Samedi, partout en France, une nouvelle journée de mobilisation a réuni les gilets jaunes. Surnommé l'Acte IV, le mouvement a été suivi par 136 000 personnes dans tout le pays selon le ministère de l'Intérieur.
En Côte-d'Or, des actions ont été menées à Dijon et dans plusieurs communes du département. La journée s'est démarquée par une ambiance plus pacifiée que lors du précédent samedi de mobilisation. Si des heurts ont éclaté à Dijon, les incidents ont été moins nombreux que la semaine dernière. Dans le reste du département, le calme a régné.
Après les violences de samedi 1er décembre, préfecture et forces de l'ordre s'étaient préparées pour cet acte IV. La manifestation était interdite par arrêté préfectoral dans plusieurs rues de Dijon, tout comme l'usage de pétards ou de fumigènes. Le dispositif de sécurité, de son côté, prévoyait 260 policiers et gendarmes, alors qu'ils n'étaient qu'une centaine la semaine dernière.
Du côté des manifestants aussi, on s'est organisé. Deux appels à manifester avaient été lancés sur les réseaux sociaux. Le premier invitait les manifestants à se rassembler dès 9 heures, le second les incitait à attendre 13 heures pour se rejoindre place de la République. Les actions ont démarré dès la nuit de vendredi à samedi, quand des gilets jaunes ont bloqué l'accès au supermarché Géant de Fontaine-lès-Dijon.
Dans la matinée
À 9 heures, heure du premier rassemblement évoqué sur les réseaux sociaux, tout était calme, place de la République, où les forces de l'ordre avaient déjà commencé à s'installer.
En revanche, au péage de Dijon Sud, sur l'A311, un groupe de manifestants s'est réuni dans la matinée, drapeaux français à la main. Un bouchon s'est formé aux environs de 10 heures, en direction de Dijon, le passage n'étant permis que sur une seule voie.
À Montbard, un rassemblement a eu lieu dès 8 heures, sur le rond-point de la route de Semur-en-Auxois. Un barrage filtrant y a été organisé toute la journée, sans qu'aucun incident ne soit à déplorer. La mobilisation , qui a réuni quelques dizaines de personnes, était moins importante que le week-end précédent.
Même chose à Châtillon-sur-Seine, où un cortège a défilé pacifiquement à deux reprises. Sur les trottoirs et traversant la route en respectant les passages piétons, encadrés par la gendarmerie. Un chalet avait été installé la veille sur le cours l'Abbé, où s'est terminé le parcours, pour informer la population.
Quand les gilets jaunes récoltent les dons pour le Téléthon
À Soirans, la solidarité s'est jointe au pacifisme pour l'acte IV. Cela fait désormais trois semaines que les gilets jaunes tiennent leur position à proximité du péage de l'A39, sur la route départementale 905, entre Auxonne et Soirans.
Dès vendredi après-midi, les manifestants se sont associés au Téléthon, signant un contrat avec l'Association française contre les myopathies, pour récolter les dons des automobilistes. Samedi, à midi, plus de 2 300 euros avaient déjà été récoltés.
Plusieurs autres péages, en plus de Dijon-Sud et Soirans, ont "accueilli" des gilets jaunes dans le département, à Pouilly-en-Auxois, Arc-sur-Tille et Til-Châtel.
À 11 heures
Le calme règne toujours à Dijon. Du côté de Beaune, la mobilisation se lance. Une cinquantaine de gilets jaunes se rassemblent au niveau du rond-point de l'autoroute Beaune-Sud. Si le groupe annonce vouloir mener des actions, il ne dévoile rien de ses intentions.
À Saulieu, une rencontre est organisée entre la sénatrice Anne-Catherine Loisier et une délégation de gilets jaunes. L'échange se déroule sans heurt.
Photo Thibaut Simonnet
À 12 heures
Une cinquantaine de manifestants sont présents au péage de Bierre-lès-Semur. Un campement est installé là depuis le 17 novembre. Des gilets jaunes sont venus de Montbard et de Châtillon-sur-Seine pour donner un coup de main. Un barrage filtrant est organisé, dans le calme, sous la surveillance de la gendarmerie. À Dijon, le réseau de transports en communs Divia annonce qu'aucune circulation n'est prévue en centre-ville.
À 13h30
Le coup d'envoi est donné à Dijon. Dans un premier temps, les manifestants tentent de rejoindre la préfecture mais sont stoppés par un barrage des forces de l'ordre et empruntent un autre chemin. Arrivés place Darcy, les gilets jaunes sont bloqués par un second barrage. Sur place, ils entonnent La Marseillaise puis tentent de parlementer avec les forces de l'ordre, en vain.
Sur Twitter, la préfecture de Côte-d'Or évoque "plusieurs centaines de manifestants". Des objets pouvant servir d'armes sont saisis, ajoutent les services de l'État, rapportant "quelques accrochages à l'instigation des casseurs".
À 15 heures
Des gilets jaunes ont réussi à contourner les barrages et ont envahi la place de la Libération. Certains sont à genoux, les mains sur la tête, mimant une scène ayant fait le tour de la toile cette semaine, montrant des lycéens de Mantes-la-Jolie dans la même position, après avoir été interpellés par les forces de l'ordre. De premières bombes lacrymogènes sont lancées.
Dans l'Auxois, une opération escargot est menée par une vingtaine de voitures. Partis de Bierre-lès-Semur, les gilets jaunes ont rallié Semur-En-Auxois, escortés par la gendarmerie.
À 16 HEURES
Dans les rues de Beaune, une cinquantaine de gilets jaunes ont défilé pacifiquement depuis la place Carnot. Le calme est de mise, contrairement à Dijon, où des projectiles sont lancés en direction des forces de l'ordre qui ripostent à coups de bombes lacrymogènes. Près d'un milliers de manifestants sont maintenant rassemblés. Le restaurant Le Boeuf Blanc, qui avait déjà accueilli les blessés samedi dernier, récidive.
Des bénévoles pour prendre soin des blessés
Dans la foule des gilets jaunes, une quarantaine de manifestants sont reconnaissables au dossard qu'ils arborent. Ils forment un groupe de bénévoles chargé de prendre les blessés en charge.
Le groupe s'est formé à la suite des manifestations de samedi dernier, à l'initiative d'un infirmier dijonnais qui s'est dit effaré par le nombre de blessés. Il a donc lancé un appel sur Facebook et rejoint les "street medics", apparus en France en 2016 lors des manifestations contre la loi Travail, pour apporter les premiers soins aux manifestants.
Une interpellation a lieu, tandis que les pompiers arrivent sur place, sous les applaudissements. Des casseurs, sans gilet jaune, rejoignent la foule. Des pétards sont tirés en direction des policiers, qui répondent par gazage, avant de mener une charge rue de la Préfecture.
À Saulieu, un incident mineur est rapporté sur la départementale 906, où un camion s'est mis en travers de la route. Les interventions des gilets jaunes et d'un riverain ont permis de régler la situation.
À 17 heures
La situation s'apaise à Dijon. Des dégâts sont constatés. Des murs ont été tagués, des poubelles brûlées. La Préfecture dénombre sept blessés en urgence relative. Boulevard de la Trémouille et rue de la Préfecture, les gilets jaunes sont expulsés par les forces de l'ordre. Certains commerces font le point sur les dégâts, comme le Craft Beer Pub, contraint d'annuler le concert prévu le soir, la vitrine de l'établissement ayant été brisée.
Les forces de l'ordre continuent, dans l'heure qui suit, à disperser les derniers gilets jaunes. Les opérations se terminent vers 18 heures. Les transports en communs reprennent peu après 19 heures.
En tout, environ 1 500 gilets jaunes ont participé à la manifestation dijonnaise. Un peu plus que la semaine dernière, où environ un millier de manifestants avaient été recensés. Pourtant, le constat est loin d'être aussi dramatique qu'au lendemain du 1er décembre. Cette fois-ci, point de spectacle de désolation à la suite de la manifestation.Des dégâts ont bel et bien été constatés, mais sans commune mesure avec les précédents.
Six interpellations on été dénombrées, contre neuf samedi dernier. La préfecture compte neuf blessés légers, deux de plus que ce qui avait été annoncé quelques heures auparavant. « Nous étions à un niveau de violence plus faible par rapport à la semaine dernière car nous avions pris des précautions », commente Frédéric Sampson, directeur de cabinet du préfet de Bourgogne-Franche-Comté et du préfet de Côte-d’Or.
Si des violences ont été constatées en France, notamment dans la capitale, la mobilisation s'est donc relativement pacifiée en Côte-d'Or. Alors que des appels à un Acte V ont déjà surgi sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui attendent des réponses du gouvernement, avant de savoir à quel genre de mobilisation la France doit s'attendre samedi prochain. Pour l'heure, à la tête de l'État, l'heure est au bilan.
Dossier : Philippe Bruchot, Alexandra Simard, Anne-Lise Bertin, Thibaut Simonnet, Grégory Valloire, Nicolas Boffo, Benjamin Gil, Laure Labbé.