Le Bas-Chantenay, vous connaissez ? Cet ancien quartier industriel et portuaire, qui a nourri l’imaginaire de Jules Verne, occupe une place à part dans la mémoire nantaise. C’est là que sont nés le trois-mâts Belem, emblème de la cité des ducs à travers le monde, les chantiers navals Dubigeon et les conserveries.
Le quartier, qui abrite 5000 habitants et 3000 emplois, reste pourtant méconnu.
Entre village et quartier des usines, le Bas-Chantenay mêle aujourd'hui des maisons ouvrières, des activités industrialo-portuaires, et tout un foisonnement d’activités économiques, associatives et créatives. « L’enjeu est d’assembler ces différents éléments et d’améliorer les circulations en créant des connexions entre la Loire, la plaine et le coteau », explique Bernard Reichen, urbaniste en charge du projet. Valoriser aussi le patrimoine qui fait le charme du quartier : la grue noire, l'ancienne usine électrique...
« Le renouveau du Bas-Chantenay est l’un des quatre projets phares du nouveau cœur de la métropole qui vont nous permettre de renouer avec la Loire. Ce projet se nourrit de l’histoire de Nantes, avec une spécificité forte : ici, nous voulons montrer que l’on peut garder l’industrie en ville »
Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole.
La cale de l’ancienne usine électrique devient par exemple un pôle dans le domaine du nautisme et des énergies marine renouvelables. Autre élément emblématique du projet : la création d’un Jardin extraordinaire dans la carrière Miséry, mais aussi la création de nouvelles navettes fluviales ou encore la construction de 1 000 nouveaux logements pour répondre aux besoins croissants à l’échelle de la métropole.
L’urbaniste Bernard Reichen et les paysagistes de Phytolab s’appuient sur les singularités du Bas-Chantenay, et notamment la géographie entre Loire, falaise et coteaux, pour révéler le quartier autour de trois parcours de promenade et de cinq sites à enjeux : la Carrière Miséry, la cale Dubigeon, l’usine électrique, le Bois-Hardy et Roche-Maurice. « L’enjeu, c’est que demain, chacune de ces cales offrent un accès public à la Loire », précise l’urbaniste.
De la butte Sainte-Anne jusqu’à l’ancien village de pêcheurs de Roche Maurice, 200 hectares au total et 3 km de rives seront aménagés dans les quinze prochaines années.
Après plusieurs années d'études et de concertation, une zone d'aménagement concerté (Zac) a été créée en 2019 pour encadrer ces évolutions et éviter la spéculation. La transformation est engagée sur trois sites : la carrière Miséry, la cale Dubigeon et l’ancienne usine électrique.
Carrière Miséry : Cité de l'imaginaire et jardin extraordinaire
Le renouveau du Bas-chantenay est d'abord végétal ! La partie ouest du Jardin extraordinaire, ouverte en septembre 2019 dans l’ancienne carrière de granit marquant l’entrée de la ville, draine déjà un public nombreux avec sa cascade, sa végétation luxuriante et la Promenade des 7 belvédères qui le surplombe. Avant-goût au printemps 2020, avec l'installation d'un escalier monumental de 27 mètres, ponctué par quatre haltes belvédères serpentant le long de la falaise.
Juste en face, le site des Grands Moulins de Loire se réinvente lui aussi pour accueillir, à l’horizon 2025, un nouveau lieu culturel dédié à l'univers de Jules Verne. Après une concertation citoyenne et la réflexion d’un comité scientifique, les élus ont tranché : le bâtiment Cap44 - qui cache sous son bardage bleu des années 70 une ancienne minoterie du XIXe siècle - sera conservé et transformé en Cité de l’imaginaire.
Mis à nu et évidé pour l’ouvrir sur la Loire et mettre en valeur sa structure en béton armé unique, ce témoin du passé industriel de Nantes accueillera un grand musée consacré l'écrivain né à Nantes en en 1828. Quatre fois plus spacieux que l’actuel musée de la butte Sainte-Anne, il permettra d’exposer le richesse des collections nantaises, aujourd’hui à l’étroit. Sur place, on trouvera aussi un espace d’expositions temporaires qui pourra s’associer à de nombreux événements (Utopiales, Muséum, Machines de l'île...), une « bibliothèque des imaginaires », proposant livres, BD, mangas, DVD et jeux, un lieu de création et de diffusion, ainsi qu’un restaurant-bar et une boutique. Doté d’un belvédère en accès libre sur son toit, ce nouveau lieu culturel nantais offrira une vue à 360° sur Nantes et l’estuaire !
L'usine électrique : vitrine de l'économie maritime
« Nous aimerions développer ici l’esprit de la cité de l’industrie », Bernard Reichen, urbaniste.
Sous ces halles qui ont abrité la 3e usine électrique de Nantes de 1910 à 1964, l’accent est mis sur le développement de l’emploi ! Appelée à devenir la vitrine de l’économie maritime nantaise, cette vaste friche a entamé sa mue en octobre 2019 pour accueillir un pôle d’activités et un laboratoire d’innovation dans le domaine du nautisme et des énergies marines renouvelables (« Sailing Lab »).
Des pépites du nautisme de demain vont s’y agréger, comme AirSeas (ailes de cerfs-volants pour tracter les navires), Black Pepper (chantier naval spécialisé dans la construction de bateaux de course ou d'exception, comme le voilier d'Armel Tripon pour le prochain Vendée Globe), Néoline (propulsion éolienne pour paquebot) ou Zéphyr & Borée (conception de cargos à voiles, pour transporter notamment les éléments d'Ariane 6).
Cale Dubigeon : Navibus et brasserie artisanale
Sur ce secteur, qui abrite depuis 25 ans le chantier naval de l’Esclain, la mutation est à l’œuvre. À quelques pas de la grue noire et de l’ancienne salle à tracer des chantiers Dubigeon, restaurée en 2017, se trouve une brasserie artisanale, la « Little Atlantique Brewery », le LAB, depuis 2019. Doté d’un bar-restaurant et d'une partie production, l’établissement, installé face à la Loire dans une ancienne huilerie-savonnerie du XIXe siècle, reprend le flambeau des brasseries de la Meuse, fermées en 1985.
« Nous voulions pérenniser ce site témoin de l’histoire maritime nantaise, explique Quentin Vignaud, gérant du Chantier de l'Esclain, propriétaire du site. L'objectif est de faire des Docks de Chantenay un tiers-lieu, ouvert au public. Le projet de micro-brasserie porté par Jérôme Pailler correspond bien à l’esprit des lieux. ». Dans les cinq ans à venir, le site, qui abrite déjà une dizaine de PME et créateurs, va ainsi s’étoffer : salle de location dans une péniche, croisière touristique autour de l’île de Nantes, espace de coworking…
Il est desservi par la nouvelle ligne Navibus Quai Wilson/Bas-Chantenay qui vient accoster aux pieds des docks. Demain, une nouvelle ligne sera ouverte pour relier le Bac-Chantenay à Trentemoult.
La grue Titan noire, dont la silhouette dissymétrique surplombe le site, est en cours de rénovation. Construite en 1942, pendant 25 ans, elle a servi à armer les bateaux construits aux chantiers Dubigeon. Propriété de la Ville de Nantes depuis 2012, elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis octobre 2018.
Trois ans de concertation citoyenne
Depuis 2017, le projet urbain du Bas-Chantenay se construit avec les habitants, les professionnels et les usagers. Trois sujets majeurs ont fait l'objet d'ateliers : la promenade des Coteaux, l'avenir du bâtiment Cap44-Grands Moulins de Loire, et l'aménagement du Bois-Hardy.
Bois-Hardy : des logements et des jardins
Ce secteur à caractère résidentiel est appelé à devenir un lieu de vie et de rencontre avec la création d’un lieu partagé au cœur du quartier, de nouveaux espaces publics et la construction de logements. Dans le cadre d’une concertation citoyenne lancée fin 2017, les habitants ont fait évoluer le projet d'aménagement. Des constructions ont été déplacées pour laisser davantage de place aux jardins potagers et des préconisations sur les matériaux de construction ont été intégrées aux cahiers des charges des promoteurs.
Roche-Maurice : des liens resserrés avec la Loire et la ville
Petite île enclavée dans la ville, longue de 400 mètres, le village de Roche Maurice est l’une des pépites du Bas-Chantenay que le projet urbain entend révéler. L’idée est d’y créer une nouvelle cale, ludique et active, pour profiter du fleuve. Depuis juin 2018, avec l'aménagement d'une piste cyclable de 2 km reliant le centre-ville, ce petite village est une étape incontournable de la « Loire à vélo ».
Credits:
Photos V. Jocheray / J.-D. Billaud / G. Satre / P. Garçon / Archives municipales de Nantes