Les secrets du couvent de La Visitation De MAYENNE

Aujourd'hui, les Mayennais connaissent La Visitation comme le bâtiment qui abrite une quarantaine d'associations de la ville. Mais, de 1818 à 1998, c'était le couvent des sœurs Visitandines. Visitez ce lieu unique en images et découvrez son histoire et ses secrets au fil des anecdotes.

Un peu d'histoire

Ce bâtiment a été construit en 1606. En le visitant, on peut encore voir la pierre fondatrice. Il a été occupé jusqu'en 1792 par les moines capucins, avant d'être abandonné. Le 15 septembre 1618, des sœurs débarquant d'Alençon sont venues s'y installer. Les archives relatent que, ce jour-là, leur père spirituel lança : « Entrez dans votre enceinte mes très chères filles et n'en sortez que pour l'éternité. »

L'entrée du bâtiment était sécurisée. Ainsi, il faut utiliser trois clés différentes pour franchir cette porte, sur laquelle les mots prononcés en 1818 ont été affichés. En réalité, ce n'était pas pour se protéger de l'extérieur, mais bien pour empêcher les sœurs de s'échapper. Il y avait même des suicides, des filles qui se jetaient par les fenêtres. Dans les quarante dernières années, celles qui souhaitaient partir pouvaient le faire librement. La sœur assistante a raconté à Michel Angot, le maire de Mayenne, l'ancien temps :
« Vous savez, ici, on n'a pas toujours mis des jeunes filles qui avaient envie d'être sœurs. Pendant très longtemps, on mettait des gens qui gênaient dans la famille pour des problèmes de succession ; ou on avait décidé que dans les familles nombreuses, il y en avait un qui devenait curé ou bonne-sœur. Ça permettait de ne pas partager le patrimoine. Quelques fois, la jeune fille était amoureuse de quelqu'un qui ne convenait pas aux parents. Alors c'était la punition de la mettre dans un tel établissement. Parfois, la jeune sœur avait la visite de son galant, qui essayait d'entrer à l'intérieur pour récupérer sa bien-aimée. Une s'est même échappée et mariée. »

La chapelle

Cette chapelle était ouverte au public. Des messes en latin étaient célébrées ici. À leur départ, le couvent et la chapelle ont été désacralisé : tous les objets du culte, les tableaux et statues ont été retirés. Ils ont été redistribués dans d'autres chapelles, églises et couvents. Voici la seule statue qu'il reste. La photo d'archive montre qu'une autre statue était présente jadis.
L'autel étant un élément sacré, il fallait supprimer la table sur laquelle le prêtre officiait. La tablette a donc été supprimée, mais le devant de l'autel a été plaqué sur le fond.
Les sœurs n'assistaient pas aux messes ici. La chapelle a en effet une partie publique et une partie privée : une grille les séparaient des civils. Le public ne voyait pas les sœurs, mais pouvait les apercevoir au moment de la communion, puisque la baie vitrée du milieu était ouverte à ce moment là.
Voici la partie de la chapelle où se rendaient les sœurs. La visibilité sur la chapelle publique est assurée grâce à trois baies vitrées qu'il est possible d'ouvrir. À l'origine, elles étaient complètement barricadées, mais les règles se sont assouplies après les mesures de Vatican II. Elles y venaient librement toute la journée pour prier. Le vitrail a été refait après la Seconde Guerre mondiale et les bombardements.

Le quotidien

Les journées étaient rythmées par les six offices obligatoires. Elles parlaient très peu et n'avaient le droit qu'à deux récréations : une demi-heure le matin et une autre demi-heure l'après-midi, seul moment où elles étaient autorisées à parler librement. Le maire de Mayenne, Michel Angot, se souvient :

« Il y en avait une qui mobilisait la parole et qui était médisante. Mgr l’a bien dit : elle sera punie un jour ! disaient les autres sœurs. »

Chacune avait sa spécialité : vu qu'elles vivaient en autarcie, elles avaient toutes un rôle. Ainsi, une sœur passait ses journées à repriser le linge et repasser, une autre jardinait dans l'immense jardin potager cultivé à l'extérieur, une autre s'occupait des vaches et des cochons, des volailles et du cheval, une autre était boulangère et se servait du four à pain, une autre était cordonnière... « Alors elle, ses chaussures tenaient beaucoup plus longtemps que celles des autres ! », commente Michel Angot.

Tous les quatre ans, elles votaient pour élire une nouvelle sœur supérieure. « Elles n'étaient pas toujours tendres entre elles, elles réglaient leurs comptes aux élections », note le maire dans des archives.

Le four à pain, situé à l'extérieur, à côté du jardin potager.

Le cimetière

Ce cimetière a été complètement désaffecté. Grâce à cette photo d'archive, on sait que les tombes étaient toutes identiques et fleuries de roses blanches.

La crypte

L'entrée de la crypte

Dans cette crypte sont enterrées depuis l'origine les sœurs supérieures. Une plaque indique que « repose ici le corps de notre très honorée Mère Marie Hochet », la seconde mère supérieure de ce couvent.

La fouille de la crypte n’a dévoilé aucun reste d’os. Pourtant, une Mayennaise racontait jadis que son grand-père avait cassé son sabot en aidant les sœurs à enterrer ici une autre sœur.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le couvent fut bombardé et la totalité des sœurs sont venues se réfugier ici.

Et en vidéo...

Le cloître

Le cloître est en bon état, mais les sœurs ont arrêté de l'utiliser lorsqu'elles ont eu le chauffage. Ce dernier était régler pour ne pas dépasser 13 degrés. Avant cela, pendant un siècle et demi, elles ont vécu ici sans aucun chauffage.

Les chambres

Toutes les chambres sont maintenant des bureaux d'associations, sauf une, qui a été reconstituée. Elles étaient toutes faites sur le même modèle. Seule la chambre de la sœur assistante, la vraie commandante de l'unité, était équipée d'un téléphone. C'était d'ailleurs toujours cette chambre que les visiteurs voyaient, comme la Sœur assistante l'a naguère confié au maire :

« Chez moi, c'est toujours bien propre. Il y en a qui sont moins bien tenues. »
Dans ces cellules de 8 ou 9 m², elles ont bricolé les sommiers. Ces derniers faisaient au départ 120 cm de large, mais elles les ont réduit à 90 cm, histoire d'avoir moins de confort.
Dans le couloir principal de cette partie du couvent, il y avait une grande croix où il était noté : « Il m'a aimé, il s'est livré pour moi. » Aussi, chaque chambre avait une plaque avec le nom d'un Saint.

Les novices vivaient d'une manière différente des sœurs cloîtrées qui avaient prononcé leurs vœux. Accompagnées au quotidien par « la maîtresse des novices », elles avaient dans le bâtiment toute une partie qui leur était réservée. Puis, elles prenaient le voile, prononçaient leur vœux et étaient alors intégrées définitivement.

Les parloirs

Une photo des treize Soeurs avec l'ancien maire de Mayenne Claude Leblanc, et le maire actuel, Michel Angot, prise au parloir général.

Le parloir aujourd'hui. Les familles pouvaient rencontrer ici les sœurs cloîtrées. À l'entrée, se trouve une petite grille avec une sonnette que le visiteur actionnait. Là, une sœur tourière apparaissait au guichet et appelait la sœur demandée.

Après les mesures de Vatican II, la règle concernant les visites s'est assouplie. Jadis, elles ne pouvaient voir leur famille que deux fois par an, pendant une heure et en présence d'une autre sœur. Le tout avec seulement cinq minutes en relevant le voile. Aussi, elles ne pouvaient pas voir n'importe qui : seul le père, la mère, les frères et les sœurs étaient autorisés. Lors des dernières décennies, c'était beaucoup plus cool : les sœurs pouvaient être seules au parloir, quand elles le souhaitaient. Elles prenaient du Nescafé avec leur famille.

Le réfectoire

Dans cette pièce, régnait le silence complet. Sauf les jours de fêtes, où quelques fleurs étaient disposées sur la table et elles pouvaient parler : c'était les jours des fêtes de Saint François-de-Salles, de Sainte Jeanne-de-Chantal et le jour anniversaire de l'apparition de Notre-Dame de Pontmain.

Le grenier

À l'époque des sœurs, le grenier servait de séchoir à linge. Pendant la guerre 1939 - 1945, les Allemands l'ont occupé. Aujourd'hui, certaines parties ont été aménagées, comme celle-ci pour faire de la danse, mais beaucoup restent inutilisées.

Les objets trouvés

Puisque tout a été emporté, il n'a été retrouvé que quelques rares objets, oubliés par les sœurs, comme ce grand porte-cierge. Mais les photos d'archives montre qu'elles en possédaient beaucoup. Elles avaient même un petit musée et une bibliothèque qui contenait des documents datant de 1600.

Dans leur musée, elles avait une calotte blanche : la calotte papale de PIE X.
« Monsieur Angot, ce n'est pas difficile d'avoir une calotte du Pape. On la lui mettait un quart d'heure sur la tête, puis on disait que c'est la calotte du Pape. »

Les fenêtres

Un ouvrier, qui avait repeint les fenêtres, en avait compté 350 dans le couvent. Il y avait des panneaux à certaines fenêtres, destinés à empêcher les sœurs d'avoir vue sur la rue, sur le monde extérieur.

« Pourtant, un soir, elles ont appelé les pompiers. Des jeunes étaient entrés dans l’école, pour voler et piller. Ils avaient allumé des bougies qui ont causé un départ de feu. En alertant les secours, elles ont sauvé l’école »

Le puits

L'entrée du puits est située devant le bureau de la sœur supérieure, à l'extérieur. un escalier permet d'y descendre. Dans les années 80, il a été pollué par du fuel.

L'argent

Les sœurs Visitandines gagnaient entre 18 000 et 21 000 Francs par an. Puisqu'elles devaient déjà 80 000 francs de chauffage, c'était très faible. Certaines touchaient des retraites car elles avaient travaillé dans le privé avant d'être sœurs, d'autres étaient déclarées dans une activité de fabrication d'hosties et certaines avaient monté une école de broderie et de couture. Elles recevaient aussi des dons.

La cloche

« La dernière chose qui a été retirée lorsque tout a été désacralisé, c’est la cloche, nommée Marie-Joseph », précise Nathalie Bouvier, de l’association Patrimoine du Pays de Mayenne.

Les Capucins

Il reste quelques traces du passage des moines capucins. Lorsqu'elle passait au-dessus de leur cimetière, une des très vieilles sœurs avait l'habitude de dire :
« Mes sœurs, lorsque nous marchons dans ce couloir, nous marchons sur le corps de nos frères. »

Les élections

En période d’élections, elles allaient toutes voter, dès l’ouverture des bureaux. « Un jour, elles se sont trompées et elles ont voté communiste : le père leur avait dit « toujours à droite » et elles ont pris le bulletin situé à droite, qui désignait un candidat de gauche », raconte Michel Angot, en rigolant.

L'extérieur

Dans les murs d'enceinte, on retrouve de nombreuses petites niches dédiées à certains saints. Les statues ont été enlevées, mais on devine facilement leur emplacement.
Au milieu du jardin, il y a un petit oratoire, un petite chapelle en très mauvais état. Il servait de salle de repos et de prières : lorsqu'elles travaillaient au jardin, elles ne pouvaient arriver sales dans un lieu consacré alors elles utilisaient l'oratoire. Elles y faisaient leur prière ou se reposaient.

Le départ

Le Couvent pouvait accueillir 47 sœurs, mais elles n'étaient plus que 13 à la fin. Ce n'était plus suffisant pour pouvoir entretenir le bâtiment et vivre en autarcie. Au départ, elles avaient deux propositions, dont la venue d'une secte.

Finalement, la mairie décida d'acheter le bâtiment pour 2,4 millions de francs. Un pactole important, qui permettait aux sœurs d'assurer leur avenir dans un nouveau couvent. La Ville s'est engagée à transférer les corps dans le cimetière municipal, à désacraliser le lieu et à ce que personne ne danse dans la chapelle. Elles sont parties en mars 1998.

Dans ce mur, tous les habits sacerdotaux étaient empilés.
Les sœurs tourières s'occupaient des relations avec le monde extérieur : les courses, venir voir qui visitait au parloir et appeler la sœur concernée...

Extrait de la correspondance personnelle entre Michel Angot et les sœurs.

Pour aller plus loin

L'association Patrimoine du Pays de Mayenne a beaucoup travaillé sur le sujet et a édité un cahier, qui est en vente.

Created By
Audrey Vairé
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