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Retournac : au musée, les dentelles racontent l’histoire

En Haute-Loire, on connait la dentelle du Puy-en-Velay, faite à la main. Mais on sait moins qu’à une époque pas si lointaine, celle de Retournac s’exportait à l’autre bout du monde. Des dizaines de manufacture étaient installées dans la cité des bords de Loire. La dernière a fermé ses portes dans les années 1990.

Que l’on apprécie ou pas cet art, parce que c’est bien d’un art dont il s’agit, une visite s’impose au musée des Manufactures de dentelles de Retournac s’impose. Sur 1000m2 d’exposition, les visiteurs, optez pour une visite guidée revivra la belle époque mais pas uniquement.

Un musée pas comme les autres

Faire découvrir et partager un savoir-faire, ce pourrait être la devise inscrite au fronton du musée. C’est en 1994 que la commune de Retournac acquiert le bâtiment de l’entreprise Auguste Experton et l’intégralité de ce qui se trouve à l’intérieur, soit près de 400000 objets.

Après une étude de la collection, menée pendant un an et demi, la direction des Musée de France contrôle le fonds.

En 1998, avec l’aide du Fonds régional d’acquisition pour les musées, les collections sont enrichies par l’achat de l’entreprise Claire Experton et Cie, fermée en 1997.

Outre une remarquable collection de plus de 5000 dessins dentelliers des années 1880 à 1920, la partie la plus importante du fonds est l’atelier de dentelles mécaniques. Il comporte quasiment toutes les machines utilisées depuis 1902 dans le département.

Des collections et des pièces par milliers

Difficile de dresser l’inventaire, tant le musée est riche. On s’arrêtera d’abord sur les dentelles liturgiques.

Leur production remonte à la naissance de la dentelle au XVIe pour garnir les nappes d'autel mais également les aubes, les rochets, les cottas ou les surplis des ecclésiastiques. Dans le Velay, cette production semble se développer très tôt puisque les Dames de la Visitation du Puy possèdent une aube qui remonterait au XVIIe siècle.

A Retournac, ces productions remontent au début du XXe siècle. Les manufactures produisent des aubes et des rochets aux dessins admirables. Chez Auguste Experton & Fils c’est une des spécialités diffusée par un réseau de commercialisation nationale et internationale. Des fabricants d'ornements liturgiques prestigieux comme Poussielgue-Rusand, Chéret ou Biais à Paris se fournissent à Retournac en garnitures d'aubes et de rochets en dentelles. Le fond se compose de 749 pièces.

L'histoire de la production des dentelles en Haute-Loire remonte au XVIIe siècle puisque plusieurs textes font mention de coupes et de pièces de plusieurs aunes, c'est-à-dire des métrages de dentelles composés de la répétition régulière d'un motif.

En ce qui concerne la fabrique, les premières traces de dentelles au mètre remontent aux pièces exécutées par la fabrique de Régis Experton dans les années 1860-1870. Ces pièces ont sans doute servi de base à la manufacture Experton Frère et Sœur puis à la manufacture Auguste Experton & Fils.

Dès le XVIIe siècle, ces dentelles étaient destinées aux encadrements de serviettes de tables, aux parures de lits, aux empiècements de robes. Les dentelles au mètre, réalisées à la main, constituent le fond le plus important de la fabrique Auguste Experton & Fils. Il se compose de dentelles blanches et écrues qui représentent des métrages impressionnants puisque le stock est estimé à plus de 220 kilomètres. Les dentelles au mètre réunissent plus de 9000 modèles référencés dans les albums d'échantillons. Elles se partagent en volant et en entre-deux. L'étude des collections a dégagé une typologie des pièces de dentelles au mètre qui permet de les classer plus clairement selon leur genre : Torchon, Cluny, Guipure, etc.

Il y a aussi le linge de maison

Le linge de maison représente une production très importante des fabriques de Retournac, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Le fond se compose du linge de maison " Cluny ", du linge de style Art Déco, du linge composé de fleurs des champs.

Ici, on détaillera celui dit Cluny car il a représenté une des plus importantes activités des ateliers des manufactures de dentelles de Retournac. Cette production a suscité la mise en place d'une chaîne opératoire pour la préparation et le montage de ce linge de maison. Cette activité serait apparue dans les années 1880 mais l'expansion de cette production aurait eu lieu dans les années 1900. La famille Experton développe cette activité au début du XXe siècle et crée de nombreux nouveaux modèles.

Ces pièces étaient commercialisées dans le monde entier. Les modèles étaient souvent réservés pour des grands magasins comme Le Printemps ou la Samaritaine et destinés à une clientèle aisée. Ce linge de maison genre Cluny a été détrôné dans les années 1920 par le linge de Maison Art-Déco.

La manufacture conserve 20 nappes terminées et environ 960 encadrements en dentelles à monter sur toile pour les nappes, 2 pièces terminées pour les stores et les rideaux. Pour les dessus de lit, le stock se compose de 1950 pièces de filet brodé et de 1080 motifs en dentelle à l'aiguille pour incrustation

Les dentellières, ces ouvrières aux doigts d'or

Il y a les objets, mais il y a aussi l’histoire des femmes aux doigts d’or.

Plusieurs vitrines leur sont consacrées car sans elles, pas de dentelles. On apprend ainsi que les dentellières ont appris cet art enfant, sur le tas, auprès de leur mère ou des femmes du village. Celles qui font beaucoup de dentelles sont aussi les plus expérimentées : elles sont célibataires, l'activité dentellière pouvant dans certains cas être leur principale source de revenus. Veuves, elles vivent chez elles ou chez un enfant, apportant un complément de revenu au ménage. Les femmes mariées ont abandonné la dentelle par manque de temps ou ont gardé une activité ponctuelle. Elles ont suivi leur époux, commerçant, artisan, ouvrier ou agriculteur et ont repris le carreau lorsque leurs enfants ont été grands ou après la cessation d'activité de leur mari.

La dentelle apporte un salaire d'appoint fluctuant en fonction du marché. Elle demeure un travail à domicile payé à la pièce.

Une vente à "l'aune"

Elles vont à la fabrique vendre leurs dentelles. La marchandise est évaluée selon «l'aune», soit environ 120 centimètres.

Au-delà d'un périmètre d’une dizaine de kilomètres des manufactures, des leveuses collectent les dentelles pour les fabricants, moyennant une commission variant de 5 à 10%, (avant 1850, ces leveuses n'étaient pas rattachées à un fabricant en particulier, elles se rendaient au Puy-en-Velay pour vendre au plus offrant).

La fonction des leveuses est de répartir les commandes de dentelles auprès des ouvrières, leur fournissant les cartons modèles (dit cartons piqués) et les fils. Elles sont elles-mêmes dentellières, commerçantes ou paysannes, le plus souvent habitantes du village ou d'un village voisin. Les dentellières achètent le plus souvent directement leur fil à la fabrique ou par l'intermédiaire de la leveuse.

Des guides dentellières et des démonstrations

La meilleure sauvegarde des savoir-faire est de parvenir à les maintenir en activité. Au musée, cette conservation passe par les guides-dentellières et l'atelier de dentelles aux fuseaux mécaniques. Les dentellières, en montrant au public la technique de la dentelle aux fuseaux à la main, conservent les gestes de cette activité et apportent aux visiteurs une médiation dynamique. Par ailleurs les guides dentellières reproduisent des modèles qu’elles ont découverts dans les fonds. Elles vous expliqueront également l’origine des cartons et des dessins.

A ne pas manquer : les métiers

Ils sont toujours en état de marche. Dans l’atelier, on voit la blancheur de la dentelle côtoyer la noirceur de la graisse, sans que jamais elles ne se rencontrent un petit miracle de mécanique. Les guides vous feront la démonstration de leur fonctionnement et sur une des machines vous pourrez essayer de tourner la manivelle. Pas aussi évident que ce que l’on pourrait croire.

Si vous pensez toujours que la dentelle c’est ringard ou désuet. Pour info, au musée des manufactures de Dentelles vous pourrez voir un carré en dentelle créé pour une exposition sur la dentelle et le design.

Infos pratique : Du 15 mars au 15 décembre de 14 à 18 heures, tous les jours. En juillet et août, jusqu’à 19 heures. Durée des visites : 1h30. Tarifs : 5 euros plein tarif et 3,5 euros tarif réduit. Téléphone : 04.71.59.47.63.

Textes, photos et vidéos Séverine Fabre.

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