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La préfecture de la Loire: plus de 160 ans d'histoire Relativement récent, le bâtiment de la préfecture semble surveiller la place Jean-Jaurès toute proche. Plutôt majestueuse en façade, la maison du représentant de l’état dévoile toute ses richesses une fois à l'intérieur.

Et si c'était le plus beau bâtiment de la ville ?

La préfecture, construite au tout début du XXe siècle encadre la place Jean-Jaurès côté nord en face de l'Hôtel-de-Ville. Le bâtiment est relativement récent comparé aux autres départements. Et pour cause... Saint-Étienne n'est préfecture de la Loire, département créé d'une scission avec le Rhône en 1793, que depuis le 1er janvier 1856. A la création du département, Feurs devient d'abord chef-lieu en récompense de son activité révolutionnaire. Mais très vite, dès 1795, Montbrison, véritable cœur du Forez, en récupère le titre puis le préfet et son administration lors de leur création par Napoléon en 1800. Ils s'installent dans l'ancien couvent et collège des Oratoriens, la sous-préfecture actuelle.

Pendant ce temps, poussée par la révolution industrielle, Saint-Étienne grandit, gagne des habitants, voit se créer des entreprises. Très vite, se pose deux questions : annexer les communes limitrophes (Valbenoite, Beaubrun, Montaud, Outre-Furan) et récupérer le titre de préfecture. L'idée fait son chemin et on en parle à partir des années 1830. Sans concrétiser dans un premier temps mais l'usage va précéder la décision officielle. Le 19 septembre 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, encore président (pas pour longtemps, il fera son coup d’état qui lui donnera le titre d'empereur en décembre) rencontre le préfet Ponsard à... Saint-Étienne et non à Montbrison. L'année suivante, en 1853, la Ville fait construire un nouveau bâtiment pour accueillir la sous-préfecture (installée alors dans une maison louée rue Mi-Carême) et peut-être, qui sait ? Une future préfecture. C'est aujourd'hui le Musée d'art et d'industrie.

Saint-Étienne préfecture

Comme une évidence, Louis-Napoléon Bonaparte, empereur des Français décide le déménagement de la préfecture dans la cité stéphanoise. Le nouveau statut prend effet au 1er janvier 1856 et accompagne l'annexion des communes suburbaines : Valbenoite, Beaubrun, Montaud, Outre-Furan deviennent des quartiers de la ville. Forte de ses industries, de sa démographie dynamique et l'immigration qui attire les travailleurs des régions voisines, Saint-Étienne devient officiellement, alors qu'elle l'est déjà dans les faits depuis plusieurs années, la plus grande ville de la Loire. Reste à loger le préfet. Celui-ci refuse de s'installer dans le bâtiment spécialement construit qui deviendra alors le Palais des arts : le musée de la ville.

C'est ainsi que le représentant de l’état va cohabiter pendant presque 50 ans avec le maire : les services préfectoraux emménagent dans l'aile nord de l'hôtel de ville. Les deux pouvoirs politiques, parfois en concurrence, cohabitent ainsi. D'un côté, le représentant de l'Empereur puis du président de la République qui est censé faire respecter la voix de l’état. De l'autre, le premier magistrat de la ville, une ville de plus en plus puissante et parfois moins encline à se soumettre à son voisin. C'est dans ces lieux que M. de l'Epée, tout juste nommé préfet de la Loire, arrive le 25 mars 1871 en plein pendant le soulèvement de la commune. Des échauffourées éclatent dans la soirée et les manifestants envahissent l'Hôtel-de-Ville. Des coups de feu sont tirés, le préfet, touché, s'effondre. Il meurt le jour de sa prise de fonction. L’État va se souvenir de la mort du préfet lors de la construction d'un vrai hôtel de préfecture...

La construction de la préfecture

Un concours d'architecte pour la construction d'un hôtel de préfecture est lancé en 1893. Eugène Huguet est l'homme choisi l'année suivante et propose les plans définitifs en collaboration avec Delorme. Huguet est un architecte reconnu, grand prix de Rome, membre de l'Académie d'architecture de Lyon et professeur à l’école de Beaux-arts lyonnaise. Un de ses élèves se nomme d'ailleurs Tony Garnier... Le conseil général, aussi concerné pour s'installer, approuve le projet. La première pierre est ainsi posée officiellement en août 1895. La Ville a fourni le terrain tandis que la construction est financée à part égale par le conseil général, l’état et l'administration des postes (qui occupera des locaux sur la Grand-rue jusqu'en 1969).

Le bâtiment prévu borde la place Marengo et les travaux nécessitent la démolition d'entrepôts où se garaient d'ailleurs des camions de pompiers. La rue de Roanne étant déjà construite, la future préfecture comportera trois côtés et sera mitoyen avec son voisin au nord. Son entrée ne donnera pas sur la place... mais sur la Grand-rue. La raison... le souvenir des émeutes de 1871. L'absence de recul sur une rue bien moins large qu'une place rendra difficile toute tentative d'intrusion violente par la foule.

Un nouveau palais urbain

La nouvelle préfecture, qui s'articule autour d'une cour carré mais sans jardin, est inaugurée le 11 janvier 1902. Son installation complète la place qui rassemble les lieux de pouvoirs : le politique avec l'Hôtel-de-Ville, l'éditorial avec la Loire républicaine sur la place et le Mémorial rue Gérentet et le religieux avec l'église Saint-Charles à proximité, sans compter le pouvoir économique représenté par tous les rubaniers installés autour de la place.

Représentant l'état, l'architecture est néo-classique (symétrie des constructions, peu d'éléments courbes, représentation de l'autorité) et utilise les nouveaux procédés de construction. Les poteaux, les planchers et les charpentes sont en acier et leur utilisation permet les grands volumes et accessoirement de faire appel aux industriels locaux.

La façade sur la place Marengo est encadrée de deux pavillons dont celui de droite abrite le bureau du préfet. Les sculptures sont inspirées par l'Antiquité romaine, source d'inspiration et de légitimité de la République. Outre des cartouches évoquant le pays des Ségusiaves (à l'origine du département) et la formation du département de la Loire, les armoiries des villes de Saint-Étienne, Montbrison et Roanne sont sculptées au-dessus des fenêtres. Plusieurs symboles représentent l'état : les guirlandes de feuilles de chêne (la droiture, la force), les têtes de lions (protecteurs, puissance martiale), les grappes de raisins (l'union). Plusieurs cartouches sont restés vierges puisque les décorations de façades n'ont jamais été terminées après la Première Guerre mondiale.

Sur la Grand-rue, l'entrée des garages est encadrée de chasse-roues puisqu'à l'ouverture, on circule à voiture à cheval. La partie publique est tournée vers la place, les espaces de travail et des domestiques (beaucoup de personnels sont nécessaires au Préfet au début du XXe siècle : femmes de chambres, cuisiniers, cochers...) sur la rue et la cour.

Les intérieurs sont aménagés plus tard et s'inspirent ainsi de l'Art nouveau d'avant-guerre (éclairage) et de l'Art déco des années 1920-1930 (verrières). A la construction, le Préfet occupe un appartement, dont les pièces en enfilade donnent sur la place, composé notamment d'un petit salon, d'un grand salon et d'une salle à manger. En 1960, le Préfet déménage au château de Cizeron à Saint-Genest-Lerpt, demeure en partie détruite par un incendie en 2014. A l'étage, la salle des fêtes est certainement une des plus belles pièces d'apparat du département, décorée de grandes toiles marouflées peintes par Jean-Paul Laurens : « Le peuple stéphanois en marche » et « L'entrée du roi François 1er à Montbrison ». C'est à ce même étage que les représentants du conseil départemental siègent. La salle comporte les 31 blasons des chefs lieux de cantons du département (certains manquent).

Si l'état depuis 1871 et avec la construction du bâtiment s'est longtemps méfié du caractère violent de la population, celle-ci s'est rarement attaquée à l'édifice. Les grèves des mineurs de 1947 et 1948 constituent les dernières manifestations violentes où les insurgés ont essayé d'y pénétrer. C'est aujourd'hui un édifice fréquenté essentiellement par les usagers en quête de démarches administratives. Dans probablement un des plus beau, voire le plus beau bâtiment du département de la Loire.

Les moments marquants de la préfecture dont les affrontements pendant la grève de 1947

Photos : Archives municipales de Saint-Etienne

Mise en page: Le Progrès

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