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Aide aux devoirs Un dispositif hors la classe ?

Hebdo Lettres réalisé par Laïla Methnani, Professeure de Lettres et Interlocutrice Académique au Numérique - N°1 - 2018/2019

Du point de vue du travail enseignant, la question des devoirs et du travail personnel génère un certain nombre de dilemmes professionnels, face auxquels chacun se positionne en fonction de son expérience, de sa sensibilité, de ses ressources. Nous faisons des choix : donner des exercices d'application, d'entraînement, de création, donner des exercices écrits ou oraux (leçons-lecture), faire faire le travail à la maison, le faire débuter en classe et finir à la maison, corriger les devoirs ou ne pas les corriger, contrôler et remédier ou avancer dans le cours...

Ce premier "Hebdo Lettres" se penche sur les relations entre le dispositif externe "Devoirs faits" et ce qui se passe en amont, en "interne" dans le cours de français.

Tous conscients des inégalités que les devoirs à la maison génèrent entre les élèves, des dispositifs spécifiques sont mis en place ( soutien, études dirigées...) dans les établissements.

Depuis la rentrée 2017, Devoirs faits s'adresse à l'ensemble des collégiens mais vise en priorité ceux d'entre eux qui ne bénéficient pas à la maison des meilleures conditions pour réaliser leur travail personnel hors la classe.

Pourquoi éviter que "Devoirs faits" ne s'ajoute "au mille-feuille" d'aides proposées ? Comment construire avec l'élève et les familles une continuité des apprentissages ?

Présenté lors du séminaire de la Dan, en juin 2018, le projet TED (Tablettes pour Élèves en Décrochage) porté par Audrey Hugues, professeure de Lettres et par Floriane Barhélémy, professeure d'Allemand/ Référente numérique au collège Gérard Gaud de Bourg lès Valence (Drôme), propose de confier une tablette à un (e) élève pendant les cours et à la maison afin de faciliter sa concentration, son travail et sa motivation.

Entretien avec Audrey Hugues, professeure de Lettres
Audrey Hugues et Floriane Barthélémy

Comment vous est venu l' idée de TED ? Quelles relations supposiez- vous entre un élève en voie de décrochage et une tablette ?

L'idée est venue de Tommy, un garçon mal dans sa peau qui accumulait les difficultés : mauvaise intégration dans la classe, mauvaises fréquentations dans la cour, troubles de l'écriture, troubles de l'attention. A l'oral, aucun souci mais il n'avait jamais ses affaires, renversait sa trousse trois fois par heure. Il n'y avait quasiment plus aucun apprentissage parce que les aides mises en place (soulagement de la tâche écrite avec feuille à trou, cahier au lieu de classeur, oral privilégié) étaient lourdes pour les enseignants et Tommy. Tout le monde finissait par baisser les bras. Lors d'un conseil de classe, le principal nous a informés que Tommy ne voulait plus venir au collège, qu'il évoquait le suicide. Cela m'a remuée qu'en 6ème, un petit ait de telles idées et surtout qu'on ne puisse lui apporter une réponse viable et immédiate. Une demande d'ordinateur et d' AVS a été formulée : deux ans au minimum pour mettre en place le dispositif. J'ai trouvé cela aberrant qu'on ne puisse pas trouver mieux. Durant cette même période, une mallette de tablettes entrait dans la classe, et, lorsque Tommy travaillait sur tablette tout était plus facile : corriger la syntaxe, récupérer son travail, le laisser se concentrer sur une tâche. Lors des séances avec tablette, Tommy était dans l'échange avec la classe. Fin juin, je suis allée voir la référente numérique Floriane Barthélémy pour envisager de donner une tablette H24 à un élève. J'ai parlé de Tommy et l'idée est devenue une expérimentation.

Nous supposions que la tablette, parce qu'elle n'est pas un objet scolaire a priori, mais plutôt un objet du quotidien permettrait de "déscolariser" les apprentissages. En classe, l' exercice sur papier peut-être transposé, ludifié avec des applications comme "Learning apps", les élèves sont plus motivés, plus rapides, plus concentrés sur l'exercice interactif que sur l'exercice papier alors que la consigne est la même. Nous supposions aussi que confier une tablette pouvait rétablir la confiance en l'école : ce n' était pas à l'élève de faire un pas vers nous mais nous qui faisions un pas vers lui. On s'est dit que c'était aussi un outil permettant des usages en classe très variés, à même de répondre aux causes multiples de décrochage .

Le dispositif "Devoirs faits" est un dispositif externe aux cours. Dans quelle mesure pensez-vous que TED puisse participer à l' amélioration des apprentissages chez des élèves inscrits dans le dispositif " devoirs faits" ?

TED est un outil interne au cours et externe au cours puisque l'élève emporte la tablette chez lui. La problématique de "Devoirs faits" est que les élèves aient le matériel, les outils nécessaires pour travailler. Avec la tablette, l'élève accède au cahier de texte en ligne. Il s'enregistre récitant sa leçon et la réécoute. Il peut commencer un travail écrit et le finir chez lui. La tablette a permis de retrouver une photo prise en classe et de recopier sur un traitement de texte ce qui avait été écrit au tableau. L'activité de l'élève lui a ainsi permis de de s'approprier les connaissances. Avec un élève TED, j'ai vu les autres élève du dispositif "Devoirs faits" me demander une tablette pour s'entrainer à préparer un oral. J'ai vu des élèves former des groupes autour d'une tablette. J'ai vu des élèves venir s'asseoir à côté de l'élève TED pour vérifier que son cours était complet.

En classe, avez-vous constaté une amélioration des apprentissages chez les élèves équipés d' une tablette ?

Pour l'apprentissage de l'organisation, l'amélioration est très nette : un document par matière, l'élève prend en photo le document papier et l'intègre à son document. Chaque élève étant suivi par un référent, nous vérifions avec l'élève que tout est organisé. Nous fonctionnons à la demande. L'élève vient nous voir en salle des professeurs pour qu'on l'aide. Au niveau apprentissage des leçons : du mieux car l'élève se concentre sur l'écoute du cours et les exercices plutôt que sur l'écriture de la leçon.

Quels changements l' expérimentation TED a-t-elle produite dans la gestion de classe ? Dans votre posture d' enseignante ?

Cela demande de bien maîtriser les applications et leurs usages numériques, de réfléchir aux besoins des élèves et aux apports du numérique. Pour un élève, la tablette ne servait pas en cours mais à la maison. L'élève a investi la tablette pour apprendre ses leçons avec l'enregistreur sonore. Dans la classe, il a fallu mettre en confiance un autre élève qui avait peur du regard des autres. Petit à petit, on a remarqué qu'il y avait des connivences entre les élèves Ted et non Ted.

Le plus difficile est de convaincre les collègues d'inciter les élèves à utiliser la tablette. L'expérimentation nous a montré que les élèves qui bénéficient d'un dispositif ont plus que les autres besoin de sollicitations ce que je n'avais pas assez perçu avec des P.A.P type "soulagement de la tâche écrite". C'est encore plus vrai avec "Devoirs faits" et les devoirs en général : il faut apprendre à utiliser le numérique pour faire ses devoirs. Nous avons dû amener les élèves à réfléchir : tu as une carte en géographie. Comment pourrais tu être efficace ? Ensemble nous avons découvert "Skitch", une application qui permet d'annoter une image. On peut se tromper, recommencer et donc ne pas se contenter d'un seul jet pour les travaux à réaliser.

TED a-t- il fait évolué votre approche des devoirs donnés à la maison ?

Oui. En français je fais attention lorsque je dis de réviser le cours, j'essaie d'être plus précise et surtout de réfléchir à ce que le numérique peut leur apporter. Par exemple, la consigne suivante en 4ème "apprendre à reconnaître les points de vue" est suivie de :" vous pouvez vous enregistrer sur votre smartphone en train de réciter la leçon pour la mémoriser par écoutes successives. Vous pouvez aussi vous entraîner en allant sur ce site...." Comme TED m'a obligé à réfléchir aux bienfaits du numérique pour lutter contre le décrochage, cela m'a obligé à repenser ma façon de donner des devoirs. Les devoirs que je donne sont des mises en confiance par rapport à la leçon plus que des applications du cours. Je donne plus de travaux de découverte que d'exercices d'application. Je pense sans cesse qu'ils sont seuls face aux devoirs et qu'ils ne doivent pas se sentir piégés.

Pensez-vous que le bénéfice de TED puisse être élargi aux autres élèves non- équipés de tablettes ?

Bien sûr car cela nous obligerait à nous intéresser un peu plus aux besoins de chaque élève. Le numérique avec TED nous offre des pratiques que l'on peut développer en classe entière. Toutefois dans la mesure où nous sommes parties des outils numériques pour concevoir TED je pense que cela ne peut se faire que dans une pratique numérique en classe. Mais cela se fait déjà : la carte mentale comme support de cours, l'enregistrement audio, le côté ludique ou du moins différent avec des quizz.

Le projet TED a été présenté lors du séminaire "Heures Numériques" organisé par la DAN de Grenoble en juin 2018.

Crédit Image -Avec l'aimable autorisation de Cyw Brice @Cyw_Brice.

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