Loading

Les fantômes dans la région : esprits, êtes-vous là ? Dossier de Jean-Philippe Cavaillez.

Photo Pixabay

Est-ce que le Rhône est un lieu propice aux rencontres surnaturelles ? Et la Région ? Nous avons demandé à quelques spécialistes du paranormal.

« Pour nous, c’est ici que tout a commencé ». Deux jeunes hommes poussent la palette en bois qui fait office de portail de fortune et s’engouffrent dans le domaine. En bord d’étang, une imposante bâtisse se dévoile. L’endroit est charmant mais le bâtiment abîmé, tagué avec des déchets jonchant le sol. « C’est le problème, les gens dégradent tout », souffle l’un d’eux, dépité.

Ces deux frères isérois, Flo, 27 ans et Antho, 22 ans, basés à Crémieu à une cinquantaine de minutes de Lyon, s’intéressent de près aux phénomènes paranormaux. Depuis un an et demi, c’est sur les réseaux sociaux et leur chaîne youtube qu’ils partagent leur passion. « Notre grand-père a travaillé ici et c’est ici que nous avons fait notre première visite, notre première vidéo, se souviennent-ils. Ça compte. »

Un manoir dans le Beaujolais par-ci, un couvent par là, un sanatorium dans les Alpes ou une base militaire abandonnée dans la Loire servent de décor à leurs tournages. « On fait toujours une visite de jour, une de nuit et nous dormons sur place », explique Flo et Antho.

"Nous avons créé ces visites pour percer le mystère"

Férus d’histoire, amateurs d’urbex (la visite de lieux abandonnés), cartésiens malgré tout, les deux Isérois, armés d’appareils et de caméras, d’un drone et d’un détecteur de champ électromagnétique, aiment se confronter à l’inexplicable. Un son étrange, des rires d’enfants, des orbes, des portes qui se ferment.

« Le paranormal, cela impressionne toujours. Nous avons créé ces visites pour percer le mystère, raconter l’histoire du lieu et aussi sensibiliser les gens, faire en sorte qu’ils respectent les lieux, arrêtent de les piller », expliquent les deux hommes, également vidéastes à la ville.

Photo Jean-Philippe Cavaillez

Et pour le côté paranormal, des faits, seulement des faits, sans s’emballer ou émettre de jugements définitifs. « Juste voir ce qui se passe, dit Flo. Au début, nous étions un peu sceptiques. Au fur et à mesure, nous avons vécu des choses que nous ne pouvons expliquer ».

Des bruits de pas, des ombres...

Parmi celles-ci, plusieurs exemples. Un sanatorium abandonné où les deux hommes ont laissé tourner la caméra pendant qu’ils dormaient sur le site. « En dérushant, on entend clairement des bruits de pas autour de nous. » « Dans une base militaire de l’Ain (à Ambronay, ndlr), nous avons vraiment été pris de panique », en voyant des poignées de portes qui bougent, des ombres, des orbes.

Et de se souvenir également de leur visite de l’ancien couvent des Ursulines, aux confins de l’Isère et de la Drôme, devenu colonie de vacances puis abandonné. Un lieu prisé des urbexeurs, dangereux (plusieurs accidents y ont déjà eu lieu). « Il y a des bruits que nous ne pouvions expliquer, une ambiance très particulière… », note le duo, qui partait quelques jours après notre rencontre pour deux explorations dans le secteur de Dijon.

Photo Jean-Philippe Cavaillez

Et dans le Rhône ? Les lieux sont-ils plus rares ? Le duo a fait quelques visites, notamment dans le Beaujolais, mais se tourne le plus souvent vers d’autres secteurs. « C’est assez frustrant », note de son côté Nicolas Le Breton, guide-conférencier, qui organise des visites sur le Lyon ésotérique.

« A Lyon, nous les avons invoqués »

« A Lyon, c’est difficile de trouver des lieux hantés. Ici, les fantômes, nous les avons invoqués. Il y a eu une vraie folie du spiritisme dans cette ville. » Après 18 ans à guider dans le tourisme traditionnel, Nicolas Le Breton a créé « Histoires décalées » et emmène ses clients dans les rues de la ville sur des thèmes originaux : « sorcellerie et occultisme » et bientôt « mages et humanistes ». Il s’est plongé dans ces histoires après « une proposition de livre, qui ne s’est pas fait. » « J’ai tiré le fil, et tout est venu », glisse-t-il.

Nicolas Le Breton. Photo Philippe Juste

Alors, Lyon, place forte du spiritisme, manquerait de lieux réputés hantés ? Probablement, même si certains sites reviennent le plus souvent pour les histoires de fantômes. En ville, on pense à l’église du Bon-Pasteur, aux forts de Vaise et de Loyasse, le cimetière de Loyasse, le Château Perrache ou le Palais Saint-Pierre.

« Il y a aussi le fantôme du Château de Pierre Scize, qui n’existe plus », ajoute Nicolas Le Breton. Là, face à la Saône, au niveau de la statue de l’Homme de la Roche, se dressait sur un promontoire une forteresse, à la fois prison et résidence. Le marquis de Sade y fit un séjour en 1768. Aujourd’hui, le bâtiment, détruit à la Révolution n’existe plus. Mais les histoires restent. Comme autour de Lyon, à Poleymieux-au-Mont-d’Or, Chessy, Oingt ou Saint-Véran.

L’esprit du Palais Saint-Pierre

Aujourd’hui, c’est le musée des Beaux-Arts de Lyon et son jardin, havre de paix pour les flâneurs. Mais avant la Révolution, il s’agissait de l’abbaye de Saint-Pierre-les-Nonnains, aristocratique, abritant des moniales issues de la haute noblesse. Au XVIe siècle, la discipline n’est pas le fort des occupantes : les sœurs vivent en dehors du couvent dans des hôtels particuliers, les mœurs sont légères... Sommées de reprendre une vie plus en adéquation avec leur statut, elles contestent. En 1516, il est décidé de les expulser et de les remplacer par des religieuses moins bien nées.

Un exorcisme contre l'esprit malin

Peu après, en 1526 ou 1527, une pensionnaire, Antoinette de Grolée fit une rencontre. Adolphe Vachet, dans son ouvrage « Les anciens couvents de Lyon », raconte : « Une nuit, Antoinette fut réveillée par le bruit de ses rideaux s’ouvrant sous une main étrangère, et sentit un baiser. Elle se tut sur cette aventure. Quelques jours après, elle entendit du bruit autour d’elle, et sentit frapper de petits coups sous ses pieds. L’abbesse, avertie, somma l’esprit de signaler sa présence par un certain nombre de coups ; au même instant, on entendit le nombre de coups demandé. On ne pouvait plus douter de la présence de l’esprit malin, on dut procéder à l’exorcisme ».

L’âme déclare être celle d’Alix de Tézieux, ancienne secrétaire de l’abbaye, morte dans un village des environs de Lyon dans des conditions misérables. Elle réclamait « le pardon de l’Église et des religieuses, pour être délivrée des 33 années de purgatoire auxquelles elle était condamnée ». Certains ont pointé un canular pour effrayer les religieuse, qui, note Vachet, « eurent dès lors un grand zèle pour les observances régulières. »

Photo Archives Le Progrès

Marie-Aimé, le corsaire de Poleymieux-au-Mont-d’Or

Marie-Aimé Guillin-Dumontet, c’est un destin hors du commun et une fin tragique. Mousse dans la marine royale dès son plus jeune âge, corsaire auprès du marquis de Roux, commandant de deux navires pour la « Compagnie française des Indes », décoré de la croix de Saint-Louis, il devient ensuite gouverneur de l’Isle de Saint-Vincent, au Sénégal. De retour en France, il s’installe en 1786 au Château de Poleymieux-au-Mont-d’Or.

Photo Philippe Juste

La Révolution arrive. Frère d’un monarchiste convaincu, Antoine Guillin-Dumontet, Marie-Aimé est soupçonné d’être un soutien de Louis XVI. Le 26 juin 1791, à l’occasion d’une nouvelle perquisition de son château, une foule s’amasse et la situation dégénère. Guillin-Dumontet tire dans la foule. En retour, il est massacré à coups de fourche et de crosse de fusil, puis mis en pièces par un boucher.

Un spectre décapité et menaçant autour du château

Selon la légende, sa tête est portée en triomphe à Couzon et son cœur emmené à Neuville-sur-Saône où il aurait été servi dans une auberge. Son fantôme, lui, serait resté à Poleymieux, comme l’évoque le baron Achille Raverat, dans son livre « Autour de Lyon », « N’a-t-on pas vu, dans les nuits sombres, le spectre décapité du dernier seigneur de Poleymieux, errer autour du château, et menacer du geste ? »

Terminus, le passé comme fardeau
Photo Le Progrès

Situé à quelques dizaines de mètres de la gare de Lyon-Perrache, le Château Perrache impressionne. L’ancien Terminus, construit au début du XXe siècle sur un cours de Verdun qui n’était pas encore balafré par l’échangeur autoroutier, est aujourd’hui un hôtel Mercure.

L'impression que quelqu'un tire les draps

Dans un billet sur son blog, l’hôtesse de l’air et auteure québécoise Elizabeth Landry raconte ses escales au Château Perrache et les enrichit d’anecdotes glissées par d’autres personnels de bord : des grattements dans les murs, l’impression que quelqu’un tire les draps, des silhouettes en promenade dans les couloirs ou qui apparaissent aux fenêtres… Bref, c’est une escale qu’elle redoute.

Et la blogueuse de rappeler la tristement célèbre histoire du lieu, qui fut réquisitionné en novembre 1942 par les autorités allemandes pour devenir le siège de la Gestapo lyonnaise. C’était depuis le Terminus que la section IV du funeste Klaus Barbie, le « boucher de Lyon », se démenait pour briser la résistance lyonnaise.

Une dame blanche à la Croix-Rousse

La dame blanche, un grand classique de l’épouvante. Et Lyon aurait la sienne, à la Croix-Rousse. Selon le journal Le Réparateur , en 1840, une dame blanche s’est montrée, cette année-là, sur les hauteurs de Lyon.

Sur les remparts nord de la ville, là où se trouve désormais le boulevard de la Croix-Rousse, le correspondant du journal raconte qu’elle se promenait « silencieusement près de l’un des forts qui nous dominent ».

Puis elle disparut en criant : « Malheur, malheur, malheur à vous tous ! »

Selon le récit, elle est passée près d’une sentinelle quatre fois, avec quatre objets symbolisant les fléaux qui menacent la ville : une coupe remplie d’eau pour les inondations, une torche pour la peste, un pain pour la famine et enfin un glaive pour la guerre. Puis elle disparut en criant : « Malheur, malheur, malheur à vous tous ! » Quelques mois plus tard, le Rhône et la Saône connurent une de leurs plus grandes crues. En revanche, point de peste ni de famine… et la guerre attendit un siècle. Quant à la dame blanche, personne de l’a revue.

Illustration DR

Trois châteaux, un fantôme ?

Une dame blanche sanglotant près de la chapelle de Prony à Oingt, un fantôme sur les tours du château de Courbeville à Chessy et des bougies éteintes dans une chambre du Château de la Garde à Saint-Véran. Trois châteaux, un seul esprit ?

Un adultère et des remords

XVIIe siècle. Après avoir passé deux ans dans l’armée, Gaspard de Mornieu est de retour à Prony. Il s’attend à retrouver son épouse, Claire de Saillans, et ses deux fils. Mais la jeune femme s’est consolée dans les bras d’un futur chevalier, Jean Curtil. Enceinte (sa fille fut confiée à une nourrice), elle se réfugie au Château de la Garde à Saint-Véran.

Gaspard répudie son épouse, emprisonnée à Roanne, avant d’être condamnée à séjourner au couvent des filles pénitentes de Lyon. Finalement réconcilié, le couple s’installe au château de Courbeville à Chessy, où Claire était née. Elle y est morte sans avoir réussi à retrouver sa fille illégitime, dont le souvenir l’a hantée toute sa vie.

Photo d'illustration Pixabay

Credits:

Created with images by Stefano Pollio - "krisis" • HiQ-Visions - "house old haunted house haunted castle abandoned"

Report Abuse

If you feel that this video content violates the Adobe Terms of Use, you may report this content by filling out this quick form.

To report a Copyright Violation, please follow Section 17 in the Terms of Use.