À Tourcoing, une fois par semaine, crèche et EHPAD se rencontrent autour d’ateliers culinaires, sensoriels ou le temps d’une histoire. Les enfants progressent dans leur communication, les séniors quant à eux, trouvent une seconde jeunesse. Reportage au cœur d'un projet intergénérationnel avant-coureur.
Ce mercredi est un peu spécial, les plus grands des tout-petits participent à un atelier dans le bâtiment juste en face, la résidence pour personnes âgées dépendantes, Les Orchidées. Toutes les semaines, seniors et bambins se retrouvent autour d’animations pour créer du lien entre le premier et le troisième âge.
Nous allons faire de la soupe à la courgette avec de la Vache qui rit », annonce Camille, directrice de la crèche Rigolo comme la vie.
L’emplacement de la crèche, construite en 2012 dans le jardin de la résidence, permet d’alterner les ateliers chez les uns ou les autres. Ils sont cinq aujourd’hui à enfiler manteaux et chaussures pour rejoindre leurs vieux amis.
Bénéfiques pour les enfants comme pour les résidents, ces rencontres intergénérationnelles sont l’initiative de Monique Callens, ancienne directrice de la résidence Les Orchidées, et de Laurence Six, ancienne directrice du réseau Rigolo comme la vie.
Ce projet, c’est d’abord l’énergie de deux femmes qui voulaient faire avancer le sujet. Au départ ça nous paraissait titanesque, mais quand on creuse, il s’agit juste de mettre ensemble des personnes âgées avec des enfants. » s’amuse Laurence Six.
Lors des retrouvailles, les visages s’illuminent. « Bonjour Sacha, check ! », lance Monsieur Pierre, comme on l’appelle ici. Pierre-Henri Vieren est l’un des 80 résidents des Orchidées. Son petit bonheur du quotidien ? Voir la crèche depuis son balcon. « Ça me motive pour ma promenade matinale, je passe leur faire un coucou ! »
Pour Marie-Thérèse, 99 ans, ces moments sont précieux.
J’ai eu 4 enfants, 10 petits-enfants et 17 arrières petits-enfants. Ils sont partout, à Berlin, en Suisse, en Bretagne, à Toulouse… Ils ne peuvent pas venir me voir souvent » confie-t-elle, un peu émue quand il s’agit d’évoquer ses proches, avant de reprendre plus gaiement : « C’est une chance d’avoir la crèche à côté de la résidence. Je viens à tous les ateliers, ça me rajeunit ».
Prendre soin de l’autre
L’atelier du jour fonctionne en binôme. Les plateaux sont prêts. Les courgettes peuvent être taillées.
Le couteau ne coupe pas », constate Elyas. Monsieur Pierre lui vient en aide : « Il faut le tenir dans l’autre sens ».
« Ces moments sont importants. Chez l’enfant on va semer le fait de prendre soin de l’autre, développer l’autonomie. Côté résidents, il y a un vrai partage de leur savoir ; ils se sentent utiles et cela réveille des souvenirs. » affirme Clément, animateur de l’EHPAD. « Avec l’hiver qui approche, l’enfant c’est aussi une bonne vitamine. J’aime dire que c’est le meilleur des médicaments. » poursuit l’animateur.
Pendant la cuisson, un temps de lecture est organisé dans l’entrée : une, deux, trois histoires s’enchaînent.
Si les auxiliaires de la crèche se lancent les premières dans l’exercice de la narration, très vite, les résidents prennent le relais. Difficile de s’arrêter.
Ce projet pédagogique est un vrai plus. Depuis que mon fils a dépassé les deux ans, il va régulièrement à la résidence et nous parle de Monsieur Pierre et des autres résidents. Il a moins peur des personnes âgées, parfois il va même vers des personnes qu’on ne connaît pas, c’est amusant. » témoigne le papa d’Eliott.
Si une grille sépare la résidence de la crèche, le projet pédagogique intergénérationnel reste un travail d’équipe entre les deux établissements.
On se rencontre une fois tous les deux mois et on fait le bilan des ateliers. On planifie également ceux à venir selon la saison, par exemple. On fête l’été et l’hiver, pour ne pas qu’il y ait de connotation religieuse, puis on ponctue avec la semaine du goût, de l’écocitoyenneté... » déclare Camille.
À 11h30, le soleil aidant, une balade dans le parc est improvisée.
Dans le jardin, les animaux constituent des étapes incontournables de la promenade ; mais c’est bien le toboggan qui rencontre le plus de succès. « On oublie la douleur dans ces moments-là » s’amuse la directrice de l’EHPAD devant le spectacle d’une résidente qui entame sa seconde glissade sur la structure en bois.
Face à une population de plus en plus vieillissante, on a besoin de projet comme celui-ci pour une société plus inclusive. » signale Clément.
La sirène du premier mercredi du mois sonne également l’heure de la dégustation. Installés en terrasse, enfants et personnes âgées trinquent et se félicitent. « C’est très chaud » prévient Camille. Sourires et complicité sont au rendez-vous. « J’en veux encore » demande Mandaïyla. « Avec grand plaisir » lui répond Camille.
La recette est un succès !
Credits:
[ Texte : Pauline Autin ] - [ Photos : Arnaud Bouissou / TERRA ]