L'horreur, ce n'est pas que la peur.
C'est un ensemble de tout un tas d'émotions. D'où, d'ailleurs, la diversité de sous-genres qui composent l'épouvante-horreur. Et parmi ces sous-genres, il en est un fort méconnu et pourtant particulièrement intéressant : le drame horrifique.
« It doesn't matter if it's right or wrong »
Sophia, une jeune femme déterminée, et Joseph, un occultiste chevronné, s'enferment pendant plusieurs mois dans une maison isolée. Coupés du monde, ils préparent un rituel qui a pour but de mettre Sophia en contact avec son ange gardien. Si le rituel réussit, Sophia et Joseph verront leurs vœux s'exaucer.
A Dark Song n'est pas effrayant. Il n'est pas écoeurant, pas choquant. Il n'a pas pour ambition de maintenir un suspense insoutenable, faisant accélérer le rythme cardiaque des spectateurs à chaque nouvelle scène. A Dark Song, en fait, est beau.
« Tell me, where is God ? »
Entendons-nous, nous ne sommes pas devant un film émouvant, qui va tirer les larmes. Mais comme tout bon drame horrifique, A Dark Song emprunte à l'horreur des éléments lui permettant de mettre en avant des thèmes bien réels. Ici : le deuil, le sacrifice, le pardon entre autres. Et c'est ce qui en fait un beau film.
Grâce à ses personnages, d'abord. Liam Gavin a centré son scénario sur les rapports entre Sophia et Joseph. Une relation loin des stéréotypes habituels. Brisés tous les deux, ils penchent souvent vers la haine mais ont besoin l'un de l'autre. Eh bien qu'ils n'aient en soit rien de vraiment sympathique, ils sont attachants. Leurs passes d'armes verbales font tout l'intérêt des deux premiers tiers du film, plus même que le rituel. Elles sont d'ailleurs ce qui rythme le long-métrage pendant un bon moment.
Car il faut bien l'avouer, l'action n'est pas très présente et le déroulement très lent rebutera certainement les spectateurs impatients. Pourtant, le film parvient à intéresser. En plus des dialogues, le rituel que préparent les deux protagonistes captive. La magie est dépeinte d'une façon bien différente de ce à quoi nous sommes habitués au cinéma. Et l'on a envie de savoir comment tout cela va se terminer.
Le découpage du film, notamment au début, qui enchaîne des scènes plutôt courtes au lieu de longs moments explicatifs aide également à rythmer le déroulement de l'intrigue. On ressent tout de même un creux en milieu de parcours, mais le rituel prenant de l'ampleur au fur et à mesure, ça ne dure pas longtemps.
Au niveau technique, aussi, on peut dire que le film est beau. Les scènes tournées en extérieur, en pleine campagne irlandaise, sont simplement splendides. On retiendra aussi les passages liés directement au rituel, bien composés et plutôt marquants. Quant à l'interprétation, il n'y a rien à redire. Catherine Walker s'acquitte très bien du rôle de Sophia, oscillant entre froideur et accès de furie. Steve Oram est lui aussi très convaincant en occultiste cynique et misanthrope, à la fois comique et tragique.
Et d'accélération de rythme en développement remettant beaucoup de choses en cause, on arrive à la finale. Audacieuse. Inattendue et en même temps très logique. Le drame horrifique prend son sens et la conclusion convient parfaitement au déroulement de l'intrigue.
L'anecdote
Le rituel tenté par les deux protagonistes est l'Opération magique d'Abramelin, censé permettre de rencontrer et de converser avec son ange gardien. Il ne s'agit pas d'une invention du scénariste. Un livre intitulé La Magie sacrée d'Abramelin le mage, passant pour être la traduction d'un grimoire rédigé en Hébreux, est en effet conservé à la bibliothèque de l'Arsenal, à Paris. Le célèbre occultiste anglais Aleister Crowley aurait basé certains de ses propres rituels sur ces textes.
Sur Internet, les réactions sont très mitigées face à A Dark Song. Parmi les mécontents, l'argument le plus souvent avancé est la lenteur du film et le manque d'action. Et ils n'ont pas tort. C'est sûr qu'il ne faut pas s'attendre à une horreur viscérale. A Dark Song est une expérience un peu à part, et ne plaira pas à tous.