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D'abord condamné puis refait à neuf... Retour sur les faits marquants qui ont permis de sauver l'abattoir d'autun

2012 : sans rénovation l'abattoir d'Autun pourrait fermer

L'année 2012 marque un premier tournant pour l'abattoir d'Autun. Construit dans les années 60, l'équipement n'est plus aux normes. Il faut impérativement faire des travaux. La communauté de communes et l’exploitant, la SICA, se sont engagés à hauteur de 784 000 € de travaux en plusieurs phases.

Et à cette époque, l'abattoir ne tient notamment que grâce à un contrat, comme l'explique Bernard Joly, président de la SICA : « grâce au contrat avec SVA Jean Rozé, nous produisons 1 800 tonnes de viande par an. Sans ce contrat, nous ne pourrions pas absorber les charges financières de la structure. »

Malgré ce contrat, l'abattoir a toujours besoin de plusieurs millions d’euros pour être mis aux normes et modernisé. Et pour cela, Bernard Joly veut mobiliser la filière. Le 14 juin 2012, une réunion à laquelle participent les éleveurs, les bouchers, les chevillards, les négociants, les groupements est organisée pour évoquer la problématique de l’abattoir.

Une somme d'argent importante que la communauté de communes de l’Autunois, propriétaire, aimerait investir avec des certitudes sur la pérennité de l’abattoir. Car, comme beaucoup d’abattoirs publics, celui d’Autun débite un faible tonnage qui n’optimise pas l’ensemble de ses charges et objectifs.

Et malgré de beaux résultats en 2012 (presque 3000 tonnes sur l'année), 2013 sera une année très compliquée.

2013 : Le groupe SVA Jean Rozé s’en va de l'abattoir d'Autun

L’avenir de l’abattoir se dessine en 2013. Et pour le conforter, la Communauté de communes a pris des engagements. Quasiment en urgence car les travaux doivent être réalisés avant la fin de l’année, la CCA s’est engagée à mettre aux normes la triperie de l’abattoir afin de lui conserver l’agrément sanitaire préfectoral de niveau 2 pour 2013. Datant de 1967, les investissements d’entretien du bâtiment ont parfois été succincts : dans la triperie, la peinture s’écaille des murs et laisse apparaître quatre ou cinq couches.

Commencés à la fin d'année 2012, les travaux de la triperie se sont achevés au début d'année 2013 et ont apporté un vrai confort aux employés. Un outil dont l’espérance de vie est estimé à trois ans... La création d'un nouvel outil étant pour la première fois envisagée.

Après un an et demi de collaboration, le groupe SVA Jean Rozé a annoncé en mai 2013 qu’il mettait fin à sa collaboration avec l’abattoir d’Autun. SVA faisait abattre 440 tonnes de bovins par an à Autun, soit 22 % de la production de l’établissement (100 bovins par mois). Ce coup de massue fragilise du même coup, la structure de l’Autunois.

Le problème d’approvisionnement n’est pas la cause principale de cette rupture de contrat. L’abattoir d’Autun, classé au niveau 2 d’un point de vue sanitaire « n’est peut-être pas le mieux adapté pour travailler la viande destinée à faire du steak haché. « Pour arriver à l’équilibre financier, il nous faudrait abattre 2 500 tonnes par an. Nous allons passer de 2 040 tonnes en 2012 à 1 500 tonnes environ », devait avouer Bernard Joly (à droite), président de la Sica, société gérant l’abattoir.

Fragilisé par la décision de la société SVA Jean Rosé de suspendre sa collaboration avec l’établissement, l’abattoir d’Autun se retrouve dans une situation économique délicate.

À l’occasion de l’assemblée générale de l’Association pour la sauvegarde de l’abattoir lancée en 2012, Bernard Lacour, membre du bureau et agriculteur, a annoncé qu’il fallait que les éleveurs garantissent des volumes minimums d’approvisionnement. En clair, les éleveurs locaux seront sollicités dans les prochains jours pour verser une caution de 200 à 300 €. « Nous n’avons pas d’autre choix, a insisté Bernard Lacour. Pour convaincre les banquiers, il faudra non seulement dire que nous voulons un abattoir à Autun, mais aussi en faire la démonstration. » Près de 200 personnes faisaient partie l'époque de cette association.

L’abattoir école d’Autun est né en octobre 2013 avec la mise en place de la première formation dédiée au métier de l’abattage. Cette formation est unique en Bourgogne et une des très rares en France. Saignée, ligature de l’herbière, des pattes avant et de la tête, préparation des flancs, du traçage et de l’ablation, arrache du cuir et éviscération, sont autant de modules pratiques que les salariés d’entreprises d’abattage ont suivis au cours de cette première session de formation.
2014 : une année décisive

C’est à l’unanimité que les élus de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan ont décidé en juin 2014, de lancer un appel d’offres pour recruter un maître d’œuvre qui aura la charge de conduire toutes les démarches nécessaires à la construction du nouvel abattoir d’Autun. Mais cela ne veut pas dire que le nouvel outil sera bel et bien construit (coût maximal des travaux : 4 millions d’euros). Parmi les différents partenaires financiers, FranceAgriMer (État) a en effet fait savoir que son soutien était conditionné à la mobilisation de la filière viande. Les utilisateurs (éleveurs, chevillards, bouchers, grandes surfaces…) sont invités à recapitaliser la Sica, structure qui gère l’abattoir, à hauteur de 66 000 euros.

Le 17 juillet 2015, l’abattoir du Grand Autunois Morvan a vendu pour la première fois aux particuliers des caissettes de 10 kg de viande mise sous vide. « Pour commencer, nous allons proposer l’équivalent d’une bête par mois, soit entre 25 et 28 caissettes. Puis, en fonction de la demande de la clientèle, nous augmenterons peut-être le nombre de colis », expliquait Sibylle Le Meur, alors directrice de la structure, qui travaillait sur ce projet de vente directe depuis l’an dernier, persuadée qu’il existe un marché qui ne demande qu’à se développer.

Dans le colis : du faux-filet, des entrecôtes, des steaks, du bourguignon, du braisé et du pot-au-feu pouvant être congelés. De la viande fournie par des producteurs locaux uniquement.

"Nous vendrons pour le compte des éleveurs. Ce sont eux qui fourniront les bêtes qu’ils auront eux-mêmes sélectionnées."

Mobilisés depuis 2012 au sein de l’association de Bourgogne centrale pour la sauvegarde de l’abattoir d’Autun, les acteurs locaux de la filière viande ont officialisé en février 2016 un transfert de 66 600 €, destiné à renforcer le capital de la structure. Et lui assurer un nouveau départ. Ce transfert de fonds vers la SICA, dont le montant correspond aux premières subventions attendues de la part de l’État, permet désormais à la filière de préparer plus sereinement la construction d’un nouvel outil d’abattage sur le site actuel.

En 2017 Le projet est remis en cause : les entreprises estiment le coût du chantier 20% plus cher que les élus

Si en 2014, à l’unanimité, les élus de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan décident d’investir dans une construction neuve, juste à côté de la structure existante. L’investissement est plafonné par le comité de pilotage composé d’élus : le bâtiment neuf (une nouvelle tuerie, une bouverie, des locaux administratifs ou encore des vestiaires seront construits), qui s’adossera aux chambres froides existantes, ne devra pas excéder 4 millions d’euros, dont 400 000 pour la maîtrise d’œuvre. Le montage financier est travaillé et l’État, la Région et le Département annoncent alors qu’ils s’engageront, parfois sous conditions.

Avec le temps, l’enveloppe est affinée et le projet passe à 4,7 millions d’euros. Un marché à procédure adaptée est lancé et des entreprises donnent leurs réponses. À la fin de l’été dernier, les plis sont ouverts et c’est la douche froide : les montants sont supérieurs aux estimations de 21 % (5,8 millions hors taxe contre 4,7 millions). Face à ces offres bien supérieures au montant prévisionnel, le marché est considéré infructueux et le comité de pilotage prend une décision : en l’espace de quelques semaines, le projet doit être redimensionné afin d’être maintenu dans l’enveloppe initiale (maximum : 5 millions d’euros de travaux). Le maître d’œuvre reprend le dossier et précise que des économies de 900 000 euros peuvent être envisagées.

Malgré tout, La communauté de communes du Grand Autunois Morvan (CCGam) aura bien un nouvel abattoir. En octobre 2017, un conseil communautaire a statué sur la hausse des coûts de construction de la structure.

Pendant deux heures et demie, la présidente du Gam, Marie-Claude Barnay, et Bernard Joly, élu communautaire et président de la Sica (société qui gère l’abattoir), ont défendu avec d’autres élus le projet de construction avec une sincérité qui a su convaincre les indécis. Ainsi, grâce à ce vote unanime moins deux abstentions (Pascal Pomarel, élu d’Autun, et Jean-Yves Jeannin, maire de Thil-sur-Arroux), le conseil communautaire peut maintenant lancer, après l’échec du marché à procédure adaptée de cet été un appel d’offres relatif à la réhabilitation et la reconstruction partielle de l’abattoir.

Cette consultation se basera maintenant sur la nouvelle étude du bureau Ikar ingénierie le dont montant total des travaux ne sera plus de 4 734 729 € HT, mais de 4 868 950 € HT auxquels s’ajoutent les frais du maître d’œuvre (496 146 € HT). Un projet redimensionné en tenant compte à la fois des besoins revus à la baisse et des prix du marché qui avaient été sous-évalués.

2018 : les travaux du nouvel abattoir débutent... enfin ! Après des années d’attente, la première pierre de l’extension de l’abattoir communautaire d’Autun a été posée le vendredi 16 février 2018. Le député Rémy Rebeyrotte avait alors indiqué que « le projet a été long et compliqué, mais c’est un grand moment. » Quant à Éric Boucourt, sous-préfet de l'époque, il s’était félicité que le chantier soit subventionné à hauteur de 60 % (État...), le maximum pour une activité économique.

Quelques semaines après le lancement, le chantier du nouvel abattoir intercommunal avance. Le premier bâtiment commence déjà à sortir de terre.

Le sous-sol du nouvel abattoir intercommunal est alors pratiquement bétonné. « Une chape sera coulée et une charpente métallique viendra prendre place sur le plafond du sous-sol », explique avec toujours le même enthousiasme Georges Brossier, le responsable de la maintenance de l’abattoir intercommunal.

Tout aussi visible que la construction du sous-sol, la toiture de la bouverie a été déposée la semaine du 28 mai. « Le test amiante n’a rien révélé de particulier », souligne Georges Brossier. Le 6 juin 2018, la nouvelle toiture qui sera soit en fibro-ciment soit en bac acier, viendra remplacer sa devancière.

Août 2018 : si la nouvelle toiture de la bouverie a été déposée le 28 mai sans aucune incidence, un petit retard est tout de même à déplorer. « Nous avons simplement quelques jours de retard à la suite de l’épisode pluvieux où il a fallu reconditionner une fondation. Un retard qui sera rattrapé sans problème grâce aux entreprises et à l’architecte qui font vraiment un très bon travail », reconnaît Christian Gillot, conseiller communautaire.

Novembre 2018 : les élus sont invités a visiter l'abattoir. "Ce dernier aura des éclairages Led. Leur durée de vie est plus longue et cela permet de faire des économies d’énergie », souligne Christophe Ritter, de la société Ikar face à l’assemblée de personnes venue découvrir les lieux. À la liste des innovations, l’abattoir du Grand Autunois Morvan a aussi opté pour un booster afin de nettoyer la salle d’abattage. Ce booster ou surpresseur fixe permettra d’alimenter un réseau où 17 points de raccordement donneront la possibilité aux employés de brancher une lance à eau, à 18 bars de pression. Sous cette forte pression, l’eau pourra être moins chaude qu’avant, pour un lavage tout aussi efficace. L’utilisation de produits de nettoyage sera aussi réduite. « Avec l’utilisation d’une eau moins chaude, l’abattoir sera en capacité de faire des économies de gaz », affirme le maître d’œuvre. Des panneaux de 100 mm d’épaisseur pour les cloisons apporteront également de l’isolation phonique aux bâtiments.

Un nouveau système de refroidissement

L’abattoir du Grand Autunois Morvan se dotera aussi d’un système de refroidissement de nouvelle génération. « Les températures basses sont nécessaires pour respecter la chaîne du froid », indique le responsable des travaux. Afin de garantir ce froid, l’option choisie utilise un fluide naturel. Celui-ci permet le refroidissement d’une eau glycolée qui coule au sein du réseau. « Ce système de refroidissement a un avantage : les risques de fuites sont minimes, car le circuit se fait à 1 bar de pression au lieu de 15. De plus, grâce à cette technique les émissions de carbone seront de zéro », explique Christophe Ritter.

En novembre 2018, c'est à la bouverie de se refaire une beauté. Durant cette période qui s’étalera sur environ quatre mois, un nouveau process pour les personnes apportant des bêtes sera mis en place. À leur arrivée, les bovins, porcins et ovins, passeront directement par le couloir qui mène à la zone d’abattage. « Tous les apporteurs d’animaux doivent annoncer leur venue en prenant contact avec le secrétariat de l’abattoir », indiquait Bernard Joly, président de la Sica, société en charge de l’abattoir avant d’ajouter : « Pendant ces quatre mois difficiles à gérer, tout le monde devra y mettre du sien pour que tout se passe correctement ».

Février 2019 : léger retard pour les travaux

Commencés il y a un an, les travaux du nouvel abattoir intercommunal d’Autun ont pris un léger retard. Il devrait être opérationnel à partir de début avril.

«Nous avons pris un léger retard mais de façon volontaire, pour permettre à toutes les personnes qui travaillent sur cet important chantier de profiter des fêtes de fin d’année » expliquait Christian Gillot, vice-président en charge du développement rural agriculture à la Communauté de communes du Grand Autunois-Morvan (CCGAM). Et malgré ce petit retard, le nouvel abattoir sera en partie en service dès le mois d’avril.

Il reste seulement quelques semaines de travaux avant la fin des travaux de la tuerie.

Le chantier de la nouvelle tuerie est toujours en cours et devrait être terminé à la fin du mois de mars. Une date à laquelle l’abattoir sera à l’arrêt pendant plus de quatre jours. « Nous tuerons le lundi matin, avant l’arrivée des entreprises qui permettront le transfert des réseaux d’eau, d’électricité, entre l’ancien abattoir et le nouvel outil », ajoute Bernard Joly, président de la Société d’intérêt collectif agricole (SICA) en charge de l’abattoir.

Une semaine importante puisque durant cette période, les employés de l’abattoir seront formés au nouveau matériel. « Nous tournerons la semaine du 6 avril avec un abattage réduit pour que les employés se familiarisent parfaitement avec les outils. Dès la semaine suivante, nous serons à plein régime », explique Bernard Joly. Et à l’intérieur de la tuerie, tout sera fait pour le bien-être animal et le côté sanitaire. « Toute la partie bruyante sera située dans le plafond pour ne pas stresser l’animal. On y trouvera également plusieurs sas d’hygiène à l’intérieur d’un parcours à sens unique pour respecter les règles sanitaires. La partie découpe sera également transférée dans les frigos de l’ancien abattoir, en attendant la fin des travaux, en octobre 2019 », conclut Christian Gillot.

En avril 2019, les travaux accélèrent. Dans le même temps, le personnel de l'abattoir est formé aux nouveaux outils installés. Cette formation prendra un peu plus de temps que prévu afin de parvenir à une utilisation optimale. En mai, l'outil s'ouvre de nouveau au public, pour une visite intégrale.

Le matériel installé dans la nouvelle salle d’abattage et de découpe a nécessité quelques réglages. Photo JSL /MiG

Dans les nouveaux frigos, des carcasses de bovins sont en plein ressuyage. Photo JSL /MiG

Le nouvel abattoir s’est aussi doté d’une nouvelle bouverie, plus sécurisée pour les bêtes et le personnel. Photo JSL /MiG

Un employé montre les différents postes d’abattage. Ici celui des ovins. Photo JSL /MiG

Ici celui des bovins. Photo JSL /MiG

Et pour terminer, celui des porcins. Photo JSL /MiG

Le quai par où entrent les bovins, porcins et ovins. Photo JSL /MiG

Le 18 janvier 2020, le nouvel abattoir est officiellement inauguré par Jérôme Gutton, préfet de Saône-et-Loire. Un projet qui aura coûté 5 846 738 € HT. Au total, 400 éleveurs utilisent la structure.

Sauvé, inauguré... l'abattoir doit maintenant augmenter son tonnage

Avec deux années aux chiffres d’affaires moroses (2017-2018), l’abattoir d’Autun cherche à reconquérir une clientèle afin de dégager les bénéfices qui lui font cruellement défaut. Cette tâche, loin d’être facile, est dévolue à Louis Bertrand Jeannerod, nouveau directeur de l’abattoir.

« Il faut communiquer en direction des éleveurs mais aussi des particuliers, car nous avons besoin de faire augmenter la vente directe ». Avec actuellement deux chevillards (L’entreprise Raze et l’entreprise Guedjou) en place, le directeur veut augmenter ce chiffre. Pour développer le nombre de chevillards au sein de l’abattoir, il table sur deux ans. Comme il le précise : « On a besoin de volumes d’abattage. »

« Nous avons consulté 400 personnes et les retours ont été nombreux », souligne le directeur. Les réponses reçues font ressortir un taux de satisfaction de 80 %, dont 53 % de très satisfait. 20 % demeurent malgré tout insatisfaits.