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Migrations : être étudiant étranger aux États-Unis Du rêve à la désillusion

Chaque année, des millions d’étudiants décident de partir de leur pays pour poursuivre leur scolarité dans des établissements à des milliers de kilomètres de leur pays d’origine. L’Amérique du nord est une destination très prisée pour les études supérieures en raison du caractère prestigieux de l’enseignement qui y est donné, que ce soit au Canada comme aux États-Unis.

Le 1ᵉʳ novembre dernier, le gouvernement caquiste avait décidé de mettre fin au programme de l’expérience québécoise (PEQ), qui permettait depuis 2010 aux étudiants internationaux diplômés d’une université québécoise d’accéder au certificat de sélection du Québec (CSQ), et donc, à la résidence permanente.

Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration à l’origine de cette décision, Simon Jolin-Barrette, désirait restreindre l’accès à une liste de filières et d’emplois pour répondre au besoin du marché québécois et à la pénurie de main d’oeuvre de la région.

Un grand nombre d’étudiants internationaux -parmi les 48 000 actuellement présents au Québec-, des membres de l’opposition officielle, des économistes ainsi que des universitaires se sont alors dressés contre cette décision, ce qui a amené le Premier ministre du Québec, François Legault, à annuler la réforme. Tous se sont accordés pour reconnaître l’apport et la contribution, non seulement économique mais aussi sociale des étudiants internationaux à la province.

Quid des étudiants à l'international ?

The Rose Main Reading Room, New York Public Library ©Chloé Bonnefoy

Si le statut des étudiants internationaux est remis en question au Québec il semble en aller de même aux États-Unis, entre la problématique du financement scolaire et l’avenir des nouveaux arrivants ainsi que des étudiants locaux.

Aux États-Unis, de plus en plus d’étudiants souffrent de l’augmentation exponentielle des frais de scolarité et croulent sous leur dette étudiante une partie conséquente de leur vie. Que ce soit pour des motivations économiques ou politiques, les départs d’étudiants américains font écho au nombre décroissant d’étudiants étrangers voulant mener leurs études dans des universités américaines. Ces deux tendances observées au courant des dernières années sont-elles un atout ou un frein à l’essor économique des États-Unis ? Qu’est ce qui amène les étudiants internationaux aux États-Unis aujourd’hui?

À l’Université de New York, un établissement privé et la plus grande université de New York à but non-lucratif, les élèves étrangers affluent, que ce soit pour leur expérience personnelle, ou comme première porte vers un futur emploi sur place.

Aux États-Unis, on compte 1 094 272 étudiants internationaux inscrits dans un programme régulier en 2018, selon le dernier rapport d’Open doors. Comme chaque année, le Département d’État et l’Institut de l’éducation supérieure publient conjointement un rapport recensant les tendances de l’année précédente en matière de migration des étudiants.

Cette année encore, c’est l’Université de New-York (NYU) qui reçoit le plus grand nombre d’étudiants internationaux avec près de 17 552 inscrits. La Chine est le pays dont sont originaires le plus grand nombre de ces étudiants internationaux avec près de 363 341 ressortissants, suivie de l’Inde avec 196 271 étudiants.

Selon le département d’État Américain, on constate une augmentation du nombre total d’étudiants internationaux inscrits pour la troisième année consécutive: les États-Unis conservent la place du pays hôte le plus populaire auprès des candidats internationaux.

L'agente avec qui nous avons pu parler n'a pas tenu à dévoiler son identité, parlant au nom de l'institution.

Si le rapport Open doors de l’année 2019 n’est attendu que pour le 18 novembre prochain, les chiffres de l’année académique 2017–2018 permettent déjà d’observer la tendance des migrations étudiantes ces dernières années.

Les données issues du rapport montrent une légère augmentation jusqu’en 2015/2016, pour voir la tendance s’inverser ensuite. Le nombre global d’étudiants internationaux inscrits dans un programme a augmenté de 1, 5 % depuis l’année 2017 mais cette hausse est relativement faible si on compare les données du dernier rapport Open doors, dans lequel on constate que la hausse était en 2014–2015 de 10 %, en 2015–2016 de 7,1 % pour ensuite passer à seulement 3,4 % en 2016–2017. Le nombre d’étudiants nouvellement inscrits a, quant à lui, continuellement diminué.

Si on s’intéresse seulement aux étudiants internationaux entrants dans un programme de 1er cycle, on remarque qu’entre 2012 et 2016, le nombre d’étudiants internationaux passe de 102 069 à 119 262 inscrits. En 2016, on constate le début d’une tendance à la baisse du nombre d’étudiants internationaux à présent au nombre de 115 841 soit 3421 de moins par rapport à l’année précédente. Cette baisse continue alors jusqu’à atteindre 108 539 étudiants internationaux inscrits durant l’année académique 2017–2018 soit moins que durant l’année scolaire 2013/2014.

Si le rapport Open doors de l’année 2019 n’est attendu que pour le 18 novembre prochain, les chiffres de l’année académique 2017–2018 permettent déjà d’observer la tendance des migrations étudiantes ces dernières années.

Time Square, New-York ©Chloé Bonnefoy

La contribution des étudiants internationaux aux universités et à la société américaines ne serait pas seulement financière, ces étudiants internationaux sont essentiels au maintien de plusieurs programmes comme l’écrit Marvin Krislov le 22 mars dernier dans Forbes :

‘International students are important not just to the success of our students, but to the success of our colleges and universities. That means international students are becoming increasingly important to keep our classes full, our tuition revenue up, and our institutions thriving. And these students don’t just keep our schools succeeding, they help our economy thrive.

L’effet Trump?

En 2016, l’élection de l’actuel président des États-Unis Donald Trump a considérablement changé l’échiquier politique mondial. Du ‘travel ban’ aux nombreuses mesures visant à restreindre voire empêcher l’immigration illégale comme légale, en passant par le ‘zero-tolerance policy’ et la construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis, l’immigration est au coeur de la politique de l’administration Trump. De la même manière, les frais de visas et de scolarité ont subi une augmentation pour les étudiants internationaux durant la présidence de Donald Trump ce que résume ici Marnette Federis dans The World le 20 juin 2019 :

‘There’s been an increase in student application fees and new ways to punish students who violate the conditions of their visas — even if the violation was inadvertent. And there’s intense scrutiny over permit programs that enable students to get work in the US after graduating from their studies. These changes have drastically altered the policy landscape for international students in the US over the past two years.

José Magana-Delgado est porte-parole de la ‘President’s Alliance on Higher Education and immigration’, une organisation regroupant des leaders de l’enseignement supérieur à but non lucratif visant à améliorer la compréhension des enjeux et impacts de la politique américaines sur le développement des campus. Selon lui, la politique initiée par Donald Trump participe à créer davantage d’obstacles pour les potentiels migrants économiques tels que les étudiants internationaux, et aurait également des conséquences pour le milieu de l’éducation supérieure.

L’actualité américaine de ces derniers mois a été marqué par l’investigation en mars dernier d’un vaste scandale de corruption au sein de plusieurs universités américaines. De grands noms du cinéma et de la télévision tels que l’actrice Felicity Huffman et Lori Loughlin ont étés accusées d’avoir payé près de plusieurs centaines de milliers de dollars américains pour falsifier les tests d’entrée et donc faire admettre leurs filles dans de prestigieuses universités américaines. Cette affaire aura permis de faire la lumière sur les processus d’entrée et les failles du système de l’éducation supérieure aux États-Unis. Si les célébrités n’ont aucune difficulté à payer des sommes importantes pour que leurs enfants puissent étudier dans de grandes universités, pour la majorité des américains étudier devient de plus en plus souvent un privilège qu’un droit.

Vivre l’expérience internationale

La question des frais élevés de scolarité et de la dette étudiante aux États-Unis continue de hanter un nombre croissant d’étudiants américains aujourd’hui encore. De plus en plus d’étudiants américains à quitter le pays pour aller étudier au Canada ou en Europe où les frais de scolarité sont moins élevés.

Ces étudiants choisissent de partir pour vivre une expérience personnelle enrichissante et qui sera par la suite hautement valorisée pour l'obtention d'un emploi au retour au pays d'origine comme en témoignent deux étudiants américains.

New-York public library, ©Chloé Bonnefoy

Pour Joshua Cohen, avocat spécialisé dans la question de la dette étudiante, l'augmentation substantielle des frais de scolarité d'année en année et variable selon les universités est une preuve de l'échec du système éducatif américain.

Selon lui, les étudiants qui fuient leur dette en quittant les États-Unis après la fin de leurs études le font pour de mauvaises raisons.

"About the free college for all, again it comes back to what it really cost. Because if you look at Bernie Sander's plan, all he's doing is shifting taxes instead of going to the defense departement, which we spend gobs on money on, it will go towards on education and his argument is: It's for the public good. Any time we slow that down, we as a nation are suffering."

La possibilité d'étudier de manière totalement gratuite à l'université commence à gagner du terrain dans le débat sur le système éducatif américain, en témoigne le site de l'organisation sur la dette étudiante debt.crisis.org

À un an des élections présidentielles américaines et quelques jours après le dévoilement complet des candidats en lice, la question de la migration étudiante pourrait se retrouver au premier plan du débat à la lumière des données statistiques signifiantes depuis l'investiture de Donald Trump.

Texte par Inès Rebei, revu et corrigé par Chloé Bonnefoy

Mise en page et création du site par Chloé Bonnefoy

Contacts & entrevues menés par Inès Rebei

Crédits photo & vidéo Chloé Bonnefoy

Montage "NYU" par Inès Rebei, entrevues de Joshua, Maxwell, Jasmine et Jose par Chloé Bonnefoy

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Chloé Bonnefoy Inès Rebei
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Credits:

©Chloé Bonnefoy