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Dans les feux de la cité Déambulation au centre-ville, entre lumières dynamiques, publicités insomniaques et vitrines aveuglantes

Bon, et si on allait voir les lumières de Genève de plus près? Déambulation nocturne pour tirer le portrait du centre-ville la nuit.

Il est 1h30. La déambulation démarre dans le quartier de Sécheron. On imaginait les paquebots vitrés des grandes entreprises brillant de mille feux; on a été mauvaise langue. Les coques sont noires. Seul le parking sous la cité universitaire de l'Institut des hautes études internationales fait exception et luit. Mention acceptable. Pour des raisons de sécurité, ce halo paraît nécessaire. Le long de la rue de Lausanne, pas d’éblouissement mais un réverbère actif sur deux suffirait amplement à éclairer le tronçon. On imaginait Genève plus éclairée, une sensibilisation semble déjà en marche. Les monuments touristiques tirent la prise à minuit depuis plusieurs années; même les grands hôtels ont tamisé leurs façades. On finit quand même par distribuer quelques mauvais points, au pourtour de la Rade. Perchées sur les toits, les enseignes lumineuses phagocytent la nuit et impriment leurs marques dans les rétines. Mention moins bien aussi à cette guirlande lumineuse qui éblouit le long du quai entre le pont des Bergues et le pont de la Machine. Esthétique, certes. Mais sous le cortège d’ampoules, on voit comme en plein jour. Vraiment nécessaire? La Ville répond que le cordon revêt une fonction d’éclairage public.

Un cordon lumineux qui sert à l'éclairage public mais sous lequel on voit comme en plein jour. (Image: Laurent Guiraud)

Bel-Air a fait figure de mauvais élèves mais il a fini par rentrer dans le rang. La cartographie nocturne du canton réalisée en 2015 avait notamment montré que l’éclairage de la place produisait une importante pollution lumineuse. La faute aux marquises des arrêts de tram, qui réfléchissaient la lumière… L’intensité de l’éclairage a donc été réduite pour corriger le tir. C'était sans compter l’installation d’une nouvelle enseigne dans le voisinage de la place, avec son éclairage intérieur et son grand écran publicitaire, qui vient parasiter les efforts de la Ville. Il est 2h et les publicités soliloquent devant la place déserte.

La Ville a rectifié le tir à Bel-air, où les marquises jouaient aux réflécteurs. Mais l'éclairage d'enseignes privées parasitent ces efforts. (Image: Laurent Guiraud)

Dans la rue du Rhône, l’éclairage diffère selon les enseignes, entre celles qui ont tout éteint et les autres qui maintiennent les pleins feux. Pour des raisons de sécurité? On ne peut s’empêcher de sourire devant les vitrines d’un grand bijoutier, irradiant de lumière une série de bustes étêtés… nus. Dans les rues Basses, la majorité des locataires marchands ont tiré la prise. A quelques exceptions près, comme ce magasin de sport à l’écran publicitaire insomniaque, une marque de vêtements chics qui en met plein les yeux, du rez au premier.

En haut, les bustes nus des bijouteries baignent dans la lumière. En bas, les vitrines et un écran publicitaires jouent les insomniaques. (Images: Laurent Guiraud)

A la place Neuve enfin, l’ambiance de terrain de foot - immortalisée sur la photo ci-contre en mars - a disparu. Ces réverbères mâts, cumulant à 16 mètres et douchant la zone façon miradors, ont été élagués début mai. La Ville a reconnu cette ineptie et installé des luminaires plus bas, à 8 mètres, qui éclairent de manière plus horizontale. La maraude nocturne se termine sur de bons exemples, du pont de la Coulouvrenière au sentier des Saules et leur éclairage dynamique, et un point noir en toile de fond, au loin: les lampadaires “boules” des immeubles du Seujet, irradiant à tout va, mauvais élèves par excellence. “Ils vont être tout prochainement démontés, promet Florence Colace, architecte-éclairagiste au Département des constructions et de l’aménagement de la Ville. Il y en a aussi encore au Jardin anglais; ceux-ci aussi vont disparaître.”

En prenant de la hauteur quelques mois plus tôt, on pouvait apercevoir loin à la ronde une source lumineuse qui irradiait à tout-va, pour le plus grand mécontentement de riverains: le stade de Genève, en mode lampadaire boule XXL. Jean-Marc Guinchard, président de la Fondation du Stade de Genève, en explique les raisons: “Pour croître convenablement, le gazon a besoin de chaleur et de lumière afin de résister à l’utilisation intensive du terrain. En hiver, il est donc nécessaire d’utiliser une installation de luminothérapie afin que le gazon se régénère. Tous les grands stades de Suisse et d'Europe pratiquent de la même manière.” Cinq rampes équipées de 56 ampoules de 1000 watt chacune sont ainsi en activité du 1 octobre au 1 mars dès que le terrain n’est pas occupé, généralement 4-5 jours par semaine. A défaut de tirer la prise, le stade peut au moins se targuer d’illuminer de manière plus verte. Cet été, 5000 m2 de panneaux photovoltaïques ont été installés sur le toit du stade, dans le cadre d’un projet lancé par les SIG. Cette installation permet de produire plus d’un million de kilowattheures; 30% de l’électricité produite sera utilisée par le stade pour couvrir une partie de ses besoins. Le reste sera vendu aux citoyens.

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Tribune de Genève
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