Destin National

Grand corps balèze

L'édito à chaud de Maxime Raynaud

Cette saison, Rodez était balèze. Porté par une chanson. Celle-là même qu'Ugo Bonnet a hurlée, ce soir de sacre, dans un porte-voix qui a dû résonner bien plus loin que Paul-Lignon. "Quand les gens nous voient, ils veulent tous savoir qui on est. Nous, on leur dit, on est les Ruthénois, les grands Ruthénois." Le cri a raison. Après avoir été petit, Rodez est à nouveau grand. Une grandeur d'âme qu'il est allé chercher au plus profond, sans toujours bien jouer, mais sans jamais rien lâcher, guidé par une force venue de l'intérieur. Cela nous a rappelé ce texte du slameur Grand Corps Malade : "Il y a chez l'homme trois leaders qui essayent d'imposer leur loi. Cette lutte permanente est la plus grosse source d'embrouille. Elle oppose depuis toujours la tête, le coeur et les couilles". Cette saison, Rodez était balèze. Parce qu'il a mis fin à cette guéguerre interne. Parce que sa tête, son coeur et ses c... ne faisaient qu'un. Avec ses pieds. Et ça, c'était vraiment balèze.

Grandeur et folle cadence

Samedi 29 avril 2017, 21h50.

Mais à quoi pensait donc Pierre-Olivier Murat à cet instant ? Sur le banc des remplaçants, quelques minutes après ce titre de CFA et au milieu des joueurs tombant dans les bras de leurs compagnes et enfants, le président du Rodez Aveyron football avait le regard dans le vide. Et la cigarette teintée de mélancolie et de joie.

Le patron du Raf se repassait-il le film des années de reconstruction et parfois de galères, d’espoirs douchés dans la dernière ligne droite quand deux deuxièmes places avaient laissé son club en carafe aux portes du National ? Peut-être se disait-il à cet instant, qu’aussi banal cela puisse paraître, le foot ne tourne décidément jamais rond. Ou jamais dans le sens attendu.

Qu’il vous balance en CFA2 la saison où vous produisez l’un de vos plus beaux jeux pour mieux vous faire monter au septième ciel moins d’un an plus tard. Tout est affaire de contradiction et ce n’est pas ce Raf relégué, repêché puis sacré en onze mois, qui dira le contraire.C’est toute la beauté de l’instant.

Héritage, Mandela et pari

Il devait sûrement y songer sur ce bout de plastique d’un stade Paul-Lignon plein comme un œuf, puis vidé trop vite après un succès étriqué face à Marignane (1-0). La folle nuit de fête viendra. Cela fait trop longtemps que ce stade attend des héritiers à la fabuleuse bande de Franck Rizzetto, Nicolas Bayod, Miguel Pacios et les autres, auréolés des mêmes lauriers en 2007.

Cette année-là, « Pom » avait été propulsé à la tête de la section pro du Raf. Joël Pilon l’historique venait de décéder et son flambeau était lourd à porter. Dix ans plus tard, après avoir résisté aux années de National, à leurs atermoiements et leurs luttes de coulisses, à leurs conséquences sur un corps,

Pierre-Olivier Murat est toujours là. Avec la même flamme, cette « petite drogue » dit-il. Ce titre, c’est forcément aussi le sien, celui de cet homme sanguin, parfois ombrageux, parfois chaleureux et capable de convoquer la mémoire de Nelson Mandela devant ses champions lors d’un discours qu’il voulait privé, micros éteints, samedi.

Dans la tête du patron ruthénois, le sentiment d’avoir fait les bons choix ne devait pas non plus être très loin. Quand quelques klaxons résonnaient non loin de la Cathédrale pour fêter cette accession, il s’est sûrement souvenu qu’il y a un an, certains se seraient bien débarrassés de l’entraîneur Laurent Peyrelade. Technicien de l’échec, il devait payer. Murat n’aura pas cédé et aura maintenu son coach, avec l’accord de ses actionnaires, mais non sans débat. À la base des plus belles réussites se nichent souvent les paris les plus fous.

« Une histoire de cœur »

« Pom» n’a aucun problème avec la folie, il l’assume sur certains points. Peyrelade, qui est un peu la sienne, et celle de Gregory Ursule aussi, manager autant qu’homme du président, lui aura donné raison. Avec 18 succès en 28 matches, et surtout 12 victoires avec un seul but d’écart, l’ex- Manceau aura bâti un groupe capable de renverser des montagnes. En souffrant, en pliant mais en ne rompant quasiment jamais. Même lorsque les secousses venaient de l’intérieur et de la fin brutale d’idylle entre Jérémie Roumégous et le club. Il y a bien eu aussi ces gifles à Marignane (5-0) ou Mont-de-Marsan (5-1), étranges pour un futur champion aussi régulier qu’un Raf en tête depuis la 8 e journée. Mais ces fessées n’auront jamais entravé la marche inexorable de cette bande « sang et or », née lors d’un stage sur l’Aubrac et portée parfois par une réussite insolente mais toujours par une unité inébranlable.

« La construction de cette montée, c’est aussi une histoire de cœur », disait ce samedi 29 avril Laurent Peyrelade. Il en est un exemple, sûrement le meilleur, et pour toujours. En 2017, sa troupe s’est offert un morceau d’éternité, et lui avec. Les mois à venir, avec ce retour en National 1, cette 3e division de professionnels capable de broyer froidement les amateurs trop tendres, donneront une suite à cette aventure. Personne ne sait de quoi elle sera faite et avec qui elle s’écriera. Mais elle n’effacera jamais cet instant et ce temps qui s’était arrêté sous les yeux de Pierre-Olivier Murat. Aussi inattendu et béni était-il.

Pierre-Olivier Murat

"Il ne faut pas avoir peur"

Quelle est la première chose à laquelle vous pensez avec cette accession au National 1 ?

Très honnêtement, on ne s’y attendait pas. Surtout, ça prouve qu’on ne s’est pas trompé de chemin avec le projet du club depuis cinq ou six ans, en choisissant de structurer plutôt que de tout mettre dans la masse salariale. On monte avec des armes et déjà organisé en dehors du terrain.

Cela fait dix ans que vous êtes à la tête du Raf. Mais cette saison qui s’achève est-elle définitivement votre plus belle ?

Oui parce que c’est l’aboutissement d’une stratégie. On a eu des problèmes. On s’est dit qu’on allait structurer, avec de vrais pros, au management, au commerce, aux finances, à l’administratif, au sportif. Bien sûr, on a été énormément critiqué puisque les résultats sportifs n’ont pas été géniaux, surtout la saison dernière. Mais je m’en foutais, on savait où on allait, que c’était la vérité à long terme. Même avec la descente, la saison dernière, cela n’aurait pas été la « cata ». Nous allons garder ce fonctionnement. Par exemple, en conservant notre journée de détection. Regardez aussi la formation. Combien de clubs ont aujourd’hui autant de joueurs formés au club et jouant dans l’équipe première ?

Il y a donc eu la relégation la saison passée. On vous a senti touché personnellement au point qu’on vous a prêté l’intention de lâcher...

Ce n’était pas le cas. Les gens qui me connaissent savent que je prends plus de plaisir quand c’est dur que quand c’est simple. Je n’y ai jamais pensé la saison dernière. Mais avant cette campagne, ce que je voyais sur le terrain de cette poule sud-est, je commençais à en avoir marre. Ce n’est pas l’image que j’ai du foot et du jeu. Peyrelade m’a réconcilié avec ça.

Même le Laurent Peyrelade de l’an dernier ?

Bien sûr. Il y a eu beaucoup de choses de dites, d’écrites dans la presse. Dans mon comité directeur, parfois, ils me prennent pour un fou mais moi, je voulais qu’il reste. Parce qu’il avait des convictions. Il avait 2-3 réglages à faire mais on le voit cette saison, certes avec un effectif plus mature, il a une grosse compétence.

Vous avez voulu vous en séparer ?

Pas moi non. Bien sûr, quand vous prenez un entraîneur jeune, que vous descendez et qu’on est à Rodez, dans une ville de foot, le fusil sort facilement. Mais je n’avais pas de doute. Outre les résultats, il y a aussi le recrutement qui, cet été, s’est avéré exceptionnel. On le doit à Laurent Peyrelade mais aussi à Gregory Ursule, le manager général.

Est-ce que la priorité c’est de conserver cet attelage ?

C’est évident. Dans ma tête, c’est calé. Bien sûr, si Laurent a une proposition en L1 et qu’on propose le PSG à Greg, on ne va pas leur mettre une chaîne (rires).

Que doit viser le Raf en National 1 ?

Sans s’enflammer, mais sans être prétentieux non plus, il ne faut pas se dire qu’on joue le maintien, et se caler tout de suite dans les huit (premiers). Beaucoup de clubs sont montés cette année et sont en course pour l’accession en L2 (Quevilly, Concarneau, Lyon-Duchère, NDLR). Il ne faut pas avoir peur, il faut y aller ! On a eu cette maturité toute cette saison que les Ras, Da Silva ont amené à nos jeunes. Avec des joueurs comme ça, plus quelques renforts, on ne va pas jouer la dernière place ! Je n’ai pas envie que les spectateurs s’endorment à Paul-Lignon. Donc je veux voir la même générosité.

Est-ce que le fait de ne pas évoquer la Ligue 2 est une manière de ne pas refaire l’erreur de la dernière aventure en National (2007-2011), lors de laquelle vous aviez traîné le boulet du « projet L2 » ?

(Il hésite) On avait la carrosserie, mais pas le moteur, voilà. Aujourd’hui, le club, qu’il soit en CFA ou National, est hyper structuré.Notre organisation, avec 27 salariés, ce n’est pas le club du coin. Il faut que les gens le comprennent, médias, collectivités, supporters. Aujourd’hui, le Raf est une entreprise. Dans l’organisation, on a plusieurs temps d’avance sur la dernière montée.

Ce retour en National implique-t- il des changements d’organigramme : directeur sportif, entraîneur adjoint, etc?

Il n’y a pas grand-chose à amener. L’entraîneur adjoint, je ne suis pas pour. Ilya quelques jours,on a renforcé notre secteur commerce-marketing-communication avec l’arrivée de Guillaume Laurens, ce qui va libérer Greg (Ursule) de cette charge. Et ce temps-là, il l’aura pour être encore plus proche du coach. On ne va pas empiler pour empiler.La compétence, on l’a.

Le Raf ne fera donc pas de folie, même avec un budget qui augmente pour passer selon vos prévisions de 1,2 à 1,7 ou 1,8M€?

Tout à fait. J’ai vu le coach, il a son enveloppe. Il n’y aura pas un centime en plus. Mécaniquement, la masse salariale augmente de 30 %. Mais si on monte à 2,5M€ avec des gens qui nous aident encore plus... Je pense que les collectivités vont comprendre le sérieux et aussi l’image que ça donne de la ville et du département. Tous les weekends, ce sera télévisé...

Ca ressemble à un appel du pied aux collectivités ?

Non. Je sais que c’est très compliqué pour elles. Leurs budgets sont très serrés.Mais si elles veulent nous aider davantage, c’est parfait. Et on fera encore plus.

Quels seront les grands axes du recrutement ?

À certains postes, c’est arrêté, nous allons recruter. Depuis janvier, on regarde. Aujourd’hui, on devrait recruter 5- 6 joueurs.Mais ça dépendra aussi des entretiens avec les éléments actuels.

Des départs sont-ils actés ?

Aucun départ n’est acté mais conserver intégralement le groupe, ça n’existe pas. En tous les cas, je ne l’ai jamais fait. Mais comme on a fait CFA2-National, on ne sait jamais... Ce qui est sûr c’est que, dans un championnat où 7 buts sur 10 sont marqués sur coups de pied arrêtés, il faudra des renforts très athlétiques.

Vous êtes un sanguin.Cela a parfois amené à des situations tendues lorsque vous vous asseyez sur le banc de touche...

J’y suis à tous les matches à domicile. Je n’ai pas pris une seule suspension donc les fils ne se sont pas encore touchés (rires).

En National, vous y serez toujours, à la manière d’un Loulou Nicollin ?

Vous savez, ça me prend énormément de temps, d’énergie, de stress, un peu de sous quand même, alors si vous permettez ce petit moment de plaisir... Et ça me permet de voir des choses qu’on ne voit pas de la tribune. Des joueurs qui trichent, par exemple. Cette année, je n’en ai pas vu.

propos recueillis par Maxime Raynaud

L'AVANT-SAISON

Ils se sont forgés en équipe sur l’Aubrac

L’été dernier, pour bâtir une équipe sur les cendres de la saison précédente, le Raf était parti en stage sur l’Aubrac. Trois jours et deux nuits à la base d’un groupe et d’un futur sacre.

Pour paraphraser deux inspecteurs qui font dans le paranormal, la vérité est parfois ailleurs. Ailleurs que sur le seul terrain. Dans ce que l’on ne voit pas, le vestiaire, l’ambiance, l’envie de se battre pour l’autre. À Rodez, cette saison, ce fut sans conteste la force d’une bande de gars devenus un seul et même groupe jusqu’à l’apothéose du sacre, face à Marignane.

Une métamorphose de taille à écouter certains acteurs qui en ont vu d’autres. À commencer par Gilles Dulac, entraîneur des gardiens depuis 2011. « Des groupes comme celui-là,sincèrement je n’en ai jamais connus, souffle le quadra. Les mecs sont toujours ensemble, même en dehors du foot, pour des soirées poker, des trucs comme ça. » « C’est peut-être la première fois que je vis dans un groupe aussi uni. On se parle tous les jours sur les réseaux sociaux, on a nos délires. Bien sûr, il y a des affinités mais tout le monde se respecte », abonde Martin Douillard, 32 ans et six autres clubs à son actif.

Fesses brûlées, soirée arrosée et bizutage

Le secret de cette unité, voire union sacrée, serait à chercher dans un stage sur l’Aubrac l’été dernier. Trois jours sans ballon, les 28, 29 et 30 juillet 2016, qui auraient changé beaucoup de choses dans le destin de cette équipe. « Ce ne sont pas les plus talentueux mais les plus solides qui montent en National. C’était la conclusion de l’audit que Laurent (Peyrelade) avait fait dès la fin de saison. Et c’est pour cela qu’il a décidé de ce stage de“team building” », explique Gregory Ursule, manager du Raf, qui y voit des similitudes avec la préparation estivale vécue sous Régis Brouard en 2004.

La volonté de l’entraîneur était claire : construire une équipe avant un jeu. Et non l’inverse, échec de la campagne précédente. « Les anciens étaient en manque de cela, reprend Ursule. Pour eux, Rodez, c’est ça. » Et cela allait le redevenir après ces trois jours sur le plateau aux confins de la Lozère et de l’Aveyron. Au programme, « bike and run », pétanque, belote, course d’orientation et diverses activités par petits groupes. Au bout de ce menu digne d’une colonie de vacances, un classement donnant droit à invitations au restaurant, places de cinéma, maillots et autres récompenses.

Logée dans le gîte d’étape Nada (Nasbinals accueil et découverte de l’Aubrac), la petite bande délaisse la « gonfle ». « L’ambiance était tellement bonne, sourit le latéral Joris Chougrani. Tout le monde était dans le moule. » Quitte à y laisser une fesse, comme Kader Diemé, privé de selle sur son vélo et fortement brûlé à l’arrière-train. Pour trois semaines d’absence. Mais le Sénégalais sera bien présent lors d’un moment inoubliable. Laissés libres par le staff, les joueurs investissent le fameux buron de Born. « La soirée a bien tourné », se marre le capitaine Sébastien Da Silva. Avant l’aligot, Lionel Mpasi, l’une des recrues, passe le test de la chanson de bizutage et y gagne son surnom de « Mamad’ ».Quand les chats ne sont pas là, les souris dansent, c’est bien connu. Alors l’alcool a droit de cité. « On s’est lâché », dévoile Martin Douillard.

Ils commencent en fait à se soutenir comme jamais. « Après le repas, on devait faire trois kilo- mètres à pieds, et à la frontale, pour rentrer à l’auberge. Par petits groupes puisqu’il y avait le classement au bout, se souvient Chougrani avec les yeux qui brillent. Mais on s’est tous attendus et rassemblés. »

En chantant, sous les étoiles de l’Aubrac, mais sans le savoir encore, anciens et recrues viennent de poser les fondations de leur futur titre. « C’était fort », souffle Da Silva. À tel point que Laurent Peyrelade a déjà réservé les lieux pour un nouveau stage cet été. Et une nouvelle aventure.

Pierre Laborde-Turon (gardien)

"On a vécu une saison incroyable, complètement l'inverse de la dernière. On va mettre du temps à réaliser ce bonheur. Je veux être là l'an prochain, profiter encore de cette équipe, et de ces structures dignes d'un club professionnel. Mais surtout rendre la pareille à ce club !"

Laurent Peyrelade

Non, il n’a pas changé

Pour le pire et le meilleur. En deux ans, le mariage entre Laurent Peyrelade et le Rodez Aveyron football n’aura jamais été banal. Entraîneur d’une relégation puis d’une accession, l’ex-attaquant de Lille ou du Mans n’a rien fait comme les autres. Entre, au-delà du bouleversement tactique (du 4-3-3 au 4-4-2) et de la composition d’un groupe à son image, l’homme de 47 ans est resté le même, sans se renier. Il n’a rien de Julio Iglesias, ni le bronzage, ni l’accent. Et il préfère le groove d’Alicia Keys. Mais non, il n’a pas changé.

Laurent Peyrelade est « fidèle, entier, a-t-il l’habitude de dire, quitte à décontenancer par un rire un soir de défaite ou une mine fermée un jour de succès. Tu me prends comme je suis. Je ne sais pas me vendre mais je ne vais pas te mentir. Même si ça fait mal. » Ne pas louvoyer, la marque de fabrique du natif de Limoges serait là. C’est ce que confirment ceux qui le côtoient au quotidien.

« Un bon coach ne triche pas, il est lui-même, note ainsi Gregory Ursule, manager du Raf. C’est le cas de Laurent. Il a cette vertu de ne pas dramatiser ou de ne pas tomber dans l’euphorie. Et il assume toujours. » « Quand on était dans la merde, reprend Gilles Dulac, son entraîneur des gardiens, il répétait : “Les mecs, ce n’est que du foot”. J’avoue que c’était surprenant. »

« Quand ton groupe pense comme toi, c’est le Graal »

Surprenant mais l’ancien avant-centre aux 101 matches de L1, 192 de L2 et 6 de Coupes d’Europe a son explication. « Le foot, ce n’est pas un travail. C’est une chance », dit-il. Née dans les pas d’un père qui avalait chaque week-end les bornes entre Limoges et la Charente-Maritime des grands-parents pour son match du dimanche, cette passion a ensuite été à bonne école. Celle de Jean-Claude « Coco » Suaudeau, théoricien du jeu à la nantaise dont Peyrelade porta le maillot jaune et vert en 1995-96.

« En un an, il a révolutionné ma façon de voir le foot. Il parle d’espace, d’anticipation. Et quand ton groupe vient à penser comme toi, c’est le Graal. » Le groupe. Partout, tout le temps, Peyrelade n’a que ce mot à la bouche. Peut-être parce que sa carrière de joueur a d’abord été celle d’un travailleur porté par un collectif. « Je n’avais pas de talent. Si ce n’est l’intelligence et la capacité de sentir le jeu », résume-t-il. Le groupe, encore, parce que c’est la base du management de celui devenu technicien après une grave blessure à un genou en 2005, lorsqu’il portait les couleurs du Mans.

« Il n’a jamais trahi la confiance de ses joueurs, explique Ursule. Avec lui, c’est “je vous ai choisis et je mourrai avec mes idées". » La saison dernière, cette ligne directrice ne l’a peut-être pas aidé, confinant de temps en temps à l’entêtement. « Avec le fait d’avoir mal jaugé cette poule du sud-est, ne pas avoir su adapter mes convictions est un regret, reconnaît- il. Mais d’un côté, j’aurais menti à mes joueurs, je me serais trahi. » Laurent Peyrelade aurait aussi pu le payer cher.

Avec la relégation, son aventure ruthénoise n’a tenu qu’à un fil. Sommé de s’expliquer face aux actionnaires, le successeur de Franck Plenecassagne aurait pu lâcher. Pas le genre de la maison, même s’il confesse du bout des lèvres avoir vécu des moments compliqués. « Mais je leur ai dit que si Pierre-Olivier (Murat) voulait que je m’en aille, je le ferais », glisse l’entraîneur, alors prêt à s’asseoir de lui-même sur l’année de contrat restante. La suite est connue.

Le Raf l’a maintenu en poste. « Les joueurs étaient attachés à lui, justifie Ursule. Et c’est un pro, un bosseur, qui s’investit toujours. » Le club ne l’a pas regretté. Mais Laurent Peyrelade n’y voit aucune revanche. « J’ai peut-être tort mais je ne cherche pas de reconnaissance », assure-t-il. «C’est moi qui suis redevable pour les 20 prochaines années à “Greg”(Ursule) et “Pom” (Murat) de m’avoir per- mis de vivre une de mes plus belles émotions. »

Loïc Coupin (milieu offensif)

On connaissait nos points forts et, grâce à un bloc solide toute la saison, on a fait la différence. On a su rester à notre place sur le terrain. Désormais, on espère rester invaincu à domicile. On connaît la recette pour la saison prochaine, même si ce sera encore plus difficile...

"Loïc Coupin, le "monsieur plus" du Raf" : relisez cet article, paru le 30 mars 2017 dans Centre Presse.

Loïc Poujol (milieu de terrain)

C'est une renaissance pour moi cette saison, et une chance que ce club m'a donnée. J'espère en avoir été digne. Je suis heureux de ce que nous avons produit. Cette montée est une véritable récompense, pour un club qui le mérite.

"Loïc Poujol, problème de riche du Raf" : relisez cet article, paru en novembre 2016 dans Centre Presse.

Pierre Bardy (défenseur central)

C'était une saison vraiment éprouvante. Il a fallu prendre les matches un par un, ne pas penser au suivant. On est récompensé de ces efforts. Face à Colomiers, on va pouvoir faire la fête et rester invaincu à domicile. C'est le dernier objectif.

"Pierre Bardy, à l'âge de classe" : le portrait de Pierre Bardy, paru en novembre 2016 dans Centre Presse.

Dans le rétroviseur...

Retour sur six saisons de CFA

2011-2012 : Saison cahoteuse

Fini le National. Les sang et or retrouvent le CFA, poule C. Et avec, une nouvelle ère qui s’ouvre via plusieurs changements. Des joueurs partent (Laneau, Moura, Patin), d’autres arrêtent leur carrière (Ursule, Massot), d’autres encore arrivent pour reconstruire : Delétraz, Congio, Covin, Gache. La case "arrivées" est aussi remplie par le successeur de Franck Rizzetto en tant que coach, l’ancienne gloire pailladine, Rui Pataca.

Une saison finalement très éprouvante (davantage que la précédente ?), « la plus dure pour ma part à la tête du Raf », dira même le président Murat. Passée entre performance sportive relative au regard de l’objectif de remontée (2e place au final) et coulisses agitées avec problèmes financiers, de communication et un stade Paul-Lignon déserté.

Rui Pataca.

2012-2013 : Zidane débarque, Plenecassagne aussi

Ça part mal. Pataca quitte le na vire après seulement cinq journées laissant "Bouscarrat and Co" dans le flou. Un duo Franck Plenecassagne, ancien mentor des Rafettes, Gregory Ursule, déjà aux manettes dans l’administratif, le remplace.

Les soucis de trésorerie sont toujours là et Zinedine Zidane (oui, oui !) entre dans l’actionnariat du club. Il participera, pas que financièrement, au retour en forme du club (ZZRaf party, France 98 à Paul-Lignon).

Surle terrain, le duo de coaches a vécu, Plenecassagne se fait les dents tout seul. Et pour une première, ce n’est pas vilain. Huitième au final, le Raf est rentré dans le rang en arrachant son maintien notamment grâce à sa recrue hivernale, l’international algérien Mansour Boutabout. Pour mieux rebondir ensuite ?

2013-2014 : Fol espoir et DNCG

Probablement la saison la plus aboutie après celle qui se termine actuellement en apothéose. Un groupe soudé autour d’un coach qui se révèle, Plenecassagne. Et des joueurs au talent indéniable (Chebake, Banor, Boutabout...). Ce qui donne un mano a mano avec Marseille-Consolat jusqu’à la fin.

Finalement, la montée est ratée de peu, d’une place pour un petit point de moins. D’autant que la DNCG, le gendarme financier, a sanctionné le club parle retrait... d’un point. Sur le terrain, on retiendra aussi un 32e de Coupe de France à Paul-Lignon contre Montpellier (0-2) ou encore une très belle série d’invincibilité de onze matches, du 25 janvier au 3 mai !

Franck Plenecassagne.

2014-2015 : En rouge et noir

Les saisons se suivent mais ne ressemblent pas du tout. Cette fois, pas de lutte pour l’accession. Mais malgré une 7 e place finale, des mois très difficiles, notamment à l’été et à l’automne, avec une lutte pour survivre en CFA. En cause ? Un début de saison raté et marqué au fer rouge.

Ainsi, lors des 11 premiers matches, Hugo Bobek et les siens ont écopé de six cartons rouges! Un handicap trop lourd à porter. Si, ensuite, ce fut mieux sur le terrain, c’est l’entraîneur Franck Plenecassagne qui, sous pression, a vu rouge un soir de nul au goût de défaite face à Hyères (2-2) en février. S’en prenant violemment à un journaliste. Le manager général Ursule est revenu sur le banc. Réussissant l’opération sauvetage.

Cette saison-là, Rodez avait aussi probablement réalisé un mauvais mercato estival : Barthomeuf, incompris, est parti très tôt ; Fauque et Madi n’ont pas été au niveau ; Ouadah a mis du temps à se montrer. Quant à Suarez, son retour au club a été contrarié par des pépins physiques récurrents.

2015-2016 : Le jeu mais la descente aux enfers

Laurent Peyrelade.

Les acteurs du Raf actuel le disent et le répètent tous. Leur force cette saison, elle vient aussi de ce qu’ils ont vécu lors du précédent exercice. Des mois lors desquels tout est allé de travers pour eux jusqu’à une descente sportive, vécue lors d’une ultime journée dont ils étaient exempts (!). Puis il y eut ce repêchage administratif.

Mais avant ça, au printemps précédent, Laurent Peyrelade avait remplacé le pompier Ursule. Avec lui, une certaine idée du jeu débarquait à Rodez. Fait de (belles) passes et de maîtrise. Certes. Mais pas de finition. Voilà ce qui a mis Rodez dans la nasse. Ne pas convertir ses occasions. Être beau à voir évoluer, mais pas bon dans les 30 derniers mètres de chaque côté du terrain. Pourtant Peyrelade, « rookie » au coaching de seniors, s’est entêté dans ses choix, jusqu’à ce qu’on lui adjoigne Ursule, sans succès cette fois.

2016-2017 : L’ivresse de l’exemplarité

Comme s’ils avaient dû prouver toute la saison un peu plus que les autres qu’ils méritaient leur place en CFA, les Ruthénois ont tout fait de façon exemplaire ces derniers mois. Peyrelade a (en- fin) vu le patrimoine « besogneux » du club et l’a ingéré. Ses hommes se sont donc pliés avec bonheur et réussite à de nouveaux préceptes faits de don de soi, de bloc bas et de match gagnés 1- 0. Pour connaître ainsi l’ivresse de l’exemplarité.

Les 5 dates du capitaine Sébastien Da Silva

28 juillet 2016

Stage de cohésion à Nasbinals : "Lors de ce stage, on a tout de suite senti une grosse cohésion, des mecs sur la même longueur d'ondes. A ce moment-là, on savait qu'on serait une équipe solide, solidaire de CFA. La soirée entre joueurs au buron de Born (lire par ailleurs) a bien tourné (rires). Et il s'est passé des choses fortes entre nous ensuite, lors de la marche de nuit."

5 novembre 2016

Fréjus - Rodez 1-2. "Ce match était le premier face à une équipe vraiment supérieure sur le papier. Un vrai test. Et en plus de gagner, le scénario avec cette deuxième mi-temps solidaire, lors de laquelle on a vraiment souffert, illustrait la mentalité de l'équipe. Ce jour-là, c'était une preuve de nos qualités."

21 décembre 2016

Rodez-Toulon 1-0. "Le dernier match de l'année, celui pour être champion d'automne, face à un concurrent direct. C'était très important dans nos têtes. D'autant plus que l'on sortait de la défaite à Marignane (5-0). Et une fois de plus, la rencontre a été hâchée, on gagne encore 1-0, avec les tripes. Et en plus, c'est un mec, Martin Douillard, qui ne marque pas souvent, qui nous libère. Ce jour-là, on a envoyé un message fort à nos adversaires : on sera très durs à bouger."

18 février 2017

Monaco II - Rodez 1-2. "Le coach nous disait souvent qu'après les trois matches retour face aux réserves, on saurait où se situer. Ce soir-là, on gagne à Monaco, donc carton plein avec une troisième victoire contre les réserves. A cet instant, on ne pouvait plus se cacher. Et nos adversaires ne nous ont plus regardés de la même manière."

15 avril 2017

Rodez-Le Pontet 1-0. "Depuis que je suis au Raf (été 2015), c'était la première fois que je sentais autant de mauvaise pression. On sortait de la défaite à Mont-de-Marsan (5-1), il ne fallait absolument pas perdre, etc. Bref, c'était un match bâtard. Mais une nouvelle fois, on gagne 1-0, avec nos valeurs. Ce soir-là, on a dégoûté nos concurrents."

Pavel Vostanic, entraîneur de Tarbes

« Quand des garçons sont prêts à souffrir ensemble, une grande partie du chemin est faite. Et justement, ce qui frappe à Rodez, c’est ce collectif très difficile à bouger. Franchement, il faudrait un tsunami pour empêcher leur montée... Mais je crois qu’il n’y a pas trop d’eau à Rodez. »»

Le 25 mars 2017 dans Centre Presse

Cerise sur le gâteau

Comme chaque fin de saison, nos confrères du (très suivi) site Foot National ont formé leur équipe type du groupe D de CFA. Dans cette formation entraînée par Laurent Peyrelade, élu technicien de l’année, pas moins de quatre Ruthénois ont pris place : le défenseur Pierre Bardy, également nommé joueur de la saison, et l’attaquant-capitaine Sébastien Da Silva du côté des titulaires ; le milieu Pierre Ruffaut et le meilleur buteur sang et or Maxime Ras (10 réalisations) sont remplaçants. Fréjus place également quatre joueurs dans ce onze.

Le national, cet autre monde qui attend Rodez

UN BUDGET ÉQUIPE PREMIÈRE DOUBLÉ ?

Ce ne sont pour l’instant que des hypothèses. Mais les dirigeants ruthénois, qui se réunissent de- puis plusieurs semaines pour tra- vailler à l’accession, ont déjà ef- fectué plusieurs estimations. À commencer par le budget con- sacré à l’équipe première pour les joutes de National 1. Au- jourd’hui évaluée à « un peu plus de 600 000 € », cette somme ré- servée à la SASP, en clair les pro- fessionnels, représente actuelle- ment près de la moitié de l’enveloppe club (quasiment 1,3 M€). L’association, qui gère les féminines et l’école de foot, dispose à quelque chose près de l’autre moitié. Mais le total des pros pourrait « doubler dans une fourchette haute », selon Guillaume Lau- rens, dirigeant ruthénois. Si c’était le cas, le club porterait ainsi son budget global aux environs de 1,8 M€. Soit autant qu’en 2010, son plus haut en National, mais un pécule si l’on en juge par la moyenne officielle de la division (voir infographie).

Les budgets de clubs de National sont ceux communiqués par les clubs à l'hebdomadaire France Football en début de saison 2016-2017.

PARTENAIRES ET BILLETTERIE EN HAUSSE

Cette augmentation est quasi-mécanique. Pour cause, en troisième division, la Fédération française de football alloue à chaque club une dotation d’environ 250 000 € pour soutenir les déplacements. Soit déjà près de 50 % de la hausse envisagée. Vient ensuite la billetterie. Les matches le vendredi, particularité du National actuel et futur, sont considérés comme une au- baine au club puisqu’« il n’y a pas de concurrence avec les autres sports », glisse Guillaume Laurens. L’augmentation serait donc logique, selon les dirigeants, qui tableraient sur une affluence basse « entre 1 100 et 1 200 spectateurs ». Soit un peu moins du double des plus petites chambrées de la saison actuelle. En comparaison, en National (2007- 2011), la moyenne de spectateurs se situait aux alentours de 2 000. Autre donnée, les partenaires privés. Déjà un peu plus d’une centaine aujourd’hui, ils avaient été une quinzaine à rejoindre le club l’été dernier malgré... la relégation. Le repêchage est ensuite passé par-là. Difficile donc d’imaginer que leur nombre, et leur investissement, ne soit pas plus conséquent avec la montée. Certains, et pas les moins importants, auraient ainsi déjà assurés d’un soutien plus conséquent. L’exposition médiatique, avec un match par journée sur Canal +, et l’ensemble des rencontres diffusées sur la WebTV fédérale, est un autre argument non négligeable.

QUID DES COLLECTIVITÉS ?

Si le doublement du budget est une fourchette haute, voire « très haute » pour le manager Gregory Ursule, c’est aussi parce que « certaines choses ne se mesurent pas », dit-il. Parmi elles, l’in- vestissement des collectivités lo- cales et donc l’augmentation éventuelle des subventions. Dans le contexte actuel, il est compliqué de l’évaluer, comme le sous-entend le président Pierre-Olivier Murat. Même si, à défaut de gages, certaines auraient déjà donné des signaux positifs.

STAFF, SALARIÉS ET DÉPLACEMENTS IMPACTÉS

Désormais acquise, la montée en National 1 implique des recrutements. Côté joueurs mais pas seulement. En coulisses, par exemple, où cinq salariés hors sportif s’affairent déjà, le secteur commercial sera renforcé par un élément supplémentaire. Rien ne dit, en revanche, que le staff de l’équipe première le soit. Les déplacements, plus nombreux, plus conséquents et sur- tout en semaine, impliqueront également une tout autre organi- sation. Mais les trajets en minibus, lot actuel de l’équipe fanion, ne dis- paraîtront pas pour autant lors des voyages dans le grand Sud (Marseille-Consolat, Béziers, Pau, etc.). En revanche, le fameux bus-couchettes rutilant, parfois cible des railleries lors des saisons précédentes en National, ne devrait pas réapparaître. TGV et avion seront privilégiés.

RECRUTEMENT « MALIN » MAIS MASSE SALARIALE EN HAUSSE

Comment construire une équipe capable de survivre voire mieux en National 1 ? L’entraîneur Lau- rent Peyrelade qui, sauf offre qu’on ne refuse pas, sera toujours à la tête de l’équipe, a déjà étudié les besoins. Farid Abdelli, super- viseur du club, a par exemple observé plusieurs éléments. Et d’au- tres se seraient déjà proposés. Une chose serait néanmoins bien arrêtée : le Raf ne recrutera pas à tour de bras. « Je prônerais une gestion sage de la masse salariale et un recrutement malin», soufflait il y a peu Gregory Ursule, grand artisan du marché réussi de l’été dernier.

Les finances ont sauvé le Raf lors de la précédente saison. Pourquoi donc « craquer » alors que le club a réussi à mettre fin aux dettes et autres turbulences économiques ? D’autant plus que le National 1 a une contrepartie : l’augmentation mécanique de la masse salariale, d’« environ 30 % », évalue Ursule. Les contrats fédéraux à temps partiel - au nombre de 4 aujourd’hui (Ras, Camara, Ruffaut, Douillard) - basculent par exemple automatiquement sur des temps pleins. En National 1, les clubs gagnent plus, mais les joueurs aussi.

Pour mieux comprendre

En 2017/18, le National devient le National... 1

Réforme territoriale oblige, le football français s’apprête lui aussi à faire sa mue. D’abord au niveau hexagonal. Dans la foulée des grandes régions, les championnats nationaux (hors professionnels L1 et L2) vont en effet évoluer à compter de la prochaine saison. Ainsi, au mois d’août, le National cédera sa place au National 1, le CFA au National 2 et le CFA2 au National 3. Si les deux premiers changent seulement de noms, et gardent donc leurs formules respectives (1 groupe de 18 en National 1, 4 de 16 pour le National 2), le CFA2 bouleverse, lui, son fonctionnement en devenant une « super DH », réservée aux équipes d’une même Ligue. En clair, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, Toulouse Rodéo ne pourra plus affronter la réserve de Toulon. D’autres réformes plus locales pourraient s’appliquer lors de l’exercice 2018-19 au niveau des Ligues.

Un web-documentaire réalisé par Centre Presse Aveyron

Textes : Maxime Raynaud et Aurélien Parayre

Crédit photos : Jean-Louis Bories / Centre Presse Aveyron

Edition web : Lola Cros

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CentrePresse Aveyron
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Credits:

Jean-Louis Bories / Centre Presse Aveyron

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