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Antivax, vaccins COVID-19 et «piratage du logiciel de la vie» Traduction d'un article de David Gorski

L'article d'origine est visible ici.

Les antivax et les complotistes anti-COVID-19 cherchent toujours à diffuser des mensonges à propos des vaccins COVID-19. Malheureusement, certains scientifiques leur ont grandement facilité la tache en comparant les vaccins à ARNm au «piratage du logiciel de la vie» et en étant ambigu à propos de la thérapie génique.

David Gorski le 5 avril 2021

Les mots ont un sens.

S'il y a bien une chose que j'ai apprise au fil des années en combattant le déni de la science, le charlatanisme, la propagande antivaccin et les théories du complot, c'est que le message est important. À aucun moment de ma vie je n'ai vu cela plus que maintenant, au milieu d'une pandémie.

Aussi, j'aimerais faire quelque chose d'un peu différent de ce que je fais habituellement ici sur SBM [Sciencebased Medicine] et discuter d'un exemple.

C'est un exemple dans lequel les premiers messages utilisés il y a des années pour promouvoir et vendre une nouvelle technologie prometteuse, ont été détournés par des antivax et des rassuristes anti COVID-19 pour diaboliser les vaccins COVID-19. Vous vous souvenez peut-être d'un de mes articles d'il y a deux mois, lorsque j'ai expliqué que les vaccins COVID-19 à base d'ARNm de Pfizer / BioNTech et Moderna ne sont pas de la «thérapie génique». Gardez cela en tête pour comprendre comment cette affirmation des antivax est née.

En fait, il existe trois allégations étroitement liées que les antivax utilisent pour semer la peur, l'incertitude et le doute sur les vaccins à base d'ARNm:

  • Les vaccins à base d'ARNm « modifient définitivement votre ADN » (Non, ils ne le font pas.)
  • Les vaccins à base d'ARNm ne sont pas des vaccins, mais de la « thérapie génique » (Non, ils ne le sont pas. Ce sont des vaccins).
  • Les vaccins à base d'ARNm sont comme une « mise à jour logicielle » pour votre corps (une très mauvaise analogie, comme je l'expliquerai ci-dessous).

Comme je l'ai déjà mentionné, l'affirmation selon laquelle les vaccins peuvent « modifier de façon permanente votre ADN » n'est pas nouvelle. Les antivax affirment cela depuis presque aussi longtemps que je m’intéresse au mouvement antivax et à sa désinformation. Il n'est donc pas surprenant que les antivax aient ressorti cette vieille rengaine pour l'utiliser contre les vaccins COVID-19. Rien n'aurait pu les empêcher de le faire.

En revanche, la prolifération de désinformations selon lesquelles les vaccins à base d'ARNm sont une « thérapie génique » ainsi qu'« une mise à niveau logicielle pour votre organisme », est en grande partie une blessure auto-infligée qui découle d'un battage médiatique précoce sur la nouvelle technologie de Moderna.

Vous ne me croyez pas ? Jetez un coup d'œil à cet article de Joe Mercola (maître-charlatan et promoteur de « santé alternative ») intitulé « Les vaccins COVID-19 comparés à des « mises à jour logicielles » pour votre organisme », dans lequel Mercola dit en substance d'où les antivax tirent ces arguments.

Tout d'abord, soit dit en passant, il faut réaliser que l'empire antivax et anti-Covid-19 de Mercola est si prolifique que je pourrais, si je le voulais, consacrer un blog entier (celui-ci et mon autre blog pas si secret que cela) à contrer les erreurs, la désinformation, les distorsions et les mensonges de Mercola, sans jamais réussir à suivre son rythme. On pourrait dire la même chose de l'antivax Robert F. Kennedy, et de son site web « Children's Health Defence ». A eux deux, Mercola et RFK Jr., produisent un véritable tsunami de propagande antivax qui va bien au-delà de ce que les défenseurs de la science peuvent suivre. C'est à cela que nous avons affaire ici, et ils sont loin d'être seuls.

Entrons maintenant dans les détails.

D'après Mercola : Moderna affirme que son vaccin est de la « thérapie génique ».

Dans cet article, Mercola affirme plusieurs choses. La première c'est que l'ARNm encapsulé dans les nanoparticules lipidiques a été décrit comme une « thérapie génique » dans les documents déposés par Moderna. Par ailleurs, le dépôt SEC [dépôt de dossier de brevet auprès de la Security and Exchange Commission aux Etats-Unis. Il s’agit de données destinées à de potentiels investisseurs] de BioNTech indique qu'aux États-Unis et en Europe, les thérapies à l'ARNm sont classées comme « médicaments de thérapie génique ». Ce qui est vrai. L'ARNm liposomal a été développé pour être utilisé comme thérapie génique, mais il n'a pas été développé et utilisé uniquement pour cela.

L'intention et la méthode comptent, c'est sans doute pourquoi Mercola se contorsionne et tord les mots pour nier que ces vaccins fonctionnent comme des « vaccins » afin de prétendre qu'il s'agit de « traitements », tout en tissant les théories du complot les plus sombres (bien sûr) :

"Bien qu'il s'agisse d'une forme reconnue de thérapie génique depuis sa création, les fabricants de vaccins essaient maintenant frénétiquement de nier que cette technologie d'ARNm est une thérapie génique. L'une des raisons à cela, suggérée par David Martin, PhD 1, pourrait être que tant que la technologie ARNm est considérée comme un « vaccin », l’entreprise est à l'abri de toute poursuite.
Les thérapies géniques expérimentales ne sont pas couvertes par la responsabilité financière du gouvernement, mais les vaccins contre la pandémie, même au stade expérimental, le sont tant que l'autorisation d'utilisation d'urgence est en vigueur. Une autre raison pourrait être que Moderna craigne que les gens ne se précipitent pas pour une thérapie génique expérimentale. Il y a, en effet, une connotation très différente dans l'esprit des gens (comme il se doit).
Une troisième possibilité est que Moderna sait très bien que vous ne pouvez pas, sur le plan éthique, imposer la thérapie génique de la même manière que vous pouvez imposer des vaccins. Les directives relatives aux mesures de santé publique obligatoires, reposent généralement sur l'idée qu'il est acceptable que certaines personnes subissent un préjudice, tant que la mesure profite à la collectivité.
Eh bien les « vaccins » COVID-19 ne sont conçus que pour atténuer les symptômes du COVID-19. Ils n'empêchent pas l'infection ni sa propagation, et comme l'individu vacciné est le seul à bénéficier d'un bénéfice potentiel, l'argument du « plus grand bien » s'effondre.
Qui sait, il y a peut-être d'autres facteurs en jeu que nous n'avons pas encore compris, mais quelle qu'en soit la raison, ils ne veulent vraiment pas que vous considériez ces injections comme de la thérapie génique. Ils veulent que vous les acceptiez comme n'importe quel autre vaccin conventionnel.

Tout d'abord, Mercola est un peu en retard sur le plan des données. S'il est vrai que les essais cliniques originaux, qui ont abouti à l'approbation de ces deux vaccins, n'ont pas pu déterminer s'ils prévenaient l'infection ou la transmission, mais seulement s'ils prévenaient la maladie COVID-19 (ce qu'ils font d'ailleurs très efficacement) le temps ne s'est pas arrêté, ni la science. À peine deux jours avant que Mercola ne publie ce qui précède, le CDC a publié une étude sur les estimations provisoires de l'efficacité des vaccins chez le personnel de santé, les premiers intervenants et les autres travailleurs de première ligne. Et devinez quelle en était la conclusion ? L'étude a révélé que les vaccins Moderna et Pfizer étaient, en fait, très efficaces pour prévenir l'infection. Près de quatre mille personnes ont été étudiées et on a constaté que, dans des conditions réelles, l'efficacité du vaccin ARNm pour une immunisation complète (≥ 14 jours après la deuxième dose) était de 90% contre les infections par le SRAS-CoV-2, quels que soient les symptômes (ce qui fait que le vaccin empêche également une infection asymptomatique). Mieux encore, l'efficacité vaccinale de l'immunisation partielle (≥ 14 jours après la première dose mais avant la deuxième dose) était de 80%, ce qui signifie qu'une seule dose de l'un ou l'autre de ces vaccins, fournit probablement encore une protection substantielle contre l'infection.

L'étude est-elle parfaite ? Évidemment, non. D'autres données seront nécessaires. L'étude est, cependant, une excellente preuve que ces deux vaccins fonctionnent comme des vaccins très efficaces (pour le renvoyer dans les dents de Mercola).

Pourquoi cette distinction importerait-elle, sinon pour alimenter la théorie du complot de Mercola : si ces « traitements de thérapie génique » sont reclassés en tant que vaccins, c’est que Big Pharma peut en tirer profit ? Tout d'abord, il est utile d'examiner la définition de la thérapie génique donnée par la FDA, étant donné que la FDA est l'agence qui devrait approuver et autoriser toute nouvelle « thérapie génique » :

"La thérapie génique humaine vise à modifier ou manipuler l'expression d'un gène ou à altérer les propriétés biologiques de cellules vivantes à des fins thérapeutiques.
La thérapie génique est une technique qui modifie les gènes d'une personne pour traiter ou guérir une maladie.
Les thérapies géniques fonctionnent suivant plusieurs mécanismes :
Remplacement d'un gène pathogène par une copie saine du gène
Inactivation d'un gène pathogène qui ne fonctionne pas correctement
Introduction d’un gène nouveau ou modifié dans le corps pour aider à traiter une maladie
Des produits de thérapie génique sont à l'étude pour traiter des maladies telles que le cancer, les maladies génétiques et les maladies infectieuses. Il existe ainsi une variété de types de produits de thérapie génique, notamment :
ADN plasmidique : Les molécules d'ADN circulaires peuvent être génétiquement modifiées pour transporter des gènes thérapeutiques dans les cellules humaines.
Vecteurs viraux : Les virus ont une capacité naturelle à délivrer du matériel génétique dans les cellules et, par conséquent, certains produits de thérapie génique sont dérivés de virus. Une fois que les virus ont été modifiés pour supprimer leur capacité à provoquer des maladies infectieuses, ces virus modifiés peuvent être utilisés comme vecteurs (véhicules) pour transporter des gènes thérapeutiques dans les cellules humaines.
Vecteurs bactériens : Les bactéries peuvent être modifiées pour les empêcher de provoquer des maladies infectieuses, puis utilisées comme vecteurs (véhicules) pour transporter des gènes thérapeutiques dans les tissus humains.
Technologie d'édition de gènes humains : l’objectif de l'édition de gènes est de perturber les gènes nocifs ou de réparer les gènes mutés.
Produits de thérapie génique cellulaire dérivés du patient : les cellules sont prélevées du patient, génétiquement modifiées (souvent à l'aide d'un vecteur viral) puis ré-implantées au patient."

Afin de prévenir tout ce que Mercola pourrait prétendre au sujet de cette définition (qui selon lui aurait été pu être « modifiée » pour s’adapter aux vaccins de Moderna et Pfizer) j'ai utilisé la toute-puissante Wayback Machine sur Archive.org pour trouver une version de cette page à partir de juin 2019. C’est donc toujours pratiquement la même chose. L'ARNm n'est pas mentionné dans les produits de thérapie génique.

Une autre raison pour laquelle les vaccins COVID-19 à base d'ARNm ne sont pas une thérapie génique, est que la thérapie génique est conçue pour «traiter un trouble en insérant un gène dans les cellules d'un patient au lieu d'utiliser des médicaments ou une intervention chirurgicale». On peut remplacer une copie mutée du gène par une bonne copie, soit en inactivant un gène qui produit trop ou qui ne fonctionne pas correctement, soit pour inciter les cellules à fabriquer une protéine thérapeutique. Et voilà le truc : La protéine Spike du SRAS-Cov-2, fabriquée par les cellules grâce aux vaccins Moderna et Pfizer, n'est pas une protéine thérapeutique. Elle ne traite ni ne module la maladie. Elle est utilisée uniquement comme antigène pour stimuler une réponse immunitaire de l'organisme contre une protéine virale, et seulement à court terme, mais suffisamment longtemps pour stimuler cette réponse.

Alors, pourquoi Moderna a-t-il inclus ce passage dans le dépôt de dossier « Moderna 2020 » à la SEC, cité par Mercola et tous les antivax ? Je vais tenter de comprendre.

"Actuellement, l'ARNm est considéré comme un produit de thérapie génique par la FDA. Contrairement à certaines thérapies géniques qui modifient de manière irréversible l'ADN cellulaire et pourraient agir comme une source d'effets secondaires, les médicaments à base d'ARNm sont conçus pour ne pas modifier de manière irréversible l'ADN cellulaire. Cependant, les effets secondaires observés en thérapie génique pourraient avoir un impact négatif sur la perception des médicaments ARNm malgré les différences de mécanisme."

Pour être honnête, j'ai trouvé que ce passage de Moderna était un vrai casse-tête. Je n’ai trouvé nulle part de preuves que la FDA considérait les produits ARNm comme un « produit de thérapie génique ». Même les sources qui discutent des produits à base d'ARN et de thérapie génique, ont tendance à séparer les deux en fonction du mécanisme. D'un autre côté, j'ai noté le soin avec lequel Moderna a déclaré que les vaccins à ARNm pouvaient être considérés comme un « produit de thérapie génique » et non comme une « thérapie génique ». Je m'explique. Que fait cette soi-disant « thérapie génique » ? De l'ARNm, en l'occurrence, et c'est cet ARNm qui est ensuite traduit en protéine. Ainsi, l'ARNm est le produit de la thérapie génique, pas de la thérapie génique en soi, car l'ARNm ne modifie pas les gènes et l'ADN. (Plus d'informations à ce sujet plus tard ...)

En définitive, je soupçonne plutôt que cela a été fait par prudence, comme en témoigne la partie suivante du paragraphe du dépôt de Moderna à la SEC :

"De plus, comme aucun produit dans lequel l'ARNm est l'ingrédient actif principal n'a été approuvé, la voie réglementaire d'approbation est incertaine. Le nombre et la conception des essais cliniques et des études précliniques nécessaires à l'approbation de ces types de médicaments, n'ont pas été établis. Ils peuvent être différents de ceux requis pour les produits de thérapie génique ou peuvent nécessiter des tests de sécurité comme les produits de thérapie génique. De plus, le temps nécessaire pour terminer les essais cliniques et pour soumettre une demande d'autorisation de mise sur le marché, pour une décision finale d'une autorité de régulation, varie considérablement d'un produit pharmaceutique à l'autre et peut être difficile à prévoir."

Malheureusement, cela s'est retourné contre eux puisque cela a conduit Mercola et David Martin à se précipiter avec ce genre de trucs directement dans Conspiracytown [probablement la page instagram « Conspiracy.town » qui est une page de délires complotistes] :

"Eh bien, la pandémie leur a permis de faire passer la thérapie génique ARNm sous les radars, afin de ne pas avoir à effectuer des tests de sécurité de thérapie génique plus stricts. Au lieu de cela, on leur a fourni la population mondiale pour le plus grand test imaginable, et le tout sans responsabilité en cas de problème (à condition que cela soit considéré comme un « vaccin », bien sûr)."

Bien sûr, il est difficile d’en vouloir à Moderna. Même dans une pandémie, combien d'entreprises sont suffisamment conscientes de la façon dont les antivax trompent et déforment les informations, afin d’éviter d’utiliser ce genre de discours ? De plus, le dépôt de dossier auprès de la SEC date de juin 2020, ce qui était encore relativement tôt dans la pandémie. Le message selon lequel les vaccins COVID-19 basés sur l'ARN « modifieraient votre ADN » n'était pas encore répandu, car ces vaccins étaient encore au stade des premiers essais cliniques et il y avait beaucoup de scepticisme quant à leur efficacité.

Quoi qu'il en soit, comme je l'ai déjà dit, le but compte, tout comme le produit spécifique codé par l'ARNm. La protéine Spike du SRAS-CoV-2 n'est ni un gène humain, ni une thérapie. C’est un antigène conçu pour stimuler une réponse immunitaire. Cela en fait donc un vaccin et non une « thérapie génique ». On ne le répètera jamais assez.

Bien sûr, il convient également de noter que Moderna a fait une distinction entre ses vaccins et la thérapie génique, et même Mercola a dû le reconnaître et essayer de démolir cet argument. Tout d'abord, voici le dépôt SEC (US Securities and Exchange Commission) de Moderna :

"Les produits de thérapie génique ont pour effet d'introduire un nouvel ADN et de modifier potentiellement de manière irréversible l'ADN d'une cellule. En revanche, il est très peu probable que l'ARNm se localise dans le noyau, s'intègre dans l'ADN ou modifie de manière permanente l'ADN cellulaire. Par conséquent, nous prévoyons que nos médicaments expérimentaux auront un profil d'effets secondaires potentiels différent de celui des thérapies géniques."

Cela explique pourquoi Mercola doit aller jusqu'à invoquer une science hautement douteuse et spéculative pour affirmer que l'ARNm d'un vaccin peut altérer votre ADN. Il en devient plutôt ridicule :

"Cependant, certains médecins s'inquiètent toujours du fait que les injections d'ARNm pourraient transcrire en sens inverse dans vos gènes et de modifier votre ADN de manière permanente. L'un d'eux est le Dr Richard Urso, ophtalmologiste, qui a partagé ses préoccupations lors d'un épisode de décembre 2020 de The Shepard Ambellas Show [chaine Youtube complotiste].
Urso a affirmé que l'ARNm des rétrovirus (qui font partie de notre génome) avait la capacité de se transcrire dans notre ADN, et s'il peut le faire alors l'ARNm du vaccin pourrait également le faire. Selon Urso, si cela s'avère correct, le résultat de la vaccination à l'ARNm pourrait être le COVID-19 à vie."

C'est de la pure manipulation. Une affirmation selon laquelle, si un type de virus (un rétrovirus) peut réverse transcrire son ARN en ADN et intégrer cet ADN dans notre génome, alors un autre type de virus qui ne partage que l'utilisation de l'ARN comme matériel génétique doit se comporter de la même façon. (Une explication claire et simple de la façon dont les coronavirus se répliquent peut être trouvée ici). C'est de la pure spéculation. Pire encore, si la séquence codante de la protéine Spike devait être intégrée dans le génome humain, cela entraînerait un COVID-19 à vie. Entre parenthèses, je ne peux m'empêcher de noter que le Dr Urso est un ophtalmologiste connu pour sa promotion de l'hydroxychloroquine pour traiter le COVID-19. Il n'a aucune expertise particulière en biologie moléculaire d'après ce que j'ai pu voir. En effet tout ce bla-bla et l'affirmation selon laquelle un gène intégré de la protéine Spike provoquerait un COVID-19 « à vie », m'amènent à cette conclusion.

Mercola cite également quelqu'un du nom de Doug Corrigan PhD, titulaire d'un doctorat en biochimie et biologie moléculaire. Pour cette dernière raison, il devrait être bien placé pour ne pas citer une étude de décembre publiée sur le serveur de preprint bioRxiv, qui prétend montrer que l'ARN du SRAS-Cov-2 peut être transcrit en sens inverse et intégré dans le génome humain. Comme toujours, avec les articles preprint, je note qu’il n’a pas été évalué par les pairs, ce qui me conduit à me demander pourquoi il est toujours sur bioRxiv près de quatre mois après son dépôt. Cela pourrait valoir la peine d’étudier plus en détail les raisons pour lesquelles les conclusions de cette étude ne sont pas étayées par des expériences et des données. Mais « This Week In Virology » a passé une grande partie d'un épisode récent, à expliquer pourquoi cette étude ne montre pas ce que ses auteurs prétendent qu'elle montre. Ed Nirenberg s’est plongé dans la méthodologie pour arriver aux mêmes conclusions, notant :

"Un preprint est sorti affirmant qu'il existe des preuves que le SRAS-CoV-2 est transcrit et intégré dans le génome humain. Aucune des preuves qu’il fournit ne justifie une telle conclusion. Il démontre plutôt une incapacité à comprendre les aspects fondamentaux de la biologie des coronavirus et ignore totalement les limites des méthodes utilisées pour arriver à cette conclusion. En outre, il semble même y avoir une tentative de la part des auteurs du preprint, de rendre leurs données plus difficiles à examiner, car elles ne sont disponibles que sur demande et ne sont pas incluses dans l'article. Ces découvertes, même si elles sont vraies (ce dont je doute sérieusement) n'ont aucune pertinence pour les vaccins à ARNm."

C'est toujours mauvais signe pour moi lorsque les auteurs ne rendent pas facilement disponibles l'ensemble de leurs données issues de leurs expériences. J'aime en particulier le passage où Nirenberg résume :

"Sur le point de savoir ce que tout cela signifie pour un vaccin à ARNm : littéralement rien. Cet article n'a absolument rien à voir avec eux. Si vous vous demandez ce qui se passerait si l'ARN d'un vaccin était accidentellement capté par ce mécanisme et intégré dans la cellule hôte, on aurait l'un des scénarios suivants :
La séquence se comporterait comme un pseudo-gène traité, dépourvu de toute capacité à effectuer la transcription de l'hôte et resterait dans le génome, au repos.
Si la séquence était insérée d'une manière ou d'une autre en aval d'une séquence promotrice qui pourrait trouver une machinerie de transcription, la cellule exprimerait une protéine Spike qui serait reconnue alors par le système immunitaire, puis serait tuée.
Si la séquence s'insérait au milieu du gène (en particulier au milieu d'un exon), vous obtiendriez une protéine mutante qui contiendrait des séquences du SRAS-CoV-2 qui seraient traitées par un mécanisme de présentation de l'antigène et déclencheraient une réponse des lymphocytes T qui tueraient la cellule."

Mais les antivax comme Mercola doivent s'accrocher à cette étude car ils ne peuvent pas prétendre que les vaccins COVID-19 à base d'ARNm sont une « thérapie génique » et non pas un vaccin, s'ils ne peuvent même pas s’appuyer sur un pseudo-mécanisme par lequel l'ARN des vaccins pourrait altérer l'ADN cellulaire.

« Piratage du logiciel de la vie » : savoir-faire face aux bobards

Il pourrait être un peu dur de ma part de dire que Moderna s’est tiré une balle dans le pied. Malheureusement, il est très facile de souligner que la façon dont les scientifiques et les dirigeants de Moderna ont vendu leur technologie, a fourni aux antivax un prétexte facilement utilisable contre les vaccins à ARNm. En particulier, Mercola s’appuie en grande partie sur une conférence de 2017 donnée par le Dr Tal Zaks, médecin-chef de Moderna, dans laquelle il a comparé les vaccins à ARNm au « piratage du logiciel de la vie »:

J'ai pleuré en lisant la transcription :

« Nous avons vécu cette révolution scientifique numérique phénoménale, et je suis ici aujourd'hui pour vous dire que nous sommes en train de pirater le logiciel de la vie et que cela change la façon dont nous pensons la prévention et le traitement des maladies », a déclaré Zaks.
« Dans chaque cellule, il y a ce qu'on appelle l'ARN messager ou ARNm, qui transmet les informations critiques de l'ADN de nos gènes à la protéine. Il s'agit vraiment de la matière dont nous sommes tous constitués. Ce sont les informations critiques qui déterminent ce que la cellule fera réellement. Nous le considérons donc comme un système d'exploitation…
« Donc, si vous pouviez changer cela… si vous pouviez introduire une ligne de code, ou changer une ligne de code, cela aurait de profondes répercussions sur tout, de la grippe au cancer…
« Imaginez si, au lieu de donner [au patient] la protéine d'un virus, nous lui donnions les instructions pour fabriquer la protéine, comment l’organisme peut fabriquer son propre vaccin », a-t-il déclaré.

C'est même dans l'énoncé de mission de Moderna :

"En découvrant le vaste potentiel de la science de l'ARNm, nous avons entrepris de créer une plate-forme technologique qui fonctionne exactement comme un système d'exploitation sur un ordinateur. Il est conçu pour pouvoir brancher et jouer de manière interchangeable avec différents programmes. Dans notre cas, le « programme » ou « app » est notre médicament ARNm : la séquence d'ARNm unique qui code pour une protéine."

Je méprise vraiment, vraiment les analogies informatiques pour illustrer les concepts de base de la biologie moléculaire, même si comprends pourquoi elles sont attrayantes pour les entreprises de haute technologie. Dans tous les cas, voyez à quelle vitesse cette analogie particulière a été détournée par les antivax, ce qui a conduit Leo Hohmann, par exemple, à écrire des articles tels que « Autoriserez-vous Big Pharma à installer son soi disant système d'exploitation informatique dans votre organisme ? » Il suffit de taper dans Google : "Moderna piratant le logiciel de la vie" et voyez ce que vous trouverez. Vous verrez des trucs comme :

https://www.facebook.com/mugzzi/posts/10159358928101514

Cela empire, cependant, et Mercola profite joyeusement des analogies bâclées de Moderna :

"Zaks fait une grande différence entre les vaccins conventionnels et les vaccins à ARNm en expliquant que lorsque vous utilisez un vaccin conventionnel, vous avez une protéine virale flottant à l'extérieur de la cellule, tandis que l'approche ARNm reprogramme la cellule pour créer cette protéine virale à l'intérieur.
« Quoi de plus alarmant ? » demande Mercola. « Un étranger rôdant dans le quartier, ou quelqu'un qui vient de pénétrer par effraction dans votre rez-de-chaussée et a déclenché l'alarme ? Voilà ce qui se passe avec un vaccin à ARNm. Vous avez déclenché l'alarme et la cellule compose le numéro de Police Secours, en même temps qu'elle fabrique la protéine en disant : « C'est le méchant ». Voilà comment fonctionne un vaccin à ARNm ».
Zaks fait également référence aux injections d'ARNm de la société Moderna comme de la « thérapie de l'information ». Ce qui n'est qu'une autre façon de parler de thérapie génique, car l'ARNm est un vecteur de code génétique.( Pour être plus précis, le code de votre ARNm naturel correspond à votre ADN, tandis que l'ARNm du vaccin n'a pas d'équivalent à l'intérieur de votre génome puisqu'il vient de l'extérieur. L'ARNm du vaccin porte toujours un « code génétique », mais rien de ce que l'on trouve normalement dans votre organisme.)"

L'analogie de Zaks avec un rôdeur n'a même aucun sens biologiquement parlant. Il semble assimiler l'ARN d'un vaccin à un « rôdeur » par rapport au « rôdeur » du virus à l'extérieur de la cellule. Il n'est pas étonnant que les antivax puissent si facilement retourner de tels propos contre les vaccins COVID-19, car Zaks semble sous-entendre que le corps est plus alarmé par l'ARN dans ses cellules que par les protéines étrangères circulant dans le corps. Quant à la « thérapie de l'information », j'ai l'impression de revenir aux années 80 un peu comme si je disais : « t'es chébran ».

Sérieusement, j'aimerais que Moderna oublie cette analogie. Cela a fait (et continue de faire) beaucoup de mal. Je comprends pourquoi il est intéressant de considérer l'ARNm comme un « logiciel », mais en réalité ce n’en est pas un. Si vous vouliez vraiment poursuivre l'analogie, je dirais que l'ADN est le logiciel, l'ARNm est la compilation de ce logiciel et la protéine est l'application, mais même là, c’est une analogie limite.

Cependant, quelle que soit la façon dont vous considérez cette analogie, cela permet à Mercola de sortir un de ses vieux sophisme antivaccin préféré, celui qui a été ressuscité pour les vaccins COVID-19 : à savoir que les vaccins sont du « transhumanisme », une affirmation des antivax que j'ai remarquée pour la première fois en 2012.

Sérieusement, regardez Mercola se répandre avec ceci :

"Dans la véritable mode technocratique et transhumaniste de la quatrième révolution industrielle, les Zaks et les autres promoteurs d'ARNm, considèrent le corps comme votre matériel, votre code génétique comme un logiciel et ces injections d'ARNm comme des mises à jour. Comme le note Patrick Wood dans un récent article de Technocracy News [autre site conspirationniste] :
« Pour être franc, c'est du transhumanisme pur et dur… Les scientifiques qui pensent qu'ils peuvent réécrire le code génétique [ses mots, pas les miens, pour tous ceux qui ne croient toujours pas que ces vaccins à ARNm changent le code génétique simplement parce que certains debunkers disent qu'ils ne le font pas] en croyant qu'ils peuvent améliorer la constitution génétique donnée par Dieu, entrent en territoire dangereux ...
Ces scientifiques croient vraiment que le corps humain n'est rien de plus qu'une machine qui peut être piratée et réorganisée selon les instructions de certains programmeurs… Qui peut dire qu'ils ne corrigeront pas un problème et ne créeront pas quelque chose de bien pire ? »

Et bien sûr, selon Mercola, le transhumanisme dû aux vaccins COVID-19 fait partie intégrante de la «grande réinitialisation» [« Great Reset »], une théorie du complot qui soutient que la pandémie a été conçue par les élites mondiales pour permettre une « réinitialisation » dans laquelle elles prendraient le contrôle de l’économie mondiale. Je ne peux m'empêcher de noter que « la grande réinitialisation » est un autre exemple de la façon dont des mots mal choisis, donnent un cadeau aux théoriciens du complot. « La grande réinitialisation » est, en réalité, un plan proposé pour la première fois par le Forum Economique Mondial [ou Forum de Davos] explorant comment les pays pourraient se remettre de la pandémie COVID-19.

Je rêve ou quoi ? Qui a choisi ces termes ? Qui chez Moderna a pensé que ce serait une bonne idée de présenter ses traitements comme du « piratage du logiciel de la vie », étant donné toutes les connotations négatives du piratage ?

Encore une fois, les mots ont un sens. Même si je ne veux pas être trop dur envers Moderna pour sa prudence dans son dépôt de dossier auprès de la SEC en utilisant un langage qui reflète les incertitudes réglementaires de l'époque, je ne peux que blâmer Tal Zaks et la direction de Moderna pour avoir utilisé des analogies aussi faciles à détourner, telles que « pirater le logiciel de vie » pour vendre son produit aux investisseurs. Je ne peux que blâmer le Forum de Davos d'avoir proposé un terme comme « Grande Réinitialisation ». Ces mots ont un sens, et ces mots ont été un cadeau pour les théoriciens du complot COVID-19 et un fardeau pour ceux qui tentent de contrer la désinformation.