Les éoliennes : stop ou encore ? Environnement

Par Nicolas Totet

Porté par une politique en faveur de la transition énergétique, l’éolien a le vent en poupe, notamment en Picardie. Jusqu’à la saturation ?

Porté par l’esprit de la Cop 21, le président François Hollande et ses gouvernements composés d’écologistes, ont poussé à la transition énergétique, en faveur d’une réduction des gaz à effet de serre et d’une baisse du poids du nucléaire dans la production d’électricité. Dans ce contexte, l’éolien est favorisé par les pouvoirs publics. Les mâts et leurs pâles poussent comme des champignons en Picardie, il suffit de compter la nuit les clignotants rouge ou blanc en sillonnant la région. Des chantiers de construction et des dossiers en instruction ne manquent pas. Les chiffres donnent d’ailleurs le tournis avec 1500 mâts autorisés pour les trois départements picards et une éventualité à près de 2000, à terme, si aucune éolienne n’était refusée par l’autorité préfectorale.

A Sissy, dans l'Aisne, un parc éolien est en cours d'installation

« Tyrannie et moulins à vent inutiles » pour ses détracteurs, belles machines en faveur d’une énergie verte pour ses partisans, l’éolienne ne laisse personne indifférent. « L’éolien, ça occupe en ce moment, c’est dingue. Chaque semaine, j’ai des coups de fil de promoteurs », glisse Alain Baudlot, le maire de Nurlu (Somme) au nord de Péronne. Sa commune de 435 habitants dispose « d’un bon couloir de vent » à 153 mètres d’altitude.

1971 éoliennes en Picardie - 860 éoliennes installées au 1er décembre 2016, selon la Dreal. Plus que 638 en attente de construction et 473 en instruction.

Une décote pour les prix des habitations

Alain Baudlot, maire de Nurlu, pointant du doigt le chantier des éoliennes en cours près de sa commune

Un chantier de sept éoliennes est en cours sur son territoire, après quatre premières déjà construites en 2010. « La grande majorité des habitants n’y est pas hostile. Grâce aux indemnités compensatoires, nous avons pu investir dans des travaux pour la salle des fêtes, pour isoler des bâtiments. Et nous n’avons pas augmenté les impôts locaux depuis vingt-cinq ans », développe le maire. Alain Baudlot égraine les éoliennes sur Équancourt, Étricourt-Manancourt, Moislains et les projets de nouveaux parcs sur Liramont, Eudicourt, Roisel et Berne. Mais il l’avoue quand même : « Soixante à soixante-dix éoliennes sur un rayon de dix kilomètres, je considère que c’est un grand maximum et qu’il ne faut pas aller au-delà. Sinon ça défigure ». Même son de cloche auprès de la conseillère départementale de Roye, Catherine Quignon, audacieuse avec les énergies vertes lorsqu’elle était maire de Montdidier. « Il faut limiter le nombre de mâts, attention à la saturation », prévient-elle aujourd’hui.

Christophe Grizard, président de l'ASEN, présentant l'appel à manifester contre l'installation d'éoliennes à Péronne le 1er avril

Un trop-plein d’éoliennes dans un secteur entraîne aussi une décote des habitations, d’environ 25 %, selon une agence immobilière de Rosières-en-Santerre. La saturation du paysage et l’overdose des habitants, c’est une partie de l’argumentaire de Christophe Grizard, président de l’association « pour la sauvegarde de l’espace naturel de nos villages en pays hamois » (Asen). L’agriculteur basé à Quivières annonce une manifestation anti-éolienne le 1er avril à Péronne, pour dénoncer « la farce de l’éolien, un poisson d’avril qui dure toute l’année ». L’opposant est rivé devant la carte de carmen.fr sur le site du ministère du développement durable qui montre une Picardie mitée par des projets éoliens.

Catherine Quignon, conseillère départementale de Roye ; Roy Mahfouz, président de H2air

« Je suis un paysan écolo qui par nature respecte sa population et ses paysages, énonce-t-il, la filière éolienne n’est qu’une bulle financière qui phagocyte tout le reste, géothermie, biomasse, solaire et méthanisation ». Christophe Grizard cite encore treize éoliennes en instruction sur les territoires de Douilly et Matigny, toujours en Haute-Somme. « Trop, c’est trop et pourquoi n’y-a-t-il pas plus de turbines sur le fleuve Somme pour produire de l’énergie, plutôt que de multiplier les éoliennes ? », s’interroge encore le président de l’Asen.

Schéma régional éolien de Picardie
"Nous n'avons pas assez fait de pédagogie sur les atouts des éoliennes" Roy Mahfouz, président de H2air

Au nord de Nesle à Potte, six éoliennes plus à l’ouest du village, coiffent les toitures des maisons. « C’est une nuisance visuelle et ce qui me gêne c’est que ça ne profite pas aux riverains, ma facture d’électricité continue à augmenter », regrette Jonathan, père de famille de 30 ans. « Je ne peux pas profiter de mon jardin exposé au soleil. J’ai un bruit infernal », peste Jeanne, 77 ans. Les six imposantes machines devant sa maison sont là depuis 7 ans, à quelques centaines de mètres. La distance minimale est seulement de 500 mètres en France quand elle doit dépasser le kilomètre dans d’autres pays européens.

À proximité, les géantes d’acier semblent dégager un sentiment d’oppression. « On ne m’a pas demandé mon avis. Pour ou contre, ça ne change rien. Et j’en ai plus rien à faire », lâche Jeanne, à la fois amère et résignée. « Nous n’avons pas assez fait de pédagogie sur les atouts des éoliennes, analyse dans le camp des tenants, Roy Mahfouz, président de H2air, développeur-exploitant installé à Amiens. L’éolien terrestre produit l’énergie la moins cher. Nous répondons à un vrai besoin. Il faut mener les projets de façon propre pour l’acceptabilité »

Trop bruyant pour les riverains

Dans la Somme toujours, au sud d’Amiens, une retraitée de l’Éducation nationale, sujette aux infrasons (des sons de basse fréquence provoqués par les vibrations de l’air) accuse les douze éoliennes plantées à quelques centaines de mètres de chez elle.

Manifestation anti-éolienne à Paris (2008)

« J’ai mal aux yeux, à la tête, j’ai des problèmes de concentration et je souffre d’acouphène ». Le promoteur éolien a fait isoler sa chambre, mais cela n’a pas mis fin aux nuisances de la retraitée. « Je n’arrive pas à dormir. J’ai toujours le bruit dans les oreilles et c’est pire la nuit ». Chaque soir, le couple déserte sa résidence principale pour dormir au sous-sol d’une maison modeste transformée en gîte dans un village voisin, à cinq kilomètres de distance.

Ces cas particuliers, et discutés, n’émeuvent pas les professionnels de la filière qui préfèrent communiquer sur l’intérêt économique et énergétique. Ainsi les quatre machines de 100 mètres de haut et de 2,5 Mégawatts chacune, qui vont être installées dans les prochains jours sur les territoires de Sissy et de Mézières-sur-Oise (Aisne), fourniront le poste ERDF de Gauchy, pour une consommation électrique annuelle estimée, selon l’Ademe, à 10 000 personnes.

Sur le chantier des éoliennes, à Sissy

3 questions à Pauline Lebertre, de France Energie Eolienne

Pauline Lebertre
"On espère un pic en 2017"

France énergie éolienne, dont vous êtes la directrice générale, c’est quoi ? Une fédération qui rassemble les 300 professionnels de la filière à travers toute la France. Les membres de FEE ont construit plus de 90 % des turbines installées dans le pays et en exploitent plus de 80 %.

Comment se situe la région des Hauts-de-France ? C’est une région de développement historique de l’éolien, la deuxième en capacité. Les élus locaux associés ont conscience des atouts de l’éolien en termes de richesses, de retombées économiques et fiscales. La simplification administrative favorise notre secteur dynamique marqué par plus de 45 % d’installations en 2016. Notre filière représente 15 000 emplois en France, près de 1 500 dans votre région.

Quels sont vos objectifs en 2017 ? Nous espérons un pic d’installations en 2017. L'objectif éolien terrestre annoncé dans la région, est d’atteindre les 4 150 MW à l’horizon 2020, soit 22 % des 19 000 MW du territoire français.

L’entreprise Wazilewski, fabricant de béton, est actuellement présente sur le chantier de Nurlu. « L’éolien représente environ 15 % de notre chiffre d’affaires. C’est une vraie bouffée d’oxygène qui nous permet d’amortir la crise du bâtiment », expose Yannick Camus, le responsable d’exploitation. Installée à Sequehart dans l’Aisne, la PME vient de créer un laboratoire et d’ouvrir une deuxième centrale à Lihons (Somme). Une seule éolienne nécessite 430 m3 de béton, 30 pour réaliser le fond et 400 pour sceller le pied…

Un EPR plutôt que des éoliennes pour Xavier Bertrand

« Des priorités régionales : méthanisation, hydrogène, bois en Hauts-de-France et pas de soutien pour l’éolien ». Ce tweet, en forme de rebuffade vendredi 10 mars de Philippe Rapeneau, vice-président charge du Développement durable pour la Région, est dans la continuité des positions fermes de Xavier Bertrand opposé à la prolifération des éoliennes sur le territoire des Hauts-de-France. Et qui met aussi sérieusement en doute les retombées en termes d’emploi de la filière. En revanche, le président de région, « contre la fragilisation du nucléaire » défend l’idée d’accueillir un réacteur EPR sur son territoire. « Là au moins il y a des emplois, c’est de l’indépendance énergétique et la garantie d’une facture qui reste basse », déclarait Xavier Bertrand en juin 2016

Ferme des 1000 vaches: un méthaniseur en suspens

La ferme dite « des 1000 vaches » à Drucat et Buigny-Saint-Maclou (Somme), près d’Abbeville a largement occupé l’actualité. Et une procédure devant le tribunal administratif d’Amiens est toujours en attente de jugement au fond. On se souvient que le ministre de l’Environnement Ségolène Royal s’est prononcé contre l’extension de la ferme qui fonctionne tout de même. Pour l’exploitant, la polémique a sérieusement dégonflé. « On est rentrés dans le paysage avec nos 850 vaches. Et nos visiteurs reconnaissent notre travail », souligne le directeur de la ferme géante Michel Welter. Qu’en est-il du projet de méthaniseur ? « Il est suspendu. Nous voulions utiliser à la fois les déchets de la ferme, le lisier, le fumier, les déchets alimentaires et une partie des déchets fermentescibles du secteur, mais l’opposition s’est cristallisée sur le second aspect. Nous nous sommes repliés sur notre premier projet limité à 2 M€ contre 8 à 9 M€ pour le second et nous attendons toujours l’autorisation d’exploiter un méthaniseur ». Les chambres d’agriculture de Picardie ont organisé en février « la semaine de la méthanisation en région Hauts-de-France » pour démontrer que les centrales de biogaz sont aussi des alternatives en faveur d’une énergie verte.

Parfois, les éoliennes sont décriées, et sont accusées d'enlaidir le paysage naturel. Mais d'autres fois, elles sont au contraire une source d'inspiration pour les artistes, qui les mettent en avant.

Credits:

Photo: Dominique Touchart

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