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Velvet Buzzsaw 2019 – États-Unis. Réalisation : Dan Gilroy. Scéario : Dan Gilroy. Avec : Jake Gyllenhall, Rene Russo, Zawe Ashton, Toni Colette, John Malkovitch.

Se fier à un trailer est devenu une assez mauvaise idée.

Tout comme lire les synopsis disponibles en ligne. Entre ceux qui vont dévoiler des points clés de l'intrigue, ceux qui vont concentrer tous les bons moments du film, si bien qu'il ne vaut pas le coup d'être vu, et ceux qui donnent une impression erronée, il est préférable de s'en tenir éloigné. Comme avec Velvet Buzzsaw.

Tous les teasers et résumés en ligne donnent l'impression qu'on va assister à un film d'horreur. Et c'est ce qui dessert le film de Dan Gilroy. Car si Velvet Buzzsaw est bien un long-métrage d'horreur, ce n'est pas son aspect le plus réussi.

"A bad review is better than sinking into the great glut of anonymity."

Après la mort d'un vieil homme qui habitait dans son immeuble, Josephina, assistante dans une galerie d'art, découvre chez lui des centaines d'oeuvres. Alors que l'auteur avait exigé que ces dernières soient détruites, Josephina, avec l'aide de sa patronne, va faire du travail du défunt un véritable phénomène artistique. Toutes deux en pâtiront, ainsi que tous ceux qui auront décidé de mépriser l'essence de l'art au profit de l'argent et de la gloire.

Imaginez une toile représentant l'océan. Près de la surface, dans l'eau claire, chauffée par le soleil, nagent des requins. Entre eux règne une sorte d'équilibre de la terreur. Tous ensemble, ils font la loi, mais ils ne perdront pas une occasion de s'entre-dévorer pour gagner encore plus de pouvoir.

En dessous de ces tyrans de la mer, dans l'eau sombre et froide, flottent des petits poissons. Certains tentent juste de survivre. Mais d'autres n'espèrent qu'une chose : grossir et, à leur tour, s'imposer parmi les maîtres des lieux et profiter de la douce et attrayante lumière du soleil. Au risque de se brûler à ses rayons. C'est ça Velvet Buzzsaw. On a troqué les étendues aquatiques pour de clinquantes galeries d'art, mais là aussi, dents longues et aiguisées sont de mise.

Dan Gilroy ne laisse aucun doute sur son propos. Jouant de cynisme, le réalisateur monte une satire du monde de l'art, plus précisément du commerce d'art, qui va jusqu'à oublier l'importance de la volonté et de l'honnêteté de l'artiste dans le processus de création. Sur ce point, Velvet Buzzsaw s'avère intéressant, quoique manquant clairement de subtilité. La moquerie est parfois tellement facile qu'elle sonne aussi creux que le monde qu'elle prétend singer. La galerie importante de personnages mis en scène sauve le tout, en proposant différents caractères et points de vue.

Si le personnage de critique d'art interprété par Jake Gyllenhall est présenté comme notre protagoniste, on suivra en fait huit personnes tout au long du film. L'ambition, l'honnêteté, l'inconséquence, la cupidité, l'authenticité, tous ces traits de caractère seront minutieusement découpés au travers des différentes histoires, toutes réunies par la même question : que doit-on respecter dans l'art ?

"Something truly god damn strange is going on here !"

L'interrogation de fond est certes intéressante, mais causera la déception des nombreux fans d'horreur qui regarderont Velvet Buzzsaw en espérant trouver un vrai film de genre. Car du point de vue horrifique, le film de Dan Gilroy est anecdotique, au mieux. La frayeur n'existe pas dans Velvet Buzzsaw. L'histoire surnaturelle qu'on nous sert est trop peu développée pour être intéressante et ne semble avoir été intégrée que pour servir la satire que le réalisateur voulait peindre. Quelques scènes de mort seront notables, mais rien d'extraordinaire.

On se rend d'ailleurs compte assez rapidement qu'on ne sera pas satisfait niveau horreur. Par la bande-son déjà, qui ne colle pas du tout au genre. Elle n'en est pas moins bonne, ceci dit, elle s'intègre bien à l'ambiance du film. Marco Beltrami, le compositeur, connaît bien le genre et a travaillé de façon admirable sur plusieurs longs-métrages d'horreur, notamment Scream.

C'est donc bien une volonté de l'équipe du film de ne pas mettre en avant le genre, car, en dehors des scènes de mise à mort, la bande-son est composée de morceaux qui, s'ils servent très bien le côté satirique de l'oeuvre, ruinent toute possibilité de monter une véritable ambiance horrifique.

En résulte un certain problème de rythme. Le début traîne en longueur, et le mystère, déjà introduit tardivement, ne se résout que de façon assez poussive. D'autant que le film dure près de deux heures. Heureusement, la réalisation dynamique de Dan Gilroy, inventive, même, parvient à ne pas faire tomber le spectateur dans l'ennui.

Le casting aussi, aide. Les huit personnages que l'on suit sont tous bien interprétés, notamment Rhodora (Rene Russo). Seule Zawe Ashton est un peu en-dessous par rapport à ses collègues, proposant un jeu inégal qui a parfois du mal à convaincre. On appréciera de voir John Malkovitch même si son rôle n'a d'intérêt que dans le cadre de la critique du monde de l'art, et pas du tout dans celui de l'horreur. Gyllenhaal et Colette, enfin, s'en tirent comme toujours très bien.

L'anecdote

L'idée de Velvet Buzzsaw est venue à Dan Gilroy lors de la visite d'une exposition d'art contemporain, en 2017 à New-York. Comme il l'a expliqué en interview pour Vanity fair, il y a découvert une installation vidéo mettant en scène ce qui ressemblait à des chaises de dentistes autour desquelles couraient des rats. Il a alors pensé que ce serait un décor parfait pour un film d'horreur.

Expliquant avoir toujours été intéressé par le fait que les artistes dévoilaient leur âme dans leurs œuvre, il a alors eu l'idée d'un scénario qui montrerait comment les choses peuvent déraper quand le commerce et l'argent prennent le pas sur la créativité.

Velvet Buzzsaw n'est pas un mauvais film. Mais pour l'apprécier, il ne faut pas le regarder comme un film d'horreur. Si l'on y arrive, on pourra garder en tête la beauté de certains de ses plans, la qualité du casting et l'intérêt de sa réflexion sur le monde de l'art.

Car même s'il tombe parfois dans l'exagération, à ce niveau-là, Velvet Buzzsaw a vraiment des choses à offrir.

3/5

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