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Musique, éveil et réussite scolaire au diapason Orchestre à l’école en Côte d’Or (21)

Pour fêter la musique, le CGET s’est rendu à Chenôve, aux portes de Dijon (21). Histoire de découvrir les classes orchestres du Mail, son quartier prioritaire en renouvellement urbain, et celles de Montbard, une petite ville rurale située à quelque 80 km de là.

Pour la première fois, les petits musiciens de CE2, CM1 et CM2 ont joué de concert, guidés par leurs professeurs de musique et enseignants, dans le cadre du projet éducatif « Orchestre à l’école ».

Et ils ont joué dans un bel espace : la grande scène du Cèdre, lieu de cultures et de rencontres qui fait le trait d’union entre le quartier et le reste de la ville. Il héberge le conservatoire municipal.

Depuis près de vingt ans, le dispositif « Orchestre à l’école » vise à rendre accessible la pratique musicale en orchestre à des enfants de milieux modestes, souvent éloignés de la culture. Pendant trois ans, du CE2 au CM2, les écoliers se voient prêter un instrument de bonne facture et se consacrent à la musique sur leur temps scolaire, au rythme de deux heures par semaine.

En France, plus de 1 200 classes orchestres fonctionnent. La Bourgogne-France-Comté en compte 67, dont cinq situées en Côte d’Or. À Chenôve, banlieue de Dijon de 15 000 habitants, les deux orchestres à l’école se trouvent en Réseau d’éducation prioritaire renforcée (Rep+). Petite ville rurale traversée par le canal de Bourgogne, Montbard a, elle, ouvert sa première classe orchestre en 2001…

Philippe Guillaume, directeur de l’école Joliot-Curie, à Montbard

« À l’origine, le projet est né de la volonté d’inclure notre école, qui se situe dans un quartier excentré de logements sociaux, dans une démarche culturelle qui impliquait parents et enfants, issus de familles souvent défavorisées, à l’époque.

Aujourd’hui, 52 élèves sur la centaine que compte l’école bénéficient de trois classes orchestres. C’est le seul groupe scolaire de la commune à y participer. Ce dispositif a renversé l’image du quartier, et les élèves le ressentent. Ils en sont fiers.

Les parents sont très impliqués. L’école de musique de Montbard leur prête un instrument pour leur enfant. Cela crée un lien de confiance entre l’école et les familles ; ça les responsabilise également.

Chez les élèves, la pratique de la musique en orchestre développe l’esprit de cohésion et d’équipe. Cette discipline nécessite d’être à l’écoute de soi et des autres, et de communiquer en utilisant un vocabulaire qui n’est ni courant ni celui de l’école.

Les enseignants jouent avec eux. Devant les professeurs de musique, ils deviennent des élèves à leur tour. Cette égalité facilite le rapport entre les élèves et l’équipe pédagogique.

Les enfants ont plaisir à jouer en commun, comme cet après-midi avec les autres musiciens de Chenôve, qu’ils ne connaissaient pas. Et, pour eux qui viennent rarement à la ville, répéter et jouer dans un lieu comme Le Cèdre, c’est une belle découverte ! »

Camille, 9 ans, flûtiste en CE2 (1re année de pratique)

« J’ai découvert l’orchestre grâce à l’école. J’étais très excitée ! J’ai choisi la flûte traversière car je trouve cet instrument très mélodieux. En plus, c’est dur à jouer, et j’aime bien me donner des défis. Je suis très fière de jouer. Dans ma famille, je suis la première à le faire. Mes parents sont contents pour moi. »

Lubin, 11 ans, clarinettiste en CM2 (3e année de pratique)

« J’ai toujours eu envie de jouer un instrument. J’ai été surpris de découvrir qu’il y avait un orchestre dans mon école. J’ai eu de la chance ! Au début, j’ai essayé plusieurs instruments : violoncelle, tuba, clarinette. Parfois, c’est fatiguant. Mais, c’est génial de partager ça avec d’autres personnes. Mon petit frère va bientôt choisir son instrument… »

Marc Kurzmann, directeur du conservatoire à rayonnement communal (musique, danse et théâtre) de Chenôve

« Nous avons rejoint le dispositif « Orchestre à l’école » à partir d’un constat : quelque 700 élèves sont dans les écoles en Réseau d’éducation prioritaire renforcée, à Chenôve. Or, peu d’entre eux, voire pas un seul, n’était élève du conservatoire, tandis que près de 50 % des élèves des autres écoles de la ville y étaient.

L’association « Orchestre à l’école » nous aide en achetant le parc instrumental, et les collectivités financent les professeurs ainsi que le transport pour les élèves qui viennent en tram ou en bus. Au total, 12 enseignants travaillent avec les enfants au sein d’un orchestre à vent et d’un orchestre à cordes. Ce sont des ensembles comme les autres. Ils participent à la vie du conservatoire où les deux types de publics se côtoient.

À partir d’un travail très collectif, notre objectif est que chaque enfant, pendant les trois ans où il sera en classe orchestre, puisse pratiquer un instrument, découvrir des œuvres en accédant aux concerts (pour attirer les familles, Le Cèdre offre une place à l’enfant et une autre à l’un de ses parents) et rencontre des artistes. »

Entre oralité et écrit, une pédagogie adaptée

Classiquement, l’étude de la musique au conservatoire se fonde sur la pratique individuelle, avant de jouer avec un ensemble, et sur l’apprentissage du solfège. Au sein des classes orchestres, l’apprentissage repose d’abord sur un projet collectif, avant une éventuelle pratique individuelle, et sur le développement de l’autonomie, à partir d’une pédagogie plus ludique.

« Ce dispositif nous oblige à remettre en cause notre pédagogie traditionnelle. Avant, on était dans l’exigence artistique, désormais le bien-être de l’enfant prime. Chaque professeur de musique fabrique sa propre méthode et adapte son enseignement », indique Marc Kurzmann, le directeur du conservatoire municipal de musique, danse et théâtre de Chenôve.

Dans les différentes classes orchestres de Chenôve et de Montbard, les enseignements ne sont pas identiques, par exemple. Quand les uns recourent à l’écrit et au solfège, d’autres s’appuient sur l’oralité et le mouvement (chanson, improvisation dirigée via le sound painting…). Résultat : très peu d’abandons d’enfants.

Et cette approche essaime : le conservatoire d Chenôve a adapté ce dispositif à la danse, avec une classe de CE2 en Rep+, et bientôt au théâtre, à la rentrée 2018.

Emmanuel Richardot, professeur de violoncelle au conservatoire et responsable de l’orchestre à l’école à cordes

« Au début de cette aventure, qui va durer trois ans, nous avons observé les 17 enfants de CE2 de l’orchestre à cordes, lancé en septembre 2017. On s’est très vite aperçu qu’ils étaient très motivés ! Avec leurs enseignants et mes collègues, nous avons donc choisi d’avoir une pratique rapide pour leur permettre de vite exécuter des morceaux faciles à jouer, mais spectaculaires. L’apprentissage se fait autour de jeux, sans utiliser de partition. Dans ce quartier, les enfants proviennent de douze nationalités différentes. Avec la musique, on parle tous la même langue !

La vie de l’orchestre demande une grosse discipline, que les enfants n’ont pas toujours dans leur vie quotidienne. Nous avons le même niveau d’exigence envers eux qu’avec nos autres élèves du conservatoire. Cette exigence les valorise. »

Un levier de cohésion dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux

Le dispositif « Orchestre à l’école » a été initié en 1999, et l’association du même nom a été créée en 2008. Tête de réseau et centre de ressources, elle s’attache à faire de la pratique musicale collective régulière un levier contre les difficultés scolaires et l’exclusion sociale. L’association, qui a signé une convention pour trois ans avec les ministères chargés de la Ville et de la Culture en 2017, intervient dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux.

En mai 2018, l’association a été retenue, avec le dispositif Demos*, pour développer cette pratique dans le cadre du plan national « Tous musiciens d’orchestre » du ministère de la Culture. Dans ce cadre, 100 nouveaux orchestres verront le jour.

* Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale. Initiée en 2010, Démos est coordonné par la Philharmonie de Paris, avec le soutien notamment des ministères de la Culture, de la Cohésion des territoires et des Outre-mer. En savoir plus sur Démos.

Les chiffres clés de 2017

1 230 orchestres à l’école, dans toute la France

33 500 élèves bénéficiaires

235 000 heures de cours dispensés sur le temps scolaire

57 nouveaux orchestres créés : 1 en lycée, 19 en collège et 37 en primaire

614 villes, 93 départements et 15 régions impliqués, en métropole et outre-mer

Questions à

Marianne Blayau, directrice déléguée de l’association « Orchestre à l’école »

Comment intervient votre association pour créer un orchestre à l’école ?

Depuis 2008, notre association s’est donnée pour mission de faciliter le montage des classes orchestres par les porteurs de projet, sur tout le territoire. Cela implique de faire un diagnostic des besoins et des moyens disponibles, de repérer les acteurs locaux à fédérer autour du dispositif (commune, école, inspection académique, conservatoire, association de parents d’élèves…). Nous les accompagnons en termes d’ingénierie, de ressources, d’outils et de formation.

L’association achète et prête les instruments à chaque élève des classes orchestres, avant de les donner au bout de six ans, si l’action perdure.

Pourquoi avoir choisi de développer votre dispositif sur le temps scolaire ?

Au-delà de l’ouverture à la culture et à la pratique instrumentale, notre objectif est pédagogique. Le travail en orchestre permet aux enfants d’acquérir des compétences qu’ils n’arriveraient pas à obtenir dans un enseignement traditionnel. Cela participe également à l’inclusion sociale et à l’insertion scolaire. Devant l’instrument, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises notes : tous les enfants sont au même niveau, égaux. Ils sont tous des musiciens.

Cette pratique collective leur apporte de la rigueur, de l’écoute et valorise leurs efforts et leurs aptitudes. La musique leur donne de la confiance et le goût de s’investir dans ce qu’ils font.

Par ailleurs, cet enseignement sur le temps scolaire noue un lieu entre l’école et les parents. C’est dans l’enceinte de l’établissement que ces derniers viennent signer le contrat de prêt de l’instrument. Cela fait entrer à l’école des parents que, souvent, les enseignants ne voient jamais. Et ce n’est pas pour une convocation à cause d’un problème scolaire ! Cela se déroule dans un contexte positif.

Votre approche se veut très ancrée dans les territoires.

Oui, comme ici à Chenôve, la création d’un orchestre implique de nombreux acteurs locaux : les élus, les établissements scolaires, le conservatoire de musique, le centre culturel Le Cèdre, mais aussi la société de transport de l’agglomération de Dijon, qui prend en charge les trajets des enfants, et les artisans du territoire. En effet, les luthiers qui entretiennent les parcs instrumentaux sont toujours du coin.

Cette démarche permet aussi de nouer des liens avec différentes structures et s’inscrit dans la vie du territoire : les enfants jouent dans des maisons de retraite, lors des cérémonies officielles, etc.

Cet ancrage est tellement important que, à Gorron, petite ville de Mayenne située dans une zone très peu dense, l’orchestre a permis d’éviter la fermeture d’une classe. Dans ce département rural, où le Conseil départemental (qui finance 50 % du parc instrumental) et le rectorat sont très investis, un collège a vu ses effectifs augmenter grâce à la classe orchestre.

En savoir plus sur l'association : www.orchestre-ecole.com

Sur le plan « Tous musiciens d’orchestre », (re)lire notre article (24/05/18).

10 ans en fanfare

L’association « Orchestre à l’école » a fêté ses 10 ans sur la scène de l’Olympia, à Paris, en mai 2018. Les petits musiciens se sont produits avec leurs parrains respectifs : les musiciens professionnels Vincent Segal, Airelle Besson, Les Motivés, etc. Retour sur l’événement.

Le second volet de cet anniversaire se déroulera au château de Fontainebleau, avec six orchestres sélectionnés pour une déambulation musicale, le 24 novembre prochain. En savoir plus sur ce rendez-vous.

La culture, trait d’union entre le quartier prioritaire et le reste de la ville

Le quartier du Mail est le seul quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) de Chenôve. Quelque 5 000 habitants y vivent sur les 15 000 Cheneveliers que compte la ville. Engagé dans un ambitieux projet de rénovation depuis 2005, il a été retenu parmi les 200 quartiers d’intérêt national du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Le quartier se transforme jusqu’à devenir le nouveau centre-ville avec l’arrivée du tramway, en 2012, et louverture de lieux de culture. Ces lieux sont sources d’attractivité et font le trait d’union entre les habitants du quartier prioritaire et ceux des zones pavillonnaires.

« Parce que, historiquement, Chenôve s’est construite sur la juxtaposition de quartiers divers, il est important d’agir pour construire une urbanité cohérente sur le territoire. En nous appuyant sur le renouvellement urbain, nous avons voulu, par exemple, recréer une centralité dans la ville. Nous avons choisi d’y implanter Le Cèdre, un lieu de cultures et de rencontres, qui héberge le conservatoire et la direction des Affaires culturelles de la ville, accueille des spectacles, une troupe de hip hop en résidence…

À Chenôve, comme ailleurs, la politique de la ville doit être efficace en termes d’emploi, de cadre de vie, d’urbanisme, mais aussi d’accès à la culture et d’ouverture aux autres. C’est un axe central d’émancipation, notamment des plus jeunes. Elle doit permettre à chacun de vivre en ville, de vivre sa ville. »

Thierry Falconnet, maire de Chenôve

« Avec la présence du Cèdre, ce quartier prioritaire devient un quartier à part entière de la commune, de la métropole dijonnaise et du bassin de vie. Ce centre culturel est un pôle qui renforce l’attractivité du quartier et son rôle de centralité urbaine : ses activités attirent un nouveau public au Mail, et il s’implique dans la vie de ce quartier de la politique de la ville.

En soutenant les orchestres de deux écoles en Réseau d’éducation prioritaire renforcée, ce lieu participe à un projet éducatif global et fédérateur. Un projet éducatif et musical qui permet aux habitants de devenir des acteurs du territoire.

Cette action contribue à la cohésion sociale et à la lutte contre toutes les formes de discrimination et les inégalités sociales. Elle ouvre le champ des possibles des enfants musiciens et de leurs familles. »

Bruno Ygaunin, délégué du préfet

« La ville de Chenôve s’est investie dans les orchestres à l’école car elle s’attache à développer des projets qui coordonnent des personnes et des pratiques différentes. Et la présence du Cèdre met la musique et du beau dans la ville. Ce lieu, situé en quartier prioritaire, contribue à donner accès à la culture.

Désormais, c’est devenu banal de voir un enfant sortir d’ici avec son violoncelle sur le dos et entrer dans un immeuble social du Mail. C’est entré dans les mœurs ! C’est l’esprit de la politique de la ville. »

Eddy Gaillot, directeur du Cèdre et des Affaires culturelles de Chenôve

Le Cèdre, lieu de cultures et de rencontres

Situé en lisière du quartier prioritaire du Mail et face à la mairie, le centre culturel accueille entre 800 et 1000 visiteurs par semaine pour diverses activités. Il héberge notamment le conservatoire à rayonnement communal, qui forme 550 élèves en musique, danse et théâtre. Avec sa programmation culturelle, ce lieu reçoit près de 100 000 visiteurs par an. En 2018-2019, il ouvrira sa 5e saison.

Découvrir Le Cèdre

Created By
Communication du CGET - Juin 2018
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Credits:

© N. Kharbache/Communication CGET - Visite organisée avec le bureau de la promotion de la citoyenneté et de la prévention des discriminations de la direction de la Ville et de la Cohésion urbaine du CGET

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