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Une plante magique au secours de l'eau potable du Santerre Ils sont trois agriculteurs du secteur de Rosières-en-Santerre à se lancer dans ce pari: planter du miscanthus pour nettoyer les sols… et donc l’eau potable. Ce, grâce à une plante, le miscanthus, dont la culture pourrait se développer dans l’est de la Somme et, pourquoi pas, en Picardie. (auteur: Cécile latinovic)

Trois agriculteurs et un syndicat d’eau potable. Voici qui est autour de la table à Rosières-en-Santerre pour travailler à une eau potable de meilleure qualité. Ce, grâce à une plante, le miscanthus.

Explications.

Le miscanthus, quèsaco?

Miscanthus giganteus avant la récolte à Marchélepot.

Les habitants de l’est de la Somme ont déjà vu, ces dix dernières années, des champs de miscanthus giganteus entre Villers-Carbonnel et Marchélepot. Ces grandes tiges ébouriffées au sommet.

Cette plante a de nombreuses propriétés. «Leurs feuilles tombent et produisent de l’humus. J’en cultive depuis 11 ans et mes 250 hectares n’ont jamais eu une maladie ou des attaques d’insectes. À part du désherbage la première année et la récolte annuelle, il n’y a rien à faire», assure Philippe Colin, cultivateur de miscanthus giganteus, une variété non invasive, à Hangest-sur-Somme. C’est lui qui a fait office d’expert auprès du Syndicat intercommunal d’eau potable (Siep) du Santerre.

Une plante qui «réduit les effets des entrants», autrement dit des divers produits que sont amenés à utiliser une partie des agriculteurs, qu’il s’agisse des nitrates, de l’azote ou d’autres produits phytosanitaires.

Une qualité de l’eau obtenue par mélange

Car ce syndicat basé à Rosières-en-Santerre se trouve face un problème qui risque de grossir: la qualité de l’eau au niveau du captage de Caix. «Pour correspondre à la norme de 50mg de nitrate, nous sommes contraints de mélanger l’eau captée à Caix 1 avec celle de Caix 3», explique Philippe Cheval, le président du Siep du Santerre. Et d’ajouter: «Nous sommes limites sur ce point. Pour nettoyer les sols, il faut trouver une solution pérenne ou investir». Un investissement dans une usine de dénitrification représente aujourd’hui «entre 4 et 5 millions d’euros».

Une coquette somme. À moins de passer par un nettoyage des sols et, par conséquent, permettre à l’eau qui s’infiltre d’être plus propre. Cela prend du temps, une quarantaine d’années au bas mot selon les estimations du Siep. Mais elle est moins onéreuse et pourrait avoir un impact sur l’économie locale. Cette solution, c’est le miscanthus.

80 hectares concernés, les «premiers dans un tel projet au niveau de la Somme»

Idéalement, il faudrait planter du miscanthus sur 80 hectares autour du captage de Caix. Pour l’heure, seuls trois agriculteurs se lancent dans cette expérience: Martin Schuffart à Bayonvillers, Frédéric Huyghe à Fouquescourt et Alexandre Deroo à Méharicourt. À eux trois, ils représentent 10,39 hectares de miscanthus, qui seront plantés dans le courant de la première semaine de mai 2018.

Les agriculteurs signent la convention avec le Siep du Santerre, représenté par son président (à droite), Philippe Cheval.

Une convention a été signée entre eux, les propriétaires des terres et le Siep. Cette convention engage les agriculteurs sur 15 ans. Et le Siep à faire planter le miscanthus pour un montant de 30.000€ environ sur trois ans. Le tout, subventionné à 50% par l’Agence de l’eau. «Ces 10 hectares de miscanthus, pour sauver la qualité de l’eau et l’améliorer, sont les premiers dans la Somme», souligne Philippe Cheval.

Reste à convaincre une majorité d’agriculteurs à signer cette convention. En tout, 16 exploitants agricoles sont concernés par ce projet.

De gauche à droite: Martin Schuffart, Frédéric Huyghe et Alexandre Deroo

Si ces trois agriculteurs ont accepté, une majorité reste dubitative ou, du moins, ne souhaite pas prendre de risques dans l’immédiat. La discussion n’est pas fermée. Quant à ceux qui se lancent dans l’expérience, c’est «pour une démarche globale, économique et écologique. Il nous faut seulement trouver une valorisation du miscanthus». Même si des pistes sont à l’étude.

Des débouchés à trouver… ou à inventer

«Dans le Santerre, nous nourrissons l’Europe. Mais sur une zone sensible pour la qualité de l’eau… on peut bien sacrifier quelques hectares», résume Philippe Cheval. Mais le miscanthus ne se mange pas. «Sauf chez les bovins en élevage laitier, car cette plante facilite la rumination et évite un certain nombre de risques pour ces animaux», précise Philippe Colin.

Des débouchés, il en existe avec le miscanthus: litières pour animaux, combustible à chaudière spécifique, paillage horticole… Des solutions qui peuvent être éloignées du Santerre. Le coût du transport et du stockage font partie des inconvénients de l’usage du miscanthus.

Le miscanthus se récolte un fois par an avec une ensileuse à maïs.

Mais le Siep a peut-être trouvé une solution pour le moins locale: la SITPA de Rosières-en-Santerre, plus communément appelée l’usine Mousline. Elle fonctionne, entre autres, avec une chaudière à bois. Des tests et discussions sont toujours en cours pour savoir si cette chaudière est compatible avec du miscanthus.

3 questions à Dominique De Thézy, exploitant de miscanthus et gérant de chambres d’hôtes et gîtes à Omiécourt

Depuis quand cultivez-vous du miscanthus?

En 2007 j’ai fait ma première parcelle de miscanthus. Aujourd’hui, je cultive sept hectares de cette plante.

Pourquoi cette culture?

En 2005, j’ai installé une chaudière biomasse qui consomme des plaquettes forestières. Je veux être indépendant des énergies fossiles et pouvoir regarder mes enfants en face. Le souci avec cette chaudière, c’est que le bois vient de relativement loin. Je n’avais pas non plus la sécurité de l’approvisionnement. Je raisonne «durable» et, après un salon, j’ai été mis en contact avec Novabiom (qui fournit les plants aux agriculteurs du Siep, ndlr).

Quels débouchés avez-vous?

Cette culture nous permet de chauffer notre maison, les cinq chambres d’hôtes, les trois gîtes, les deux piscines intérieures, le jacuzzi, etc. Selon les années, nous récoltons en moyenne 100 tonnes de miscanthus. C’est à peine suffisant pour notre consommation, nous devons même parfois en acheter.

Une alternative au miscanthus à Beuvraignes

Il y en a d’autres qui se sont lancés dans des cultures écolos et qui nettoient le sol. C’est le cas de Béatrice Maire, «la maman de Tartimouss» comme elle se définit.

Béatrice Maire, lors d’Arts et Terre du Santerre à Tilloloy, présentait sa pâte à tartiner écologique

La jeune femme, chocolatière, s’est lancée dans la culture de féverole à Beuvraignes. «Il y a un côté écolo et nutritionnel avec la féverole. Je produis, grâce à elle, de la pâte à tartiner sans huile de palme», la Tartimouss.

La féverole «ré-azote la terre. Elle peut multiplier le rendement par trois». Béatrice Maire a déposé un brevet sur ce type de culture, «je suis la seule au niveau mondiale à la cultiver», assure-t-elle. Aidée par une coopérative agricole, Agora. La jeune femme va même déposer un dossier pour être retenue à un concours d’innovation avant le 30 avril.

AUTEUR: CÉCILE LATINOVIC

Credits:

Photos Cécile Latinovic - Courrier picard

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