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La vie ensuite Au centre hospitalier de Saint-Amand-les-Eaux, dans le service de rééducation

La rééducation, une voie vitale

Réapprendre les gestes du quotidien après un accident vasculaire cérébral, les comportements alimentaires à adopter suite à un acte de chirurgie bariatrique. Refaire surface. Se faire confiance. Au centre hospitalier de Saint-Amand-les-Eaux, les services de rééducation neurologique et nutritionnelle, dotés d’un plateau technique ultra-spécialisé, jouissent d’une réputation solide.

Le centre hospitalier est situé avenue des Sports, à Saint-Amand-les-Eaux.

Rééduquer, pour sortir de l’obésité

L’obésité a aujourd’hui atteint le seuil de l’épidémie mondiale.

« C’est une maladie, même si on a beaucoup de mal à la faire reconnaître comme telle. » Et c’est parce que la région des Hauts-de-France est particulièrement concernée « qu’on a été les premiers à écrire un schéma régional d’organisation de soins ». Nathalie Brohette dirige le service de rééducation nutritionnelle du centre hospitalier de Saint-Amand-les-Eaux, « le plus adapté à ce type de pathologie, au nord de Paris ».

Nathalie Brohette, à la tête du service de rééducation nutritionnelle.

L’unité existe depuis dix ans et enregistre 300 hospitalisations annuelles. Des personnes souffrant pour la plupart d’obésité sévère (avec un indice de masse corporelle supérieur à 35-40) qui doivent être suivies avant et après un acte de chirurgie bariatrique. « Chez elles, les risques pour la santé sont très élevés. » Hypertension, insuffisance respiratoire, problèmes osseux, cutanés… « La vie va tout doucement être envahie par les conséquences du surpoids. »

Âgés de 16 à 65 ans, les patients sont envoyés là par des services spécialisés pour des séjours d’environ trois semaines. Indispensables. « On travaille beaucoup avec Lille et Valenciennes. Il existe trois gestes en France : la rééducation gastrique, la sleeve gastrectomie et la dérivation digestive. » La perte de poids, après opération, est fulgurante. Les contraintes nutritionnelles et la surveillance à vie sont la contrepartie. « L’objectif, c’est de maintenir le poids obtenu avec la chirurgie. »

« Ici, les balances pèsent jusqu’à 270 kilos, les tables d’examen sont plus larges, le matériel pensé pour eux »

Une vingtaine de professionnels de santé gravitent autour d’eux. « Ici, les balances pèsent jusqu’à 270 kilos, les tables d’examen sont plus larges. » Le regard est bienveillant, la salle de sport adaptée. « Au niveau sociétal, il y a encore beaucoup à faire. Les clubs d’activité physique sont formatés pour des personnes de corpulence normale, un patient obèse a moins de chances de trouver un travail… » Au-delà du surpoids, c’est aussi le moral qu’il faut soigner. Apporter une aide globale, développer les capacités d’autonomie, leur prouver qu’ils sont capables.

« Tout ce qu’on met en place ici doit être reproductible à l’extérieur. Ils font des expérimentations, on est sur de la mise en pratique, pas du cours théorique », insiste Nathalie Brohette. Lorsqu’ils sortent du service, les patients ont réappris à bouger avec un corps qui change, à équilibrer leurs assiettes. « On leur a démontré qu’ils étaient compétents. » Et qu’ils pouvaient gérer seuls, désormais.

Pour Nathalie Brohette, le lien entre obésité et précarité est démontré.

Obésité et précarité

« Le lien entre obésité et précarité est démontré, assure Nathalie Brohette. Les plus précaires sont ceux qui ont le plus de risques de développer une obésité sévère. » L’hôpital de Saint-Amand-les-Eaux travaille avec les centres communaux d’action sociale pour amener à des changements de comportement. Seulement « la population la plus touchée est aussi celle qui rencontre le plus de difficultés pour se soigner. Il y a encore beaucoup de choses à faire, aller au plus près des populations, avoir des relais en ville ».

« Les plus précaires sont ceux qui ont le plus de risques de développer une obésité sévère. »

En nutrition, une salle de sport adaptée...

... tout comme la salle d'examens.

La nutrition, c'est tout un apprentissage à revoir.

RÉÉDUQUER, APRÈS UN AVC

« Entre 20 et 25% des AVC relèvent de la rééducation »

Ghassan Ido est chef du service de rééducation neurologique, ouvert en 2004 au sein du centre hospitalier de Saint-Amand-les-Eaux. Une unité spécialisée notamment dans la prise en charge des personnes cérébro-lésées, qui compte aussi six lits pour les patients en état végétatif chronique.

Ghassan Ido, chef du service de rééducation neurologique.

Quel est le rôle de votre service ?

On fait partie des soins de suite et de réadaptation (SSR), spécialisés en neurologie. Les patients qui arrivent ici peuvent présenter un handicap physique et cognitif. L’objectif, c’est de leur redonner le maximum d’autonomie. Un protocole de rééducation se met en place autour d’eux, avec une équipe pluridisciplinaire (médecins, ergothérapeute, orthophoniste, neuropsychiatre, psychomotricien, assistante sociale, aides-soignantes, kinés, etc., ndlr). Il faut s’interroger sur ce qu’on peut obtenir, sur ce qu’on se fixe. Le suivi est sans limite, selon les besoins et le projet d’avenir, même si on passe le relais au libéral à un moment donné. On va au bout avec eux, pour qu’ils aient une vie la plus normale possible. On s’occupe de toutes leurs problématiques. »

« ON va au bout avec eux, pour qu’ils aient une vie la plus normale possible. On s’occupe de toutes leurs problématiques. »
Les soignants aident les patients à aller au maximum de leurs capacités.
L'hôpital est doté d'un plateau hautement spécialisé.
Le plateau d'analyse de mouvements.

Après un accident vasculaire cérébral (AVC), arrive-t-on automatiquement dans votre unité ?

« On enregistre environ 1 000 AVC par an à Valenciennes, qui surviennent malheureusement à n’importe quel âge. Entre 20 et 25% relèvent de la rééducation. Certains cas sont complexes, d’autres récupèrent une autonomie quasi complète. Dans tous les cas, ce sont des gens qui demandent beaucoup de soins au départ. »

Quelle est la durée moyenne d’un séjour ?

« Quarante-six jours. Mais l’hospitalisation est fonction du degré de handicap. Pour certains, le retour à domicile peut-être envisagé avec une aide physique (ménage, toilette…) ou technique (déambulateur). Pour d’autres, il faut trouver une structure adaptée. Face au manque d’établissements de type MAS (maison d’accueil spécialisée), les plus jeunes vont parfois en Belgique. Les personnes âgées, elles, partent en EHPAD. »

Combien accueillez-vous de patients, chaque année ?

« Environ 150. Nous sommes très connus pour la prise en charge de ce genre de handicap, dans le Nord. Des universitaires du centre hospitalier de Lille viennent consulter ici, on a une salle d’isocinétisme (pour explorer et travailler sur les articulations), une autre d’analyse de mouvements en partenariat avec l’université de Valenciennes. On est doté d’un plateau technique hautement spécialisé, même si on est limité en nombre de places ou au niveau financier, et qu’on espère toujours avoir plus pour nos patients. On dispose de 20 lits pour les cérébro-lésés, de trois places dites en hôpital de jour. On a aussi six places pour les personnes dans un état végétatif chronique. Certaines sont là depuis l’ouverture du service. »

« Nous sommes très connus pour la prise en charge de ce genre de handicap, dans le Nord. »
La salle d'isocinétisme, pour explorer et travailler sur les articulations.

L’alerte AVC

Flou dans les yeux, difficultés pour parler, bras qui tombe d’un côté, jambe qui flanche… « Dès qu’on sent les premiers symptômes, il faut appeler le 15, martèle le docteur Ido. Le SAMU est formé, ce n’était pas le cas il y a une quinzaine d’années. » Plus l’accident vasculaire cérébral est pris en charge rapidement, « mieux c’est pour minimiser les conséquences ». Le médecin conseille également d’entrer dès que possible dans un service de rééducation, pour réapprendre à manger, à marcher…

Passé le traitement d'urgence, le Dr Ido conseille de commencer très vite la rééducation.
« Dès qu’on sent les premiers symptômes, il faut appeler le 15. »

Laurent, du P’tit resto à la neuro

Laurent Guilbert, infiniment reconnaissant pour les soins apportés.

Il ne se sert plus de sa canne. Sa main va mieux. Avant, avec son épouse Sylvie, Laurent tenait le P’tit resto de la place Dampierre à Valenciennes, et ne pensait qu’au boulot. « Aujourd’hui, il prend davantage le temps de vivre », racontent ses proches. Le restaurant a fermé. Le cuistot a fait deux AVC. « Le premier, c’était en octobre 2016. » Il atterrit alors à Saint-Amand-les-Eaux, pour trois semaines de rééducation. « Je n’avais presque rien, je ne me sentais pas forcément à ma place. »

« Je suis parti du centre hospitalier de Valenciennes couché. »

Le deuxième AVC est plus grave. « Hémorragique », précise sa femme. Il laissera davantage de séquelles. « Je suis parti du centre hospitalier de Valenciennes couché. » Lorsqu’il retrouve le service amandinois, on l’assoit rapidement dans un fauteuil. Il faut tout réapprendre, et d’abord à marcher. « Ce n’était plus lui… », souffle sa belle-fille. Laurent passe trois mois dans l’unité cette fois. « J’étais handicapé. Il faut de la volonté. J’y allais à fond. » Pétanque, cuisine… Les activités proposées sont un joli prétexte. Les résultats sont là. « J’aimais tout ce que je faisais là-bas. »

Laurent quitte le docteur Ido et son équipe en janvier, puis passe six semaines en hôpital de jour. À sa sortie, il faut réenvisager le futur. Invalidité, chômage… « Tout vous tombe dessus et il n’y a plus d’entrée d’argent… », déplore son épouse. Le P’tit resto est mis en vente, le couple décide de mettre le cap au Sud. Début octobre, ils sont revenus à Saint-Amand pour un rendez-vous post-AVC. « J’espère ne jamais y retourner, mais si j’ai un problème, je m’y fais directement rapatrier. Ce sont de bons médecins. » Sylvie avoue vivre dans la peur d’un troisième accident vasculaire cérébral. « J’ai toujours ma femme sur le dos, c’est pénible ! » Laurent sourit, dit que sa maladie lui a donné « la rigolomanie ». Elle l’a privé de ses fourneaux.

« J’espère ne jamais y retourner, mais si j’ai un problème, je m’y fais directement rapatrier. Ce sont de bons médecins. »

Marie Delattre (textes), Pierre Rouanet (photos) et Laurent Breye (réalisation).

Credits:

Photos Pierre Rouanet

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