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Claude Fauriel, 1772-1844 Un intellectuel stéphanois

Fauriel et son Époque

Naissance à Saint-Étienne, le 21 octobre 1772.

1774 : mort de Louis XV.

Écrit au collège une pastorale "Sylvanire", en 1789.

Prise de la Bastille.

Rentre à Saint-Étienne en 1790.

Fête de la Fédération.

1791 : constitution civile du clergé.

1792 : abolition de la monarchie. Bataille de Valmy. Convention nationale.

1793 : secrétaire du général Servan à l'armée des Pyrénées, puis nommé par Javogues officier municipal à Saint-Étienne.

Exécution de Louis XVI. Révolte de Lyon.

1794 : maire par intérim de Saint-Étienne, puis agent national. C'est à ce titre qu'il préside la fête de l'Être Suprême.

Guerre, soulèvement de Vendée, Terreur, chute de Robespierre le 9 Thermidor.

1795 -1799 : suit à Paris les cours de l'École Normale. Il se réfugie à l'armée des Alpes durant la réaction thermidorienne. Retour sans lendemain à Saint-Étienne en 1797.

1795 à 1799 : directoire, crise financière et victoires militaires, coups d'État de Vendémiaire (1795) et de Fructidor (1797). Bonaparte en Italie, puis en Égypte (1797-1799).

1799 : Fauriel s'installe à Paris et travaille au cabinet de Fouché (homme politique français, ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat et l'Empire).

Coup d'État du 18 Brumaire an VIII. Bonaparte, premier Consul.

1800 : amitié avec Mme de Staël (romancière, épistolière et philosophe) et Benjamin Constant (romancier, homme politique, et intellectuel français).

1801 : liaison avec Sophie de Condorcet, veuve du philosophe. Vie commune à Meulan. Amitié avec Cabanis (médecin, physiologiste, philosophe, c'est l'un des réformateurs de l'enseignement de la médecine en France).

1802 : démission du ministère et retrait de la vie publique. Fauriel se consacre à l'érudition.

Exclusion des Idéologues et des libéraux du Tribunat. Politique autoritaire et cléricale du Premier Consul.

A droite, portrait de Joseph Fouché.

Madame de Staël

Portrait extrait de "La Révolution Française".

Cote : MAG E 14575(5)

1804 : Fauriel rédige "Les Derniers jours du Consulat". Le manuscrit, retrouvé dans ses papiers à l'Institut, est un violent pamphlet contre Napoléon qui ne sera publié qu'en 1886.

1804 : Napoléon empereur des Français.

1804 - 1805 : rencontres de Baggesen (poète danois) et de Manzoni (écrivain italien).

1806 - 1810 : il travaille sur la philosophie stoïcienne. Son intérêt se porte également sur la philologie et l'histoire, ainsi que la poésie en langue romane.

1805 - 1808 : apogée de l'Empire napoléonien.

1808 : décès de Cabanis.

1811 : amitié avec François Guizot (historien et homme d'État français).

1812 : retraite de Russie.

1813 : défaite de Napoléon à Leipzig.

1814 - 1815 : restauration des Bourbons, les Cent Jours.

1820 : rencontre avec Schlegel (philosophe, critique et écrivain allemand). Études sanscrites.

1821 : début de la guerre d'indépendance grecque. Mort de Napoléon Premier.

A gauche, portrait de François Guizot.

1822 : décès de Sophie de Condorcet .Traduction en français des œuvres de Manzoni. Liaison de Fauriel avec Mary Clarke (intellectuelle anglaise).

Fauriel adhère au mouvement philhellène.

En 1824, publication des "Chants populaires de la Grèce moderne".

Mort de Lord Byron (poète britannique) devant Missolonghi.

1829 : indépendance de la Grèce.

1830 : création d'une chaire de littérature étrangère pour Fauriel à la Sorbonne.

1830 : révolution de Juillet.

1832, Fauriel publie "De l’origine de l’épopée chevaleresque du Moyen-âge".

1836 : Fauriel est élu membre de l'Institut, et de l'Académie des Sciences morales et politiques.

Balzac publie "Le Lys dans la vallée".

1837 : publication de "L'Histoire de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants germains".

1839 : Stendhal publie "La Chartreuse de Parme".

1844 : mort de Claude Fauriel.

Saint-Étienne, la jeunesse, l'oubli

Une famille modeste

Claude Fauriel nait le 21 octobre 1772 à Saint-Étienne, rue Violette, dans la paroisse de Notre-Dame.

Son père, Joseph Fauriel, est un modeste compagnon menuisier originaire de Saint-Felicien en Vivarais.

Il ne connaîtra pas sa mère, qui meurt des suites de son accouchement.

De solides études

Le petit Claude, orphelin de mère, est envoyé en nourrice en Vivarais chez ses grands parents paternels, des fermiers.

L'enfant, doué et travailleur, est admis chez les Oratoriens de Tournon, puis au séminaire Saint-Irénée à Lyon.

Ses études sont payées par son grand oncle, un prêtre cultivé. Fauriel acquiert ainsi une solide culture classique et la pratique des langues vivantes, une spécialité de l'éducation oratorienne.

L'air du temps

En 1790, Fauriel retrouve Saint-Étienne.

La Révolution a éclaté et le jeune homme, épris de littérature et de philosophie se trouve entraîné par ses amis Arnaud et surtout Siauve, vicaire de la Ricamarie , futur commissaire des guerres et député, vers la radicalisation politique.

Cette sympathie jacobine se traduira au plan politique comme au plan des choix intellectuels de Fauriel : outre ses fonctions publiques, il collaborera à la "Décade Philosophique" et fréquentera les Idéologues.

Loin de Saint-Étienne

Fauriel quitte définitivement sa ville pour Paris en 1799, et travaille au cabinet de Joseph Fouché, l'ancien bourreau de Lyon, devenu ministre de la police du Directoire, puis du Consulat.

Il démissionne en 1802, désormais en désaccord avec la politique autoritaire et cléricale du Premier Consul.

Certain de vivre de sa plume, auprès de Sophie de Condorcet, il débute une carrière nouvelle qui le conduira jusqu'à l'Institut de France.

Il laisse à Saint-Étienne ses demi-sœurs dans la gêne.

L'homme public

La Révolution heureuse

En 1789 et 1790 Claude Fauriel est à Saint-Irénée de Lyon. Sainte-Beuve rapporte qu’au collège, «on jouait à l’Assemblée nationale, on parodiait avec sérieux le grand drame de Paris, l’un était Mirabeau, l’autre étant Barnave, un autre Necker».

Dans le milieu de Fauriel, parmi les jeunes gens cultivés, on désirait la Révolution, et l’œuvre de la Constituante (égalité devant la loi, destruction des privilèges, mise en place d’institutions démocratiques, monarchie constitutionnelle et même constitution civile du clergé), était applaudie.

Un grand souffle passait sur la France, symbolisé par la Fête de la Fédération.

"Étude du serment du Jeu de Paume"; extrait de "La Révolution Française, images et récits"; MAG E 14575(1)

Fête de la Fédération, "Camp fédératif de Lyon tenu le 30 mai 1790", extrait de "La Révolution Française, images et récits" : MAG E 14575(2)

Influences et amitiés

Un homme exerce une influence déterminante sur Fauriel : Étienne-Marie Siauve, vicaire à la Ricamarie puis curé à Ampuis, propagandiste de la Révolution, qui choisit les Jacobins plutôt que les Feuillants.

L’opposition du pape à la Constitution civile du clergé, formulée en mars 1791, vient détruire la concorde qui régnait : Siauve abandonne l'Église dans le but de dénoncer les «prêtres fanatiques et sanguinaires…qui ont l’aristocratie dans le cœur».

Le curé devient commissaire des guerres et assure la promotion de Fauriel qui part, en mars 1793, à l’armée des Pyrénées occidentales auprès du général Servan.

Cote : FAR FA 2626

Démophile

Le soulèvement de Lyon en mai 1793, puis le siège de la ville et la terrible répression qui suivit eurent, en Forez, des conséquences importantes. La municipalité stéphanoise de Praire-Royet avait pris parti pour les révoltés.

Le représentant en mission Javogues, hébertiste, nomma par décret les nouvelles administrations : Fauriel fut appelé auprès du maire Johannot et participa à l’organisation de la production des armes. La mode étant antique, il prit le nom de Démophile.

En pleine Terreur, Fauriel prononça un discours à la fête de l’Être suprême, à Commune d'Armes, nouveau nom de Saint-Étienne.

A droite : "Fête de l'Être suprême, 20 prairial, an II", extrait de "La Révolution Française, images et récit"

Cote : MAG E14575 (4).

Cote : ANC FA2501(4)

Les années obscures

Fauriel quitte Saint-Étienne, fin 1794, pour l’École Normale Supérieure de Paris : les districts devaient fournir des citoyens instruits pour encadrer les futurs instituteurs.

Mais le projet d'instruction publique se perdit dans la réaction thermidorienne tandis qu’en Forez, les compagnons de Jéhu massacraient les Jacobins, comme Johannot.

Fauriel se réfugie à l’armée des Alpes, attaché à des besognes d’intendance, qui lui laissent le loisir d'étudier.

La politique locale cesse alors de l'intéresser. Il rejette Saint-Étienne, "ce triste pays et ses méchants habitants", suivant les termes d'une lettre à son ami Arnaud.

Fauriel veut alors gagner Paris.

À gauche, gravure représentant "La nuit du 9 au 10 thermidor". Extraite de "La Révolution Française : images et récit".

Cote : MAG E 14575(4).

L'hiver de l'an X

C’est au printemps de 1799 que Fauriel part et entre au cabinet de Fouché.

Il entretient des relations avec Mme de Staël et se lie avec Cabanis, Benjamin Constant, Destutt de Tracy, ces philosophes républicains qui souhaitent un exécutif efficace et soutiennent Bonaparte en Brumaire.

Constant et ses amis, choisis pour le Tribunat, forment l’opposition libérale au Premier Consul. Ils contestent les juridictions spéciales, le Concordat, le Code civil.

Bonaparte réagit en épurant le Tribunat en 1802 : Constant, Guinguené, Chénier sont chassés, l'opposition muselée.

Fauriel, toujours attaché aux principes de la Révolution, ne peut continuer de servir un despote. Il démissionne et entre dans une retraite studieuse.

Benjamin Constant, gravure extraite de "La Révolution Française : images et récit".

Cote MAG E 14575(5).

Un savant entre le siècle des Lumières et le Romantisme

Dès son arrivée à Paris, le jeune érudit fréquente les salons, tel celui de Mme Helvétius (salonnière française qui fut l'épouse du célèbre philosophe, Claude-Adrien Helvétius), à Auteuil.

Mais c’est sa rencontre, puis sa liaison en 1801 avec Sophie de Condorcet, veuve du philosophe, qui le lance définitivement dans le monde et lui ôte tout souci matériel. Fauriel et Mme de Condorcet vont vivre ensemble à Meulan et à Paris jusqu’à ce que la mort les sépare, en 1822.

Cartes postales extraites du Recueil factice Claude Fauriel, cote MS E 133.

Cette intellectuelle, cette féministe amie d’Olympe de Gouges, qui traduit Adam Smith et publie les œuvres de son mari, tient un salon réputé, politique et littéraire.

Les salons apparaissent au 16ème siècle.

La protection et le soutien des femmes riches et influentes qui les tiennent ont contribué de façon décisive à la réalisation d’œuvres majeures pour l’histoire de la pensée, en présidant à la naissance de la préciosité au 17ème siècle, à la création de l’Encyclopédie et à la promotion de la pensée libérale au 18ème.

Gravure extraite de "Les salons littéraires au XVII° siècle", préf. d'Etienne Dennery et avant-propos de Jean Adhemar

Cote : MAG FA 11900

Les Idéologues

C’est ainsi que Fauriel est admis aux conversations des Idéologues (Destutt de Tracy, Cabanis, Guinguené, Daunou).

Dans le sillage des Lumières, particulièrement de Condillac, les Idéologues veulent promouvoir une science des idées, opposée à la croyance.

L'idéologie est un système de pensée cohérent, indépendant des conditions historiques. Ce qui guide ces penseurs, c'est l'application des sciences aux phénomènes sociaux.

Fauriel, républicain, ennemi du despotisme, collabore à la Décade, organe des Idéologues. Il y défend la philosophie des Lumières, attaquée par les écrivains contre-révolutionnaires.

Portrait de Cabanis.

Traducteur et philhellène

En 1806, le préromantique danois Baggesen rencontre Fauriel : une amitié naît. Elle se matérialise par la traduction de l’œuvre du poète, "La Parthénéide".

À la même époque, c’est le premier contact avec Alessandro Manzoni, futur auteur des "Inni sacri", de "Carmagnola" et des "Promessi sposi" (œuvre-clé de la renaissance de la nation italienne).

Fauriel traduit l’œuvre de son ami, en 1823.

Pendant la révolution grecque, Fauriel acquis au mouvement philhellène, traduit "Les Réfugiés de Parga" du poète italien Berchet, et donne ses "Chants populaires de la Grèce moderne" (1824).

L’avant-propos situe ces textes dans une perspective historique et philologique.

Philologie et comparatisme

Chercher dans l’histoire des langues l’évolution de l’esprit humain : voilà le champ d’études que se donne maintenant Fauriel, par la grammaire et le comparatisme.

Tout cela est issu de la philologie allemande, de Wolf à Schlegel et à Bopp, et relie les Lumières au Romantisme naissant.

Fauriel y ajoute l’étude des littératures, dans la mesure où elle fixe, à un moment donné, l’évolution des langues à partir d’un substrat commun et fondent des origines : «Les langues fournissent dans l’histoire la plus longue mesure de la durée des peuples». Ce qui permet la construction d’une conscience nationale.

À une histoire narrative, Fauriel substitue une histoire à base scientifique.

Les langues romanes deviennent son domaine.

Folio du "Roman des Sept Sages de Rome", MS ANC E286

L’œuvre historique

Les publications historiques débutent en 1812, avec un article sur "L’Histoire littéraire de l’Italie", de Guinguené.

Elles se terminent après la mort de Fauriel, avec la publication des "Derniers Jours du Consulat", en 1886.

Durant plus de 30 ans, Fauriel publie dans les revues savantes : "Archives philosophiques", "Bibliothèque de l’École des Chartes", "Revue Encyclopédique", "Revue des Deux-Mondes".

Trois livres contiennent sa contribution principale : "De l’origine de l’épopée chevaleresque du Moyen-âge "(1832), "Histoire de la Croisade contre les hérétiques Albigeois" (1837), et surtout "Histoire de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants germains" (1837) : Fauriel voit dans la langue provençale la matrice des langues romanes.

Le professeur

Juillet 1830 : Paris renverse les Bourbons. Des amis de Fauriel, notamment Guizot avec qui il entretient des relations depuis 1811, arrivent au pouvoir.

Une chaire nouvelle de littérature étrangère est créée pour lui à la Sorbonne. Il y enseigne la littérature médiévale dont on exhume les textes et la poésie provençale. Ce cours est bientôt complété de leçons sur les poésies épiques serbes et grecques, sur la littérature italienne et espagnole, sur les langues indo-européennes.

En 1834 , il entre au Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la France, institué par Guizot, pour rassembler les matériaux de l’histoire nationale.

Commémoration

Le cours Fauriel

Pendant un demi siècle, la ville se désintéresse d'un Fauriel qui lui est devenu étranger.

La promotion de Saint-Étienne au rang de préfecture en 1855, l'expansion urbaine du Second Empire, entraînent la recherche de gloires locales pour nommer les rues nouvelles : en 1857, on baptise "cours Fauriel" la promenade arborée décidée par le maire Faure-Belon, et achevée en 1865.

Le Maire Faure-Belon.

Le Lycée Fauriel

En 1943, à l'initiative de la revue littéraire "Les Amitiés foréziennes et vellaves", le conseil municipal de Saint-Étienne émet le vœu de "donner au lycée de garçons... le nom de Lycée Claude Fauriel".

En mars 1944, le maire Guyot indique à son conseil municipal que le ministre Abel Bonnard "a exprimé le désir que ce lycée soit placé sous le patronage du savant et profond écrivain stéphanois, Claude Fauriel."

Le Lycée, ouvert en 1890, reste, de nos jours, le Lycée Claude Fauriel.

Hommage logique rendu à un homme d'études !

Le lycée Claude Fauriel actuellement (source Wikipédia).

Fin...