matchs mythiques (contre le Dynamo Kiev en 1976 ou celui du premier match européen des Verts contre les Glasgow Rangers en 1957) et des fanions échangés pour les grands matches de Coupe d’Europe ainsi que celui du centième derby remporté par les Verts à Lyon en 2010.
Des joueurs qui ont marqué l'histoire
Beaucoup de joueurs qui ont laissé des traces dans le football français ont enfilé la tunique tunique verte. « L’équipe de 1976 » entraînée par Robert Herbin a évidemment marqué les esprits: Ivan Ćurković, Oswaldo Piazza, Christian Lopez, Gérard Janvion, Dominique Bathenay, Jacques Santini, Jean-Michel Larqué, les frères Patrick et Hervé Revelli -le plus grand buteur de l'histoire du club-, Christian Sarramagna, Dominique Rocheteau -« l’Ange vert » -... Dans les années 1950-1960, les héros s’appelaient René Domingo –537 matches avec maillot vert-, Rachid Mekhloufi –qui avait rejoint l’équipe du FLN algérien en 1958-, « la panthère » Salif Keita –et son arrivée célèbre en taxi depuis Paris-, Aimé Jacquet -l’enfant du pays-… Plus tard, peu avant «l’affaire de la caisse noire» qui ébranla le club stéphanois en 1982, Michel Platini, futur triple Ballon d’or, porta le maillot vert pendant trois saisons (82 buts), notamment au côté de l’international néerlandais Johnny Repp à qui le groupe ligérien Mickey 3D a dédié une chanson en 2004. Aujourd’hui, les joueurs emblématiques de l’ASSE sont le capitaine Loïc Perrin et le gardien de buts Stéphane Ruffier. Côté entraîneurs, Albert Batteux, Jean Snella et Robert Herbin sont considérés comme les coaches majeurs de l'histoire du club. Pierre Garonnaire, recruteur des Verts de 1950 à 1989, tient aussi une place particulière dans la légende de l'ASSE.
Une exposition temporaire sur le Coquelicot 42 cet été
Après celle consacrée aux supporters de l’ASSE, l’exposition temporaire du Musée des Verts rendra hommage au club d’athlétisme Coquelicot 42 qui fête son centenaire. Intitulée Des tranchées à l’or olympique, l’autre épopée stéphanoise, cette exposition sera dévoilée sur 130 m2 du 9 juillet au 27 octobre. Le public pourra découvrir les destins croisés de l’ASSE et du club d’athlétisme ligérien, notamment à travers les exploits de l’un de ses plus illustres licenciés : l’haltérophile Stéphanois Louis Hostin (médaillé olympique à Amsterdam en 1928, à Los Angeles en 1932 et à Berlin en 1936). Des collections de chaussures d’athlétisme de 1900 à nos jours ainsi que divers objets anciens de sport seront également présentés à cette occasion.
Profitez-en pour visiter le stade Geoffroy-Guichard
Au fait, d'où vient le surnom de «Chaudron» ?
Surnommé « Le Chaudron » par les journalistes à la suite de l’exploit des Verts contre Hajduk Split en 1974 (« l’osmose entre le public et les joueurs était exceptionnelle ce jour-là », explique Philippe Gastal), le stade Geoffroy-Guichard bénéficie d’une solide réputation à travers toute l’Europe. L’ambiance du stade est telle qu’elle marque souvent les adversaires de l’ASSE. Lors de son passage à Saint-Étienne, l’entraîneur Robert Nouzaret (1998-2000) a fait installer un panneau sur lequel est écrit "Ici c’est le Chaudron" dans le couloir qui mène les joueurs du vestiaire à la pelouse : « Il s’était inspiré du "This is Anfield" qui trône dans le couloir des joueurs à Liverpool et destiné à mettre la pression sur l’adversaire ». Quant au record d’affluence du stade, il date d’une rencontre de Coupe de France face à Lille en 1985 (47 747 spectateurs) alors même que l’ASSE était en Deuxième division.
Photo (archives Le Progrès) : Patrick Revelli lors de la rencontre contre Hajduk Split le 6 novembre 1974.
Dans les entrailles du stade Geoffroy-Guichard avec Philippe Gastal
Informations pratiques
- Adresse : Le Musée des Verts est situé au 14 rue Paul et Pierre Guichard à Saint-Étienne, à l’angle sud-ouest du stade Geoffroy-Guichard (entre les tribunes Jean-Snella et Pierre-Faurand). Un parking gratuit est situé devant le stade. En tramway, prendre les T1 et T2 (arrêt « Geoffroy-Guichard »). En bus, prendre les lignes 8 ou 9 (arrêt « Le Marais »).
- Tarifs : adultes : 7 euros (musée seul) et 15 euros (musée+visite guidée du stade). Supplément visite guidée du musée (à partir de 10 personnes) 5 euros ; étudiants, moins de 18 ans, personnes à mobilité réduite, plus de 60 ans, demandeurs d’emploi, groupes : 5 euros (musée seul) et 12 euros (musée+visite guidée su stade) ; pack famille (deux adultes et deux enfants de moins de 18 ans) : 42 euros (musée+visite du stade) ; City card Saint-Etienne et enfants de moins de 4 ans : gratuit.
- Ouverture : pendant les vacances scolaires : du mardi au vendredi de 10 à 12 heures et de 14 à 18 heures et les samedi/dimanche de 14 à 18 heures. Fermé le lundi.
- Réservations : au guichet ou sur la billetterie en ligne.
- Renseignements : tél. 04 77 92 31 80 et sur museedesverts.fr
Que faire à proximité ?
> Si vous avez envie de prolonger le plaisir « football », la boutique des Verts est située à 200 mètres du Musée des Verts. Vous pouvez même obtenir 10% de réduction sur de nombreux produits dérivés le jour même de votre visite sur présentation de votre billet du musée.
> Suivant le jour de votre visite, vous pouvez également vous rendre au centre d’entraînement de l’ASSE à L’Étrat, à 4 km du stade, pour assister à un entraînement public des Verts (se renseigner sur www.asse.fr pour connaître les horaires d’entraînements et s’assurer qu’ils ne se déroulent pas à huis clos).
> Pour compléter votre journée foot, vous pouvez aussi prendre votre repas au « Chaudron vert », le bar-restaurant officiel de l’ASSE, situé à 1 km du stade. L’établissement, qui fait aussi hôtel, diffuse toutes les rencontres des Verts (renseignements au 04.77.74.23.18).
Poursuivre la journée en dehors du football...
> Si vous souhaitez vous faire une journée musées dans la métropole stéphanoise, nous vous proposons une sélection de trois établissements à faire pour combler votre demi-journée touristique : le Musée d’art et d’industrie (tél. 04 77 49 73 00), le Parc-musée de la Mine (04 77 43 83 23), et le Musée d’art moderne et contemporain à Saint-Priest-en-Jarez (renseignements au 04 77 79 52 52).
Webmag : Fred SAURON ; Photo : Le Progrès.